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Schoelcher : mythes et réalité ( partie 3 )
Justice
sadisme
impunité
Luvre de Victor Schlcher dénonce aussi dans le détail la barbarie et limpunité dans lesquelles vivent les « habitants », tous soumis à un semblant de justice qui condamne à des peines ridicules des Blancs coupables de tortures dune barbarie sans nom, passages à tabac et meurtres sur leurs esclaves - hommes, femmes et enfants compris.
Dans cet univers, le lobby des colons est une véritable mafia dévouée à son seul et unique service. Cest un État dans lÉtat. Ou, si vous préférez, cest Cosa Nostra avant la lettre. Quelque soient les échelons sociaux auxquels on se trouve confronté, les membres de cette « entente » y sont en force et en nombre : force de lordre, juges, maires, jurés etc. Le népotisme est l'une des règles de ce système dans lequel les bénéficiaires promouvront à leur tour leurs rejetons, leurs frères, leurs cousins par alliance bref, toute une engeance ultra-conservatrice élevée au grain de la haine du Noir et du despotisme socio-racial le plus arriéré.
Les colons font pression sur les religieux métropolitains fraîchement arrivés dans les colonies car ils redoutent l'enseignement trop émancipateur quils pourraient octroyer aux esclaves. Les gouverneurs sont à leurs bottes. Les fonctionnaires de métropole qui nembrassent pas lesclavagisme le plus rétrograde sont pressés de toute part jusqu'à ce qu'ils abandonnent le terrain et soient mutés ailleurs. En Martinique, un fonctionnaire du nom de Bortel sest vu obligé de quitter lîle uniquement parce quil avait reçu des Nègres à sa table. Le lobby colonial nayant pas supporté ce « traître à sa race » pactisant avec les nègres, il fallait par conséquent le châtier afin quidées saugrenues de la sorte naillent pas germer dans lesprit dautres Blancs. Ils sont nombreux ceux des fonctionnaires que lon expulse juste pour avoir eu un soupçon de sympathie pour les Nègres.
Même les religieux ont leur esclaves aux colonies. A la Martinique, les Dominicains sont en possession de cinq cent esclaves dans leur sucrerie et ces derniers sont aussi maltraités que les esclaves appartenant aux « habitants ».
Autant dire quavec cette atmosphère pestilentielle qui court, les esclaves nont aucune chance de voir un « procès » ( quand il y en a rarement un ) tourner à leur avantage. Aucune.
Les journaux des colonies invectivent avec la plus grande des violences et font de véritables procès en sorcellerie à toute personne relatant liniquité de la « justice » coloniale. Schlcher était certes leur bête noire, mais nous ne parlons même plus là des abolitionnistes de sa trempe - peu nombreux contrairement à ce qui se dit - mais du seul fait de considérer que justice na pas été rendue dans les règles requises par la morale. Schlcher tempête :
« Quoi ! Il sest trouvé à la Guadeloupe, un commissaire de police pour fouetter une femme enceinte, jusquà lui déchirer le corps, jusquà lui faire perdre sur place des torrents de sang ; un avocat, maître de la femme, pour autoriser le supplice, et des magistrats pour absoudre ces coupables dont le crime est flagrant ; et en présence de ce fait acquitté, qui suffirait seul à caractériser un état social, [le journal ] lAvenir de la Pointe-À-Pitre na de cri de vengeance que contre ceux qui le signalent ! » (1)
Schlcher va déclencher lire des colons à son encontre car, en plus de mentionner des faits flagrants dimpunité, il cite surtout les noms des criminels qui voient leur patronyme étalé en place publique.
En Guyane, la même règle dimpunité existe alors. En 1843, laffaire du régisseur Fourier est symptomatique de ce système de prévarication généralisée subsistant au sein des autorités coloniales. Laffaire Fourier ? Cest lhistoire dun « sérial-tabasseur » qui se plaît à rosser ses esclaves au moindre prétexte et qui finit par en laisser quelques uns sur le carreau. Lacte daccusation à lui seul donne le tournis. Il est reproché à Fourier davoir exercé des actes de barbarie : « 1° Sur le nègre Henri, dit Gros-Bibi, arrêté en marronnage, en lui faisant cracher au visage et frapper aux deux joues avec un soulier ferré, par tout latelier de lhabitation la Marianne (
) en le faisant enchaîner pendant un mois, malade, à une chaîne du poids de vingt-cinq kilogrammes, et dans cet état ne lui fournissant qu une nourriture insuffisante ; en le soumettant à un travail au-dessus de ses forces et à une fustigation quotidienne de vingt-cinq coups de fouet pendant une semaine au moins, et en outre, en le frappant lui-même à coup de bâton ;
Faits qui, perpétrés volontairement et avec préméditation, ont occasionné, le 18 septembre 1841, la mort de Henri, dit Gros-Bibi, sans intention de la donner.
2° Sur le nègre Abadia, en brisant sur sa tête et son corps une pagaie avec laquelle il lui portait volontairement et avec préméditation des coups qui ont occasionné audit (sic) Abadia une maladie et une incapacité de travail de plus de vingt jours.
(
)
4° Sur le nègre Antoine dit ( note du rédacteur : le surnom est illisible ) au moment où il avait des menottes, en lui portant, volontairement et avec préméditation trois coup dun sabre arraché violemment au commandeur.
5° Sur le nègre Césaire, atteint de la maladie dont il est mort, en le frappant lui-même, volontairement et avec préméditation, et lui portant, en outre, plusieurs coups de pied quelques instants avant sa mort (
) » (2)
Les chefs daccusation sont au nombre de huit en tout et comme il la été noté par tout il aiguisé, nous comptons deux morts « indirects ». Mais est-il vraiment nécessaire de préciser que le nommé Fourier a tout bonnement été acquitté ?
Que risque-t-on réellement quand on tue un ou une esclave lorsque lon est blanc dans les colonies au temps de lesclavage ? Quasiment rien ou presque, même si le Code Noir brandit virtuellement la menace de la justice.
Condorcet ( sous le pseudonyme de M. Schwarz : « noir » en allemand ) écrira à juste titre en 1788 : « Il n'y a pas eu, depuis plus d'un siècle, un seul exemple d'un supplice infligé à un colon pour avoir assassiné son esclave » (3). Quand on a connaissance de la nature expéditive et brutale de la justice qui a lieu en France en cette période, celle-là même qui a épouvanté Voltaire dans laffaire Calas, on appréhende mieux la portée de cette assertion : la justice des colonies est une justice raciale, donc inéquitable. Elle se doit de conforter le colon blanc dans sa brutalité, son racisme mesquin fait dignorance et de bêtise, et son sentiment de prééminence face aux esclaves et aux autres libres. Point.
Jugée le 3 novembre 1846, laffaire Edmond Hurel est un autre exemple de cette justice raciale. Ce planteur et membre du puissant Conseil colonial fait appeler dans sa chambre, très tôt le matin du drame qui va se jouer, son esclave Euranie, mulâtresse âgée de 18 ans, pour des motifs qui, de lavis de Victor Schlcher, sont purement dordre sexuel : il voulait sexuellement abuser delle comme cétait de coutume chez les colons (4). Nayant pas réussi à obtenir ce quil désirait, Hurel laccuse soudainement de vol et, entrant dans une folle colère, lui concocte un passage à tabac en bonne et due forme, pourchassant la jeune femme dans toute lhabitation pour la corriger. La jeune Euranie décèdera sur le champ suite à une hémorragie interne.
Motif officiel de lire du très soupe au lait Hurel ? La jeune esclave aurait maraudé trois lapins, qui en fait ont disparu depuis des semaines. Il faut garder en mémoire que le Code Noir peut, en cas de vol, réclamer la peine de mort pour lesclave (5). Laccusation est donc opportune. Chaque fois quun colon tue un de ses esclaves, il a la possibilité de mettre son forfait sur le compte dun constat de vol de la part de lesclave tué, histoire de se prémunir. Pensez donc ! Acquitté le sieur Hurel ? Non, pas cette fois ! La justice qui fait une distinction entre « homme » et « homme noir » a enfin fait son « travail » puisquelle le condamnera
à 6 mois de prison et 300 francs damende. Sans compter quil a été reconnu que le planteur a visiblement essayé de suborner quelques témoins du meurtre. Six mois de prison pour avoir pris la vie dune gamine de 18 ans qui se refusait à lui. Cest surtout ça lesclavage
Continuons la visite du musée de la non-justice coloniale avec le cas de la petite Thomassine, 9 ans, qui, durant toute lannée 1841, fut victime de son maître, Laurent Chatenay, soixante-quatorze ans. Ce dernier finit - enfin - par être jugé pour lavoir accroché par les jambes et les bras à quatre piquets plantés en terre afin de lui mettre une correction au fouet. Le procès-verbal expose le contenu du rapport médical :
« Lesclave Thomassine nous a fait reconnaître environ vingt-cinq cicatrices longitudinales situées à la partie postérieure et inférieure du dos, ayant diverses directions, lesquelles paraissent être le résultat de coups de fouet quelle aurait reçus à des périodes différentes et dont le dernier châtiment lui aurait été infligé depuis plus dun mois.(
) Toutes ces lésions peuvent faire supposer que le châtiment reçu par lesclave Thomassine, a été sévère en raison de son âge, mais que, néanmoins il na pas été excessif » (6)
Il sagit ici dun fouet qui laboure le dos dune enfant de 9 ans, pas dun martinet. Mais le procès-verbal, répétons-le encore, fait une nette distinction entre « Homme » et « homme noir ». Le vieux Chatenay sera donc condamné à 200 francs damende par la justice. A linverse, des esclaves tués parce quils ont porté la main sur leur maître existent en quantité (7)
Un autre casseur denfants est le dénommé Léo Mezire qui, le 9 novembre 1846, envoie Sainville, son esclave de 7 ans, acheter une bouteille de rhum. Manifestement, un conflit existe entre le vendeur de rhum et le dénommé Mezire. Du coup, les 15 centimes de monnaie que le jeune Sainville devait retourner à son maître seront retenus par le commerçant qui, en plus, réclame 20 centimes supplémentaires issus dune ancienne dette. Léo Mezire sacharnera donc
sur son jeune esclave qui na pas ramené la somme exacte quil attendait : 15 coups de liane par un de ses sous-fifres, puis 15 autres par lui-même ; encore 15 coups le jour suivant puis 10 pour le surlendemain. Tout cela sur un enfant de 7 ans. Tout cela pour ne pas avoir fait en sorte que les ordres soient exécutés comme le maître leut ordonné : 8 jours de prison et 25 francs damendes pour le dénommé Mezire.
Que le propriétaire d'une sucrerie se rende compte que sa petite affaire ne fonctionne pas correctement et voilà qu'il accuse certains de ses esclaves d'empoisonner les bêtes et les autres nègres. C'est le cas de M. Brafin de Saint-Pierre qui, durant l'année 1838, perd en deux mois cinquante de ses esclaves. Ses « soupçons tombent sur les esclaves Théophile, Camille, Zaïre et Marie-Josephe, trois femmes et un homme. Il les réunit, leur impose la responsabilité du mal, et leur annonce des châtiments sévères, s'il éprouve de nouvelles pertes. Les soupçons sur quoi sont-il fondés ? ne le demandez à aucun maître, ils n'en savent rien, et n'en peuvent rien savoir. Ils soupçonnent celui-la plutôt que tel autre, voila tout (...) Enfin le 5 et 7 juillet 1838, deux esclaves succombent encore à l'hôpital. Théophile précisément s'y trouvait malade, et sa concubine Zaïre communiquait avec lui. M. Brafin ne manque pas de leur attribuer un crime de plus. Il quitte Saint-Pierre où il habite, assemble l'atelier, rappelle les menaces faites aux quatre noirs désignés, et les condamne au fouet, ainsi qu'un autre esclave nommé Jean-Louis. L'exécution commence immédiatement ; à Zaïre, à Théophile, succède la femme Marie-Josephe ».
Après le passage du nègre Saint-Prix, un enfant de 15 ans, et celui du géreur, le maître trouve que les bourreaux ont la main ou trop légère ou trop maladroite. « Brafin, lui-même s'empare du fouet et il frappe ; il frappe de sa propre main cette femme qui est restée nue pendant ces tristes épreuves, et qui ne se relève sanglante qu'après avoir passé sous le fouet de trois bourreaux deux blancs et un enfant nègre ! C'est encore lui, le maître, qui taille Jean-Louis (...) - A la suite de ces exécutions Brafin met un carcan (8) à chaque condamné hommes ou femmes » (9)
De l'arbitraire ? Allons plus loin. Il manque une esclave dans le lot : c'est Camille, qui vient tout juste d'accoucher et allaite son bébé né la veille. Brafin file vers sa case et la menace. Il fera tout de même preuve de mansuétude puisquil « lui attache un carcan au cou !! et se retire » (10)
En dautres circonstances, les femmes enceintes devant subir le fouet pour des prétextes que lon imagine dérisoires, profitaient de lingéniosité des colons qui creusaient un trou au sol pour accueillir les rondeurs ventrales dues à la grossesse afin que la Sainte justice du fouet soit rendue dans de « bonnes » conditions. Par ailleurs qui sen étonnera ? Les enfants des colons reproduisent à l'identique sur les enfants des esclaves noirs tout ce que leurs propres parents font aux parents de ceux qu'ils s'échinent à rosser, à humilier et à rabaisser plus bas que terre dès leur plus jeune âge. Quand ils n'ont pas à leur disposition des petits esclaves de leur âge, ils peuvent, à l'occasion, se rabattre sur des adultes qui ne manifestent tout simplement aucune riposte et se laissent corriger et avilir dans le silence et la honte. Les rejetons des colons assimilent ainsi dès le plus jeune âge tous les traits de larrogance raciale.
On ne le dit jamais assez : lesclave vit dans un véritable camp de concentration de sa naissance à sa mort. Et cette malédiction est héréditaire : ses fils et ses filles reprendront l « affaire familiale » sur plusieurs générations. Les esclaves sont « contrôlés dans leurs allées et venues, surveillés dans leur vie sexuelle et familiale, interdits de métiers, contraints à l'usage de certaines formes vestimentaires [ et ] victimes de mille et une discriminations (
) » (11). Ils doivent un respect total envers les Blancs et le moindre écart est sanctionné : il faut cultiver linfériorité, la honte, le « larbinisme », le mépris de soi, la peur pour que chacun reste à sa place et que la colonie continue à bâtir des fortunes et à produire ces denrées dont la métropole a tant besoin.
Lesclave est soumis à la terreur et aux caprices de ce maître, à la barbarie du semblant de loi qui le vise lui, non pas en tant que citoyen à part entière ou sujet du roi ( pour la période pré-révolutionnaire ) mais en tant que membre dune race-meuble (12) condamnée à la servitude héréditaire, à linfériorisation de son essence, de son être et à lauto-drépréciation savamment entretenue. Lesclave ne devait pas être instruit. Il travaille, il prie (13) et il se fait fouetter. Les femmes, elles, sont à la disposition sexuelle des Blancs, jamais repus de débauche.
Les orphelinats nacceptent de recueillir que les enfants blancs. Lors dune visite, Schlcher sétonne de lhomogénéité raciale des orphelins de lhospice de Saint-Pierre. La sur lui rétorque le plus innocemment du monde que les enfants dascendance africaine peuvent toujours se faire domestiques au service des blancs
contrairement aux Blancs qui, bien sûr, méritent un autre sort.
Les colons monnayent les enfants de leurs esclaves sans aucune gêne. « Ils [vendent] même aussi leurs propres enfants issus de leurs uvres avec quelquune de leurs femmes esclaves » (14). Les enfants esclaves sont, par milliers, arrachés à leur famille pour être vendus. Une histoire de quelques cas seulement ? Certainement pas. Citant G.W Alexander et John Scoble, Schlcher dénombre, entre 1825 et 1839, « 7698 enfants impubères, cest-à-dire âgés de moins de douze ans révolus pour les filles, et de moins de quatorze ans pour les garçons, [qui] furent ainsi arrachés à lamour de la famille dans la seule colonie de Guadeloupe » (15). Lorsque lapprovisionnement en esclaves se raréfie, les colons nhésitent pas à faire de lélevage de négrillons. Même si « cette pratique naura jamais, à ce quil semble, dans les colonies françaises limportance quelle arrivera à atteindre en certains États dAmérique du nord, en Virginie par exemple, où des maîtres organisent des élevages systématiques de " négrillons " et de " négrittes " pour lexploitation » (16).
Lair est irrespirable dans les colonies pour les Noirs. Quelques années avant labolition de 1848, et bien avant l « État français » du maréchal Pétain et les lois dapartheid aux U.S.A et en Afrique du Sud, dexquis écriteaux annoncent la couleur discriminante dans les lieux publics comme à La Savane de Fort de France : « Entrée interdite aux nègres, aux gens de couleur et aux chiens ». Pauvres chiens
Dans lédit nommé « Code Noir », le marronnage était déjà très sévèrement puni : « le nègre, marron pendant un mois, aura les oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de lys sur l'épaule gauche ; enfin, la troisième fois, il sera puni de mort ». (17)
Pour semer la peur chez les esclaves, la barbarie na donc point de limite. Un esclave de Martinique fut ainsi condamné le 20 octobre 1670 par le Conseil de Martinique à avoir la jambe coupée et, comble du cynisme, que celle-ci soit attachée à la potence de la place publique pour bien marquer l'esprit des autres esclaves. De quoi est accusé le malheureux ? Il avait tué ...un ânon (18).
Dans la réalité, une autre peine de mort est toute aussi effective : on lâche les chiens sur les traces des esclaves « déserteurs » et les malheureux capturés se font déchiqueter et dévorer par des chiens dressés spécialement pour la chasse aux nègres. Pour faire pression sur les esclaves en fuite, on nhésite pas à passer à tabac et à torturer les enfants et autres proches de celui-ci et de le lui faire savoir afin quil fasse volte-face et retrouve cette raison qui le condamne à accepter sa propre déshumanisation. Le suicide existe. Il est même omniprésent et est souvent le dernier recours. A Basse-Terre, on a vu un esclave qui sest fait « sauter la cervelle en mettant le feu à une cartouche placée dans sa bouche ». Dautres se pendent. Des cas desclaves qui tuent leur enfant quelles viennent de mettre au monde ou sauto-avortent en plein milieu de leur grossesse pour ne pas donner naissance à un réprouvé en puissance, sont avérés. Pendant ce génocide à petit feu, à Paris, les rombières et mégères pantouflardes de la bonne société adorent exhiber leurs négrillons importés des îles. Signe de richesse pour celles qui en possèdent, ces petits Noirs remplacent avantageusement, pensent-elles, les petits singes quelles affectionnent au même point.
Qui s'en soucie ? Le racisme anti-noir en France est et a toujours été un divertissement avant tout.
Malenfant, un propriétaire desclaves de Saint-Domingue qui, plus tard, sopposera à lexpédition de Napoléon en vue de rétablir lesclavage dans la colonie, raconte la barbarie quotidienne :
« (...) On a vu un Caradeu aîné, un Latoison-laboule, qui, de sang froid, faisaient jeter des nègres dans les fourneaux, dans des chaudières bouillantes, qui les faisaient enterrer vifs et debout, ayant seulement la tête dehors, et les laissaient périr de cette manière, heureux, quand, par pitié, leurs camarades abrégeaient leurs tourments en les assommant à coup de pierres » (19)
En 1768, lécrivain Bossu note : « Jai vu un habitant, nommé Chaperon, qui fit entrer un de ses Nègres dans un four chaud où cet infortuné expira ; et comme ses mâchoires sétaient retirées, le barbare Chaperon dit " Je crois quil rit encore ", et prit une fourche pour le fourgonner (
) » (20). Quun esclave rate un plat lors dun dîner, et la maîtresse exige que lon saisisse le malheureux et quon le jette dans le four brûlant. L impunité vous dit-on !
Si le concubinage et la débauche horrifient les autorités car elles y voient un abâtardissement de la race blanche, il n'en reste pas moins qu'elles ne condamnent pas les colons qui violent ou prennent pour maîtresses des Négresses et des Mulâtresses. En revanche, des femmes blanches qui prennent pour concubin un Noir - les inconscientes - c'est là une autre paire de manche. Une affaire dhonneur et de suprématie raciale. Le 23 mars 1708, un esclave nommé Jeannot est traîné devant le siège royal de Petit-Goâve à Saint-Domingue afin dy être jugé pour avoir vécu une histoire d'amour avec une Blanche dont il eut trois enfants. On poussa le malheureux nu et tiré par une corde au cou à déclarer que « méchamment il a eu l'audace et l'effronterie d'entretenir une femme blanche d'adultère ». Il devra demandé pardon à Dieu, au Roi et à la justice pour avoir fauté, puis aura le poing droit coupé. Il sera ensuite « mené et conduit dans la Place d'Armes où il sera pendu et étranglé jusqu' à ce que mort s'ensuive ». Les réquisitions font froid dans le dos ? Pas pour tout le monde. Le substitut trouve que la sentence est très légère compte tenu du déshonneur porté à la race blanche toute entière et propose dalourdir les supplices. Jeannot aura droit à un extra : il aura les oreilles coupées et sera marqué au fer de la fleur de lys sur les joues, puis il subira des coups de verge et finira attaché trois dimanches de suite à la place publique de Goâve. Cest seulement après que lon pourra lui donner la mort barbare prescrite plus haut. L'inconsciente, quant à elle, sera condamnée à passer trois années de sa vie dans un monastère et, si son mari légitime ne vient pas la chercher au bout de ces trois années, elle y passera le reste de sa vie après avoir été tondue et voilée (21).
LIRE LA SUITE
NOTE :
1. Cité dans « Histoire de l'esclavage pendant les deux dernières années, livre 1» page 181
2. Cité dans « Histoire de l'esclavage pendant les deux dernières années, livre 1» page 189-190
3. « Réflexion sur l'esclavage des nègres » Par M. Schwartz ( Condorcet ), pasteur du Saint Évangile à Bienne, Membres de la société Économique de Bxxx. Cité par Louis Sala-Molins « Le Code Noir où le calvaire de Canaan »,page 208, éditions PUF.
4. Cité dans « Histoire de l'esclavage pendant les deux dernières années, livre 1. », page 239-240-241
5. Article 35 du Code Noir : « Les vols qualifiés, même ceux de chevaux, cavales, mulets, bufs ou vaches, qui auront été faits par les esclaves ou par les affranchis, seront punis de peines afflictives, même de mort, si le cas le requiert »
6. Cité dans « Histoire de l'esclavage pendant les deux dernières années, livre 1. », page 440-441
7. Article 33 du Code Noir : « L'esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort »
8. Le carcan est un collier de fer qui enserre le cou
9. Cité dans «Des colonies françaises. Abolition immédiate », page 34-35
10. Ibid.
11. Louis Sala-Molins, page 213, op. cit.
12. Article 44 du Code Noir : « Déclarons les esclaves être meubles et comme tels entrer dans la communauté, n'avoir point de suite par hypothèque, se partager également entre les cohéritiers, sans préciput et droit d'aînesse, n'être sujets au douaire coutumier, au retrait féodal et lignager, aux droits féodaux et seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni au retranchement des quatre quints, en cas de disposition à cause de mort et testamentaire »
13. On lincite à prier surtout parce que la foi est larme absolue pour le conditionnement des esclaves et leur résignation. Dans une de ses lettres, un moine revient sur le discours quil tint à des esclaves-marrons guyanais : « Souvenez-vous, mes chers enfants, leur disais-je, que, quoi que vous soyez esclaves, vous êtes cependant chrétiens comme vos maîtres ; que vous faites profession depuis votre baptême de la même religion queux, laquelle vous apprend que ceux qui ne vivent pas chrétiennement tombent après la mort dans les enfers. Quel malheur pour vous si, après avoir été les esclaves des hommes en ce monde et dans le temps, vous deveniez les esclaves du démon pendant toute léternité ! Ce malheur pourtant vous arrivera infailliblement si vous ne vous rangez pas à votre devoir, puisque vous êtes dans un état habituel de damnation : car, sans parler du tort que vous faites à vos maîtres en les privant de votre travail, vous nentendez point la messe les jours saints ; vous n approchez pas des sacrements ; vous vivez du concubinage, nétant pas mariés devant vos légitimes pasteurs. Venez donc à moi, mes chers amis » ( Cité par Louis Sala-Molins dans le « Code Noir », page 167, op. cit. )
14. Victor Schlcher «Histoire de lesclavage pendant les deux dernières années », tome 2, page 42.
15. Ibid.
16. Louis Sala-Molins, op. cit., page 111
17. Article 38 du Code Noir
18. Cité dans «Des colonies françaises abolition immédiate », page 112
19. Cité par Victor Schlcher dans « Vie de Toussaint Louverture », éd. Karthala, page 9
20. Pierre Pluchon, 165. Op. Cit.
21. Pierre Pluchon, p.217. Op. Cit. [/#ff1c00]
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