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PARIS (AFP) - Trois témoins, dont deux photographes, présents lors des incidents de la place de la Nation samedi soir à l'endroit où a été grièvement blessé un syndicaliste, ont raconté à l'AFP les scènes qu'ils ont vécues, mettant notamment en cause les forces de l'ordre.
Cyril Ferez, syndicaliste de Sud-PTT, 39 ans, formellement reconnu sur les photos par son syndicat, était toujours dans le coma mardi en fin de matinée à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, selon l'Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Un photographe indépendant assure avoir vu des CRS porter des coups, un photographe de l'AFP raconte que les forces ont tardé à appeler les secours et un enseignant, qui a filmé la charge des CRS, confirme le retard apporté à secourir la victime mais ses images ne montrent pas de matraquage.
"J'étais sur le terre-plein central de la place de la Nation", explique Bruno Stevens, photographe belge indépendant qui raconte avoir vu "une quinzaine" de membres des forces de l'ordre "courser un homme d'une quarantaine d'années". "Cinq ou six l'ont rattrapé et l'ont immédiatement frappé sans retenue avec des matraques alors que le fuyard n'a jamais eu d'attitude menaçante à leur égard", assure M. Stevens précisant qu'il portait "des lunettes et un discman". "J'ai notamment vu un coup extrêmement violent porté à la tête, au niveau de l'oeil droit. Le type s'est effondré comme un sac et les représentants des forces de l'ordre ont continué à frapper alors qu'il était au sol. Cela a duré une trentaine de secondes après qu'il soit tombé". "Ils ont ensuite arrêté de frapper et au bout d'environ une minute ils sont partis, laissant la victime seule à terre alors qu'elle était clairement inconsciente", selon Bruno Stevens. Il précise qu'à l'arrivée des secours la victime avait retrouvé sa conscience.
"Je suis arrivé après, avec d'autres photographes", explique Thomas Coex de l'AFP. "On voit un type au sol, inconscient. On voit qu'il respire mais quand on lui parle, il ne répond pas. Il saigne de la tête. On se dit que ça a l'air grave", raconte Thomas Coex. "Autour, il y a des gendarmes mobiles et des CRS. On les attrape, on leur dit: +Il y a mec gravement touché, appelez quelqu'un+. On nous répond: +On n'est pas là pour ça, poussez-vous, on a autre chose à faire+", selon Thomas Coex, des propos que Bruno Stevens et un troisième photographe confirment avoir entendus.
"On voit ensuite des CRS qui reculent vers nous. On se relève et on leur dit: +Faites gaffe, vous allez marcher dessus+. On fait barrière pour le protéger, on leur redemande d'appeler les secours. Cinq minutes après, un groupe de CRS arrive, se penche dessus et le prend en charge", raconte Thomas Coex. Bruno Stevens explique être resté jusqu'à l'arrivée des pompiers, sans être en mesure de donner l'heure exacte. De son côté Alain Bessaha, un enseignant qui a filmé la scène à "titre personnel", se trouvait vers 19h45 sur le terre-plein central raconte avoir vu des CRS qui chargeaient des manifestants leur jetant des bouteilles.
A ce moment, il raconte que Cyril Ferez est à genoux sur le terre-plein sans bouger. Les images prises par Alain Bessaha, qui porte un masque à gaz pour se protéger des lacrymogènes, montrent la charge d'une dizaine de CRS, sous les jets de bouteille de verre. On voit une matraque qui se lève, puis un corps, celui de Cyril Ferez, piétiné volontairement ou involontairement par un CRS.
Malgré les demandes de journalistes, ajoute Alain Bessaha, le groupe de CRS qui a chargé s'en va sans secourir le blessé. Puis, dit ce témoin, quatre ou cinq autres CRS arrivent. L'un d'eux dit qu'il est "sauveteur" et qu'il va s'en occuper. Pour Alain Bessaha, il a fallu attendre les secours au moins un quart d'heure. "Avec le CRS sauveteur, nous avons recouvert le blessé avec des vêtements pour qu'il ne prenne pas froid. Il a le visage très tuméfié, une ecchymose énorme à l'oeil droit, du sang dans la bouche. Il est inconscient, il ne parle pas tout de suite. Puis Cyril Ferez arrive à dire son nom, qu'il est du syndicat Sud, qu'il est postier et tient des propos pas très cohérents, disant qu'il ne veut pas des pompiers et qu'il veut rentrer chez lui".
Par ailleurs, des images tournées par l'AFP TV, samedi vers 19H15, montrent deux gendarmes mobiles en train de relever Cyril Ferez le visage ensanglanté et l'emmener vers les pompiers.
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