EDDERON | Ernestor a écrit :
Bon, en espérant que notre nouveau grand physicien ne polluera pas trop le topic, je voudrais revenir sur l'article cité par Edderon l'autre jour : Collapse Time Analysis of Multi-Story Structural Steel Buildings, Robert M. Korol, K.S. Sivakumaran and, Frank R. Greening, in The Open Civil Engineering Journal, vol. 5, pp. 25-35, 2011. Article qui explique qu'un immeuble avec une structure relativement similaire à celui des tours jumelles dans 90% des cas devrait voir son effondrement s'arrêter en cours de route et dans les 10% des cas, devrait s'effondrer jusqu'au bout mais avec une vitesse moindre que celle observée pour les tours jumelles. Ce qui remet donc en cause un effondrement "naturel" des tours jumelles.
On m'a signalé, pour appuyer la valeur de l'article, que Korol est un très bon chercheur dans le domaine du génie civil et a un CV long comme le bras (argument d'autorité mais passons). Je n'ai pas vérifié, mais je veux bien le croire sur parole. Le souci, c'est que je me demande alors pourquoi un tel chercheur publie dans une telle revue ? Pour bien comprendre, un petit rappel sur le fonctionnement classique des publications scientifiques. On peut classer les différentes revues en terme de qualité. En gros, on peut attribuer une note à chaque revue et bien entendu, en terme de publication, il est plus valorisant pour un chercheur de publier dans les meilleures revues. Mais pour publier dans de bonnes revues, il faut de bons résultats à présenter. Alors en général, on soumet un article à une certaine revue en fonction de ce qu'on pense être le niveau de la contribution de l'article. Si on sait que c'est une contribution mineure, on l'envoie à une revue de seconde ou troisième zone. Si par contre on sait qu'on tient quelque chose de très intéressant, on l'envoie à une bonne voire très bonne revue en espérant que ça passe (sinon on vise un peu plus bas le coup d'après). A partir de là, on peut se poser une question tout à fait légitime : pourquoi un tel chercheur si réputé (et qui sait donc comment ça marche) a publié un article dans une revue de 5ème zone ne valant rien et chez un éditeur dont des défaillances dans les processus de reviews ont été détectées dans le passé dans plusieurs de leurs revues ? Tout chercheur sait qu'il y a des revues à éviter si on veut un minimum de sérieux. On peut avoir des revues de 3ème zone sérieuses. On peut aussi avoir des revues de 3ème zone non sérieuses et vue l'expérience qu'on connait chez Bentham, on classerait les siennes plutôt là-dedans. Donc pourquoi une revue de 3ème zone et pourquoi chez un éditeur aux pratiques douteuses ce qui va à l'encontre d'un gage de crédibilité de l'article ?
Plusieurs explications possibles a priori :
- il savait que la contribution ne valait pas grand chose
- il a été refusé partout ailleurs avant parce que la contribution ne valait pas grand chose
- il a été refusé partout ailleurs parce que les reviewers des autres revues n'ont pas bien compris ce qu'il disait ou ont sabordé son article par principe et il a fini par se rabattre sur cette revue
- mode complotiste qui doute : il savait que ce qu'il dit est complètement bidon et a cherché à le publier dans un truc qui ressemble à une publication scientifique pour tromper le quidam : "regardez, on a une publication scientifique qui montre que les tours n'ont pas pu tomber comme ça, c'est une vraie preuve !" en espérant que personne n'y regarde de plus près
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La question est pertinente en effet, surtout lorsque l'on apprend que cet article est la suite d'un premier qui a été publié en janvier 2011 dans la revue IRECE Vol 2 n°1.
Le plus simple serait de le contacter et de lui poser cette question vous même, il ne manquera pas de vous expliquer.
C'est ce que nous avons fait.
Il ne vous aura pas échappé que cet article contredit Bazant et qu'il est co signé par Greening qui jusque là soutenait Bazant et avait co signé la version 2008 de sa théorie du progressive collapse.
Je pense qu'il manque encore une hypothèse à votre questionnement... Vous devriez pouvoir en formuler une dernière ou plus simple encore, aller lui demander.
Ernestor a écrit :
Mais regardons-y de plus près justement. Car bon, la vraie qualité d'un papier scientifique n'est pas que dans la revue qui l'a accepté mais dans son contenu (heureusement d'ailleurs). Je ne suis pas du tout mais alors pas du tout spécialiste en génie civil, je ne vais pas donc m'attarder sur des détails techniques que je ne comprend pas mais on peut déjà noter que Moorea n'a pas été "tendre" du tout avec cet article, donc il doit y avoir quand même "quelques" problèmes. Et oui, car même en ne parcourant que rapidement l'article, il y a un truc qui chiffonne. L'article se base sur plusieurs travaux précédents pour établir son modèle, notamment ceux-là (copier-coller de la biblio) :
- R. G. Redwood, R.G., “On the buckling of thin walled tubes under axial impact”, J. Royal Aero Soc.,Vol. 68, no.7, pp. 418-419, 1964.
- T. Wierzbicki, and W. Abramowicz, “On the crushing mechanics of thin-walled structures”, J. Appl. Mech., vol. 50, no. 4A, pp. 727-734, 1983.
- T. Wierzbicki and W. Abramowicz, “The mechanics of deep plastic collapse of thin-walled structures”. In: T. Wierzbicki, and N. Jones, Eds, Structural failure, vol. 9. John Wiley, 1989, pp. 281-329.
- B. P. DiPaolo, P.J. M. Monteiro, and R. Gronsky, “Quasi-static axial crush response of a thin-wall, stainless steel box component”, Int. J. Solids Struct., vol. 41, pp. 3730-3733, 2004.
- V. Tarigopula, M. Langseth, O. S. Hopperstad, and A. H. Clausen, “Axial crushing of thin-walled high-strength steel sections”, Int. J. Impact Eng., vol. 32, pp. 847-882, 2006.
- B.P. DiPaolo and J.G.Tom, “Study on an axial crush configuration response of thin wall box components: The quasi-static experiments”, Int. J. Solids Struct., vol. 43, pp.7752-7775, 2006.
Fichtre, voila qui est bien troublant ! Pas moins de 6 références bibliographiques qui parlent de finesse de murs, de finesse de structure. Le rapport avec le WTC ? On avait des composants fins de structure dans une tour de 400 mètres de haut ? Bien sur que non ! Alors n'étant pas spécialiste du domaine, comme chez Jean-Pierre Foucault, j'ai demandé conseil à un ami ( ). Il m'a donc expliqué qu'effectivement les auteurs basent leur modèles sur des structures fines d'acier. Du délire ! Pour prendre une image, ils étudient en gros comment une structure fine type canette de coca réagit à un écrasement : elle se plie en accordéon. On retrouve ces formes de pliures dans cette autre modélisation numérique, à titre d'exemple pour Edderon, qui aime bien les dessins : https://ccg.hpc.msstate.edu/mediawi [...] ulti-CRUSH
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Vous ne devriez pas confier vos certitudes aux conseils d'un ami Ernestor, fut il qualifié en génie civil... vous connaissez l'adage, "Les conseilleurs ne sont pas ...." je vous ai souvent lu, conseiller à vos interlocuteurs de penser par eux même... Vous avez été parfaitement capable d'extraire quelques unes des conclusions de Korol, vous serez parfaitement capable d'aller lire les épaisseurs de colonnes qui constituent ces modèles. Vous pourrez également compléter vos lectures avec ces essais de flambement sur des colonnes tubulaires de section carré.
Car contrairement aux mauvais conseils de votre ami, c'est une série d'essais qui leur ont permis de choisir les valeurs de dissipation pour leurs modèles.
Et contrairement aux affabulations de votre ami le mode flambement en accordéon ne se produit pas que sur des bouteilles de sodas. Mr Korol est spécialiste de l'acier , dans le domaine du génie civile et des structures métalliques avec une grande expérience .
Si Greening a finit par se rallier à ses démonstrations après avoir co-signé des articles avec Bazant, c'est que Korole a du avoir quelques arguments sérieux.
Un scientifique aussi investi que Greening sur ce sujet ne change pas d'avis à la légère... Scientifique honnête et intègre, il a le mérite d'avoir étudié une autre hypothèse que celle qui fondait ses convictions jusque là. Vous connaissez l'autre adage" Seuls les imbéciles ..."
A votre place je confronterais sérieusement les articles de Korol à ceux de Bazant avant de confier mes certitudes à quiconque...
Ernestor a écrit :
Quelqu'un peut oser affirmer que ce modèle de structure est valable pour les tours jumelles ? On a des poutres aussi fines qui réagissent selon le modèle choisi par les auteurs ? On a une photo d'une poutre pliée en accordéon peut-être ?
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Lorsque vous aurez pris connaissance du premier article de Korol, de janvier 2011, que vous aurez pris le temps de le raccorder au second, vous comprendrez que la démonstration porte entre autre, sur le mode de flambement des colonnes courtes et sur la dissipation d'énergie associée à ce mode de flambement particulier. Vous découvrirez que des colonnes courtes aux parois beaucoup plus épaisses que des canettes de coca cola peuvent se déformer en compression selon la même géométrie, contrairement à ce qu'affirme votre ami ça ne dépend pas de ce que l'on retrouve ou pas dans les débris du WTC...
Le mode de flambement en accordéon dépend de l'élancement des colonnes. Comme les pairs, reviewer de ses articles dans la revue International review of civil engineering, vous pouvez faire confiance à ce spécialiste, il a réalisé d'autres essais pour contrôler l'hypothèse de Bazant zhou et leurs affirmations.
Aprés une campagne d'essai sur le mode de flambement, ils écrivent:
"Of the 11 specimens tested, only one tended to collapse in the manner that Bazant and Zhou postulated7 (see Fig. 3). The others either failed in a pure crush manner as noted in Fig. 4, or by a combination of axial crushing and bending. However, in every case, the energy dissipation or average resistance during a crush event was much higher in the tests than as predicted by the hinge model. Fig. 7 illustrates this graphically for specimen 100-5-510 for which the ratio of Pavg/Phinge model = 6.22. Indeed, this is not an extreme case"
Vous découvrirez également que les auteurs étudient plusieurs cas de structures avec des sections de poteaux qui ne sont pas des canettes de sodas.
- Ce qui est très anormal, c'est justement de ne retrouver aucune colonne courte flambée selon ce modèle dans les ruines du WTC. - Ce qui est très anormal c'est de retrouver des colonnes parfaitement rectilignes dont la longueur correspond à deux étages et demi et de n'observer aucune présence de aucune poutre horizontale qui constituaient les poutres des planchers du noyau accrochées à ces colonnes à chaque étage. Ces poutres horizontales étaient beaucoup plus courtes et beaucoup plus solides que les poutres treillis des planchers béton. Personne ne parle jamais de ces poutres, surtout pas Mr Quirant lorsqu'il parle du flambement des colonnes du noyau... elles rendaient les colonnes du noyau extrêmement rigides et leur assuraient une immense stabilité au flambement.
Les poutres treillis des planchers des bureaux auraient pu toutes disparaitre que les colonnes du noyau auraient conservé une très grande stabilité.
- Ce qui est très anormal c'est que pour que ces poutres soient sectionnées au droit de leurs soudures, il faut pour qu'elles puissent "flamber" et rompre ces joints en ne créant des rotules plastiques que sur ces zones tout en conservant une parfaite rectitude que la totalité des liaisons horizontales qui entravaient leur déformation aient disparus.
Dans le même temps; il faut qu'une charge de compression se maintienne au sommet de ces colonnes, si il n'y a pas de charge de compression, il n'y a pas de flambement et pas de roule plastique sur les joints soudés.
Tout ça fait beaucoup beaucoup, de conditions préalables particulières et bien ordonnées pour que l'on puisse confier ce travail méthodique au chaos d'un progressive collapse. Une fois encore l'hypothèse des charges sectionnantes est beaucoup plus simple et cohérente pour expliquer les observations.
Ernestor a écrit :
De plus, pour revenir à leur modèle, indépendamment du lien avec les tours jumelles, est-ce raisonnable de penser qu'on va construire un immeuble de 10 étages (exemple de leur article) avec des structures en acier fin ? Donc quelle est l'utilité ou la pertinence de leur modèle ? Maintenant, que chacun conclue
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Lisez ces articles Ernestor, vous n'affirmerez plus que les colonnes de ces modèles sont en acier fin.
Ce sont des colonnes qui supportent les charges d'une tour carré de 10 étages et 16,12m X 16,12m de coté avec poids propre et charge variables et trois cas de figures plus ou moins renforcés suivant les charges latérales (vent et séisme) retenus pour les cas d'étude.
Vous pourrez comprendre que une fois dimensionnées pour les charges latérales dues au vent et séismes les marges de sécurité pour les charges verticales sont fortement augmentées.
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