Bonjour,
Je vis régulièrement des expériences similaires. Consommateur quotidiens de cannabis, mes soirées en semaine se terminent souvent par "oulà il est tard, j'en roule un dernier et au lit". Comme il est généralement vraiment tard, je le fume rapidement et je file me coucher immédiatement après. Naturellement le taux de THC dans mon sang augmente très rapidement et la défonce avec. J'atteins ainsi des doses qui m'auraient rendu malade lorsque j'étais jeune, mais maintenant je résiste et je découvre de nouvelles sensations: à peine mon dernier join terminé, je me brosse les dents et me jette au lit dans une position aléatoire qui pourrait rendre Marty MCFly jaloux. Et là je prend ma montée. Si j'en ai trop pris c'est l'ivresse cannabique proche de l'ivresse alcoolique avec tête qui tourne et nausées, bref le fail. Mais si je vais titiller la limite en restant en-dessous alors je pers petit à petit le sens du toucher. Ca commence aux extrémités (doigts et orteils) et remonte doucement vers le thorax en passant progressivement par les chevilles et les poignets, puis les genoux et les coudes ect ... Lorsque j'ai totalement perdu les sensations de la totalité des bras et des jambes je suis dans l'incapacité totale de dire dans quelle position je suis. Dans mon esprit j'ai l'image de moi-même allongé sur le dos, bien droit, mais je sais que je ne suis pas dans cette position. Petit à petit mon esprit se sépare de mon corps, je tend à devenir un pur esprit, libéré de toute contrainte charnelle, condamné à divaguer entre mes souvenirs, mes réflexions, mes sentiments ... La réflexion à ce moment là monopolise la totalité de mes capacités cérébrales: CPU à 100% sur 1 unique processus: je suis devenu un pur esprit. Même mon horloge interne ne fonctionne plus, impossible de savoir depuis combien de temps je suis dans cet état, ais-je d'ailleurs déjà été dans un état différent ?
La désensibilisation du bas-ventre est déjà bien avancée, elle remonte doucement mais surement vers la cage thoracique, ma respiration devient alors difficile, mes forces m'abandonnent, j'ai comme un poids sur la poitrine, chaque inspiration me demande plus d'effort que la précédente, si j'ai un objet même insignifiant posé sur une partie de la poitrine il me parait d'une densité incroyable, même un simple morceau d'étoffe m'écrase tel une enclume, et puis l'instant fatal: dernière expiration. Plus de mouvement possible. C'est fini, je n'ai plus la force de me battre. Les secondes s'écoulent et me semblent des heures, couché dans cet ersatz de cercueil, je n'ai plus qu'à espérer sombrer dans l'inconscience.
Dans cet océan de procrastination imposée, une seule chose me raccroche encore à la la réalité, il est ma lumière au bout du tunnel: le battement étouffé de mon propre cœur qui s'accélère à cause du manque d'oxygène. Il me rappelle que je suis encore en vie. Un autre indicateur se fait lui aussi de plus en plus présent: la brulure dans mes poumons asphyxiés. J'ai littéralement la sensation de me décomposer de l'intérieur, ceux qui ont un peu d'expérience en apnée savent de quoi je parle, sinon vous pouvez toujours essayer de bloquer votre respiration jusqu'à ce qu'il vous arrive quelque chose: il ne vous arrivera rien, la douleur sera plus forte que la volonté.
Au prix d'un effort qui à ce moment là me parait impossible, je parviens à bouger un doigt, puis deux. Je dois me réapproprier mon corps, ou plus simplement me l'approprier: après tout, je ne suis pas certain d'avoir jamais eu un corps. Lorsque j'ai conscientisé un élément assez gros pour pouvoir agir sur mon environnement (main + avant-bras) je dégage le bout de drap sur ma poitrine, le poids disparait et je peux enfin respirer.
Une grande goulée d'air me remplis, la douleur s'arrête net, la sensation de bien-être qui s'ensuit me parcours le corps et termine cette cession qu'on pourrait qualifier de décorporation.
Je suis réveillé, et je me sent bien. J'ouvre les yeux, bois un peu d'eau, cherche une position confortable et glisse doucement vers le sommeil, le vrai cette fois.