vandepj0 | C'est quand je ne suis pas là que vous partez sur des sujets de justification des revenus supérieurs au M€...
limonaire a écrit :
Ou alors, la productivité des 95% diminue objectivement, au sens où leur travail est moins demandé, du fait du progrès technique qui rend moins utile le travail non qualifié, d'une modification de la structure de la demande qui s'adresse de plus en plus à des emplois qualifiés, et éventuellement de la mondialisation. Dès lors, la paupérisation n'est pas due à la rapacité des derniers percentiles : elle a des causes objectives. Les derniers percentiles ont créé une richesse correspondant à une demande ; et les premiers percentiles n'auraient pas été plus riches si les derniers percentiles n'avaient pas travaillé et n'avaient donc pas été rémunérés. En fait, on en revient toujours à la même question : la répartition a-t-elle lieu après la production ou en même temps. Autrement, il y a-t-il un tas d'or et de richesses pré-existant à se partager, les derniers percentiles prenant une part croissante, et indue, au détriment des premiers percentiles ? ou alors la répartition se fait-elle pendant la production de richesses, chacun venant avec la richesse qu'il a créée ?
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Bullshit!
Un être humain ne peux pas, par son travail, mériter de s'approprier en une année les ressources qui prendront à d'autres 4 siècles pour gagner. Par exemple, Proglio le super chasseur de mammouths serait bien incapable de chasser en un an 400x plus de mammouths que le chasseur moyen. S'il y arrive dans notre société actuelle, c'est qu'il a réussi à acquérir un niveau de pouvoir suffisant pour diriger l'ensemble des chasseurs de mammouths, et que la qualité de ses décisions (ou de ses relations!) lui permettent de s'approprier l'équivalent de 400 ans de chasses par an.
Du coup, il est rémunéré pour sa capacité à s'approprier le pouvoir et à se valoriser sur le marché, pas pour son travail.
limonaire a écrit :
Pourquoi le marché créerait-il à certaines périodes de grandes inégalités, et de moins grandes à d'autres ? Cette volatilité dans les inégalités issues du seul jeu du marché peut s'interpréter ainsi : les structures de production, l'état des techniques et du progrès, la structure de la demande ont conduit spontanément, par le seul jeu du marché, à un écrasement des écarts de revenus au milieu du siècle, alors que le même jeu libre du marché a conduit à des inégalités fortes à d'autres périodes. On voit bien que ces inégalités sont en fait dues non à la voracité de certains (on voit mal ce qui aurait pu modifier cette voracité dans le temps, les hommes sont les hommes et ne changent pas), mais à des changements structurels : le travail à la chaîne dans l'industrie a par exemple sans doute favorisé les travailleurs non qualifiés pendant les Trente Glorieuses, en offrant par les gains organisationnels du taylorisme une productivité en forte croissance à des salariés sans diplômes. Puis quand l'industrie décline et est remplacée par les services, les écarts se creusent entre ce que les anglo-saxons appellent les professionnals (avocats, traders, médecins...) et ce que nous appelons les non qualifiés (vendeurs, caissiers, vigiles...). Le travailleur non qualifié a été évincé de l'industrie par le progrès technique ( les machines) et par la mondialisation (les Chinois). Le travailleur non qualifié se retrouve relégué à des métiers tertiaires, dont la productivité est parfois faible (pas de taylorisme possible, par exemple)
On voit bien alors ce que l'analyse en termes de lutte des classes peut avoir de réducteur. Elle a sans doute un faible pouvoir explicatif, puisqu'elle ne permet pas de comprendre pourquoi la bourgeoisie aurait accepté de moins se servir pendant les Trente Glorieuses : d'où viendrait ce soudain accès de générosité ? L'analyse en termes d'offre et de demande sectorielle, d'effets du progrès technique, de déplacement de la demande est sans doute plus intéressante. Krugman, l'avait d'ailleurs pressent depuis longtemps. Il disait d'ailleurs que cette évolution n'était pas irréversible : dans 20 ans, peut-être arriverait-on à informatiser le diagnostic médical, la finance, le traitement des dossiers juridiques, ce qui conduirait à baisser la rémunération de ces emplois qualifiés. Et ce serait alors la revanche des emplois "non qualifiés", d'aide à la personne, de relations humaines, etc.
Bref, il faut se méfier de l'analyse rapide des graphiques sans revenir au fondement des choses. Le drame de la pensée keynésienne est de raisonner sur des agrégats, des grands ensembles, dont on oublie qu'ils sont le fruit de millions de décisions humaines, qui à l'échelle individuelle, sont rationnelles. Ce sont elles qu'il faut comprendre, si on veut comprendre le fonctionnement global d'une économie.
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Ou alors, comme tu en faisais la brillante démonstration, on a moins taxé l'accumulation de richesses à la fin du XXeme siècle, avec l'arrivée au pouvoir de Reagan notamment, favorisant ainsi l'accumulation de richesses.
ET de là à dire que justement Reagan était fortement soutenu par les riches, et que la politique fiscal mise en oeuvre l'a été grâce au lobbying des riches, il n'y a qu'un pas.
Et ensuite, on peut se dire que c'est de la faute des "pauvres", qui n'ont pas su s'organiser et faire élire des représentants qui leur soient favorables. En ce sens, tu as parfaitement raison, les riches ont mérité de s'approprier une plus grande part de la production de la communauté...
limonaire a écrit :
Si, je me pose la question et j'y réponds. Je montre bien que les hauts revenus n'ont pas volé leurs revenus, qu'il ne s'agit pas d'un complot ou d'un rapport de force entre possédants et prolétaires, mais simplement d'une évolution des structures du marché : dès lors, cette répartition est juste, au sens où personne n'a souhaité que les pauvres s'appauvrissent et que les riches s'enrichissent (je simplifie, hein : les pauvres ne s'appauvrissent pas, mais voient la progression de leurs revenus être moins grande). C'est juste un effet de la décentralisation de millions de décisions, qu'on appelle le marché, et qui fait que les gens sont prêts à payer cher un trader ou un avocat, mais pas une caissière. Le miracle égalitaire des Trente glorieuses n'est donc pas liée à des politiques sociales-démocrates, ou au compromis fordiste comme on le serine ad nauseam au lycée ou à la fac, mais bien au marché lui-même.
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Bien entendu, que les possédants aient pu imposer leurs vues sur la "juste" politique fiscale, grâce notamment au pouvoir d'influence politique que leur donne leurs possessions, ce qui leur a permis de créer les conditions de marché qui ont accéléré leur enrichissement (et pourquoi pas au détriment des autres?) est une hypothèse à balayer d'un revers de la main?
limonaire a écrit :
Dès lors, que faut-il faire ? - sans doute se dire que tout ça est cyclique et que les cartes seront rebattues dans 10 ou 20 ans
- sans doute qualifier les gens, même si l'effet sera limité compte tenu de la structure de la demande (d'où ces BTS au smic que déplore Dante 2002)
- corriger les inégalités par l'impôt (en sachant que ça aura quand même un effet sur la croissance, donc la hausse des salaires, y compris des bas salaires)
- et surtout mener des politiques favorables à la croissance, le salaire, même le plus bas, dépendant aussi de la productivité moyenne de l'économie : plus celle-ci sera forte, plus les bas salaires en profiteront. Il y aura certes des inégalités assez fortes, mais les bas salaires s'enrichiront quand même (alors qu'aujourd'hui, ça stagne un peu, il faut le dire)
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Tu t'enfermes dans tes hypothèses. Si tu veux mon avis, un trop grand écart dans les inégalités génère du mécontentement au sein de la population.
Quand le pouvoir économique tient les rennes des principaux partis politiques, la situation ne change pas et le peuple est encore plus mécontent. Si l'accès aux ressources devient plus difficile (hausse du prix des MP, hausse du prix du travail chinois), le peuple sera encore plus mécontent. Au final, on aboutira à une situation de dégoût et de perte de confiance, et à une crise politique et sociale, qui peut se traduire par des grèves massives (pas bon pour l'économie) ou une accession au pouvoir des extrêmes (un peu comme dans les années 30, c'est cohérent avec ton graphique).
En bref, la situation va effectivement se rééquilibrer, mais peux être que le cycle sera un peu plus violent que ce que tu espères si on continue à justifier avec la bouche en cœur des écarts de revenus trop importants.
limonaire a écrit :
C'est une vraie question : la justice doit-elle être procédurale ou s'intéresser au résultat final ?
1- la justice procédurale, c'est définir d'abord des règles justes (des procédures), puis on laisse le jeu se dérouler : si les joueurs respectent les règles, alors, même si l'un gagne 10 fois plus que l'autre, c'est juste à partir du moment où il a respecté des règles justes. Dans le système capitaliste, tout repose sur les droits de propriété légitime et la liberté contractuelle. Si les banques font beaucoup de profits, c'est juste si elles n'ont volé personne : elles seulement été plus habiles que toi et moi. Il faut aussi tenir compte que le système se régule de lui-même. Si elles réalisent des surprofits de façon répétée, d'autres joueurs devraient être intéressés par la production de services bancaires, activité si lucrative. En conséquence, les profits à long terme baisseront. Si ce n'est pas le cas, si les surprofits persistent, c'est soi que ce surprofit est la contrepartie d'un risque élevé, que tout le monde n'est pas prêt à prendre : il est donc juste. Soit des barrières à l'entrée empêchent quiconque de créer de nouvelles banques : or ces barrières sont souvent d'origine étatiques. C'est donc contre l'Etat qu'il alors faut protester, Etat qui par ses lois protège certains marchés de la concurrence de nouveaux entrants et distribue de fait des rentes de situation : c'est alors injuste puisque l'Etat est allé contre la règle du jeu (celle de la liberté de contracter, donc la liberté par exemple pour quiconque de proposer un service bancaire s'il arrive à trouver un client qui accepte de payer le prix qu'il propose)
2- Dans un Etat de droit, il est dangereux de changer les règles à tout bout de champ. Si par exemple on surtaxe les banque, on empêche l'auto-régulation de se faire (çàd la création de nouvelles banques attirées par les surprofits). De même, en regardant les choses uniquement à un instant T, on ne voit pas la globalité de la rationalité du jeu économique, qui se situe souvent sur le temps long (durée des investissements par exemple dans un laboratoire pharmaceutique ou chez Total). Par exemple, une activité est peut-être cyclique : les forts profits d'une année ne sont peut-être que la compensation de pertes une autre année, si bien qu'en moyenne sur plusieurs années, le profit ne serait pas scandaleux. Taxer les surprofits seraient alors injustes car ces surprofits ponctuels ne sont pas alors injustes.
3- L'homme est l'homme cela dit, et les philosophes ont assez discouru sur l'égalité depuis des siècles, pour nous montrer que l'égalité était une valeur humaine. De même que l'envie et la jalousie, qui sont également des passions humaines. En conséquence, la philosophie, mais aussi l'histoire, nous enseignent que les inégalités perçues comme excessives, voire obscènes, même si elles sont justes par rapport aux règles de la justice procédurale définies par consentement mutuel, peuvent entraîner des désordres, des vols, de la violence, des meurtres, des émeutes... Dès lors, il est sans doute conforme à l'intérêt général, y compris dans l'intérêt des riches, de borner les inégalités. Toute la question est de savoir à quel niveau placer ces bornes, sachant que la correction des inégalités n'est pas sans effet sur la création de richesses. On ne peut tout avoir...
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Qui a initié un changement drastique des règles dans les années 80?
Nous avons poursuivi dans cette voie (nous avons besoin de faciliter l'enrichissement des riches, soutenu par toutes les théories du ruissellement et de la croissance du gâteau) depuis une trentaine d'années?
De plus, j'aimerais vraiment qu'on m'explique en quoi le fait d'avoir des personnes qui ont la capacité à confisquer la majeure partie de la production à leur bénéfice est un facteur d'accroissement de la taille du gâteau. |