vandepj0 | limonaire a écrit :
Chaque point mériterait un développement entier :
- sur le cas Proglio : je passe sur le fait que c'est l'Etat actionnaire qui lui donne cette rémunération, et pas le marché. Mais je veux bien admettre que dans des entreprises privées, le salaire des grands patrons a augmenté. Il faut savoir pourtant qu'il y a 1,5 millions d'entreprises en France (en gros), et donc 1,5 millions de patrons. Je ne sache pas que ce soit tous ces patrons qui se sucrent. Ce dont on parle ne concerne que quelques dirigeants de grandes entreprises (une centaine au maximum). Il faut donc relativiser le phénomène, et en le relativisant, on le comprend mieux. En effet, ces grands patrons dirigent des groupes mondiaux, qui nécessitent de prendre des choix stratégiques risqués, qui peuvent couler la boîte. Sur le marché des grands dirigeants capables de gérer de tels groupes, il n'y a pas grand monde : quand on a trouvé la perle rare, on la garde. Ce qui a provoqué l'envolée de la rémunération des dirigeants, c'est donc la mondialisation qui accru la taille des groupes à diriger. Le rapport de force est ici en faveur de la compétence rare, celles des salariés dirigeants, et au détriment des actionnaires. Il est possible aussi qu'il y ait un problème de gouvernance : cela vient en fait de l'existence d'un actionnariat dispersé, qui ne contrôle rien. Dès lors, les salariés dirigeants ont les pleins pouvoirs, y compris celui de s'octroyer des rémunérations généreuses. Il faudrait se demander pourquoi les actionnaires capitalistes possédant un % élevé du capital et exerçant un réel contrôle ont disparu : sans doute parce que la taxation de l'épargne au XXè siècle et l'encouragement fiscal donné par les Etats à la dette a conduit à un actionnariat plus dispersé, les Bettencourt, ou Michelin, personne physique possédant une part significative du capital de l'Oréal ou Michelin, faisant figure d'exceptions, ou de dinosaures. "L'euthanasie des rentiers" a réussi
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1/ l'Etat actionnaire / employeur rémunère aussi en fonction des conditions de marché, puisque les individus ont le choix du poste.
2/ les patrons d'aujourd'hui seraient plus compétents que les patrons d'hier? Je ne crois pas, le nombre de places au soleil n'a pas diminué. 3/ la dispersion de l'actionnariat est due à mon avis à l'accroissement du capital nécessaire pour augmenter la productivité, qui est plus difficile à réunir auprès de "rentiers" majoritaires, mais doit faire appel à l'épargne de masse (qui est d'ailleurs plus facile à collecter et investir aujourd'hui qu'il y a trente - cinquante ans)...
4/ Sur les 20 personnes les plus riches en France, l'immense majorité sont des héritiers. En termes d'euthanasie, on fait mieux.
limonaire a écrit :
- sur la dernière phrase : on en revient toujours au point suivant : les richesses sont elles créées collectivement, puis réparties, si bien que, si les riches se servant un peu trop, ils confisqueraient une partie du gâteau ? ou bien les richesses sont-elles créées en même temps qu'elles sont distribuées, si bien que chacun prend la part du gâteau qu'il a contribué à créer ? Soyons clair à l'aide d'un exemple : un salarié signe un contrait de travail à 2000 euros. Cela signifie que, quoi qu'il arrive, il recevra 2000 euros. D'une certaine façon, cela signifie qu'il a une aversion à l'égard du risque : il veut ses 2000 euros que le carnet de commandes de l'entreprise soit plein ou vide. Au moment où le contrat est signé, la répartition est donc faite : 2000 euros quoi qu'il arrive au salarié, le reste, s'il y en a, à l'actionnaire. Libre au salarié de ne pas signer ce contrat s'il juge la rémunération ex ante trop faible, ou s'il aimerait une part du profit. Le fait est qu'il a signé : il engage ainsi sa parole, comme l'employeur ou l'actionnaire engage la sienne. Tous les mois, le salarié touche donc 2000. Il est possible que cette année, le CA soit si faible que l'entreprise fera des pertes : ces pertes sont alors subies entièrement par l'actionnaire, et le salarié touchera quand même ces 2000 (d'ailleurs, en 2009, la part des salaires dans la VA a fortement augmenté, pour cette raison, sans que l'on reproche aux salariés de gagner trop). Les années suivantes, le CA sera peut-être plus élevé : le salarié ne touchera que les 2000 euros du contrat, l'actionnaire touchant le reste, ou surplus, qu'on appelle profit. Dans cette histoire, le salarié a une aversion à l'égard du risque (sinon il créerait sa boîte ou achèterait des actions) et l'actionnaire est le risk taker : il y a ainsi une division du travail, qui satisfait les deux types de tempérament ('un prudent, l'autre casse-coup), les hommes étant tous différents dans leur caractère. L'artisan travaille et prend le risque, ce que tout le monde n'est pas prêt à faire : d'où l'existence des entreprises qui permettent de dissocier le salaire fixe lié à une quantité fixe de travail et le risque pris par l'actionnaire. Quand le salarié passe d'artisan à salarié, tout ec passe comme si il achetait une police d'assurance auprès de l'entreprise : il verse une prime à l'entreprise pendant les vaches grasses en percevant un salire moindre que sa productivité et l'entreprise le dédommage en cas de sinistre (vaches maigres) en lui versant un salaire dépassant sa productivité, si bien que chaque année son salaire est constant
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Jusque là, je suis, mais je ne vois pas le rapport avec la production et la distribution des richesses.
Tout ce que je vois, c'est une justification de la rémunération du capital pour son immobilisation, et pour le risque.
limonaire a écrit :
- il ne vous a pas échappé que le salariat s'était grandement développé au XXè siècle : c'est qu'il est en fait devenu plus avantageux, du fait de lois sociales qui garantissent contre le licenciement et les salaires trop faibles, ou de lois donnant une protection sociale moins coûteuse que celle acquise par le travailleur indépendant.
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Hâtons nous lentement...
Je pense surtout que les progrès techniques, source de la hausse de la productivité, ont nécessité un capital plus important pour optimiser la productivité. En caricaturant un peu, il y a un siècle, un artisan pouvait fabriquer et distribuer des voitures ou des meubles.
Je pense que ça n'a pas grand chose à voir avec les lois de protection sociale.
limonaire a écrit :
De même, la fiscalité décourage la recherche de hauts revenus. Or, il existe un couple risque-rendement : à un risque plus élevé est associé un rendement plus élevé. Si ce rendement est obéré par une fiscalité excessive, pourquoi prendre le risque sans avantage en contrepartie ?
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De quel risque parles-tu? Du risque sur le capital? Qui serait découragé par l'IS?
Du risque sur le travail? Qui serait découragé par l'IR?
limonaire a écrit :
d'où le développemnet du salariat. Les salariés peuvent pleurer sur leur sort : qui les empêche de créer une entreprise, si c'est si avantageux ? et une entreprise, ça ne nécessite pas forcément beaucoup de capitaux (dans l'artisanat, la vente au détail,etc...).
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Peut-être parce que l'intensité capitalistique pour démarrer une affaire a cru?
limonaire a écrit :
Donc, si la part qui revient au salarié est si faible, tandis que le capitaliste se gobergerait en ne foutant rien, pourquoi le salarié ne fait pas comme Tapie, Pinault, Bolloré (pour prendre les grandes réussites médiatiques qui ne sont pas des héritiers) ou plus modestement les petits patrons de TPE ou PME ?
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Parce que le capitaliste dispose de capital (qu'il est prêt à risquer, soit), contrairement à l'individu lambda?
En France, les 20 personnes les plus riches sont:
* Bernard Arnault, héritier de Jean Arnault, propriétaire d'une entreprise de travaux publics
* Famille Mulliez, héritiers de Louis Mulliez, lui même descendant de Monsieur Leclercq-Mulliez, industriel
* Liliane Bettencourt héritière d'Eugène Schueller, fondateur de l'Oréal
* Serge Dassault héritier de Marcel Dassault
* François Pinault, né pauvre, mais épouse la fille d'un entrepreneur. Néanmoins un bel exemple de réussite.
* Jean-Louis Dumas (Hermès), héritier, petit-fils du fondateur
* Robert Louis-Dreyfus, héritier de la famille Louis Dreyfus
* Robert Halley, héritier de Paul-Auguste Halley, riche grossiste.
* Robert Peugeot, héritier
* Jean-Claude Decaux => pas d'infos...
* Jacques Servier => pas d'infos
* Martin et Olivier Bouygues, héritiers
* Romain Zaleski né dans une famille de l'aristocratie polonaise. Sa mère est propriétaire terrienne.
* Emmanuel Besnier héritier d'André Besnier
* Xavier Niel => pas d'infos
* Famille Beaufour, héritière du Docteur Henri Beaufour
* Vincent Bolloré, héritier de Michel Bolloré
* Philippe et Jacques Bourriez héritiers de la famille Delhaize
* Alain Wertheimer, héritier de Jacques Wertheimer, petit-fils du fondateur de Chanel
* Famille Wendel... Ca aide, la famille, pour s'enrichir...
limonaire a écrit :
C'est que le risque est grand. Et que la fiscalité et la réglementation étatiques ont déforme le choix que chacun fait entre salariat et profession indépendante. Si bien que tout le monde ou presque (90% quand même !) veut devenir salarié, çàd avoir une certaine sécurité. Mais la sécurité est antinomique du rendement... Toujours l'histoire du beurre et de l'argent du beurre. Et toujours ce rôle croissant de la fiscalité qui pénalise l'épargne et aussi la prise de risque.
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Encore une fois, pourquoi tant de salariés? Peut-être parce que aujourd'hui, pour quasi n'importe quelle activité, pour être suffisamment productif, il faut un système d'information, un site web, des outils, des procédures, une connaissance des normes, etc..., et que pour mettre en place une structure qui soit compétitive, cela nécessite du capital, au-delà de ce qu'un individu est en mesure d'apporter, et que cette mobilisation de capital n'aurait aucun sens si elle n'était pas mutualisée entre plusieurs travailleurs?
A la limite, l'individu qui accepte de prendre des risques aujourd'hui est celui qui choisis de travailler comme intérimaire/indépendant pour gagner plus (auquel cas on parle de 10% en gros?)
Je trouve personnellement la prise de risque supérieure à celle d'un Proglio ou d'un Stéphane Richard... |