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Auteur | Sujet : Ecrire un livre : vos romans amateurs (Màj du 1er post) |
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Adalbert | Reprise du message précédent :
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Publicité | Posté le 17-09-2018 à 09:13:31 |
jamere | Il y a le bouquin du type du Nanowrimo qui est sorti. Il fait un peu moins de deux cent pages et donne quelques conseils intéressants pour écrire. |
talbazar morte la bête, mort le venin |
BoraBora Dilettante |
--------------- Qui peut le moins peut le moins. |
Uchinaa |
Adalbert |
Message édité par Adalbert le 17-09-2018 à 11:55:20 |
Foncky |
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talbazar morte la bête, mort le venin |
Publicité | Posté le 20-09-2018 à 14:39:45 |
biezdomny MONSTERS DO NOT EAT QUICHE! | Hugo à propos de la lecture du Rouge et le Noir : « c’est comme si on m’arrachait une dent. » (J'aimerais tellement que cette citation soit authentique ) Message édité par biezdomny le 20-09-2018 à 14:43:28 --------------- Expos et musées — Égyptologie (stupid sexy Jean-François Champollion) — team bépo |
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Grenouille Bleue Batracien Azuré |
--------------- Ma chaîne YouTube d'écrivain qui déchire son père en pointillés - Ma page d'écrivain qui déchire sa mère en diagonale |
BoraBora Dilettante |
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Foncky | Bien sûr. C'est pour ça que le professionnalisme comme seule différence, ça me semble un peu court.
Message cité 2 fois Message édité par Foncky le 20-09-2018 à 22:28:06 |
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Message édité par BoraBora le 20-09-2018 à 23:08:38 --------------- Qui peut le moins peut le moins. |
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talbazar morte la bête, mort le venin |
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talbazar morte la bête, mort le venin | 3 startups sur 10 vont survivre, en étant optimiste, cette génération qui n'est pas la mienne se déchire elle-même à cause d'un mirage pénible. |
Merome Chef des blorks | La mort du roman, ou les dernières heures d’une préhistoire de la fiction (?)
--------------- Ceci n'est pas une démocratie |
Uchinaa | Le roman a déjà été tué par la radio, le cinématographe, la télévision, la VHS, le DVD, les autoroutes de l'information, les réseaux sociaux, etc. On a déjà fat le deuil depuis longtemps. |
biezdomny MONSTERS DO NOT EAT QUICHE! | Wtf les discours déclinistes, on n'a jamais autant lu que maintenant. Pour le message de Merome : pas sûr que ça coince, et je le vis de l'intérieur dans un autre domaine qui fonctionne comme ça depuis des décennies et qui fonctionne de plus en plus comme ça aussi.
Woké, et à leur place on ferait pareil (de toute façon tu veux faire quoi d'autre), mais c'est pas les seuls. En ce moment je fais un métier passion et je vois ça en vrai y compris en moi. J'ai bossé gratos plutôt que de ne pas bosser, et je suis dans cette logique du don de soi pour un retour hypothétique plus tard, dans ce rapport d'amour-haine à ce que je fais parfois, dans des rémunérations ultra tendax et des projets que tu fais sur ton temps libre du « vrai job » que tu as trouvé si tu as vraiment de la chance. C'est loin d'être un problème d'écrivains. Message cité 2 fois Message édité par biezdomny le 25-09-2018 à 11:23:10 --------------- Expos et musées — Égyptologie (stupid sexy Jean-François Champollion) — team bépo |
Uchinaa |
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biezdomny MONSTERS DO NOT EAT QUICHE! | Ce que je préfère, c'est :
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talbazar morte la bête, mort le venin | Salut les hippies ! Gojhib Un Youm ne perd jamais une galwin, jamais, elles sont trop précieuses. On ne doit pas laisser l’une d’elle s’égarer, encore moins lorsqu’on a l’idée idiote de promener son troupeau près de Gojhib, la porte des dieux. Mais j’ai toujours été plus loin que les autres. Jamais personne de ma connaissance ne s’est approché aussi près du grand disque perché sur le flanc de la colline taboue, depuis le temps reculé de l’extinction du deuxième sol et la naissance de la deux-lune. Personne encore, depuis dix mille moissons, n’a jamais osé s’approcher si près de cet endroit mythique. Là où nos anciens ont planté les toms de pierre pour tracer la frontière de ce territoire sacré, celui qui a marqué la naissance des Youms et du monde, afin d’en interdire à jamais l’accès aux tribus. Mais mes pas ont toujours été plus rapides et mes yeux plus curieux que ceux de mon clan des Alaks ou des tribus voisines. Un jour, j’avais largement atteint ma quinzième moisson, j’ai même couru pendant sept sols pour atteindre le grand lac de la Montagne-loin, sur les terres du clan Yosh ; mais même si je me suis absenté du village le temps de quatorze sols en tout, ma mère ne m’a jamais cru. Pourtant, les eaux de ce lac étaient magnifiques, entourées d’arbres sur l’écorce desquels coulaient des larmes d’or. J’ai écarté les hautes cannes vertes et je me suis baigné sans crainte dans les eaux tièdes, après avoir passé sur les rives des instants délicieux. Lorsque je suis rentré au campement, mon père m’a seulement dit : Yarou, je te croyais mort, mais tu ne dois plus courir aussi loin, plus jamais. Tu sais bien qu’il y a parfois des urs et des liow dans les forêts de là-bas. Il me prévenait simplement que je serais puni, si je passais encore outre à son conseil. – Adja, Adja ! Le vent d’ouest se levait en emportant son nom, mais ma galwin restait invisible. J’ai poussé mon troupeau devant moi, pour grimper le sentier menant au promontoire rocheux autorisé qui fait face à Gojhib. Le paysage d’un calme absolu était majestueux, l’air était si pur que mes poumons l’avalaient avec reconnaissance. En bas je regardais fuir la lumière jaunie du premier sol, sur les longues pierres levées surgissant de loin en loin, au milieu de la lande, pour empêcher à mon peuple toute amnésie. Les gardiennes stoïques de la frontière infranchissable posée par les dieux, depuis un nombre infini de moissons, pour prévenir et condamner le chemin vers la deux-lune. Pourtant, je voyais clairement son œil colossal me faire face, un spectacle que peu de Youms désiraient en fin de compte admirer trop longtemps. Les épines géométriques couronnant le grand trou noir et menaçant me fascinaient, ces sculptures saillantes et trop régulières dévorées par la jungle ne pouvaient être l‘œuvre de la montagne, mais celle des dieux. Après mes poumons, c’était cette fois au tour de ma cervelle d’être subjuguée. Mes yeux se perdaient dans l’immensité du paysage silencieux, mais seule Gojhib retenait mon attention. La porte des dieux enchâssée dans la muraille arborée, où le deuxième sol avait tant brillé dans la nuit des temps, dessinait sur le flanc de la falaise son cercle parfait. Mais le premier sol, qui brille à présent au-dessus des nuages, ne forme t-il pas lui aussi un rond sans défaut ? Dans le ciel bleu, un vaulk s’est mis à tournoyer au-dessus de la plaine, un rapace aux serres si acérées que ma tribu les utilise pour percer le cuir. A cette époque de l’année, cet oiseau ne chassait pas pour lui, mais pour nourrir ses petits. Je le vis impunément s’approcher de Gojhib, en survolant la vallée. Des traces blanches, bavant sur la surface aux reflets d’argent, à l’orée d’une minuscule excavation cerclant l’énorme disque creux, prouvaient à elles seules qu’il nichait là, qu’il avait pondu et fait son nid quelque part sur l’arête parfaitement arrondie de la deux-lune ! Je constatais avec intérêt que les dieux ne l’avaient donc pas puni pour cet affront. J’étais animé d’un sentiment dérangeant, par l’idée que cet oiseau en savait finalement plus que moi sur la porte des dieux. Sous les paisibles pins tordus et assis dans les ajoncs fleuris, j’aurais moi-aussi voulu posséder des ailes pour aller voir de plus près le gouffre interdit. Peut-être rencontrer les dieux. Je frissonnais un peu d’effroi à cette pensée que je n‘avais jamais osé formuler. J’ai entendu bêler, deux fois, avant de voir enfin dans la cuvette herbeuse le point blanc formé par ma galwin, elle broutait paisiblement en contre-bas, mais elle le faisait dans le territoire interdit, puisqu‘elle avait franchie la barrière des toms. En mettant mes mains en porte-voix, je me suis levé brusquement pour la prévenir. – Adja, Adjiiina ! L’écho a répercuté ma voix et Adja a levé la tête avant de bêler à nouveau, puis elle s’est retournée pour se diriger lentement dans ma direction. Je souffrais par avance, parce que les dieux venaient sans doute de la condamner. Elle était si précieuse. A perdre haleine, je sautais de pierre en pierre en chassant les pacifiques colonies d’iganes gris écailleux, pour redescendre la petite colline en obligeant mon troupeaux à courir lui aussi. Soulagé, j’ai retrouvé Adja, elle a levé ses grandes oreilles droites et je l’ai secouée en empoignant la corne unique de son front, pour la gronder. Il était trop tard pour la punir vraiment, j‘ai finalement tiré sur sa longue barbe fileuse et caressé les longs poils de son dos blanc. La plus juvénile de mes galwins ne semblait pas souffrir, ou montrer quelque séquelle visible de sa téméraire escapade. En dehors du vaulk que j’avais vu voleter sur le pourtour de la phénoménale porte circulaire, rien n’avait bougé en provenance de la deux-lune. Bien que j’en fus toujours très éloigné, elle me dominait de sa masse imposante à présent, mais j’étais protégé par les toms de granite et je me gardais bien de les dépasser ; bien au contraire, j’ai pris rapidement la piste et traversé le gué de la rivière pour retrouver la sécurité de ma tribu. En arrivant, Yuna m’a fait un grand sourire, elle portait entre ses bras un gros grain de bélé prometteur de bonne farine. Ses pieds nus s’enfonçaient dans la poussière rouge, elle en a balancé un peu sur moi d’un rapide coup de jambe, pour m’embêter, puis elle s’est étonnée en voyant mon air tracassé. Je ne répondis rien, j’allais confier les galwins à mon père pour qu’il aille les parquer. Je ne lui dis pas d’où je venais, ni qu’Adja venait de défier le tabou, il n’aurait pas manqué de me prévenir, avant de me punir sévèrement. Je n’avais pas peur pour moi, je craignais juste la mort prochaine d’Adja. J’avais failli à la protéger. Cette nuit-là, sous notre tente, je ne fis pas l’amour à Yuna. Je n’arrivais pas à dormir, la vision de Gojhib m’obsédait. Yuna bougeait un peu dans son sommeil, moi je ne pouvais pas faire un geste. Lassé par cette veille, je me suis levé doucement pour aller près de la tente de mes parents. Je l’ai contournée sans bruit, puis j’ai pénétré dans l’enclos de nos galwins, elles se mirent à bêler toutes ensembles bruyamment, je craignais le réveil de mon père, mais les bêtes se sont finalement calmées. J’ai regarder fixement les grands yeux d’ambre d’Adja, elle est venue vers moi pour me lécher les mains, elle ne semblait pas malade. Un peu rassuré, je suis retourné me coucher près de Yuna. Le lendemain, j’ai traversé le village pour aller parler avec Ourel le sham, qui savait tout de l’histoire des Youms et du Pouvoir Mystère de Gojhib. En me dirigeant vers la tente de l’honorable vieillard, j’ai croisé un gamin qui n’avait que la moitié des jambes et marchait sur les genoux, les enfants mal formés sont des épreuves que nous envoient les dieux. D’autres sont plus chanceux, ils naissent avec des palmes de peau entre les doigts, identiques aux petites grouilles des marais, on les nomment les « nageurs » ; parce qu’ils pêchent très profondément dans notre rivière, en retenant leur respiration mieux que les autres. C’est un honneur remarquable pour les parents de faire naître un nageur. J’étais tendu, je ne savais pas si je devais raconter au sham l’escapade sacrilège de ma galwin. J’ai trouvé Ourel devant chez lui, en train de bourrer de plantes hachées le fourneau de sa pipe. Il était celui qui transmettait le savoir tribal de générations en générations, il perçait les sentiments des Youms, il devina tout de suite mon embarras. Lui aussi savait que j’ai toujours été plus loin que les jeunes de mon âge. Il m’avait annoncé après le froid que je dirigerai la danse de sol, à la prochaine moisson, que je boirai le bong, en communion personnelle avec les dieux. Que je serai pour cette fête le maillon qui fermera le cercle des danseurs. – Alors, Yarou, quelque chose te tracasse ? entre chez moi, si tu veux parler. Dans la tente tissée de fibres végétales, Ourel a rangé ses jambières de cuir qui traînaient et repoussé son grand sac en peau de galwin, pour que je puisse m’asseoir à mon tour. Je regardais l’objet avec une crainte révérencielle, il contenait des articles possédant les vertus de l’étoile rouge. – Ourel, tu guéris les malades et conduis les cérémonies, mais raconte-moi encore l’histoire de Gao. – A l’époque où le deuxième sol brillait encore de tout son feu, Gao n’était qu’une terre sèche et pierreuse baignée par de grandes rivières. Elle n’était pas fertile. Pas de planj et aucun nimo, pas un seul, mais le deuxième sol les a fait naître, tout comme les premiers Youms, créés eux aussi par les dieux, presque comme nous, mais qui ne pleuraient pas du sang mais de l‘eau et possédaient cinq doigts par mains. Seulement, les dieux leur en ont pris un à chaque main, pour les punir de vouloir habiter trop près de Gohjib. Voilà pourquoi nos mains ont quatre doigts. Le deuxième sol s’est éteint après 5000 moissons pour se muer en un gouffre plus obscur que la plus noire des nuit et devenir une lune froide et sans lumière, issue d’une pierre grise plus solide que n’importe quelle pierre du pays. Elle est Gohjib maintenant, fille de deux-sol depuis 5000 moissons elle aussi. Comme les Youms avaient plantés les pierres-toms et qu’ils avaient été sages de ne plus s’approcher, les dieux ont bien voulu que leurs dents repoussent toute leur vie, dès qu’ils en perdent une. D’autres dieux ont donnés des palmes aux doigts des nageurs, pour pêcher mieux. La petite étoile rouge a brillé plus longtemps, pour que personne n’oublie complètement le conseil des dieux qui habitent dans Gohjib, elle a étincelé peut-être pendant 300 moissons, avant de s’éteindre elle-aussi. Les Youms qui naissent aujourd’hui étrangement sont là aussi pour nous rappeler encore l’avertissement des dieux. Tout le monde meure depuis toujours, en s’approchant de Gohjib. Comme je te dis, au commencement, avant que les Youms ne plantent leurs tentes ici, il n’y avait rien d’autres que des montagnes de cailloux et les dieux qui volaient dans le ciel, en grimpant sur des oiseaux de pierre. Il n’y avait qu’eux sur Gao. Tu as quelque chose à me dire que je dois savoir, Yarou ? J’avais le sentiment que le poids de la tente m’écrasait. Ourel le sham me perçait du regard. Je ne pouvais pas lui mentir, pourtant je ne dis rien. La roue médecine immobile pendait ses plumes multicolores au-dessus du vieillard, il avait les oreilles complètement collées contre son crâne, ce qui était assez courant chez nous. Je respectais notre histoire et les traditions, mais franchement, des oiseaux de pierre qui pouvaient voler, j’avais du mal à le croire et l’imaginer. Après des paroles anodines, je remerciais Ourel et pris congé, en lui disant que je serai fier de mener la danse du sol à la prochaine moisson. Trente sols plus tard, Adja allait toujours très bien, pourtant je l’avais vu traverser les toms avant de revenir vers moi. La galwin trottait avec ses sœurs sans montrer le moindre mal. Malgré-tout, j’évitais de franchir à nouveau le gué jusqu’à la moisson. Quand vint le temps de la fête et des réjouissances, je conduisis les autres comme prévu et Adja montrait toujours la meilleur santé. Ourel avait posé sur sa tête le bol des dieux, ce qu’il ne faisait qu’aux mariages et l’importante danse du sol, la ronde chargée de célébrer la fin de nos récoltes. Le visage du sorcier était alors masqué par le vase blanc, aussi rond et lisse que la plus belle des poteries. Un chapeau des dieux conservé précieusement dans la besace sacrée du sham, depuis l’éclat originel de deux sol. Tous les shams des autres tribus en possèdent un aussi. Il y avait sur ce masque sacré, qui englobait totalement sa tête, de petits signes incompréhensibles, comme les bergers en gravent parfois sur les roches pour imager les événements de la tribu : Mitch, formaient ces pictogrammes ; mais personne ne comprenait ce qu’ils représentaient. Il y avait une ouverture par laquelle Ourel voyait parfaitement, mais fermée par une matière très solide, aussi transparente que l’eau la plus pure. A l’intérieur du chapeau, une espèce de mousse noire et usée avait presque disparue, puisque ce couvre-chef avait été porté par les milliers de shams venus avant notre sorcier. Au sol couchant, sous les étoiles familières, j’avais bu le bong au milieu des autres, assis en demi-cercle. La pluie est tombée, tout le monde s’est levé, moi je n’ai pas bougé. Ourel m’a regardé fixement, puis, avec ses maigres forces, il m’a traîné pour me mettre à l’abri sous la longue tente. Dans les visions qui agitaient mon esprit, mon corps s’envolait vers la grotte obscure et circulaire de Gohjib, comme le vaulk que j’avais aperçu. Et puissamment halluciné, j’entrais dans la deux-lune, avec un sentiment glorieux d’immunité. J’entendais autour de moi les voix de la tribu qui chantaient ma bravoure, je n’étais qu’une balle rapide qu’on jette sur un poteau. Mais je ne jouais pas. Yuna m’a veillé longtemps, en usant patiemment de ses talents de femme, je suis resté trois sols sous notre tente, plongé dans un coma profond. Ensuite, à l’issue d’un réveil pénible, je me suis restauré d’un bol de bouillie. Une autre moisson s’est déroulée entièrement, Adja à donné naissance à un premier petit bien conformé. Pendant le froid qui a suivi cette autre récolte, avec trois autres Youms, je portais le corps de Natch lors de sa procession funéraire, en espérant que son esprit ne se mette pas à errer sans fin. En réalité, alors que je semblais vivre comme tout le monde, très occupé quand le climat se réchauffa par les semailles à venir, chaque sol qui passait, je pensais au territoire interdit qui n’avait pas puni ma galwin. – Non, liow, tu ne dois pas dévorer mes galwins. Comme le fauve zébré aux dents longues et sans queue se tassait en rugissant pour bondir tout de même, j’ai serré bien fort mes quatre doigts, afin de lancer mon javelot sur lui. Il est mort sous la deuxième lance projetée par Yuna. Nous sommes arrivés près des toms, au-dessus de nos têtes s’imposait la colossale deux-lune de Gohjib. – Tu peux les laisser tranquilles Yuna, elles n’auront rien. Elle m’a regardé sans comprendre, si belle dans sa robe de chanvre. Nous étions très près des roches dressées. A présent, je me rendais compte que j’avais fait exprès de la conduire ici. Elle cria d’affolement, les galwins couraient sans prudence au-delà des mégalithes. Pour elle, comme je l’avais imaginé pour Adja, tout le troupeau était perdu. Yarou ! Yarou ! hurlait-elle, fais quelque chose ! Elle était si troublée en voyant les bêtes franchir la barrière qu’elle en avait lâché son bâton dans l‘herbe haute. Alors j’ai dû lui dire. Son air pitoyable me faisait de la peine, je la voyais lutter contre l’idée que je devenais fou. Quand j’ai lâché sa main pour courir à mon tour au-delà du tabou, un filet de larmes rouges a perlé sur sa joue. J’ai repoussé les animaux vers elle, mais au lieu de les suivre, j’ai commandé à Yuna de rentrer au village. Le sang de ses pleurs me faisait de la peine. J’ai agité mes quatre doigts de la main droite, et j’ai insisté pour qu’elle retrouve la tribu. Longtemps, elle est restée immobile au milieu des galwins blanches, en hurlant mon nom. Pitoyable, elle m’a regardé tristement escalader les rocs, m’engager sur la pente ardue, sans discerner le motif de cette désastreuse décision. Je suis monté vers la deux-lune, j’étais en train de grimper dans les bois de Gohjib. J’ai observé Yuna, maintenant minuscule, retourner en courant au village, elle ne s’inquiétait plus du troupeau, bien qu’il se mette docilement à la suivre. Je savais que je risquais ma vie en m’approchant des dieux, pourtant, je continuais mon ascension avec obstination. J’étais le premier Youm à tenter ce formidable exploit. Je me portais enfin au bord du gouffre horizontal, rien de fâcheux ne s‘était manifesté. Je restais là, longtemps, à reprendre mes forces, la colline d’en face me semblait ridicule et là-bas, les croassements de quelques corbs semblaient désapprouver mon imprudence. J’étais arrivé. J’allais mourir en restant trop longtemps au bord du large disque de la deux-lune, j’en étais certain. La pierre lisse où mes pieds se posaient me fut douce au toucher. Je n’osais faire un pas de plus dans la profondeur de ce gigantesque tunnel évasé, que quelques lichens roux tentaient de coloniser en bordure, formant des taches dispersées. Montrant plus de sagesse, les autres plantes ne les imitaient pas, elles germaient et pendaient simplement à la périphérie, en s‘accrochant aux sculptures qui entouraient Gohjib. Je pensais qu’en avançant, j’allais vers ma fin, qu’en pénétrant dans l’antre ténébreux j’allais connaître l’ultime instant de ma mort, faire le chemin inverse du petit de mes galwin, qui pousse hors de sa mère pour respirer la vie. La bouche gigantesque était froide, polie et glacée, cet énorme trou menaçant d’une hauteur démentielle n’avait aucunement la chaleur palpitante du ventre animal. Les dieux allaient sans doute me punir pour vouloir entrer chez eux, mais ils devaient forcément prévenir avant. Attentif au bruit du vent qui hululait en glissant sur le bord du grand cercle au diamètre hallucinant, je n’entendais pourtant que ma seule audace. Un vol d’oiseaux blancs chahutait sans crainte dans les hauteurs du grand cône brillant, le vaulk avait sans doute quitté son nid. J’avais peur bien sûr, je pouvais presque écouter les battements de mon cœur qui cognait dans ma poitrine, mais ce sentiment d’appréhension devant cette bouche étonnante céda bientôt le pas à l’irrépressible excitation de la découverte. Maîtrisant mon angoisse incommensurable, je décidais d’avancer lentement vers le centre de cet abysse inquiétant, pas à pas, tant que mes yeux verraient. J’étais fou de vouloir progresser, oui, aussi insensé que ce vieil Oriel aux bras courts qui a sucé des pierres et décliné des phrases incohérente, en grattant son corps difforme, toute sa drôle de vie. Je me rendais bien compte que le néant m’attendait et qu’au bout d’un moment, il n’y aurait plus rien à voir d’autre qu’une complète nuit. Cette idée m’affolait et posait à ma marche une limite très claire, mais rien n’y faisait, je m’engageais toujours plus loin en avant dans la vaste grotte, je marchais dans la deux-lune ! Privé progressivement de lumière, je plongeais d’un coup dans un vide plus noir que la mort elle-même. J’ai voulu retourner en arrière, enfin pris de raison, mais la surface a cédée sous mes pieds et je tombais, lourdement, heureusement d’une hauteur raisonnable, je ne me fis pas mal. Les dieux ne m’avaient pas prévenu. Je ne voyais plus rien. Privé du moindre repère, j’ai rampé dans le noir dans un tunnel étroit, longtemps. J’avais sans doute perdu en jouant le hasard de ma vie dans le cœur de Gohjib. J’ai vu un petit point lumineux, pupilles agrandies, je l’observais avec l’avidité d’un papillon qui s’approche d’un foyer, tout en refoulant de nouvelles craintes. De près, je vis que la lumière passait par un petit trou percé dans une cloison sur laquelle je plaçais mon œil, je vis qu’il y avait de l’autre côté une grande salle éclairée par une source invisible. Du bout des doigts, je tâtonnais, auscultant chaque endroit de la séparation couverte de bosses sur le côté ; elle s’ouvrit brusquement, en me laissant la possibilité de pénétrer de l’autre côté. Je pouvais enfin me tenir debout, j’avançais, il y avait devant moi une pièce aux parois solides, baignant dans une belle atmosphère lumineuse. La grande tente des dieux. Chaque pas que je faisais provoquait des fumées de poussières, j’avais beaucoup de mal à respirer, envahi d’une conscience absolue de contempler un secret dangereux. Au-dessus de ma tête, dormaient de gros serpents brillants comme l‘argent, leur absence de mouvement me rassurait un peu. Tout en vivant l’expérience mystique suprême, je craignais d’être englouti par ces monstres au repos. Comme une gazia étouffée par un bô. Sans les comprendre, je vis sur le mur les grands signes noirs tracés par les dieux : « Coursive 03 ». Aucun dieu cependant ne m’avait invité chez lui. J’étais entré dans l’étrangeté de Gohjib par effraction, comme un voleur, personne pourtant ne m’avertissait, je ne pouvais imaginer quelle serait ma sentence. La lumière de deux-sol pouvait-elle se remettre à briller sur Gao ? Une porte s’ouvrit, découvrant un nouvel espace d’une blancheur parfaite, sans aucune poussière, encore plus haut et plus grand, violemment illuminé lui-aussi. Autour de moi, il y avait de grandes boîtes transparentes, il pouvait s’y trouver des centaines de milliers. Elles étaient toutes vides, leurs couvercles éparpillés sur le sol propre, chacune portaient deux ou trois signes des dieux. Sur une grande table couverte d‘étranges champignons de toutes les couleurs, je vis un bol sacré, identique au chapeau des cérémonies, ses dessins traçaient « Jason », je ne le touchais pas. Un peu plus loin, au-dessus d’une porte fermée, une gros point rouge clignotait avec obstination, l’étoile rouge dormait-elle ici, avant de retourner avertir les Youms qu’on ne doit pas déranger les dieux ? Ce signal luisait-il pour me prévenir que j’étais allé beaucoup trop loin ? En dépit du fait que j’étais chez eux, aucun dieu ne se présentait pour répondre à ma foule de questions. J’avais toujours aussi peur et pourtant, j’étais dans le même temps heureux de me trouver là, entouré des énigmes merveilleuses. Parce que les dieux ne m’avaient pas puni et que j’étais toujours vivant. Sur la porte, en-dessous du globe de l’étoile qui fusait continuellement ses courts rayons de sang, je vis tracé « Navette F 1 CR ». J’osais touché du doigt le champignon jaune qui se trouvait à côté de la porte. La nouvelle pièce était plus petite, le sol dessinait sans aucun jeux d’ombre un damier noir et blanc. Il n’y avait qu’une plate-forme, où reposait une grande boîte dans laquelle se trouvait une structure qui pouvait ressembler à une sorte de lit. Cet objet me semblait la chose la plus familière que tout ce que j’avais déjà découvert. Je suis resté longtemps au bord de cette couche, mes mains tâtonnèrent la surface moelleuse, il paraissait évident qu’elle puisse offrir à un Youm un sommeil merveilleux. Sans plus réfléchir, je me glissais dans cette barque enchantée et comme je l’avais supposé, je la trouvais très douce à mes épaules. Les mains sur mon ventre, je levais un genoux, très à l’aise. Je réalisais que j’occupais peut-être avec insolence la couchette d’un dieu. Sans prévenir, le long capot que j’avais vu levé au bord du lit de referma sur moi, je voyais au travers, il était fait de la même matière transparente que la visière d’un masque de sham. J’étais désormais pris au piège et enfin puni pour ma témérité insensée. Affolé, je criais et tambourinais de mes huit doigts contre la surface qui m‘emprisonnait, elle refusa de s’ouvrir. Au bout d’un temps infini, quelque chose se mit à trembler doucement sous moi, j’étais terrorisé par cette vibration régulière et nouvelle, qui dura très longtemps. Provenant de nulle part, des signes oranges ont brillés devant mes yeux « Oxygène 100% » Et puis le toit de la pièce s’est ouvert brusquement, une avalanche de grosses racines, de plantes et de branches vermoulues est tombée sur le lit, sans rompre ni fissurer mon sarcophage. Je fus projeté vers le ciel dans lequel je volais. Couché dans le ventre d’un oiseau de pierre façonné par les dieux, qui m‘avait traîtreusement dévoré ! Message cité 1 fois Message édité par talbazar le 02-10-2018 à 09:04:26 |
BoraBora Dilettante |
--------------- Qui peut le moins peut le moins. |
MasonAge |
Message édité par MasonAge le 30-09-2018 à 10:16:15 |
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