altocumulus a écrit :
Article paru ce jour dans le Figaro (http://www.lefigaro.fr/france/20050902.FIG0271.html?082920)
LOGEMENT SOCIAL Malgré des propositions dans les arrondissements prisés de la capitale Un quart des mal-logés parisiens refusent de quitter leur quartier Dans le cadre des enquêtes en cours sur les incendies parisiens des derniers jours, la police scientifique a lancé une nouvelle analyse pour confirmer qu'aucune trace d'hydrocarbure n'a été relevée dans les décombres de l'immeuble du boulevard Vincent-Auriol (17 morts). Les restes de poussettes retrouvés au rez-de-chaussée font aussi l'objet d'un examen particulier. Les investigations sur l'immeuble calciné de la rue du Roi-Doré (7 morts) montrent qu'un incident, survenu dans une cuisine de fortune installée au premier étage, pourrait être à l'origine du second drame. De son côté, l'association Droit au logement a mené hier après-midi une action symbolique dans un immeuble à vendre de l'École nationale d'administration (ENA), rue de l'Université (VIIe), pour protester contre la situation des mal-logés à Paris. C. C.Cécilia Gabizon [02 septembre 2005]
Même mal logées, certaines familles refusent les offres de HLM pour rester dans leur quartier. Un quart d'entre elles décline ainsi les offres de la Ville de Paris. Récemment ressorti pour faire le point sur les situations les plus critiques, le dossier «relogement» de la mairie du XIe arrondissement prend parfois un tour kafkaïen.
Madame S. vit avec son mari et ses cinq enfants dans 23 mètres carrés rue Popincourt. Depuis des années, les adultes se relaient pour dormir, les deux aînées, excellentes élèves, révisent leurs cours dans la baignoire, faute d'espace calme. Le plafond du studio s'est récemment effondré tandis que l'hôtel borgne d'à côté menace de s'écrouler. La mairie propose alors, dans l'urgence, un appartement de cinq pièces dans le Xe arrondissement. Ce sera non. «Trop grand», avance la mère de famille. L'assistante sociale essaie en vain de la convaincre, lui démontre qu'elle peut assurer le nouveau loyer de ce logement en PLA (prêt locatif aidé). En vain. La famille est toujours dans son studio dégradé.
«Les gens sont très attachés à leur lieu de vie, quelle que soit leur catégorie sociale, analyse Liliane Capelle, élue en charge du dossier à la mairie du XIe. Mais il faut comprendre que nous n'avons que cent logements à attribuer dans notre arrondissement. Et encore, les bonnes années.» Cent logements pour 8 000 candidats. Cent logements que se partagent la Mairie de Paris, la mairie d'arrondissement et la préfecture. «Nous tentons de racheter des immeubles pour les transformer en habitat social, poursuit l'élue. Car il n'y a plus de terrains pour construire.» L'arrondissement est l'un des plus densément peuplés de la capitale. Dans le nord, vers Belleville, la concentration humaine atteint «celle de Bombay», souligne l'élue.
Quand un travailleur malien qui vivait dans 18 mètres carrés avec ses cinq enfants refuse un F4 rue Keller, l'assistante sociale reste incrédule. Mais l'homme est ferme, énervé même et désigne la cuisine américaine : «C'est parce que je ne suis pas français que je n'ai pas de cuisine française !», enrage-t-il.
C'est encore cette famille entassée dans une pièce glauque qui refuse un appartement dans le Xe arrondissement, rue Poissonnière, prétextant qu'il «n'y a pas de parking». Ou cette large tribu à qui l'on proposa un appartement dans la très animée rue de Rennes. Après la visite, elle déclina l'offre, s'offusquant «du manque de commerces de proximité».
Face à ces prétextes farfelus, les autorités oscillent entre l'agacement et le découragement. Quant aux mal-logés, ils confessent en aparté qu'ils veulent avant tout rester dans l'îlot où ils ont noué des amitiés. Mme Sissoko préfère son studio bondé dans une rue qui ressemble à un village, à «un pavillon à Vigneux» qu'on lui a proposé. Les immigrés sont nombreux dans ces rues animées où les boutiques de vêtements bon marché jouxtent des épiceries exotiques. Les trottoirs se font parfois souk, avec les étalages de marchandises sauvage, le maïs grillé proposé par les uns, les montres et lunettes exposées par les autres. Dans ce joyeux fouillis, les ménages savent pouvoir compter sur l'aide de leurs compatriotes. Les immigrés se regroupent, par nationalité, pour faire face aux coups durs, comme pour perpétuer les traditions.
Mais les immigrés sont loin d'être les seuls à refuser des logements HLM. Bon nombre de couples, notamment ceux arrivés de province depuis peu, se détournent aussi du deux-pièces qu'on finit par leur proposer, si éloigné de leurs rêves parisiens. Beaucoup de familles de classe moyenne hésitent ainsi à accepter des appartements sociaux «de qualité» que les mairies bâtissent dans les quartiers dégradés pour, justement, rétablir la mixité.
|