Citation :
LES VERTS ALLEMANDS REFLECHISSENT SUR L’AVENIR DES BIOTECHNOLOGIES
CONTRIBUTION AU DÉBAT
A temps nouveaux, nouvelles réponses :
Réglementer le droit du génie génétique de manière moderne
10 juin 2020, par Anna Christmann, Viola von Cramon, Theresia Bauer, Kai Gehring, Katharina
Fegebank, Danyal Bayaz, Hans-Josef Fell, Johannes Kode, Alexander Link, Johannes Kopton, René
Gögge, Almut Mackensen, Arven Herr, Johannes Geibel , Carsten von Wissel, Sebastian Lakner, Tom
Beyer, Luisa Schwab, Hauke Köhn, Dorothea Kaufmann, Lukas Weber, Simon Heinze.
Les auteurs de cette contribution souhaitent une évaluation du nouveau génie génétique qu'ils
présentent dans six thèses.
En 2020, nous adopterons un nouveau programme de politique verte. Nous l’associerons à l'exigence
de vérifier nos positions en fonction de leurs capacités futures et de formuler de nouvelles réponses
pour l’avenir. Les critères des nouvelles réponses sont basés sur les opportunités de conserver une
planète saine et donc d’assurer le bien-être des personnes et de l'environnement. Nous nous
appliquerons aussi ce critère lorsque nous utilisons la biotechnologie, et en particulier, le génie
génétique. Notre devoir en tant que parti écologique et social est d'évaluer les applications des
biotechnologies en les différenciant selon leurs risques possibles et leur potentiel afin d’atteindre une
société durable et juste, à la fois localement et globalement. Dans ce cadre nous considérons
nécessaire une évaluation du nouveau génie génétique, que nous exposons dans les six thèses
suivantes :
1. Les défis politiques de l'agriculture, qu'ils soient locaux, nationaux ou mondiaux, ne peuvent pas
être résolus par une seule technologie, mais pas non plus sans progrès technologique vers plus de
durabilité et d’adaptation au changement climatique. Il en va de même pour le système de santé :
une technologie thérapeutique ne peut aider que si elle est intégrée dans un système de santé
fonctionnel.
L'agriculture biologique, la modification des méthodes de culture, les rotations des cultures ainsi que
la redécouverte des anciennes variétés ont encore beaucoup de potentiel inexploité pour une
agriculture durable. Ce sont déjà en partie des solutions disponibles. Néanmoins, les conséquences
graves et de plus en plus rapides du changement climatique nécessiteront aussi des mesures
d'adaptation toujours plus rapides pour l’agriculture. Il est fort probable que des changements dans le
choix des cultures et la sélection des semences ne suffiront pas. Le rythme actuel de l'innovation est
trop lent pour sauver le climat et l'environnement.
Nous devons donc compter sur des solutions différenciées qui intègrent de nouvelles technologies
prometteuses ainsi que des innovations sociales, scientifiques et économiques, politiques et
sociétales. Elles font partie de la voie menant vers une agriculture et un mode de vie durables en lien
avec la question alimentaire mondiale et une politique climatique visant à la conservation des terres
et de la biodiversité.
Il en va de même pour la santé. La pandémie du coronavirus montre le rythme auquel nous pouvons
faire face à de nouveaux défis et à quel point l'innovation rapide est cruciale pour les nouvelles
méthodes de diagnostique et thérapeutiques. En médecine thérapeutique, nous n'évaluons pas les
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technologies individuelles, mais nous nous appuyons plutôt sur les progrès médicaux qui assurent la
santé mondiale et permettent aux gens de prendre leurs propres décisions sur leur corps et leur vie.
2. Le nouveau génie génétique dans l'agriculture ne signifie pas en soi moins ou plus de durabilité,
mais peut potentiellement être utilisé dans les deux cas.
Les technologies sont un instrument, tout dépend des finalités. Nous, les Verts, déclarons à juste titre
depuis des décennies que les grandes entreprises, en particulier, cultivent spécifiquement des plantes
tolérantes aux herbicides afin de maximiser leurs profits. Il ne fait aucun doute que l'utilisation à
grande échelle d'herbicides en Allemagne, même sans la culture de plantes génétiquement modifiées,
interdite en Allemagne, a un impact massif sur les écosystèmes. Quelle que soit la méthode utilisée,
ce type de sélection va à l’encontre de nos objectifs d'agriculture innovante et durable.
Pour nous, l'agriculture durable comprend les éléments suivants : nous voulons éviter l’utilisation de
poison dans nos champs, réduire l'utilisation intensive d'engrais et donc l'apport de nitrate dans le sol
et l'eau. Nous surveillons l'évolution des conditions climatiques et souhaitons maintenir et renforcer
la biodiversité. C'est là notre critère. Nous voyons les organismes dans leur contexte.
La sélection de variétés végétales nouvelles ou déjà développées a toujours joué un rôle décisif dans
la réalisation de ces objectifs. Des plantes résistantes aux maladies fongiques peuvent réduire la
consommation de fongicides. Des plantes à haut rendement peuvent conserver les sols et réduire les
monocultures. Si ces objectifs peuvent être atteints plus facilement et plus rapidement grâce à de
nouvelles méthodes et techniques telles que CRISPR / Cas9, c’est une grande opportunité pour
développer une agriculture durable. Le nombre d'exemples de réussite en génie génétique a
considérablement augmenté ces dernières années. [1]
De nombreux chercheurs - en particulier dans nos instituts de recherche publics - partagent nos
objectifs d'agriculture durable et mondialement responsable. Vous comptez sur nous les VERTS sur ce
sujet et avez donc besoin de règles adaptées pour faire avancer les innovations dans le domaine de la
sélection végétale. Nous avons maintenant besoin d'innover à pas de géant pour sauver la planète. Les
innovations permettant des bons en avant demandent également une position claire sur l'ouverture
technologique. Avec les technologies actuelles, nous avancerons trop lentement.
3. La réglementation actuelle des organismes génétiquement modifiés (OGM) favorise les structures
de monopole dans l'agriculture. Nous avons besoin de nouvelles règles pour des marchés équitables
accessibles à tous.
La concentration économique croissante consolide le système agro-industriel et freine un changement
urgent et nécessaire de l’agriculture. Ce changement n’est pas contre le génie génétique mais pour
une adaptation des condition actuelles du cadre réglementaire. La situation juridique actuelle dans le
domaine de la biotechnologie et de la protection des brevets renforce les grands groupes industriels.
Les procédures d'admission coûtent beaucoup d'argent ; elles sont également extrêmement
complexes et longues et ne peuvent actuellement être effectuées que par quelques grandes
entreprises. Cela crée de fortes barrières à l'entrée du marché.
Par conséquent, le cadre juridique actuel des OGM contribue à une concentration des acteurs du
marché. Par exemple, les institutions publiques de recherche en Europe ne peuvent pas de facto
rechercher et développer de nouvelles variétés. Entre autres, parce que les essais en plein champ
obligatoires dans le processus de recherche ne peuvent pas se dérouler actuellement en Allemagne.
Ces conditions juridiques ont pour conséquences notamment que les nouveaux processus de génie
génétique sont surtout utilisés par les grandes entreprises dans le but d’augmenter leurs profits, mais
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presque pas par les institutions publiques de recherche pour le développement du bien commun en
agriculture. Avec un nouveau cadre juridique, nous voulons également offrir une opportunité de
développement aux institutions publiques de recherche et aux petites et moyennes entreprises.
4. Le génie génétique rouge (appliqué en santé humaine), universellement accepté, montre déjà
aujourd'hui que le fait de ne pas l'utiliser ne nous dégage pas de notre responsabilité envers le
présent et l'avenir.
Il n'y a pas de bon ou de mauvais génie génétique. En tant que société, nous devons discuter et définir
les domaines d'application en fonction des risques et des opportunités. Le génie génétique rouge
concerne le décodage et / ou la modification du matériel génétique en médecine et en recherche
biomédicale, par exemple dans le but de guérir des personnes à l'aide de la thérapie génique ou des
ciseaux génétiques. En Allemagne, environ 280 médicaments avec 232 principes actifs génétiquement
modifiés sont actuellement approuvés [2]. Cela montre que le génie génétique rouge est déjà
largement utilisé. Les applications vont exploser dans un avenir prévisible en raison des nouveaux
processus de génie génétique. Le développement d'un vaccin contre le nouveau coronavirus à l'aide
du génie génétique montre à quel point les technologies innovantes sont pertinentes pour la santé des
habitants de la planète.
Comme pour le génie génétique vert, il est également clair pour nous que dans le génie génétique
rouge les limites d'application sont fixées par nos valeurs de base. Comme pour le génie génétique
vert, qui doit être évalué à l'aide de critères de durabilité, l'utilisation du génie génétique rouge ne doit
pas entrer en conflit avec nos valeurs de dignité humaine, de liberté et de responsabilité envers les
générations futures. Nous voulons que les gens puissent prendre des décisions autodéterminées sur
leur corps et leur vie. Nos valeurs fondamentales sont notre référence lorsqu'il s'agit d'approuver de
nouvelles technologies ou de ne pas les utiliser. Il ne s'agit donc pas d'une interdiction de principe,
mais d'une application ou d'une non-utilisation fondées sur un large débat social.
En mai 2019, le Conseil allemand d'éthique a pris position sur l’utilisation d’outils biologiques
moléculaires concernant la modification ciblée du génome d’organismes vivants, en particulier les
interventions dans la lignée germinale, et a appelé à un moratoire d'application [3]. Une déclaration
conjointe des conseils d'éthique allemand, français et britannique l'ont également confirmé [4]. Sur la
base de ces positions différenciées, la politique peut offrir aux chercheurs un cadre éthique défini
socialement.
Sur la base d'un large débat social, il est important de peser les opportunités et les risques de manière
différenciée et de réglementer la recherche et l'application des options de thérapie génétique sur les
cellules du corps et dans la lignée germinale de manière transparente et sans ambiguïté. Nous voulons
appliquer le principe de la prise en compte de la maladie et du risque de traitement dans chaque
évaluation des risques aux méthodes de thérapie par génie génétique des cellules du corps. [5]
5. Une application incohérente affaiblit le principe de précaution - nous devons donner une réponse
factuelle lorsqu'une technologie a été suffisamment étudiée pour être considérée comme sûre.
L'Europe prend des précautions et procède à une évaluation approfondie des risques avant que les
nouvelles technologies ne soient largement utilisées. Cela doit rester ainsi. En tant que Verts, nous
avons apporté une contribution significative au développement de l'évaluation technologique et
voulons l'améliorer davantage. Cependant, le principe de précaution est menacé à long terme si -selon
le sujet - il est appliqué différemment. Il nous faut donc apporter une réponse afin que des critères
vérifiables répondent au principe de précaution. Il faut, pour renforcer le principe de précaution, avoir
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une compréhension claire des preuves de risques généralement reconnues. Ces schémas d'évaluation
doivent ensuite être appliqués de manière aussi transparente dans tous les domaines.
Entre 1985 et 2010, 130 projets de recherche ont été menés dans la seule UE pour évaluer les risques
du (vieux) génie génétique dans l'agriculture. [6] Ils sont parvenus à la conclusion que "la
biotechnologie, et les OGM en particulier, ne sont pas en soi plus risqués que les technologies
conventionnelles de sélection végétale". [7] Si nous doutons de telles déclarations scientifiques, des
considérations abstraites ne suffisent pas.
La mutagenèse non dirigée a également été classée comme génie génétique par la Cour de justice des
Communautés européennes et a été classée comme « sûre » grâce à des années d'expérience avec
elle. Elle est exemptée de la réglementation OGM. La raison pour laquelle cela ne devrait pas
s'appliquer à la mutagenèse ciblée, telle que CRISPR, reste ouverte. Le rythme possible de l'innovation
et son efficacité ne sont, pour nous, pas un argument suffisant contre le génie génétique, mais au
contraire en sa faveur, à condition qu'il soit utilisé au profit de l'environnement.
6. La réglementation actuelle des OGM ne correspond plus à l'état actuel de la science. Le facteur
décisif n'est pas la technologie, mais le résultat
La plupart des scientifiques ne voient aucune différence en ce qui concerne les risques qu'un
organisme ait été génétiquement modifié par radioactivité, des produits chimiques ou la méthode
CRISPR / Cas9 empruntée de la nature. Les facteurs décisifs sont plutôt les propriétés de l'organisme
et leurs conséquences pour l'homme et l'environnement.
Si, en tant que Verts, nous évaluons les risques scientifiques du nouveau génie génétique à l’inverse
de la grande majorité des scientifiques et après de nombreuses études sur l'évaluation de la la seule
technologie (c'est-à-dire sur la base du procédé), nous avons besoin d'arguments scientifiquement
compréhensibles. Il ne suffit pas de décrire une technologie comme étant "plus naturelle" ou "plus
sûre" si cela ne peut être prouvé par des faits concrets. Le génie génétique a fondamentalement
changé au cours des dix dernières années (ce qui, par exemple, conduit à une absence de méthodes
de détection). Les risques ne se situent plus au niveau des technologies mais de leurs applications. En
agriculture, la biodiversité peut être endommagée autant par les produits issus de l’agriculture
biologiques que par le génie génétique.
Nous voulons réviser fondamentalement nos anciennes demandes de rétroactivité et de liberté de
choix afin qu'elles continuent à avoir un sens. Nous avons besoin d'un réalignement de la
réglementation ouverte sur toutes les technologies ciblant les risques concrets qui menacent déjà
fortement notre planète aujourd'hui. Qu'il s'agisse de génie génétique ou d'agriculture biologique :
dans les deux cas, nous devons nous concentrer sur les interventions dans l'écosystème en utilisant la
réglementation. En fin de compte, il devrait y avoir une procédure d'agrément révisée pour le génie
génétique végétal vert, à la hauteur de son nom. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Regardons l'avenir : nous ne pouvons plus ignorer la nécessité d'agir, mais nous devons également
appliquer notre force pour une évaluation technologique équilibrée et prudente en dialogue avec la
science pour un nouveau génie génétique dans l'agriculture.
La liberté pour les OGM n'est pas une valeur en soi. Nous avons besoin d'une liste actualisée de
questions clés pour évaluer les opportunités et les risques des nouvelles technologies. Nous en avons
déjà mentionné certaines : quelles conséquences sanitaires, sociales ou écologiques (opportunités et
risques) sont scientifiquement reconnues ? Quels marchés émergent de ces nouvelles technologies et
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avec quelles conséquences ? Quelle est leur accessibilité (globale) et quelles sont les conséquences
pour les agriculteurs ?
Une technologie est un moyen et sa réglementation dépend des finalités recherchées. De nombreux
scientifiques ont fait des propositions réglementaires [8]. Dans l'étape suivante, nous souhaitons les
vérifier en fonction de nos critères. Si les scientifiques de toute l'Europe plaident pour une révision de
la situation juridique actuelle [9] parce qu'elle ne correspond plus à l'état actuel de l'évaluation des
conséquences technologiques et que des opportunités ne peuvent être utilisées, nous devons prendre
cela au sérieux et rechercher d'urgence un dialogue avec les scientifiques, en particulier avec ceux qui
partagent nos objectifs écologiques et durables.
Mais si nous ne contribuons pas de manière constructive au discours sur une nouvelle approche du
génie génétique, l'avenir sera discuté sans nous, en Europe et au-delà. L'Europe est déjà loin derrière
les Etats Unis et la Chine pour la recherche dans certains domaines. L’Allemagne et l’Europe ne sont
pas une île, mais nous devons aussi étayer notre volonté de changement en présentant des
propositions reposant sur des basas solides. Pour nous, cela commence d’abord, par l'évaluation des
nouvelles technologies du point de vue de leurs applications respectives au profit des hommes, des
animaux et de l'environnement.
Texte traduit à partir de la version originale écrite en allemand disponible sur le site des Verts :
https://www.gruene.de/artikel/neue- [...] itgemaess-
regulieren
[1] Voir, entre autres, Modrzejewski et al. Environ Evid (2019) 8:27 - https: //doi.org/10.1186/s13750
... - ou https: // progressive-agrarwende ...
[2] Version : 28 janvier 2020, source: https: //www.vfa.de/de/arzneimi ...
[3] https : //www.ethikrat.org/filea ...
[4] https : //www.ethikrat.org/mitte ...
[5] https : //www.forschung-und-lehr ...
[6] voir la déclaration conjointe de Leopoldina, DFG et Union of German-German Academies of
Science du 4 décembre 2019
(7] Union européenne (2010): une décennie de recherche sur les OGM financée par l'UE. Office des
publications de l'Union européenne, Luxembourg.
[8] voir à nouveau l'avis de Leopoldina, DFG et Union des académies allemandes des sciences du 4
décembre 2019 et l'avis du Conseil allemand d'éthique : https : //www.ethikrat.org/filea ...
[9] https://www.mpg.de/13748381/wissens [...] paeischen-
gentechnik-gesetzes https://www.mpg.de/13748381/wissens [...] erung-des-
europaeischen-
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