Salut, après une longue absence, je reviens dans l'arène. C'est marrant j'étais avec deux profs de philo, l'un pro Onfray et l'autre le méprisant complètement comme simpliste et démagogue.
Maintenant je preprends des réponses du Doc.
docmaboul a écrit :
Ca, c'est déjà une position plus difficile à tenir. Nietzsche n'était pas fanatiquement antichrétien et, par endroits, il valorise aussi le christianisme
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"Par endroits", oui. Ce qui est difficile avec Nietzsche, c'est qu'il est volontairement excessif dans ses textes. D'ailleurs sa célèbre assertion que la philosophie est une confession vient probablement de son propre sentiment au moment de l'écriture. Cela étaye pour moi l'idée que c'était un homme en décalage par rapport à son époque, mysanthrope car en rupture avec la morale socialement légitime. En même temps Par moment Nietzsche parle d'aider un homme renversé dans la rue... Il n'était certainement pas dans la vie aussi impitoyable et froid que dans ses textes. D'ailleurs pareil pour sa misogynie. Onfray a raconté comment Nietzsche avait eu des relations privilégiées avec une ou deux intellectuelles d el'époque et comment il avait soutenu une étudiante, ce qui n'était pas évident à cette époque.
Citation :
Bah. Ca aurait été le fils d'un puceau, le mépris de la sexualité aurait été sensiblement le même. Sinon, vous n'avez manifestement pas idée de comment on considérait l'imbecilitas sexus sous la Rome préchrétienne et de ce qu'il a fallu faire pour accorder le droit romain à la morale chrétienne. J'avais posté un message à ce sujet dans ce topic et dans un autre (mais je ne sais plus trop où). Sinon, vous pouvez aussi vous renseigner sur Justinien et sa modernisation du droit romain. Aujourd'hui encore, des personnes se convertissent à l'Islam pour échapper à des doctrines qui leur sont infiniment plus défavorables (je pense bien sûr à l'Inde).
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Il est un fait que toute société humaine a été jusqu'à maintenant phallocrate et misogyne, pour un tas de raisons. C'est là que Bourdieu est intéressant (voire "le sens pratique" et le passage sur les kabyles), car de façon indirecte il parle du religieux et de sa relation avec la femme et le sexe. En gros la petite taille des femmes, leur capacité à enfanter, leur condition dans la sexualité (soumission, sexe souillé et souillant
) ont généré un imaginaire de la nature vile, faible, inférieure de la femme vue comme nature en soi et non comme être éduqué. De cce fait dans la plupart des sociétés, le refuge de la femme se trouve dans la valorisation de son mari en lui donnant de l'honneur, c'est à dire en gros des garçons et une fidélité sans faille.
C'est de fait quelque chose d'assez universel, quoiqu'en disent certaines féministes. Alors du coup les monothéismes ne sont pas les premiers et seuls systèmes d'idées misogynes mais ils font très fort dans ce domaine et beaucoup de femmes ont été massacrées (sorcellerie, adultère, divorce...) chez les chrétiens et musulmans.
Je suis donc étonné de ton affirmation sur la meilleure condition des femmes en Islam qu'en Inde. C'est pareil en fait!! Et pour les mêmes raisons anthropologiques - et là la religion ne sert que d'officialisation des règles traditionnelles de l'honneur. Et puis la socio-logique des religions fait que des musumans vont se libéraliser tandis que d'autres restent à l'idée qu'une femme infidèle doit mourir.
Et j'ai trouvé une excellente illustration des mécanismes misogynes chrétiens dans le roman "la compagnie blanche" de Conan Doyle (1891), qui se passe au 14ème siècle:
Selon les préceptes du couvent, une femme était l'incarnation, la synthèse de tout ce qui était dangereux et mauvais; la présence d'une femme était si pernicieuse qu'un vrai cistercien ne pouvait pas lever les yeux ou toucher le bout de ses doigts sans être mis au ban de la communauté et commettre un péché mortel. [...]il se trouvait en rapports étroits avec trois femmes également jeunes, également jolies, donc doublement dangereuses du point de vue monastique."
Citation :
C'est la loi des trois états de Comte. L'homme a d'abord appréhendé les phénomènes avec des explications "religieuses". Il a inventé les dieux de la lune, du soleil, des saisons, de la fécondité, du temps, du vent, des étoiles, ..., pour ses activités (agricoles, pastorales, de pêche, ...). Quand on vous a donné des connaissances de base en science physique, j'imagine qu'on y faisait encore référence à ce vieil anthropomorphisme qu'est la notion de force et qui a été initialement forgé dans ce cadre. Que ces vieilles explications scientifiques soient archaïques et entachées de superstition, soit. Mais la démarche n'en reste pas moins la même.
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Je dirais que l'origine est la même mais que la Raison va vite opposer Raison rationnelle et raison pratique (qui génère croyances et superstitions). La science se fonde après sur le déterminisme et les lois, en opposition totale avec la religion et n'est donc constituée en tant que champ de scientifiques qu'après une autonomie gagnée par rapport aux religions, ce que montre Onfray. Ton idée n'est donc pas défendable.
Citation :
Heuuuu, j'imagine que ça doit être une de ces interprétations dont vous avez le secret parce que Comte était tout ce qu'il y a de plus catholique et, se voyant lui-même comme un fondateur de religion, on le qualifie assez souvent de "prophète" (il est par ailleurs regrettable que son projet d'Eglise positiviste ait pour le moins échoué)
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Comme gotfer damnt je ne te suis pas. Mes cours sur COmte sont certes loins mais il ne m'a pas été décrit comme catholique. Mystique sur sa fin oui. En tant qu'inventeur du mot sociologie, il a posé des bases d'une vision plus rationnelle du monde, rejetant les superstitions. Pour sa nouvelle religion il est un peu comme Rousseau, quoi. Ce que Onfray regroupe chez les déistes, comme Voltaire etc.
Citation :
Ca aussi, c'est dommage. Se contenter de dire "Bourdieu montre ceci", ça n'apporte pas grand chose sans un exposé minimal de son propos. Je peux tout aussi bien dire que les créationnistes montrent que Dieu a créé l'homme: prises en l'état, les propositions ont autant de valeur.
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Bien, là tu deviens intéressant
Alors en quelques lignes, Bourdieu est selon moi une révolution dans les sciences sociales.
Dans ce débat il peut apporter ceci: il montre comment l'individu se construit dans un système de contraintes, structures structurées et structurantes. Homme/femme, riche/pauvre, agent de maîtrise/cadre supérieur, élève/professeur, l'individu est structuré par les milieux sociaux qu'il traverse, appelés "champs et sous-champs sociaux" et dont il incorpore les principes inconsciemment (doxa, histoire méconnue des principes des champs) et/ou se place dans une démarche d'objectivation lorsqu'il entre dans la lutte pour modifier les lois du champ ou ses valeurs dominantes (prof qui veulent changer les programmes, couturier qui veut changer la mode, ouvriers qui veulent changer leurs conditions de travail...).
Bourdieu a construit le concept de "sens pratique", reposant sur une raison pratique qui n'est pas celle de Kant (agrégé de philosophie il critique la dénégation du monde social chez les philosophes) mais celle du juste placement: faire le bon discours à un oral de concours et non un discours forcément juste, trouver la bonne épouse pour son deuxième fils étant donné le manque de prétention qu'il peut avoir du fait de sa pauvreté, s'acheter un bien au-dessus de ses moyens pour acquérir un capital symbolique offrant d'autres récompenses qu'économiques (en vrac: placement de la fille, embauche par connaissance, séduction...).
La liste de concepts créés par Bourdieu est très longue et probablement la plus longue de tous les penseurs contemporains. Lors de son étude sur les kabyles il a réfléchi sur la domination masculine et a montré comment agriculture, mariage, aménagement de la maison, cuisine, perception du temps, forment un ensemble cohérent autour de schèmes de pensée inconscients que produisent les invariants de la condition humaine: survie, adaptation au climat et/ou saisons, enfantement, sexualité, etc. Dans cet imaginaire la force s'associe aux outils tranchants oàu explosifs (fusils), ce qui constuit la virilité. Bourdieu a montré que ces symboles peuvent se transformer en opposition entre science et sensibilité littéraire, entre humanisme et politique, etc. opposition qui structurent les positions masculines et féminines actuelles.
Pour le religieux Bourdieu illustre (sans que ce soit un objectif) l'analyse de Freud sur la magie et la prétention à commander aux éléments. La symbolique structurée autour des éléments de l'environnement (jour/nuit, froid/chaud, sec/humide, etc.) laisse penser que 'lon peut agir sur ces éléments par leurs symboles, d'où les rites propitiatoires magiques. Ou actuellement l'astrologie, les énergies asiatiques, les méditations etc..
Le monothéisme est une version particulière de ce sens pratique avec de forts résidus archaïques curieusement "oubliés": voyez lors des enterrements chrétiens les rituels du curés autour des symboles: pain et eau, flamme qui s'éteind, etc. en clair les chrétiens sont quelque part aussi "primitifs" que des païens!
Et tout ceci fonctionne dans des logiques de domination, domination des détenteurs légitimes (à la Weber) des lois des champs contre ceux qui pourraient en changer les principes.
Citation :
Hum. Pour le christianisme et pour sa petite soeur l'islam, s'ajoute à cela une vocation à l'universel qui mène au génocide culturel. Vouloir éradiquer les religions procède à mon sens de la même logique. A priori, je ne suis pas contre la violence ou la domination: tout dépend dans quelles conditions, quelles mesures et à quelles fins on les exerce. Ce que je trouve pour l'instant regrettable avec l'athéisme (enfin sous sa forme la plus répandue sur ce forum), c'est qu'on y critique les religions avec des valeurs héritées des religions et qui ne sont pas remises en cause. Nous parlions juste au-dessus de sexualité. Prenons un cas simple et concret pour commencer. Soit un gamin d'une douzaine d'années, pubère. Un gamin qui se trouverait à peine en sixième et qui sortirait donc à peine du primaire. Il est attiré par son voisin qui a, lui, une quarantaine d'années et cette attirance est réciproque. Une relation pédérastique entre eux vous poserait-elle un problème d'ordre moral? Si oui, comment?
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Alors ça ce n'est pas vrai du tout puisque c'est justement ce que dénonce Onfray: une différence entre le nihilisme athée mais qui peut-être mystique ou moraliste chrétien et l'athéisme mûr "post-chrétien". D'ailleurs je suis d'accord avec ton objection sur la sexualité, comme quoi...
Il ne reste plus que ton insupportable vouvoiement qui te marginalise complètement sur un forum internet 
Message édité par jacquesthibault le 25-08-2006 à 12:58:45
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"Les dieux sont des créations des forces psychiques de l'homme" S. Freud.