Bonsoir ! Après tant de temps passé à lurker, je ne pouvais pas résister à l'envie de raconter une soirée que j'ai passé, et qui aurait pu bien mal se terminer, puisqu'elle s'est terminée sur le mouchage d'un jeune con (moi), et de son alcoolisme précoce qui fut calmé pour un bon moment.
Par souci d'anonymat, je vais éviter de mettre le nom de la ville, mais disons qu'elle est assez connue, se trouvant dans une expression célèbre d'un breton.
Tout commence en ce joli mois de mars, vers le printemps. La nature renaît, les bourgeons poussent tranquillement, les insectes refont surface après un hiver pluvieux et triste. En ce temps là à lieu une grande fête réunissant tous les élèves de terminale dont je fais partie, afin de célébrer la dernière année de lycée, et le bac approchant. Dans la journée, on se déguise et on passe dans les classes afin de montrer aux autres élèves que nous sommes de jeunes cons, et que bientôt, ils pourront faire pareil. Ensuite, quelques photos, et dans la soirée une beuverie gigantesque avant d'aller dans une salle des fêtes afin de traîner entre sales jeunes loin du tumulte ambiant.
Tous les terminales ont donc profité d'une pause située entre dix heures et midi pour aller chercher chez leurs amis mousquetaires de quoi passer leur soirée et leur raison dans l'éthanol, et avoir l'assurance de ne pas trop se souvenir de ce qui se passera, moi et mon groupe d'amis y compris? Mû par une envie, je me force aussi à aller acheter une rose rouge pour une demoiselle qui me plaît beaucoup, afin de lui déclarer ma flamme de façon poétique et fleurie, afin que tous se rappellent de ce râteau mémorable et tendre. Puis, vers midi tout le monde se change et généreux j'ouvre une bouteille de Soho que nous finissons à trois ou quatre afin de bien se chauffer pour l'après-midi, le tout servi avec les pâtes de la cafétéria, pas très diététiques mais très nourrissantes. Aucun signe d'une quelconque attaque d'alcool, pas de soucis, je me rends en cours d'anglais puis de philosophie gai comme un pinson, au vu de la déclaration d'amour qui suivra. ("Elle est trop jolie" me murmure mon cerveau dans un tendre élan d'amour.)
Ensuite, nous défilons dans les classes et ma rose rouge à la main, je cherche la damoiselle qui aurait semble-t-il, fui l'endroit.
Confiant, je me dis qu'elle sera peut être là plus tard, au grand repas. On papote en attendant l'heure, et dans la cafétéria vide de toute autre présence que celle de certains profs et de quelques élèves. Elle ne viendra pas. Déçu, le cœur brisé, je me promets alors de boire comme jamais auparavant, pour "montrer à ces p'tites bourgeoises de ce lycée (privé catho) comment boivent les vrais bretons"
Je ne mange donc qu'un micro sandwich fait la veille, parce que je suis végétarien et que tous les plats contiennent de la viande. Un peu de jus d'orange, pour humidifier la gorge et faire passer l'alcool plus tard.
Puis, on va poser nos affaires chez l'un des potes qui nous accueille, on remet des vêtements de ville, et on sort dans le froid avec de gros manteaux, et des sacs à dos contenant divers breuvages chers à Dionysos, notre Dieu de la soirée.
On se pose dans une rue, à un ou deux kilomètres de la soirée, et on commence à boire, on discute, on s'échange des recettes. Je goûte à certains breuvages que je connais déjà bien comme un petit litre de vodka orange, une demi bouteille de vodka pure, du whisky coca moitié whisky et moitié coca ... En bref, déjà de quoi être bien bourré, si je n'avais pas eu de l'entraînement ni de l'embonpoint. Et puis, je goûte la bouteille d'un pote.
Du brut de pomme et de la manzana, qui passe comme du petit lait. Alors je finis sa bouteille, et bois ma troisième de gin, avant de terminer le fond de whisky parce que bon, il faut bien que quelqu'un se dévoue. En levant le camp et mettant les bouteilles dans une poubelle, je me moque d'un pote déjà complètement allumé, en le traitant de lavette, et lui disant qu'avec ce qu'il avait bu, une fillette marcherait droit. (Provocation que je regretterai par la suite.)
Nous marchons, un ami nous filme tandis que j'ai l'impression d'être le Georges Abitbol de la soirée, l'homme le plus classe du monde.
Et puis, passant un pont qui était à un bon kilomètre et demi de la soirée, c'est le trou noir alors que tout allait bien. Je me fais soutenir par deux amis qui portent tant bien que mal mon poids déjà trop élevé, et qui est en plus totalement mort. Ensuite, je revois vaguement un morceau de la soirée, je me penche et je crache un truc, je sens qu'on me porte, des gens me parlent. Je me réveille quelques heures plus tard, dans un local près de la soirée, avec de la musique (de merde) qui hurle. Un homme habillé en orange me dit qu'il me laisse partir, je tâte plus ou moins anesthésié mes poches, j'ai mon portable, portefeuille, c'est bon. Je réclame mon écharpe, et je m'en vais, mes potes arrivant comme par mage à l'entrée de la salle. Le chemin est court, et me voilà au lit, qui pour l'occasion tangue un peu. Je sombre.
Et le lendemain, j'ai la tête comme un puzzle démonté, la bouche sèche et la gorge en flammes. Je suis habillé, dans le lit de la chambre d'un pote, avec mon jean plein de terre et pieds nus, puant le vomi et la vinasse, comme si ma transpiration n'était que pur éthanol, et ma salive vieux reste de vodka.
Je descends, et vois deux potes réveillés, qui me racontent mes conneries, mais un peu, voulant me "ménager le suspense". Soit, de toutes façons, je suis quelqu'un qui tient bien, avec de l'expérience, ça peut pas être grave.
Et quand j'arrive au lycée, tout le monde se fout de ma gueule. Absolument tous, des terminales aux secondes, en passant par quelques troisièmes dont les frères ou soeurs étaient à la soirée.
Après le pont, je me serais écroulé, et aurais parlé sans arrêt de la fille, en demandant "Eh, vous savez pourquoi j'aime mademoiselle T ?" (Initiale du prénom de la fille.) Et j'aurais changé la raison à chaque fois, en disant "parce qu'elle est trop jolie", ou "parce qu'elle est trop intelligente" assez régulièrement, prouvant au groupe mon affection non feinte.
Je serais arrivé à la soirée soutenu par des potes pleins de pitié qui auraient préféré me laisser à l'entrée avec leurs sacs, parce que les vigiles de la soirée étaient plus que suspicieux devant mon état. Ensuite, une de mes cannes pour la soirée m'a fait danser, dans un état absolument catastrophique, au milieu de la salle, avec de la tecktonik en fond sonore.
Ensuite, j'aurais suivant les conseils d'une demoiselle, "pris l'air" en dehors de la salle, afin de m'aérer un peu. Et j'ai vomi, une fois, deux fois trois fois ... Selon la plupart des versions, je l'aurais fait neuf fois, toutes ces fois interrompues par mes potes décrétant que "il a tout vomi, ça va". Il paraîtrait même que j'ai failli éclabousser sur les chaussures en cuir de mon sous-directeur (qui ne s'occupe que du lycée, la directrice ayant un autre lycée en charge, dont elle préfère s'occuper). Puis ensuite, j'ai presque touché mon CPE, venu disperser l'attroupement naissant. Puis, des gens ont appelé les secouristes de la Croix-Rouge, qui sont venus me parler. Me demandant si ça allait, j'aurais failli leur vomir une ultime fois dessus, avant de m'écrouler au sol, sans forces. Ils m'ont donc, devant presque tous les terminales de trois lycées et des gens qui avaient réussi à s'incruster dans la soirée malgré les videurs, brancardé jusque dans un local, en pestant contre mon poids. Puis m'ont posé des questions, afin de savoir si j'avais fumé de la drogue et la raison pour laquelle j'étais dans cet état. Je leur aurais répondu que j'étais simplement "complètement bourré" avant de m'endormir, et à l'un de mes réveils de draguer une secouriste qui avait l'air d'avoir une jolie voix. (Je ne me souviens pas vraiment d'elle, et encore moins de son visage.)
Le lendemain, j'ai donc eu le droit à des haies d'honneur, des chansons, des moqueries sur le fait que j'avais l'air décédé sur la brancard, et surtout des rires moqueurs. Y compris de professeurs mis au courant, notamment mon prof d'histoire, m'ayant gratifié d'un sympathique "Eh bien Pivoine, il paraît que tu n'as pas été très ... valeureux hier soir ?"
Je n'ai toujours aucun souvenir de cette soirée, mais depuis, j'ai pris l'habitude de vraiment manger avant les soirées, et d'étaler un peu ce que je bois dans le temps. Et puis, j'ai l'impression que ça m'a servi de leçon.
(A cette soirée, un type que je connaissais n'est même pas arrivé, coma éthylique à 20h, la soirée commenceant à 21h ... )
La fleur dans tout ça ? Encore dans le brouillard, et ayant remplacé mon parfum habituel par alcool numéro 5, j'ai préféré la laisser mourir chez l'ami hébergeur, ne voulant pas tenter le diable. Déjà que la fille ne m'appréciait pas trop, je n'ose imaginer ce qu'elle pense de moi maintenant ... Oh, et bien sûr, le tout à été filmé jusqu'au passage des secouristes, où ils auraient demandé l'arrêt du film et l'auraient eu, même si l'on me voit m'éloigner sur mon brancard, tel Erik le Rouge sur son fidèle drakkar.
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عقرب تحت برقع / "Quand je vois que des gens vénèrent un dieu à tête d'éléphant qui monte un rat, je me dis que Cthulhu il est pas si mal."