Badcow |
En ce qui me concerne, je vote pour "agent provocateur"... il débarque et poste "directement" un gros pavé bourré de formules, valide son "modèle" avec 3 "exemples" (nous reviendrons là dessus) et "démontre" qu'un avion n'a pas pu rentrer dans le pentagone, sous les applaudissements des premiers commentateurs qui avouent ne pas comprendre la "démonstration", mais ce n'est pas grave parce que ça ressemble à de la science.
Fin de la phase 1.
Des commentaires moins élogieux apparaissent ici et là-bas, mais il rejette toute critique d'un bloc en les qualifiant soit "d'âneries", soit en les ignorants.
Fin de la phase 2.
Si on regarde dans le détail, on remarque que son modèle considère des interactions entre le projectile et l'obstacle, mais jamais "inter-projectile". Ca peut sembler anecdotique, mais cela signifie simplement qu'il modélise le projectile par un comportement de gaz, c'est ce qu'on appelle un modèle hydrodynamique de pénétration, il n'a rien de révolutionnaire (c'est très utilisé pour modéliser la pénétration des obus-flèche dans les blindages), ce qui est "révolutionnaire" c'est de chercher à appliquer un tel modèle pour un impact d'avion, où aucune des hypothèses du modèle n'est validée, mais cela ne semble pas gêner l'auteur.
Quel est son seul argument contre cette incohérence ? "J'ai 3 exemples qui marchent"... la belle affaire. J'ai en ce moment devant moi une horloge arrêtée, et bien elle donne quand même l'heure exacte 2x par jour.
Regardons alors dans le détail ses "exemples", je vais prendre le premier, au hasard, et je vais le citer in extenso (pardonnez moi) car la façon dont il est structuré est assez intéressant.
Citation :
Prenons d’abord le cas de la bombe MOP :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Massive_Or … Penetrator
On nous dit qu’elle pèse 13 600 kgs, qu’elle mesure 6,25 m et que son diamètre est de 0,8 m, donc une masse volumique f = 13 600 / ( (0,8/2)^2 * 3,14 * 6,25) = 4 331 kg/m^3
On ne nous fournit pas sa vitesse au moment de la pénétration, mais il y a moyen de l’estimer sachant que:
-c’est une bombe à chute libre
-que ce type de bombe est larguée à une altitude d’au moins 40000 pieds (12 192 mètres) (http://www.cnn.com/SPECIALS/2003/iraq/i … clude.html)
-qu’il faut qu’elle ait minimum une vitesse de « one half a kilometer per second » pour pénétrer dans le béton (500 m/s)(http://www.fas.org/programs/ssp/nukes/n … pnrpt.html
-qu’elle ait larguée d’un B2 dont l’altitude maximale de vol est 15 240 mètres (
http://fr.wikipedia.org/wiki/Northrop_B-2_Spirit)
Sans tenir compte de la résistance de l’air la vitesse maximum que peut atteindre un objet largué de 15 240 mètres est sqrt (2 * 9.81 * 15 240) = 547 m/s
Prenons donc une vitesse de 547 m/s, nous pouvons alors calculer la quantité 2fv^2 = 2 * 4 331 * (547)^2 = 2 591 748 358
On nous dit aussi (voir lien MOP) qu’elle est testée sur deux types de béton l’un avec une résistance mécanique de 35 MPa, soit 35 000 000 Pa, l’autre avec une résistance mécanique de 69 MPa, soit 69 000 000 Pa.
Or 2 591 748 358 > 69 000 000 > 35 000 000
Donc notre critère de pénétration (2fv^2 > P) est satisfait dans les deux cas, même très nettement. Donc la bombe pénètre dans les deux types de béton.
Calculons maintenant la profondeur de pénétration, pour cela nous avons besoin de la masse volumique du béton, lorsqu’il s’agit de béton armé la masse volumique est à peu près de 2500 kg/m^3
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Masse_volumique). En appliquant (2)
Pour le béton à 35 MPa :
x = ( (6,25 * 4331)/(4 * 2500) ) * ln ( 1 + 2 * 2500 * 547^2 / 35 000 000 ) = 10,23 mètres
Pour le béton à 69 MPa :
x = ( (6,25 * 4331)/(4 * 2500) ) * ln ( 1 + 2 * 2500 * 547^2 / 69 000 000 ) = 8,4 mètres
Or l’article de Wikipedia (voir le lien sur le MOP) annonce :
Une profondeur de pénétration de 8 m pour du béton armé à 69 MPa, ce qui est conforme à nos calculs.
Une profondeur de pénétration de 60 m pour du béton armé à 35 MPa, alors que nos calculs nous donnent 10,23 mètres.
Permettez-moi de faire davantage confiance à mes calculs qu’aux données de wikipedia, car je ne vois pas comment la bombe pourrait pénétrer 7 fois plus profondément dans un béton qui n’est que deux fois moins résistant, d’autant plus que dans le même article il est dit que la bombe pénètre 40 mètres de roche modérément dure, donc 20 mètres de moins que dans du béton armé à 35 MPa…
|
Premier point, la détermination de la vitesse à l'impact.
Regardons les hypothèses
Citation :
On ne nous fournit pas sa vitesse au moment de la pénétration, mais il y a moyen de l’estimer sachant que:
-c’est une bombe à chute libre
-que ce type de bombe est larguée à une altitude d’au moins 40000 pieds (12 192 mètres) [ref1]
-qu’il faut qu’elle ait minimum une vitesse de « one half a kilometer per second » pour pénétrer dans le béton (500 m/s) [ref2]
-qu’elle ait larguée d’un B2 dont l’altitude maximale de vol est 15 240 mètres [ref3]
Sans tenir compte de la résistance de l’air la vitesse maximum que peut atteindre un objet largué de 15 240 mètres est sqrt (2 * 9.81 * 15 240) = 547 m/s
|
On remarque que 547 m/s, c'est "un peu" supersonique, or la première ligne indique "c'est une bombe à chute libre", or il se trouve qu'un objet en chute libre ne peut pas passer le mur du son à basse altitude, d'autant plus à l'impact avec le sol ("basse altitude" s'il en est).
Comment fait-il pour nous faire croire que 547 m/s est une vitesse crédible ? Simple, il commence par donner une altitude minimale de largage (la référence donnée est celle de la GBU-28, donc pas la bonne bombe), puis donne un lien qui indique qu'il faut une vitesse de plus de 500 m/s pour pouvoir pénétrer le béton (la référence donnée ne traite pas de la bombe MOP per se et s'applique aux "long rod penetrators" mais ce n'est pas grave), calcule la vitesse sans tenir compte de la résistance de l'air et arrive à la conclusion "cette bombe pénètre le béton".
Maintenant, si on tiens compte de la résistance de l'air, on trouve que la vitesse d'impact d'une bombe "free fall" est de Mach 0,95 (domaine du "haut subsonique" ), soit de l'ordre de 320 m/s.
Calculons donc le "critère de pénétration" avec une vitesse de 320 m/s, et gardons à l'esprit le lien qui indique qu'il faut une vitesse de 500 m/s pour pouvoir pénétrer dans le béton...
2fv^2 = 2 * 4 331 * (320)^2 = 887 10^6
Or 887 MPa > 69 MPa > 35 MPa
Donc la bombe pénètre dans le béton, même à la vitesse de 320 m/s... en fait, avec ce critère de pénétration, il suffit d'une vitesse de 64 m/s pour pénétrer dans le béton à 35 MPa du pentagone (on se demande bien pourquoi dans le lien cité, il est indiqué 500 m/s si seulement 64 m/s suffisent... qui a dit "problème de cohérence des hypothèses ?" ).
Penchons nous maintenant sur la distance de pénétration pour une vitesse de 320 m/s
Dans le béton à 35 MPa : 7,45 m pour 60 m annoncés
Dans le béton à 69 MPa : 5,77 m pour 8 m annoncés
Bon, ça commence à être beaucoup moins fiable, mais l'auteur se met à douter de sa source ("je ne vois pas comment la bombe pourrait pénétrer 7 fois plus profondément dans un béton qui n’est que deux fois moins résistant" ).
Y-aurait-il place à un doute ?
Pour en être "sûr", on va prendre un cas simple, celui d'une balle de carabine de grande chasse percutant une plaque en acier. C'est simple car les hétérogénéités sont beaucoup plus limitées, la balle est en plomb durci avec une chemise en laiton (masse volumique du projectile de l'ordre de 11 000 kg/m^3), et la vitesse d'impact est de 600 m/s (vitesse à la sortie du canon entre 850 et 950 m/s).
Calculons notre critère de pénétration :
2fv^2 = 2 * 11 000 * (600)^2 = 7 920 10^6
On considère que la "résistance" maximale d'une plaque de blindage est de 1,5 GPa (selon la méthode de mesure, la vitesse de déformation et le traitement des éprouvettes, on trouve des valeurs de 800 MPa à 1790 MPa).
Malheureusement pour notre plaque de blindage, 7 920 10^6 >> 1500 10^6, c'est donc la balle qui gagne, et très largement. Voyons maintenant ce qui se passe dans la réalité...
http://www.youtube.com/watch?v=Ft_M3vJGivE
Oups... ça a l'air d'être assez différent de l'attendu, non ?
On remarquera aussi que le projectile ne se comporte absolument pas comme dans le modèle, où chaque particule est censée "rebondir" sur l'obstacle, sans interagir avec celles qui sont derrière elle... au temps pour la fameuse "variation de quantité de mouvement" écrite en 1D alors que le problème est à traiter au minimum en 2D axi.
Alors, est-ce que ce critère serait faux ?
On note au passage, que si le projectile ci-dessus était composé en acier et non en plomb, le critère de pénétration serait plus faible (5 688 10^6 contre 7920 10^6) ce qui signifie qu'une balle en acier possèderait moins de chance de pénétrer dans une cible qu'une balle en plomb, ce qui est bien entendu stupide.
En fouillant un peu dans la littérature, on trouve dans l'annexe 4 du document "PROCEDURES FOR EVALUATING THE PROTECTION LEVELS OF LOGISTIC AND LIGHT ARMOURED VEHICLES FOR KE AND ARTILLERY THREATS" de l'OTAN la figure suivante :
et voici le texte qui s'y rapporte
Citation :
Appendix 4 – Shatter gap testing
Shatter-gap is a phenomena exhibited by a few projectile/armour material interactions. The classical shatter-gap is exhibited when the projectile core is shattered and thereby defeated by the armour when impacted at relatively high velocities (see Refs. 18, 21 and 22). At lower velocities, the projectile could however defeat the armour because the impact energy is insufficient to break the projectile core. This usually results in projectile/armour combinations having multiple ballistic limit values as shown in Figure C.12. The classical shatter gap phenomenon is most common with ceramic armour systems. Where a shatter gap is suspected, an appropriate test procedure should be employed to explore the possibility of low velocity penetration. Comprehensive testing to explore the possibility of shatter gap vulnerability requires a large number of tests at various reduced velocities. Such investigations are at the discretion of the National Authority and do not fall within the test requirements of this STANAG. Nonetheless armours that are found to have vulnerability to the threat projectile listed in this STANAG but at lower velocities than is specified in this STANAG are considered to fail to meet the requirement.
|
Ce type de comportement est tout à fait impossible à prédire à l'aide d'un "modèle" qui est juste une fonction de v² pour un projectile donné, et qui considère ce même projectile comme un gaz (plutôt dense, mais toujours sans interaction).
Bref, "modélisation mono-dimensionnelle d'un problème qui ne l'est pas + traitement comme un gaz d'un projectile solide + bidouillage des exemples pour "coller" au données et déni de réalité lorsque ça ne colle plus = garbage in, garbage out".
---------------
"The birds don't fly at the speed of sound" - "There's no replacement for displacement"
|