Lourspd je crois qu'il a faim | verseb a écrit :
Surtout qu'il y a pas mal de merde...
ce que je comprends pas, c'est qu'on dit l'industrie du livre en crise. ( ce que je veux bien croire ). Mais derrière, on inonde le marché alors que ce marché n'est pas au beau fixe. Ce qui pour moi n'est pas cohérent.
Peut être que Le batracien azuré ou lourdpd pourront éclairer ma lanterne? En tout cas, discussion super intéressante !
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y'a pas mal de merdes mais perso je pense qu'il y en a toujours eu. on a maintenant les survivants des siècles passés, ç a a fait filtre, même si du coup on a perdu beaucoup de choses très bien, j'en suis sure. et je pense sans critiquer qu'on aime aussi lire de la merde. perso je trouve crowley objectivement génial, et quasi personne ne connait. 50 nuances, tout le monde chie dessus mais j'entends très souvent "j'ai juste jeté un oeil", "je l'ai lu pour faire plaisir" "oui mais on me la offert." comme tu le dis, c'est une industrie; qu'il plaise ou pas, j'ai un style particulier, c'est un truc qu'on ne peut pas me retirer. et je sais qu'à part tomber sur un*e éditrice qui aime viscéralement ce que je fais, au point de risquer son avancée dans sa propre boîte si mon livre se plante, on ne me mettra jamais en avant autant qu'un auteur qui écrit de façon beaucoup plus "lisse". encore une fois on est restés sur des clichés des années soixante-dix, quatre-vingt, des années où l'édition rameutait un max de thunes, et où on pouvait "prendre des risques" sans risquer de planter un bout de sa carrière en tant qu'éditeur. les grosses maisons n'ont AUCUNE raison de risquer un auteur "différent". aucune, puisque leur système marche. je ne partage pas cet avis mais je me souviens du coup de gueule d'une éditrice qui fermait sa boîte, coup de gueule lancé à force de recevoir les mails désolés de ses lecteurs; en gros, elle disait que si ils avaient aimé sa boîte, et bien il aurait fallu acheter leurs livres. une boîte sans argent, elle ferme, c'est tout. j'ai trouvé ça dur de sa part mais quand tu reçois deux cents cinquante mails de lecteurs qui te jurent qu'ils auraient bien acheté un livre mais que leur chien était malade, et que tu sais, toi, que s'ils l'avaient fait, ta boîte serait encore ouverte, ça doit bien faire chier. parce que cette boîte-là, que je ne citerai pas, une fois fermée ça a été des dizaines d'auteurs "de style" qui n'ont plus pu publier. donc qui ont arrêté. ce que je pense, c'est qu'on peut toujours dire qu'il y a beaucoup de merde bankable (et je le dis aussi), l'ennui c'est quand on voit le comportement d'une part du lectorat, aussi. parce que c'est en partie lui qui créée ça. quand je vois que mes bouquins, les premières années de sortie, ont cinq à vingt-cinq nouveaux liens de téléchargement gratuit, par jour. quand je vois que mon recueil de nouvelles, que j'ai fait absolument gratuitement, que l'éditeur a fait absolument gratuitement, que l'illustrateur, etc, les deux correcteurs, le maquettiste, bref, tout le monde l'a fait sans rien gagner, on ne force absolument personne à l'acheter, et qu'ici même on m'a dit que la couverture était un océan de merde et le titre carrément à chier, et bien on réfléchit à deux fois avant de faire des trucs, aussi. à un moment, si même en ne forçant personne on emmerde les gens, et bien on reste chez soi. tout ça pour rebondir sur l'industrie du livre en crise; oui et non. les auteurs le sont, depuis plusieurs dizaines d'années. sérieux, quand on écrit à plein temps, quand on est bon, quand on vend beaucoup, et qu'on a pas les moyens de payer ses factures, à un moment faut qu'on arrête. et on le fait. ou alors on prend un boulot à côté, et du coup on écrit moins bien. et moins souvent. je l'ai déjà écrit ici, mais les auteurs n'ont ni chomage, ni arrêt maladie, ni congé maternité. moi, j'ai un bébé d'un an. ça fait deux ans, en gros, que je ne peux pas partir en salon, et que je bosse quand je peux, parce que mon bébé est à la maison avec moi et mon conjoint. on me dira qu'il suffit d'avoir un bureau, je répondrai qu'effectivement, il suffit d'assez bien gagner sa vie pour avoir une maison avec un bureau. je n'ai rien publié depuis deux ans, et donc je ne gagne absolument rien depuis deux ans. rien. il n'y a pas de chômage, de congé mater ou de reversement quelconque, alors que je cotise pour les autres travailleurs, et je cotise beaucoup, plusse qu'un salarié. pour donner une idée, je suis souvent démarchée pour signer dans d'autres maisons d'éd, et franchement en pourcentage c'est ahurissant, je donnerais ma couille droite pour signer des trucs pareil en salariat, ça triple facilement ce que je gagne. sauf que passer de mille cinq cent à cinq mille, quand c'est sur un an, deux ans, finalement ça ne change rien. si, tu rachètes un nouveau canapé. encore une fois j'ai la chance d'avoir sorti des livres qui me font toujours exister d'un point de vue éditorial, je suis loiiiiiiiin des auteurs fantasy qui rament encore plus, et je ne me plains pas, c'est juste comme ça que sont les choses en ce moment. j'ai la chance de ne pas être obligée de me remettre à la trad ou au livre de commande pour vivre, je ne critique absolument pas, c'est juste carrément pas mon truc. crise, donc, oui. mais pas pour les éditeurs. les petits, si, ils coulent les uns après les autres et ils bossent encore plus que les auteurs, ce qui n'est pas peu dire. mais les grosses maisons, il n'y a pas de crise. ou alors juste une crise à refuser de changer, mais on en discute souvent, on voit les chiffres (enfin, ceux qui sortent des maisons d'éd, quoi ), et ce que je pense, c'est que les maisons d'éd, les grosses, s'en battent les burnes de la crise; elles vendent, elles gagnent des sous, et elles s'en foutent de couler des auteurs ou des boulots de plusieurs années tant que les tables sont prises par leur chouchou bankable du moment. quand ça fait un moment qu'il n'a rien sorti, on pose un auteur qu'on laisse crever dans les deux mois sur la table, pour ne pas que la place soit prise par l'auteur d'une autre maison d'édition. l'éditeur et l'auteur doivent bosser ensemble, et à partir de là c'est quelque chose de constructif. sans éditeur, on se plante, sans distributeur, ils se plantent, c'est un travail de groupe et c'est ça qui se perd. les grosses maisons d'ed veulent des auteurs qui ne prennent pas de risque, qui vendent, qui ne font pas de remous, qui ne demandent pas de changer sa façon de lire quand on s'y met. ils réussissent assez bien, et tant qu'on suivra on aura ce qu'on veut lire. je ne critique pas, je parle juste d'un état de fait. perso quand j'étais jeune j'adorais les films d'animation et j'en cherchais partout, j'ai découvert des trucs dingues, maintenant je reste sur les miyazaki comme à peu près tout le monde et je ne vais pas chercher plus loin. je ne sais pas qui a tort ou qui a raison, c'est juste comme ça depuis quinze ans, vingt ans, et je ne sais pas combien de temps ça va durer. c'est un long moment où beaucoup d'auteurs talentueux vont disparaître pour faire autre chose, parce qu'à un moment, tu as envie de vivre de façon un peu plus cool et tu as autre chose à faire que du stakanovisme. je l'ai fait pendant des années, ça n'a rien changé, profondément, à ma vie. j'ai écrit des livres que j'ai franchement aimés, que je n'aurais pas écrits si j'avais plus souvent glandé, c'est vrai. mais le retour (pas que financier) ne m'a pas convaincue que ça valait le coup de cramer ma vie à écrire quatorze heures par jour. alors oui, on a de la merde. je pense que c'est un choix de certaines maisons d'ed, d'une grosse part du lectorat, de la société, aussi, parce qu'on ne va pas claquer de la thune pour un truc qui va peut-être nous décevoir ni avoir six heures pour lire tranquille le soir. c'est comme ça. c'est l'époque. on hait les artistes et on veut du calibré, et bien on a du calibré et on a de moins en moins d'artistes. et je suis comme tout le monde et je participe à ça moi aussi.
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