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Auteur Sujet :

Ecriture d'un roman d'heroic fantasy

n°2661531
Orkin Maru​s
Arvi pâ !
Posté le 08-05-2004 à 19:42:49  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Allez, je met la suite, même si c'est pas très bien, pensez que je n'avais que 13 ans.
 
  Bonne lecture !
 
 
 
CHAPITRE PREMIER
 
 
   
  Pour la première fois depuis près de deux semaines, une aube ensoleillée réveilla les habitants de Terraz, un petit bled paumé de cinq rues, à la sortie sud de Portcap, à près de deux cent kilomètres de Bordeaux. Ce matin-là, vendredi 07 Mai, tout le monde ronflait paisiblement, attendant le sursaut du réveil qui les enverrait au boulot. La seule personne qui ne dormait pas était Berni, un vagabond aimé de tous, qui parcourait la région. Il était arrivé pour la première fois il y a près de 10 ans, alors que sa femme le lâchait pour un "vrai con", comme il l'appelait. Un petit merdeux d'écrivain qui gagnait pas mal fric avec ses bouquins. C'est sûr qu'à choisir entre un homme qui travail aux travaux publique, et un écrivain qui mène la belle vie, autant prendre celui qui nage dans son argent, que celui qui nage dans les merdes de chiens. C'était à peu près ce que Berni avait compris.
  Un jour qu'il rentrait éreinté du travail, il avait trouvé un mot, simple mais efficace posé sur la table.
  "Berni, ne m'attend plus, j'ai fait un choix, tu ne peux plus rien pour moi, au revoir. Sally".
  Ce mot d'une ligne à peine avait complètement bouleversé sa vie. En un soir, il avait quitté son job, quitté sa maison et quitté sa ville, pour retrouver sa Sally. Il avait quand même fouiller dans la chambre pour voir si la réserve de pognon était toujours là, et elle l'était. Heureusement pour elle, pensa t-il. Berni avait bourré les 537 dollars qui se trouvaient à l'intérieur de la boite à chaussure dans ses poches, puis il était partit à la recherche de Sally. Les premiers jours, il avait trouvé le voyage improvisé plutôt marrant, mais quant il vit ses billets fondre comme neige au soleil dans sa poche, il avait moins fait le malin. En à peine une semaine, il avait dépensé la moitié de son argent, et il n'avait vu aucune trace de Sally.  
  En conséquence il dut travailler le soir dans des restaurants pour compenser ses gaspillages, mais rapidement, il trouva ce rythme un peu trop fort pour lui. Marcher pendant toute la journée, puis à 20h00 se présenter dans les restos pour bosser jusqu'à plus de 00h00, était quand même assez fatiguant. Il s'en rendit vite compte quant un soir qu'il lavait la vaisselle, il tomba la tête dans l'évier, tellement il était fatigué. Heureusement que les cuisiniers étaient là, sinon il serait mort au travail, comme on dit !  
  Il avait donc décider de réduire la cadence. Marcher un jour, travailler l'autre était amplement suffisant. Et en effet, cette technique se révéla très bonne. Un jour il marchait 25 kilomètres, et le suivant il essayait de trouver un travail à la journée. Cela n'a pas été tout les jours évidents, dès fois on trouve pas d'emploi à la journée. C'est triste, mais c'est comme ça ! Mais dans l'ensemble, l'économie de voyage tenait bon.  
  Puis un jour qu'il se trouvait à Carnif, une cinquantaine de kilomètres avant Terraz, il avait vu Sally. Inutile de vous dire que ce fut l'explosion de joie. Mais la jubilation retomba très vite, quant il vit l'homme qui lui tenait le bras. Un homme d'une quarantaine d'années, quelques cheveux gris sur le cailloux, petit et un peu gros.  
  "Qui c'est ce gros lard", avait-il aussitôt murmurer.
  Une seule solution de le savoir. Il s'approcha donc à la rencontre de sa femme, et de ce… gars. Il n'était plus qu'à une vingtaine de mètre, quant il les vit rentrer dans une superbe cabriolet, une porche si ses souvenirs étaient bons. Pendant une seconde il resta stupéfier, puis il courut le plus vite possible vers elle. Mais trop tard, la porche avait déjà redémarrer. Bien sûr il avait crier, hurler, mais il n'y avait rien à faire, la bagnole était déjà loin, avec les deux tourtereaux dedans. Berni avait alors jurer à n'en plus finir. La caisse et les deux cons qui se prenaient du vent en pleine gueule, étaient les deux choses qu'il insultait frénétiquement.  
  Longtemps il avait chercher sa femme, la voiture, le gros, mais il ne les avait encore jamais revu. Si, le gros, il l'avait revu, sur un bouquin, en photo. Ses cheveux gris recouvrant son crâne, des petits yeux de porcins, et un petit pif. Cet homme souriait. Berni avait alors comprit pourquoi sa femme était partit avec ce mec. Il est riche et… c'est tout ! Riche et laid. Tout d'abord, il avait déchirer le livre, en prenant bien soin d'en garder une page. Celle intitulée "biographie de l'auteur".
  Phil Grads, né en 1958 à Renar.  
  Et comme par hasard, il n'indiquait pas le lieu de résidence de cet abruti.  
  Berni s'était quand même rendu à Renar, pour voir si dès fois…, mais rien. Pas une trace de monsieur Phil Grads. Il avait donc décider de parcourir la région pour voir, et il n'avait toujours rien. Aujourd'hui, pour la dixième fois peut-être, il était de passage à Terraz.  
  — Salut Berni, lança gaiement un homme qui passait de l'autre côté de la rue.
  — Salut Ted !
  — Ce soir, tu passes à la maison ?
  — Je ne sais pas, mais attends-toi à recevoir ma visite, on ne sait jamais, répondit Berni en souriant.  
  L'homme prénommé Ted acquiesça d'un signe de tête, puis il continua sa route.  
 
  Peu à peu le soleil s'était levé, et maintenant la rue était parfaitement claire. Une chaleur réconfortante réchauffait la petite ville et ses habitants.  
  Rapidement, le rue commença à s'animer. Les citadins sortaient en tee-shirt de leur maison, et se rendaient en sifflotant vers les cafés ou les boulangeries pour boire un bon chocolat ou s'acheter un gros pain.  
  Presque tout les passants saluaient Berni. Certains venaient lui serrer la main et discuter un peu, d'autres se contentaient d'un signe de main ou d'un sourire.  
— Alors, fit un homme enthousiaste, qu'est-ce que tu deviens ?  
  Berni haussa les épaules.
  — Pas grand chose, toujours les voyages !
  — Et Sally, alors tu l'as revu ?
  — Aucune trace.
  — Ah ben ça alors, je me demande où elle est passée.
  — Sinon aux infos, ils parlent de messire Phil Grads, dit-il ironique.
  L'homme se passa une main dans les cheveux et se caressa une barbe naissante.  
  — Je crois qu'ils en ont parlé il y a quelques semaines, mais je ne suis pas très sur.
  — Vraiment, fit Berni, ils ont parlé de cet écrivain ?
  — Oui, je crois qu'il sortait un nouveau livre, "Le messager de mon cœur", ou un truc comme ça.
  — Intéressant tout ça, j'irai peut-être faire un tour à la librairie cet après-midi !
  — Bien, dit en souriant l'homme.
  — Alors Remy, je pense que tu travailles, je ne vais pas te faire perdre ton temps.
  Remy s'éloigna en souriant.
  — Eh oui, il y en a qui travail dans ce monde. Salut !
  Berni lui répondit d'un signe de main. Il la plongea ensuite dans sa poche pour s'assurer qu'il lui restait assez d'argent afin de prendre un café.  
  — Parfait, murmura t-il en attrapant un billet de un dollars.  
  Il traversa la rue, souriant, se dirigeant vers le café le plus proche. Une voiture passa derrière lui, et son conducteur klaxonna. Berni se retourna brusquement pour voir si le bruit lui était destiné, et il vit un homme roux baisser la fenêtre.
  — Salut Berni, fit-il surpris.  
  — Comment vas-tu Dom, depuis le temps.
  — Parfait. Je n'est pas le temps de te parler, je suis déjà en retard, mais ce soir, tu passes prendre l'apéro. Je compte sur toi, dit-il en lui adressant un clin d'œil.  
  — J'y serais !
  Dom referma sa fenêtre, et continua sa route.
  Vraiment, Berni était aimé de cette ville. Son petit coin de paradis. Un vrai bonheur. De toutes les villes qu'il avait sillonne pendant son voyage, c'était dans celle-là qu'il se sentait le mieux. Tous les habitants le connaissaient et l'aimaient. C'est en partie pour cela qu'il revenait assez souvent dans ce coin. Au moins, il était sur de trouver un toit, car les nuits dehors sont parfois dure.  
  Poussant la porte d'une cafétéria, un clochette tinta.  
  La première chose que Berny remarqua, fut la beauté de la cafette. Le sol carrelé scintillait, la tapisserie bleu qui recouvrait les murs ne comportaient aucun pli et les canapés rouge clair paraissaient comme neuf. Vraiment c'est un bel endroit, pensa t-il.
  Il se posa lourdement sur un des canapés, fatigué de sa récente marche et attendit qu'un homme vienne prendre sa commande.


Message édité par Orkin Marus le 08-05-2004 à 19:43:40

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écrire, y'a que ça de vrai !
mood
Publicité
Posté le 08-05-2004 à 19:42:49  profilanswer
 

n°2672344
Turk182
Strike Again !!!
Posté le 10-05-2004 à 09:22:25  profilanswer
 

Grenouille Bleue a écrit :

J'ai dépose mon roman chez Bragelonne hier !
 
... réponse dans six mois :sweat:


 
bonne chance !!!
 
t'as lu la suite de mon chapitre ? ( un peu plus haut...)
 
une critique ?


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n°2678313
lecentredu​monde
Conséquence future ,le présent
Posté le 10-05-2004 à 21:49:43  profilanswer
 

surtout ke l'orthographe fait entrave à le lecture agréable... c un véritable calvaire

n°2686890
Orkin Maru​s
Arvi pâ !
Posté le 11-05-2004 à 18:33:38  profilanswer
 


  Attention hein, je n'ai aucune envie de publier ce morceau de livre, c'était juste pour m'amuser que j'ai fait ça, j'ai un autre projet, beaucoup mieux. Enfin je pense...


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écrire, y'a que ça de vrai !
n°2691544
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 12-05-2004 à 10:41:10  profilanswer
 

Bon, j'avais déjà posté cette question quelque part dans le topic mais je n'avais pas eu assez de réponses: Quelles sont selon vous les maisons d'édition qui pourraient être intéressées par un roman d'heroic fantasy français et faisant l'objet d'une première publication ?
 
Je sais par exemple que Denoël et J'ai Lu ont des politiques éditoriales très strictes dans ce domaine, donc ce n'est pas la peine de les encombrer avec mon manuscrit.
 
Reste ceux que j'ai déjà cités: Mnemos, Bragelonne, l'Atalante et Fleuve Noir (ainsi que Nestiveqnen, mais je n'ai pas particulièrement envie de me faire éditer chez eux au vu de leurs auteurs).
 
En connaissez-vous d'autre sur Paris, histoire que je ratisse large ?
 
Merci d'avance !


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n°2691592
Turk182
Strike Again !!!
Posté le 12-05-2004 à 10:48:22  profilanswer
 

personne a lu mon deuxieme extrait ? :??:


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n°2691839
foularou
Posté le 12-05-2004 à 11:09:34  profilanswer
 

Si turk182 j'ai lu et j'aime bien j'attend la suite.

n°2692436
Turk182
Strike Again !!!
Posté le 12-05-2004 à 11:44:46  profilanswer
 

Foularou a écrit :

Si turk182 j'ai lu et j'aime bien j'attend la suite.


 
 :jap:  des critiques ?


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n°2692651
foularou
Posté le 12-05-2004 à 12:02:08  profilanswer
 

ben a part le fait que je trouve ca bien, je ne pense pas avoir de critiques a faire.

n°2701496
le textori​en
ultime et impossible
Posté le 13-05-2004 à 10:47:23  profilanswer
 

Pour répondre à grenouille bleue, je dirais qu'il y a une petite maison d'édition qui publie de la fantasy sur Montpellier, ça s'appel l'Oxymore. Par contre, il arrive rarement qu'il publie des premiers romans, ils sont plus spécialisé sur les nouvelles.

mood
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Posté le 13-05-2004 à 10:47:23  profilanswer
 

n°2701563
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 13-05-2004 à 10:58:06  profilanswer
 

Roman déposé chez Mnemos également hier. La fille était absolument charmante et jolie comme un coeur, ce qui fait finalement plaisir lorsqu'on dépose son manuscrit.
 
Visiblement, ils ont besoin de lecteurs en anglais, je vais peut-être me proposer. On va voir ce que ça donne, après tout ;)
 

le textorien a écrit :

Pour répondre à grenouille bleue, je dirais qu'il y a une petite maison d'édition qui publie de la fantasy sur Montpellier, ça s'appel l'Oxymore. Par contre, il arrive rarement qu'il publie des premiers romans, ils sont plus spécialisé sur les nouvelles.


 
Ca pourrait m'intéresser en effet, je vais y jeter un oeil. Tu sais ce qu'ils ont eu l'occasion de publier, par exemple ? Parce que j'ai essayé de me renseigner sur la liste de mystica3 mais aucune de ces maisons n'a déjà publié d'heroic fantasy, donc je ne me vois pas leur envoyer mon manuscrit (mention spéciale à je ne sais plus laquelle qui est spécialisée dans les livres de cuisine :sweat: )


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n°2704715
sthery
Posté le 13-05-2004 à 16:14:20  profilanswer
 

Turk182 a écrit :

:jap:  des critiques ?


 
OUI UNE CRITIQUE:
 
Tu pourrais te depecher de mettre la suite j'adore!  :love:  
 
Alors depeche toi j'en ai marre d'attendre. Deja que tu mets deux semaines entre deux extraits....     :fou:

n°2705737
mystica3
Posté le 13-05-2004 à 18:09:18  profilanswer
 

Parce que j'ai essayé de me renseigner sur la liste de mystica3 mais aucune de ces maisons n'a déjà publié d'heroic fantasy, donc je ne me vois pas leur envoyer mon manuscrit (mention spéciale à je ne sais plus laquelle qui est spécialisée dans les livres de cuisine :sweat: )
[/citation]
 
 
Moi je te dis ça car même s'ils n'ont jamais publiés de fantasy, j'ai reçu un courrier favorable de leur part (certaines voulant d'ailleurs débuter de nouvelles collections dans le domaine) donc voila... si ça te branche pas, tant pis, moi je vais essayer quand même!
 
Del

n°2705768
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 13-05-2004 à 18:14:17  profilanswer
 

mystica3 a écrit :


Moi je te dis ça car même s'ils n'ont jamais publiés de fantasy, j'ai reçu un courrier favorable de leur part (certaines voulant d'ailleurs débuter de nouvelles collections dans le domaine) donc voila... si ça te branche pas, tant pis, moi je vais essayer quand même!
 
Del


 
Je n'ai jamais dit le contraire, juste que je vais essayer de ne pas m'éparpiller ;)
 
Mais ça ne m'empêche pas de te souhaiter bonne chance pour ta publication ! D'ailleurs, comment étaient rédigées ces lettres exactement ?


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n°2708882
mystica3
Posté le 13-05-2004 à 23:34:39  profilanswer
 

Grenouille Bleue a écrit :

Je n'ai jamais dit le contraire, juste que je vais essayer de ne pas m'éparpiller ;)
 
Mais ça ne m'empêche pas de te souhaiter bonne chance pour ta publication ! D'ailleurs, comment étaient rédigées ces lettres exactement ?


 
Ben en fait, j'ai envoyé des mails en expliquant un peu qui j'étais (mon âge, ce que je faisais dans la vie,...etc) et puis je disais en quelques mots que j'avais une fiction en trois volumes, le nombre de pages,...etc ainsi qu'une brève description de l'histoire (les grandes lignes quoi) et puis, pour terminer, je donnais un extrait de cinq pages afin qu'ils puissent jeter un oeil.
 
C'est tout.  Disons qu'au moins, les mails que j'ai reçu sont positifs (les autres ne répondant pas) et puis, généralement, certaines maisons d'édition demandent plus de pages...
 
 
Donc voila...
 
 
Del

n°2734992
sthery
Posté le 17-05-2004 à 20:05:30  profilanswer
 

Bon truck T ou????? On veut la suite.
 
Si y'en a qui veulent je peux mettre le prologue du mien. y'a pas eus de relecture mais bon ca m'aiderais a savoir si c bien.
 
Merci

n°2744438
Orkin Maru​s
Arvi pâ !
Posté le 18-05-2004 à 19:42:45  profilanswer
 


  Va-y, mets ton prologue, qu'on juge !!


---------------
écrire, y'a que ça de vrai !
n°2744484
sthery
Posté le 18-05-2004 à 19:48:06  profilanswer
 

Orkin Marus a écrit :

Va-y, mets ton prologue, qu'on juge !!


 
Ok mais  
1. je suis nul en ORTH
2. c'est la premiere fois que j'ecris.
3. C'est tout chaud ca a pas ete relu.
4. jugez surtout l'histoire et apres le style
4. Dites moi qd meme ce que vous en pensez.... Si c nul j'arretes. :)
 
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Prologue
 
« Debout Thuers » cria Glawin pour la centième fois. « Aller dépèche toi ton père t’attend !». « Oui j’arrive » gémit l’enfant en baillant. Il était plus tôt que d’habitude et le soleil était à peine lever que la chaleur se faisait déjà sentir. C’était comme si la nature tout entière était en proie à de profonds changements. Pourtant les combats avaient lieu loin de là et les armées de la province de Fluivin résistaient bien aux assauts du royaume de Glomord. Les pouvoirs magiques des mages devaient être très puissants pour qu’ici la nature en soit si perturbée. « Aie !! » Le thé qu’elle faisait chauffer bouillait et vint la brûler, la tirant de ses pensées. Elle retira le pot brûlant et le posa sur la table. Malgré les temps de plus en plus dur, le travail pénible et la chaleur forte de l’été, le temps semblait épargner Glawin. Elle n’était plus toute jeune mais elle restait très belle. Ses longs cheveux bruns tombaient sur ses épaules en une longue natte. Ses yeux d’un bleu profond tranchaient radicalement avec sa peau blanche. Si on l’eût habillé avec une robe de princesse, on aurait pu la confondre avec la défunte Reine qui pourtant était plus jeune qu’elle. Elle aurait pu avoir une autre vie, étant jeune de nombreux garçons avaient tenter, en vain, de la séduire. Des grands, des petits, des joufflus. Même les princes des royaumes environnant, tous aussi riche les uns que les autres. Et pourtant elle avait choisit Tersen. C’était le plus brave de tous les paysans de la région. Un solide gaillard que rien ne faisait peur. Toujours prêt à rendre service. Il aurait pût être un grand soldat. L’armée était friande de tels hommes : grand, taillé dans un roc et courageux. Il avait bien tenté, sous les conseils de son père, l’école d’Arme de l’Empire, la plus prestigieuse école de combat. Sa musculature hors norme et son intuition guerrière lui avait permis d’y être admis mais au moment d’y entrer, il refusa. Il préférait de loin la nature. Les animaux, la terre voilà ce qu’était la richesse pour lui et son champ le rendait dix fois plus heureux et riche qu’un coffre rempli d’or. Qu’en ferait-il d’ailleurs ? Alors qu’avec un sac de graine il pouvait faire pousser les plus gros fruits et légumes du pays. Son crâne rasé lui donnait bien un air terrible et ceux qui ne le connaissaient pas s’écartaient toujours pour le laisser passer. Mais son cœur était tendre. C’est pour ça qu’elle l’avait choisit.
 
« Pourquoi on se lève si tôt » dit Thuers en râlant. « Ton père a quelque chose à te montrer » répondit-elle avec le sourire. Elle lui tendit le bol. Le garçon but une longue et lente gorgée avant de déglutir dans un bruit sourd. Il grimaça quand il sentit le liquide brûlant lui déchirer les chairs. Sa mère éclata de rire « la prochaine fois tu viendras plus vite. » Thuers baissa la tête et souffla sur le bol avant de reprendre. « Je n’ai pas envie d’apprendre à labourer ou encore à faire pousser des plantes. Je ne veux plus préparer des onguents après avoir chercher des plantes pendant de longues marches dans la forêt . » Il arracha un bout de pain avec ses dents et continua « Moi ce que je veux c’est de l’action. Je veux être aventurier, je veux apprendre à me battre, je veux… »
 
« Tu es prêt Thuers » lança Tersen. Bien qu’il reconnu la voix caverneuse de son père il ne pût s’empêcher de sursauter. « Aller file, au lieu de raconter des bêtises, tu veux te battre contre des monstres et tu sursautes rien qu’en entendant la voix de ton père !» dit sa mère en ricanant. Thuers se sentait bête à présent. Oui il voulait voir du pays mais le moindre grincement la nuit lui faisait faire des cauchemars. Il baissa les yeux en sentant le rouge lui monter jusqu’aux oreilles. Mais rapidement releva la tête en haussant les épaules puis dans un geste rapide se leva et quitta la pièce.
 
Son père l’attendait le pied sur une souche, une hache à la main. Ils allaient donc couper du bois… « Sais-tu t’en servir ? » Lui demanda Tersen. « Oui, la semaine dernière tu m’as déjà montré comment on coupe du bois avec» s’étonna Thuers. « Pas pour couper du bois, Thuers, pour tuer… »
 

n°2754828
lecentredu​monde
Conséquence future ,le présent
Posté le 19-05-2004 à 23:12:03  profilanswer
 

mystica, ça sent le pipo .......

n°2759912
mystica3
Posté le 20-05-2004 à 17:09:36  profilanswer
 

lecentredumonde a écrit :

mystica, ça sent le pipo .......


 
pq le pipo? explique toi...
 
del

n°2760082
Pioupiou
Posté le 20-05-2004 à 17:52:32  profilanswer
 

Bon, il est temps que je pose mon drapo ^^ promis, je lis quand j'aurais du temps, ça m'a l'air extra !  :bounce:

n°2819532
sthery
Posté le 28-05-2004 à 09:23:13  profilanswer
 

Alors vous m'avez oublie.....

n°2828302
mulholland​ drive
Death In Vegas
Posté le 29-05-2004 à 12:34:06  profilanswer
 

sthery a écrit :

Alors vous m'avez oublie.....


 
Salut, sthery
J'ai lu ce petit extrait par respect car j'affectionne pas particulièrement ce genre de truc.
Bilan: sympa mais la début est foireux, je sais pas pourquoi.
L'entrée en matière est quelque chose de difficile.
Mais 2 ou 3 extraits supplémentaires permettraient d'y voir plus clair.
Cela me semble digeste mais fignole les choses que tu écris.
En ce qui concerne l'histoire, stand by.

n°2835969
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 30-05-2004 à 20:39:11  profilanswer
 

Eh bien eh bien... Personne n'y croyait ? Personne n'espérait son retour ? Tout le monde était soulagé de voir qu'il ne les saoulerait plus avec ses histoires pathétiques ?
 
Eh bien NON !
Dans un froissement de cape, dans un bruissement de tenture, voici le TOME 2 qui pointe son nez !
 
Et on va essayer de suivre le rythme d'un chapitre par jour que je vous avais promis à l'époque. En guise d'amuse-bouche, voici le prologue:
 
Comme il est très court, je vous mettrai rapidement le chapitre 1 pour compenser ;)
 
______________________________________________________________________
PROLOGUE
 
 
 Il y avait des cloches dont le son annonçait toujours un événement funeste. On pouvait les reconnaître à leur tintement grave, presque enroué, comme si le bruit était réticent à se propager dans l'air lourd.
 Le glas du palais de Musheim était particulièrement sombre. Il était installé en haut de la plus haute terrasse et le vacarme y devenait assourdissant lorsque quelqu'un décidait d'en faire usage. Heureusement pour les invités du palais, c'était extrêmement rare. La dernière sonnerie remontait à la mort en couches de l'Impératrice Erina et avait plongé la ville dans des abîmes de douleur. Tout le monde avait aimé cette femme douce et tranquille, au sourire qui ne vacillait jamais.
 Aujourd'hui, ce n'était pas seulement la mort d'un homme qu'annonçait la funeste cloche, mais celle de l'Empire tout entier. Dong, Dong, Dong.
Mort, Mort, Mort.
 
 Le son impitoyable arracha Laath des tréfonds d'un sommeil sans rêves. Il ouvrit vaguement un œil et porta ses mains à ses tempes. Il se trouvait dans un grand lit au matelas de plumes, et une chaude couverture le recouvrait jusqu'au menton. Le rouge lui monta aux joues alors qu'il réalisait qu'il était complètement nu dessous. Ses habits déchirés avaient complètement disparu.
 Paniqué maintenant, il se redressa sur le coude, cherchant à se souvenir de ce qu'il faisait ici. La maudite cloche refusait de se taire et cela perturbait ses pensées encore plus qu'elles ne l'étaient. Il promena son regard sur la petite pièce spartiate. Même en se concentrant du mieux qu'il le pouvait, sa mémoire était totalement vide.
 "Ecoutez-les réveiller les honnêtes gens !" gronda une voix de femme de l'autre côté de la porte. "C'est pas bientôt fini, ce boucan ? Je m'en vais aller leur botter les fesses, ils vont comprendre qu'on ne joue pas avec les cloches à cette heure-ci !"
 Il connaissait cette voix. Tout d'un coup, toutes les pièces du puzzle se mirent en place. Dani ! Bien sûr, il était chez Dame Dani. Elle avait dit que les rues n'étaient pas sûres pour lui, maintenant que sa tête était mise à prix et lui avait servi un bon repas pour reprendre des forces. Les poursuites de ces derniers jours l'avaient totalement épuisé, brisant son corps comme son esprit. Il avait à peine touché aux victuailles qui s'étalaient devant lui, et piqué du nez dans son écuelle. Visiblement, Dame Dani l'avait soulevé et porté dans son lit… et, réalisa-t-il avec une gêne soudaine, l'avait déshabillé.
 Il y avait des vêtements propres sur la table, pliés avec soin. Il ne savait pas s'ils lui étaient destinés mais, dans l'état actuel des choses, cela lui importait peu. Rapidement, il enfila les larges braies et le pourpoint de tissu rêche. La sensation de propreté était tout à fait nouvelle, mais pas désagréable. Il ouvrit la porte.
 Dani leva le chandelier qu'elle portait à la main, et la lumière crue vint l'éblouir. Il grogna.
 "Tiens ! ça t'a réveillé aussi, gamin ? Tu as pu dormir un peu, quand même ?"
 "Je… suppose." Laath étouffa un baillement. "Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce que c'est que cette cloche ?"
 "Le glas, pitchounet. Le glas. Tu dois être trop jeune pour te souvenir de la dernière fois, mais je peux te dire que le son me glace le sang. A mon avis, c'est l'Empereur qui est mort, ou son fils, ou les deux. Je serais prêt à parier que Rekk y est pour quelque chose"
 Laath déglutit. Il ne se faisait toujours pas à l'idée que le père de Deria puisse être le monstre sans âme dont tous les enfants étaient menacés lorsqu'ils n'étaient pas sages. Rekk le Boucher, le Maudit, le Faiseur de Veuves. Comment sa fille avait-elle pu être aussi douce et tendre avec un tel sang dans les veines ? A bien y réfléchir, elle n'avait jamais été réellement douce, mais…
 "Vous pensez qu'il aurait… tué l'Empereur ? Il n'aurait quand même pas fait ça !"
Le jeune homme ne ressentait aucune tristesse, aucune peine, ni même une quelconque sensation de vide. Les gens vivaient et mouraient, c'était le cycle habituel. L'empereur ne représentait rien pour lui.  
 Dani éclata de rire.
 "Je ne m'étonne plus de rien lorsque Rekk est impliqué, mon garçon." Son expression devint soucieuse. "J'espère qu'il me reviendra en un seul morceau. Il n'est pas plus stupide qu'un autre homme, mais c'est déjà assez pour causer sa perte."
 Elle baissa le chandelier et, durant une fraction de seconde, Laath put entrevoir son visage avec plus de précision. Il détourna les yeux, gêné.
 Il n'avait jamais supporté de voir une femme pleurer.
 
 Le son du glas trouva G'kaa parfaitement réveillé. Seul dans la petite cour qui jouxtait ses appartements, il travaillait les formes à la lance contre trois adversaires imaginaires. Une fine pellicule de sueur recouvrait sa peau d'ébène alors qu'il passait de la figure du Lion Accroupi à celle du Tigre Balançant Sa Queue. La hampe pivota dans sa main pour aller frapper un de ses ennemis virtuels et il profita du recul pour envoyer la pointe dans la poitrine d'un second. Le dernier ne résista pas plus longtemps.
 G'kaa mit un genou en terre et remercia les esprits de ses ancêtres de lui avoir prêté la force durant cet entraînement. Les adversaires étaient peut-être tirés de son esprit, mais ça n'en était pas moins une pratique sérieuse. Jusque là, il n'avait jamais rencontré d'ennemi plus habile que ceux qu'il s'imaginait chaque soir et chaque matin.
 La cloche continuait à sonner lentement. G'kaa s'assit en tailleur puis harmonisa ses battements de cœur à son cri lancinant. Son souffle se ralentit, ses épaules s'affaissèrent. Lorsqu'il se releva, il ne sentait plus du tout la fatigue.
 Cette cloche ne lui disait rien qui vaille. Si jamais l'empereur était mort, alors son fils risquait de monter sur le trône. G'kaa n'avait pas eu beaucoup de contacts avec lui, mais suffisamment pour prendre la mesure de l'enfant. Trop immature, trop gâté et plein de préjugés.
 La couleur de sa peau ne laissait pas les gens indifférents, par ici. Trop de femmes s'étaient retrouvées veuves suite aux guerres Koushites, y compris parmi la noblesse. Et même maintenant que les souvenirs de ces massacres s'effaçaient dans les brumes du temps, on le considérait la plupart du temps avec un mépris non dissimulé.
 G'kaa ab S'kaa, seigneur de guerre de la tribu des Ougouro, n'avait pas l'habitude qu'on le regarde ainsi. Son statut d'ambassadeur lui pesait. Il avait envie de retrouver sa jungle, et la sensation des feuillages contre la peau alors qu'il se tenait en embuscade sur le passage d'une gazelle.
 Sa main se resserra sur la hampe de sa lance. Sans l'Empereur pour le protéger, il allait devoir se méfier de tout le monde dans cette cour puante.
 Comme avant.
 
 
 Sisjwoural fourbissait sa cotte de mailles lorsque le glas vint le déranger. Il se frotta le front, essuyant la sueur qui lui brûlait les yeux, et prit le temps de ranger posément ses outils avant de se lever et d'aller à la fenêtre. Le soleil couchant embrasait la ville et donnait au crépuscule des couleurs de sang et de violence.
 Un tic nerveux agita sa joue alors qu'il réfléchissait. Ainsi, l'Empereur était mort ? Ou quelqu'un qui lui était proche. Son fils, peut-être. Dans tous les cas, cela changeait les plans qu'ils avaient de manière plutôt drastique.
 Il regarda, sur le sol, l'arbalète chargée qu'il avait préparé pour l'embuscade de demain. Il avait passé des heures à vérifier sa précision et à trouver le bon toit pour agir. C'était un instrument de mort parfait. D'une certaine manière, c'était frustrant de se dire qu'il n'aurait pas à s'en servir.
 Il écouta le bruit de la cloche décroître dans le lointain, comme les pas d'un invisible géant. Il se sentait étrangement calme.
 "Tu crois que c'est l'Empereur ?" murmura un homme derrière lui, les yeux écarquillés. "Le vieux fou est finalement mort ?" Il y eut une pause. "On n'y est pour rien, hein ? J'aurais été mis au courant, sinon ?"
 Sisjwoural se baissa et ramassa son armure. Il éprouva la solidité des mailles qu'il venait de réparer et sourit. Son travail n'était pas mauvais, considérant le temps qu'il avait eu pour le faire. Il ceignit son épée puis s'empara de son casque.
 "Retrouvons-nous tous à l'endroit habituel. Il va falloir qu'on discute de la conduite à adopter."
 Il ouvrit la porte sans attendre de réponse et s'engagea sur les pavés branlants de l'allée de la Huche. Les rues étaient remplies d'habitants ensommeillés qui se pressaient les uns contre les autres avec des murmures craintifs. Quelques enfants pleuraient, mais le son de la cloche recouvrait tout.
 Sisjwoural sourit. Sa forte carrure lui ouvrait un passage sans difficulté, et il pouvait se permettre d'accélerer le pas.
  L'heure avait sonné. Leur rêve allait se réaliser, et l'Empire redeviendrait la puissance militaire qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être.
L'Empereur Mandonius les mènerait à la victoire.


Message édité par Grenouille Bleue le 30-05-2004 à 21:42:40
n°2836306
docwario
Alea jacta est
Posté le 30-05-2004 à 21:27:05  profilanswer
 

huuummmmm vivement la suite

n°2837166
PunkRod
Digital Mohawk
Posté le 30-05-2004 à 23:06:40  profilanswer
 

ahaha !! ça repart.
 
petite remarque :
je trouve le personnage de G'kaa mal définit : ambassadeur zen, plein de discernement et de sagesse mais qui préfère gambader dans la jungle derrière les gazelles...
 
je trouve ça décalé, à mon avis il est au dessus de tout ça. Et dans cet empire avec beaucoup d'honneur ce milieu un peu chevaleresque ben moi ça me dérange.  
sans ça le personnage est cool, le concept de G'kaa est très bon, juste le passage de la gazelle que je trouve pas adapté :)

n°2837223
lecentredu​monde
Conséquence future ,le présent
Posté le 30-05-2004 à 23:13:53  profilanswer
 

ÔÔÔÔÔ joie... que dis-je ... Ô enfin !
En effet vivement la suite et la fin des (re)présentations ...  sinon
 
-"et cela perturbait ses pensées encore plus qu'elles ne l'étaient." Hmmm... " cela perturbait ses pensées de plus belle" ?
 
- "Lion accroupi" est-ce biologiquement possible ?
 
La suite est attendue avec vorcité
 
 
( la gazelle ça passe encore, ça peut limite etre symbolique ou nous forcer hors de nos préjugés comme quoi les gzelles c'est tipique... )


Message édité par lecentredumonde le 30-05-2004 à 23:15:35
n°2838587
HumanRAGE
Rage d'être un Humain...LIBRE!
Posté le 31-05-2004 à 02:17:50  profilanswer
 

[:mossieurpropre]


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When I give food to the poor, they call me a saint. When I ask why the poor have no food, they call me a communist. Helder Camara | Telling your employees they're "family" is the corporate equivalent of saying "I love you" to a sex worker.
n°2838609
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 31-05-2004 à 02:20:46  profilanswer
 

Retour de soirée, et chapitre 1 incoming !
 
 
 
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 On n'a pas souvent le temps d'apprécier la vue lorsqu'on tombe d'une fenêtre. Pourtant, cette expérience ne se répétant généralement que peu, il pourrait être intéressant d'ouvrir les yeux plutôt que de hurler, et de regarder avec calme le paysage autour de soi.
 Si Shareen l'avait fait, elle aurait pu bénéficier d'une vue imprenable sur les maisons les plus proches du palais, celles du quartier des notables. De véritables manoirs en pierre de taille dont les terrasses donnaient directement sur les quais ou les jardins impériaux, entourés de lierre et magnifiques au printemps. Elle aurait également pu remarquer que la rivière qui serpentait en contrebas se rapprochait, se rapprochait encore, avec ses couleurs irisées et la lumière trouble du soleil sur la vase.
 Au lieu de cela, les pensées de Shareen étaient empruntes d'ironie morbide. Elle trouvait que tout ceci était une magnifique occasion d'apprendre à nager…
 
Le Verdoyant portait un nom heureux et bénéfique. C'était lui qui, plus loin vers le sud, fertilisait les terres et apportait le limon nécessaire pour des plantations saines et en bonne santé. Ses crues annuelles apportaient l'eau et la richesse aux plantations qu'il arrosait, et de nombreux villages avaient fleuri autour de son cours. Pour certains, le Verdoyant était un Dieu. Mais il se montrait cruel, insatisfait, et exigeait parfois des sacrifices humains.
Tout les citoyens de l'empire se souvenaient encore avec inquiétude et angoisse de la dernière crue non contrôlée, voici neuf ans, lorsque l'eau avait envahi les champs, noyant paysans et bêtes avant de se retirer, une semaine après, en laissant une terre vidée, détrempée, et trop saline pour que les récoltes puissent être sauvées. Parfois, au contraire, la crue avait du retard, ou bien ne touchait que les bords directs du fleuve, et les cultures en pâtissaient également.
 
Le Verdoyant avait d'autres tours dans sa manche, également. Ses courants violents, lorsque les berges se rapprochaient, faisaient de sa navigation un tour de force. La plupart des marchandises arrivant à Musheim par voie fluviale étaient généralement débarquées à Gloasgas, à une demi-journée de cheval, et terminaient leur voyage dans de lourds chariots de transports, empruntant la Voie Impériale par le sud. Bien peu de bateaux osaient venir plus près. Les abords de la ville subissaient en effet un courant contraire d'une violence certaine, et le paroxysme en était atteint au pied du Palais. On prétendait d'ailleurs que la ville de Musheim avait originellement été construite ici lorsque les envahisseurs du Nord, avec leurs grands bateaux plats, ne cessaient de piller et de massacrer sur les berges du Verdoyant. Musheim n'avait alors été qu'un avant-poste, duquel on pouvait envoyer des soldats sans craindre une attaque directe. Mais tout cela remontait à près de mille ans, et ce n'était plus que conte et légende murmurée au détour d'une veillée.
 
Lorsque Shareen heurta la surface de l'eau, le choc fut terrifiant. Elle sentit ses membres se disloquer et son estomac se retourner, alors que le fleuve lui giflait méchamment le bassin. La douleur jaillit en elle, et elle ouvrit la bouche pour hurler, mais l'eau s'engouffra alors dans sa bouche, sentant les ordures, et l'urine, et la mort. L'eau était glaciale. Elle cracha, et cracha, mais toujours les vagues revenaient, alors qu'elle se faisait entraîner vers le sud, ballotée dans tous les sens. Le fleuve jouait avec elle, lui permettant parfois de prendre une grande respiration avant de lui replonger la tête sous l'eau et de la noyer de nouveau. Elle se sentait comme une branche morte, comme un roseau dans le vent, comme un fétu de paille, alors qu'elle tourbillonnait. Lentement, elle se sentit sombrer.
 
"Shareen !"
Dans la mort aussi, il semblait bien que l'on puisse toujours entendre les voix des gens. Dérivant dans son univers de vert et de bleu, la jeune fille entendait maintenant une voix frêle, luttant contre le grondement des vagues.
"Shareen !"
Malek avait toujours été un bon nageur. Le château du Duc de Camerlan était situé au sud-ouest de Musheim, en suivant la Voie Impériale sur sa quasi-totalité. Il donnait directement sur la Mer des Brumes, et sur une petite crique de sable fin réservée à la noblesse, bien loin des effluves du port de pêche tout près. Le jeune homme avait passé son enfance à plonger dans les vagues, et nager avec plaisir jusqu'aux petites îles qui constellaient la crique, luttant contre le ressac, poursuivant son précepteur ou son frère pour tenter de leur mettre la tête sous l'eau. Il ressortait généralement couvert de sel, la peau incrustée de grains de sable, et il pouvait alors s'abandonner aux plaisirs du bain et du massage par les mains agréables de la servante. En y réfléchissant bien, venu un certain âge, il plongeait dans la mer uniquement pour retrouver ces mains.
Mais maintenant, il avait besoin de toute l'habileté qu'il avait acquise, de tous ses réflexes, et de toute son endurance, pour parvenir à garder la tête hors de l'eau et nager vers Shareen, d'un crawl puissant qui accompagnait le courant au lieu de résister. C'était dans des moments comme ça qu'il était heureux d'avoir laissé sa cotte de mailles pour venir au palais. Ses lourdes bottes de cuir épais suffisaient déjà à handicaper ses mouvements, et il n'avait pas le loisir de les enlever maintenant. Toutes ses pensées étaient concentrées vers la touffe de cheveux bruns qu'il pouvait voir s'agiter devant lui, alors que l'écart se rétrécissait.
 
"Shareen !" hurla-t-il de nouveau lorsqu'il parvint à reprendre sa respiration.  
Il lança sa main en avant. Il y avait de l'eau, de l'eau, rien que de l'eau. Paniqué, il se retourna, cherchant à percer l'obscurité trouble par la seule force de sa volonté. Elle n'était pas là ! Il ne la trouvait nulle part ! Puis ses doigts accrochèrent enfin un bras flasque et sans force. Avec effort, il tira. Le courant les entraînait avec violence, et par deux fois il glissa, luttant pour reprendre sa respiration et conserver sa prise. Il connut un moment de panique alors que Shareen cessait de lutter et s'enfonçait lentement dans l'eau, l'entraînant avec elle. La lourde fabrique de ses vêtements était maintenant imbibée d'eau, et le poids devenait conséquent. Il toussa, battant des jambes avec force pour essayer de la sortir de là.
Le Verdoyant devait se sentir d'humeur miséricordieuse. Dans de grandes gerbes d'eau, Shareen apparut enfin au-dessus de la surface, et Malek put assurer sa prise, posant la tête de la jeune fille sur son épaule.
Le reste fut un océan de douleur et de fatigue. Le jeune homme sentait dans tous ses muscles le combat qu'il venait de mener et le manque de sommeil dont il souffrait depuis quelques temps. Shareen n'était pas bien lourde, pourtant elle pesait son poids, ainsi inerte. Lorsqu'il atteignit enfin la berge, Malek ne sentait plus ses bras ni ses jambes. Ce fut en rampant à moitié qu'il parvint à s'extraire de l'eau. Dans un brouillard sourd, il hala la jeune fille sur la berge.
 
"Shareen" balbutia-t-il.  
Elle était bleue de froid. Ses yeux étaient fermés, et elle ne respirait plus.
"Tu ne vas pas me faire ça" grogna Malek, ôtant avec précipitation les vêtements trempés de la jeune fille. Le bliaut résistait, et il s'énerva, jusqu'à ce qu'enfin le tissu se déchire par le milieu et qu'il se retrouve avec deux morceaux en main. Il les regarda stupidement, avant de les jeter de côté. Ils étaient trempés comme des éponges. En quelques secondes, Shareen était nue comme au premier jour. Sa peau était couverte de chair de poule, et d'une pâleur mortelle.
Malek coula un regard nerveux autour de lui. Personne ne semblait les avoir vus, mais si ce maudit glas continuait à sonner, toute la ville allait profiter du spectacle. Déterminé, il s'empara des jambes de la jeune fille et entreprit de la tirer vers le porche le plus proche. La tête de Shareen traînait sur le sol, ses longs cheveux récoltant la poussière. Il ne s'en souciait pas. A peine avaient-ils tourné au coin de la rue qu'il se laissait tomber à côté d'elle, dissimulé derrière le muret.
 
Ce n'était pas vraiment une cachette brillante, mais ça allait devoir suffire le temps qu'il s'occupe de la jeune fille. Il ne parviendrait jamais à la traîner dans un endroit sûr. Il sentait ses propres forces s'échapper lentement alors qu'il grelottait.
"Respire, par le Sang ! Respire !" Il appuya doucement sur son ventre, comme il avait vu son père le faire, des années auparavant, lorsque l'embarcation d'un pêcheur s'était retournée et que l'homme avait dérivé jusque dans leur crique. Il mettait ses mains comme ça, et… "Respire !"
Le froid paralysait lentement ses muscles. Lui aussi était trempé. Avec fureur, il se pencha de nouveau vers la jeune fille. C'était stupide. C'était trop injuste. Avoir tant souffert, pour finalement la voir mourir ainsi ? Et les gardes qui risquaient d'arriver d'une seconde à l'autre ! Leur cachette ne résisterait certainement pas à une fouille approfondie.Déterminé, il lui pinça le nez et commença à souffler de l'air dans sa bouche. Souffler, respirer. Souffler, respirer. Il s'arrêta, et pressa de nouveau son abdomen, puis revint souffler de l'air. Etait-ce comme ça que son père avait fait ? Il ne se souvenait pas, ça remontait à tellement longtemps ! Mais qu'est-ce que je peux faire d'autre ? Déesse de la Chance, ne m'abandonne pas maintenant !
Il se pencha de nouveau pour souffler de l'air dans ces poumons si importants pour lui. Un gargouillis caractéristique le fit sursauter. Une seconde plus tard, un flot d'eau de mer envahissait sa gorge, alors que Shareen se cambrait brusquement, vomissant l'eau qu'elle venait d'ingurgiter. Ses yeux s'ouvrirent soudain, et elle se tourna sur le côté, glissant entre les mains de Malek pour venir rendre le contenu de son estomac sur le sol. Un spasme la secoua, et elle cracha de nouveau, avant de retomber sur le dos, anéantie.
 
"Shareen…"  
Il fallut un instant à la jeune fille pour lever les yeux vers lui, et ce fut uniquement pour les détourner aussitôt et vomir encore une fois.
"Shareen…" répéta Malek. "Ca va ?"
Elle le regarda, puis porta lentement sa main à la joue du jeune homme, incrédule.
"Je… suis vivante ?" finit-elle par balbutier.
"On dirait bien. Bienvenue parmi les vivants, ma grande" sourit Malek, avant d'éternuer. "Tu m'as fait une sacrée peur"
"C'était vert… et bleu.. et c'était froid, si froid…"
Elle grelottait encore, nue sur l'herbe de la berge. Le temps s'était considérablement adouci ces derniers temps, mais le printemps n'était pas encore totalement là, et le froid de la nuit leur déchirait les os. Malek la prit doucement dans ses bras. Sa peau était glacée.
"C'est fini, maintenant" murmura-t-il. "Mais il faut qu'on parte d'ici rapidement."
Ses yeux s'étrécirent. Il n'avait pas fini de parler que des cris et des bruits de course retentissaient dans le lointain. Il était prêt à parier son titre de noblesse qu'il s'agissait de gardes lancés à leur recherche. Ils remonteraient la berge et fouilleraient tout autour. Malek grimaça en imaginant la grosse flaque d'eau qui devait signifier l'endroit où ils étaient sortis du fleuve. Shareen cracha de nouveau un peu d'eau, puis passa une main dans ses cheveux. Elle la ressortit pleine de vase.
"Les gardes ?" Ses yeux s'arrondirent. "Je me souviens… Ils vont nous chercher ! Et Rekk ? Qu'est devenu Rekk ?"
"Je ne sais pas, j'ai sauté avant lui. Il ne faut pas qu'on reste ici, Shareen. On doit rejoindre la caverne, d'une manière ou d'une autre. Il nous faut un feu et des vêtements, sinon on va geler sur place"
"Des vêtem… oh !"
Pour la première fois, sans doute, Shareen venait de réaliser qu'elle était complètement nue. Instinctivement, ses mains vinrent protéger ses seins et son bas-ventre. Malek se contenta de rire, alors qu'elle s'empourprait.
"Ce n'est vraiment pas le moment de te préoccuper de ça. Il fallait que je t'enlève tes habits trempés, sinon tu serais probablement morte maintenant. Je n'attends pas de remerciements, mais cesse de me regarder avec ces yeux furieux et viens !"
Shareen jeta un regard rageur au jeune garçon. Elle n'avait pas des yeux furieux ! Puis sa lèvre inférieure commença à trembler.
"Tu as raison. Je… je suppose que je te dois des excuses. Merci beaucoup pour…"
"Pour ça non plus, on n'a pas le temps ! Tu arrives à tenir debout ?"
La jeune fille se haussa péniblement sur ses jambes. Le sol tanguait désagréablement. Elle retomba presque aussitôt.
"Je ne crois pas. Pas tout de suite. Il faudrait que je me repose un peu…"
"Te reposer, nue, la nuit ? Tu as besoin de chaleur ! Viens, je vais t'aider !"
"Ce n'est pas la peine" murmura mollement Shareen.
Mais, sans attendre son consentement, Malek s'accroupit et passa son bras derrière la nuque de la jeune fille. Lentement, il la fit se lever, la laissant s'appuyer contre son torse.
"Tu peux marcher, comme ça ?"
"Je vais essayer" Elle claquait des dents, et la chair de poule envahissait son corps. Malek détourna les yeux, embarassé. Certaines réactions physiologiques jouaient en lui qu'il n'avait pas prévu – et ce n'était absolument pas le moment.  
 
"Il faut que tu te couvres un peu" murmura-t-il, les joues brûlantes.  
Il n'avait jamais été aussi heureux de voir la lune cachée derrière les nuages. Recherché par les gardes, mort de froid après une chute de plus de trente coudées, il se rendait compte qu'il pouvait encore éprouver de la gêne.
"Me couvrir avec quoi ? Tes habits sont aussi trempés que les miens devaient l'être…" Elle secoua la tête. Sa pudeur semblait s'être évanouie devant le danger, et Malek ne protesta plus en la voyant prendre appui sur lui.
Elle avait bien changé, la petite Shareen, ces derniers temps. Elle avait pris de l'assurance et semblait plus déterminée. Par de nombreux côtés, elle était plus désirable maintenant que… non, il chassa fermement ces idées de sa tête.
Ils formaient un beau spectacle, clopinant de concert en s'écartant du fleuve. La jeune fille était une larme de blancheur dans la nuit, pâle sous la pâle lueur, pâle et pâlissante, la peau claire au clair de lune. Plusieurs fois, ils durent rester tapis dans les ombres alors que les gens sortaient sur le perron pour comprendre pourquoi le glas sonnait. Les conversations allaient bon train, et les voisins ne semblaient pas disposés à rentrer chez eux tout de suite. L'inquiétude les minait. L'idée de la succession était sur toutes les lèvres, ça et ses répercussions pour Musheim.
"De toute façon, ça fera rien de bon pour nous" grommelait un gros marchand, caressant ses favoris d'un air important. "Je suis sûr que les Maisons vont de nouveau parler d'augmenter les taxes pour remplir leurs caisses."
"Si c'est le cas, on ne se laissera pas faire. Nous enverrons une délégation dès demain pour faire valoir notre droit" avança un autre, le menton conquérant.
Le premier secoua la tête.
"Pas demain, pas avant la période de deuil. Ca ne serait pas très politique de bouger maintenant. Non, ne nous précipitons pas."
Malek grimaça dans l'obscurité. Shareen grelottait contre lui, et c'était un miracle qu'ils ne se soient pas encore fait repérer avec le bruit qu'elle faisait en entrechoquant ses dents. Machinalement, il posa sa main sur sa bouche pour filtrer le son. Elle lui lança un regard plein de reproche, mais ne réagit pas.
 
 Les marchands semblaient éterniser leur conversation à plaisir. Pourtant, leur présence avait un avantage perceptible. Les patrouilles qui quadrillaient les quais furent prises à partie pour obtenir des explications sur le glas, et leur fouille de la rue se réduisit à un vague regard circulaire.  
Shareen n'était plus qu'un poids glacé dans les bras du jeune homme lorsqu'enfin la rue se vida. Il grimaça et, sans un mot, la hissa sur son dos. La maison de Dani ne devait pas être loin. Si jamais ils tombaient sur le moindre coupe-jarret, la situation deviendrait cocasse.
Mais ils ne croisèrent personne. Enfin, tout le monde était allé se coucher. Par cette nuit étrange, les détrousseurs avaient dû prudemment battre en retraite devant les patrouilles de garde.
"Enfin" croassa Malek, titubant sur les dernières coudées.  
Sa respiration était saccadée. Il avait beaucoup trop forcé aujourd'hui, entre le combat et le sauvetage dans le fleuve. Le chemin à parcourir pour atteindre la petite maison avait achevé ses dernières réserves. Il ne se souciait plus de savoir s'il pouvait y avoir du danger, si l'endroit était sûr, si Dani s'y trouvait toujours, si Laath était là ou non. Avec un râle, il s'effondra à l'entrée, couvrant à moitié Shareen de son corps. Elle avait la peau douce, et elle était nue.
 
Trois couvertures reposaient sur lui. Un bon feu brûlait dans la cheminée, à deux coudées à peine de son visage. Les vagues de chaleur étaient agréables, drainant le froid de ses muscles et de ses tendons, mais au fur et à mesure que les sensations revenaient, revenait également la douleur et la souffrance. Il avait l'impression d'avoir passé sa journée à se battre. Il avait l'impression d'avoir passé sa journée à se battre et d'avoir  perdu. Il avait mal.
"Où suis-je ?" murmura-t-il.
"En sécurité" sourit Dani. "Repose-toi, maintenant"
Il se rendormit.
 
Deux couvertures reposaient sur lui. Le feu brûlait encore, moins fort cette fois-ci. Il avait des courbatures partout, et la douleur était omniprésente. Pourtant, il se sentait mieux qu'avant. Une main large, aux doigts épais, descendait vers lui, une cuillère de soupe dans la main. Le liquide était brûlant, et il toussa.
"C'est bien, comme ça. Bon garçon" murmura Dani, lorsqu'il eut tout avalé.
Il se rendormit.
 
Une couverture reposait sur lui. Le feu était presque éteint, mais une vive chaleur irradiait encore des braises. Il avait mal, mais la douleur était ténue, distante. Il se sentait mieux. Lentement, il remua sa main. Il leva son pied, et agita ses orteils. Il sourit rêveusement en les voyant bouger. C'était amusant, des orteils. C'était loin, distant, on avait l'impression que ça ne nous appartenait même pas.
"Tu vas mieux ?" fit une voix bourrue, à côté de lui.
Il se retourna avec peine. Dani revenait, une brassée de bois dans les mains. Laath suivait sur ses talons, l'air anxieux.
"Je crois" murmura-t-il. "Je… j'ai beaucoup dormi ?"
Dani plaça quelques bûches stratégiquement dans la cheminée, puis souffla sur les braises. Quelques brindilles firent repartir la flambée. Ce ne fut qu'alors qu'elle se tourna pour répondre, essuyant ses mains poussiéreuses sur son tablier.
"Une dizaine d'heures, je dirais. Tu es résistant, gamin, tu as récupéré très vite. Tu as déjà meilleure mine."
Malek haussa les épaules, et grogna alors que ses courbatures se réveillaient.
"Le sang des Camerlan, courage, honneur, tout ça" marmonna-t-il. "On récupère vite, dans la famille." Puis les souvenirs lui revinrent brutalement. "Et Shareen ? Et Rekk ?"
Dani agita la main vers un des coins de la caverne, de l'autre côté du feu.
Shareen dormait paisiblement, elle aussi recouverte de plusieurs épaisseurs de laine. Elle avait de belles couleurs, maintenant. A la regarder, on ne pouvait imaginer qu'elle soit passé par autant d'épreuves.
"Elle va… bien ?"
"Maintenant, oui. Je dois dire que j'étais inquiet, au début. Elle était complètement frigorifiée. Il va falloir que tu me racontes ce qui s'est passé, mon garçon. Si vous n'étiez pas en si mauvais état, j'aurais trouvé plutôt amusant de voir deux gamins sur mon perron, avec la gamine toute nue, et le garçon qui l'enlace. Ca m'a rappelé des souvenirs sympathiques. Quand j'étais jeune, je faisais toujours semblant d'avoir trop bu, alors que je tenais l'alcool comme n'importe quel gars. Mais…" Elle s'interrompit et toussa ostensiblement. "Mais j'ai bien l'impression que ça n'a rien à voir, je me trompe ?
"C'est une longue histoire" grommela Malek, rougissant furieusement. Puis son visage se crispa. "Rekk… Il n'est pas venu, n'est-ce pas ?"
Elle secoua la tête.
"Non seulement il n'est pas venu, mais la nouvelle a fait le tour de la ville. Rekk, le démon cornu, l'épée de feu, est retenu prisonnier par l'empereur, qui l'a vaincu en combat singulier. Il sera pendu sur la place publique, comme un vulgaire voleur de chevaux, demain dans la soirée."
"Quoi ?" s'exclama Malek, interloqué.
"Pas si fort, tu vas réveiller Shareen. Elle a besoin de repos"
"Quoi ?" répéta Malek, moins fort. "Comment est-ce que vous savez tout ça ? Qui vous l'a dit ?"
"C'est moi" intervint Laath, le visage fermé. Malek ne l'avait pas entendu arriver. "Lorsque je me suis finalement enfui du palais pour revenir ici, les crieurs publics étaient déjà en train d'annoncer l'exécution à la cantonade."
Malek s'assit, malgré les protestations de son dos.
"Mais c'est absurde. Qu'est-ce que c'est que cette histoire d'empereur ? L'empereur est mort."
"Non, je ne parle pas de Marcus. Son fils a pris ce titre pendant que tu dormais. Il a le soutien de la plupart des maisons. C'est lui, l'empereur, désormais, même si le couronnement n'a pas encore eu lieu."
"Ce n'est pas possible" balbutia le jeune homme. "Ce petit monstre ? Empereur ?" Il cilla. "Et qu'est-ce que c'est que ces absurdités sur avoir vaincu Rekk en combat singulier ? Il n'a pas osé ne serait-ce que tirer son épée, ce sale serpent !"
"J'en suis convaincue" fit Dari d'une voix dure. "Personne n'a jamais tiré l'épée contre mon Rekk et survécu. Mais maintenant, j'aimerais que tu commences par le début, et que tu me racontes tout ce qu'il s'est passé là-bas. Je veux savoir comment vous avez réussi à vous échapper, alors que lui s'est fait capturer"
"Ca…"
 
A voix basse, Malek entreprit de narrer la totalité de leur aventure, essayant de rassembler tous les détails pour brosser le portrait le plus réaliste possible. Laath écoutait, ouvrant de grands yeux, poussant parfois des exclamations d'incrédulité. Dani restait silencieuse, se contentant de hocher la tête de temps en temps. Lorsque Malek en vint à sa chute dans l'eau, elle serra les dents à les faire crisser.
"Le sombre crétin. L'abruti fini ! C'est bien lui, ça, de réfléchir avec ses pieds !"
"Comment ça ?" fit Laath, intrigué.
"Quoi, comment ça ? Tu parles d'un démon cornu ! Tu parles d'une légende du mal ! Il s'est sacrifié pour sauver les gamins, voilà ce qu'il a fait !" Elle hocha la tête en direction de Malek. "Je ne dis pas que c'est une mauvaise chose, et je suis très content que vous soyez en vie. Mais si vous n'aviez pas été là, il aurait pu sauter par la fenêtre et s'enfuir, lui aussi. S'il n'avait pas eu à retenir les gardes et à vous donner de précieuses minutes d'avance…" Elle gémit doucement.
Malek resta un instant interloqué devant le soudain accès de colère de la grosse femme. Ce qu'elle disait était vrai, cependant…
"Je ne suis pas sûr qu'il ait sauté, que nous soyions là ou non. Ce n'est tout simplement pas son genre" murmura-t-il.
"Tu as raison" renifla Dani. "Tu as tout à fait raison. Je suis sûr que c'est ce qu'il aurait fait. Il ne se soucie pas du tout de ce que les autres pensent. Tout ce qu'il veut, c'est une sortie digne de lui. Pah ! Je crache sur sa fierté et son orgueil !" Elle avait l'air misérable, se balançant ainsi d'avant en arrière, fixant le feu avec des yeux embués de larmes. "Et maintenant, il va finir pendu, sans même avoir vengé sa fille. C'est ridicule…"
Malek resta silencieux. La vieille femme n'avait pas tort. Il n'avait été qu'un poids mort. Et maintenant, il était probablement recherché. Il avait failli à sa famille, et à son père. Et il se sentait faible comme un nouveau-né.
"Je ne peux pas croire qu'un homme comme lui finisse comme ça" fit-il. "Il va forcément se passer quelque chose…"
"Pour ça, oui, je peux te dire qu'il va se passer quelque chose. Demain soir, je viendrai avec mon arbalète, et ce foutu nouvel empereur n'a pas intérêt à mettre le nez dehors. La vieille Dani a encore un bon coup d'œil, et je lui enlèverai l'idée de faire du mal à Rekk. Je veux le voir souffrir, ce fils de sagouin"
"Dani…. Ca ne servirait à rien, tu le sais bien. Le prince est trop bien protégé, et de toutes façons tu te ferais tailler en pièces. Tu peux me dire à quoi cela servirait ?"
"Rekk n'aurait pas hésité" murmura-t-elle. "Il n'a pas hésité, quand j'étais en danger. Il est venu me chercher, au milieu de plus de vingt brigands qui avaient déjoué mon réseau de contrebande et cherchaient à s'en emparer. Il est venu, et il n'a pas réfléchi au danger."
"Rekk, c'est Rekk. Tu n'es pas lui, et moi non plus. Nous n'avons pas sa force ni sa volonté. C'est un fait."
Dani le regarda avec mépris.
"Rekk me disait un jour ce qui motivait ses gestes. Il disait qu'il voulait se voir dans un miroir, et être fier de ce qu'il voyait. Fier de voir l'homme qu'il était devenu. Lorsqu'il a quitté Musheim, voici vingt ans, il m'a laissé un miroir. Il m'a dit qu'il ne supportait plus de se regarder dedans. Et toi, Malek ? Que vois-tu dans un miroir ? Que vois-tu quand tu te rases ?"
Le jeune homme resta un instant silencieux.
"Je n'arrive pas à y croire. Tu veux que nous l'aidions, n'est-ce pas ? C'est ça, que tu veux. Que nous nous lancions à son aide, et que nous le sortions du donjon avant qu'il soit pendu ! Tu sais qu'on n'a aucune chance."
Dani soutint tranquillement son regard.
"Je ne te demande rien" fit-elle doucement. "Je sais juste que, moi, je vais essayer de l'aider. Parce que c'est ce qu'il aurait fait."
"C'est de la folie ! C'est de la folie pure ! Mais que veux-tu que je fasse ? Que je me présente aux portes du palais en disant Oh, Bonjour, je chercherais à savoir si vous voudriez bien nous rendre notre ami Rekk, pas trop abîmé si possible, sinon je vous tranche la gorge ? Ou bien tu veux que j'escalade les murs du palais comme notre ami Laath, ici, et que je me taille un chemin jusqu'aux prisons pour l'en sortir tranquillement ?"
 
Dani secoua la tête.
"Quand on a assez de volonté, on y arrive. Je peux te dire que je ne resterai pas tranquillement assise pendant qu'on le condamne à mort." Elle claqua des doigts. "Et puis nous ne sommes pas tous seuls. Je connais bien les rebelles, c'est chez moi qu'ils s'équipent. Toi aussi, Laath, tu les as rencontrés. Je suis convaincu que quelque chose est possible avec eux. Ce sont des bons gars, un peu limités, mais sympathiques. Ils m'aiment bien, je pense."
Malek secoua doucement la tête. Tout cela semblait tellement irréel… Il avait regardé dans les yeux de son père, vu la terreur qui s'y larvait, et la douleur lors du déchirement, comme s'il tranchait un lien de chair. Il n'avait plus de famille désormais, plus rien. Il était un vagabond sans avenir et sans famille.
Dans son coin, Shareen remua. Elle s'étira, bailla, puis se leva sur un coude sous le regard humide du jeune homme.
"Contacter la rébellion ? Ca a l'air amusant. Mais d'abord, j'aimerais manger un peu. J'ai faim…"


Message édité par Grenouille Bleue le 31-05-2004 à 02:28:29
n°2839152
docwario
Alea jacta est
Posté le 31-05-2004 à 11:33:11  profilanswer
 

je trouve cette phrase excellente : "On n'a pas souvent le temps d'apprécier la vue lorsqu'on tombe d'une fenêtre."
 
sinon :
"Je dois dire que j'étais inquiète", c est bien Dani qui parle non ?
 
very good !


Message édité par docwario le 31-05-2004 à 11:33:32
n°2840943
lecentredu​monde
Conséquence future ,le présent
Posté le 31-05-2004 à 18:00:10  profilanswer
 

je dirais même plus,  exellent !
 
(sauf le "Bienvenue parmi les vivants, ma grande" où l'humour lourd gache un peu ... et c'est trop prévisible, on la voit partout cette phrapse, et personne ne réagirait comme ça ...)

n°2845144
foularou
Posté le 01-06-2004 à 08:59:54  profilanswer
 

Bon j'attaque la lecture:p

n°2845959
Panem
Cave Canem et Carpe Diem
Posté le 01-06-2004 à 12:29:18  profilanswer
 

Enfin !!! (c) [:huit]
 
Merci Grenouille !!  

n°2848298
PunkRod
Digital Mohawk
Posté le 01-06-2004 à 17:00:16  profilanswer
 

eupe du gouté :o

n°2848385
olivierZ
Posté le 01-06-2004 à 17:06:16  profilanswer
 

bon bah chouette, maintenant que je sais que je pourrai lire le tome 2 tout de suite, je vais pourvoir commencer le tome1 ! :D  (je voulais pas rester en attente pendant X mois entre les 2 tomes!)


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page de news Roller HFR/roues rollx, kinenveut kinapayé
n°2849121
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 01-06-2004 à 18:20:56  profilanswer
 

Merci pour les commentaires des anciens habitués et des nouveaux lecteurs ;)
 
Voici le chapitre 2 du tome 2 !
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CHAPITRE II
 
 
 
 
 Vue de la plus haute tour du palais, la cour intérieure ressemblait à une véritable ruche dans laquelle s'agitaient avec un bel ensemble les abeilles en livrées unies. L'aube se levait à peine, et pourtant la frénésie d'activité pouvait déjà concurrencer les journées les plus occupées, celles où les marchands présentaient leurs doléances, les princes étrangers arrivaient avec leur aréopage ou encore les soldats préparaient leur parade.
 
 Aujourd'hui, il n'y avait ni marchands ni princes. Mais les événements de la nuit précédente étaient sur toutes les lèvres. Le glas n'avait cessé de sonner qu'au bout d'une heure et très peu d'hommes avaient réussi à se rendormir. Tous savaient ce que cela signifiait. La mort de l'Empereur Marcus était un événement tragique, qui affecterait la totalité des Duchés comme un pavé lancé dans une mare tranquille.
 
 Les prêtres des différents cultes affluaient en silence, le visage dissimulé sous leur houppelande, le pas précis et sûr alors qu'ils se bousculaient mutuellement pour parvenir le premier au chevet du mort. Certains priaient sans aucun doute pour le repos de l'âme de l'Empereur, mais la plupart comptaient plutôt les dons extravagants qui allaient leur être fait à l'occasion de la cérémonie. Un sourire incongru apparaissait ça et là, bien vite effacé sous la capuche de bure. Pour eux, tout ça n'était qu'une gigantesque mascarade dont ils tireraient profit.
 
 Attentifs à ne pas bousculer les membres du clergé mais trop nombreux pour que cela n'arrive pas de temps à autre, les serviteurs des six maisons vrombissaient tout autour de la cour, le pas pressé, le dos courbé. Tous étaient investis d'une mission qui ne pouvait attendre. Préparer les différentes ailes du palais pour les nobles qui n'allaient pas tarder à arriver, tenter d'accueillir les pélerins, annuler les entrevues accordées par l'empereur défunt et surtout préparer l'enlèvement du corps et son enterrement. Cette tâche nécessitait une paperasserie monumentale, et les différents responsables qui auraient pu accorder les autorisations nécessaires se trouvaient elles-mêmes engluées dans leurs propres devoirs.
 
 Et puis, il y avait les hommes d'armes. L'ambiance s'était subtilement modifée avec la mort de l'Empereur Marcus et la scène de carnage dans sa chambre. Les guerriers qui jusque là plaisantaient entre eux et jouaient aux dés ou aux osselets dans une ambiance bon enfant se dévisageaient comme s'ils ne se faisaient plus confiance. Gonflés de leur propre importance, les gardes à la solde de Gundron traversaient la cour encombrée comme si elle leur appartenait, et leurs larges épaules bousculaient sans vergogne les serviteurs et les ecclésiastiques. Personne ne leur faisait la moindre remarque. Les tempéraments étaient à vif et, par deux fois, une simple incartade avait dégénéré alors que les armes sortaient de leur fourreau.
 
 Du haut de son point d'observation, Gundron se caressa le menton avec satisfaction. Il n'avait pas pris la peine de se raser et les poils rebelles lui piquèrent les doigts. Il ne s'en souciait pas; les choses se passaient encore mieux qu'il avait pu l'espérer.
 "J'ai l'impression que les autres maisons ne veulent pas que je monte sur le trône" fit une voix boudeuse derrière lui.
 Le borgne s'arracha au spectacle de la cour intérieure et se retourna langoureusement. Un demi-sourire jouait sur ses lèvres.
 "Oh ? Je ne vois absolument pas pourquoi ils pourraient avoir le moindre doute."
 
 Theorocle n'avait jamais été formé à l'art subtil de l'ironie; il acquiesça vigoureusement de la tête.
 "Exactement. Je suis le fils légitime de l'Empereur, et ces ducs ridicules n'ont rien d'autre à dire. Ils ne peuvent pas s'opposer à ma succession, et je monterai sur le trône ! N'est-ce pas ?" Sa voix vacilla. "N'est-ce pas, Gundron ?"
 "Bien sûr, Héritier. Mais nous vivons des temps troublés, comme à chaque succession, et beaucoup ne voient en vous qu'un enfant. Ils vont probablement chercher à vous manipuler et à faire de vous leur instrument. Ce sont les jeux de la politique auxquels, hélas, je suis totalement étranger."
 Theorocle hocha la tête lentement.
 "Je sais, Gundron. Toi seul n'a pas d'ambition, puisque tu n'es pas noble. C'est pour ça que je peux me reposer sur toi. Mais tous ces autres ! Ah, je peux déjà les entendre couiner après le pouvoir ! Mais je ne leur donnerai rien, tu entends ! Rien ! Ils me doivent allégeance, et je les verrai ramper à mes pieds !"
 "Il serait peut-être bon de ne pas les froisser tout de suite, Héritier. Votre maison est certes puissante, mais vous ne pourrez rien faire si vous n'obtenez pas le consentement des autres."
 "Les autres… pah !"
 
 Le prince se détourna dans un grand mouvement de robe. Il portait depuis peu la pourpre impériale, malgré les avertissements de Gundron à ce sujet. Le borgne porta la main à son orbite vide et la frotta avec irritation.
 Les Aerethal étaient certes la plus grande famille de l'Empire. Ils disposaient de nombreux vassaux et pouvaient autrefois réunir plus de cinquante mille hommes d'armes sous leur bannière. Mais c'était autrefois. La politique pacifiste de l'Empereur Marcus avait incité de nombreux guerriers à quitter la région pour des terres plus propices. Gundron doutait qu'ils puissent lever plus de vingt mille guerriers dans l'état actuel des choses.  
 Et puis, il y avait la situation géographique. Le fief des Aerethal englobait Musheim, ce qui était une bonne chose. Mais il était entouré par les cinq autres familles. Malacol et Camerlan au sud, Benariss au nord, Od'Wendish à l'ouest.
 Et Thespelac à l'est.
 
 Gundron referma ses mains sur le montant de la fenêtre. Tant qu'ils auraient Mandonius comme otage, les Thespelac n'oseraient pas bouger. Il l'espérait. Il le souhaitait de tout son cœur. Sans quoi, la guerre civile risquait d'éclater autour de cette stupide histoire de succession.
 Un sourire sans humour vint effleurer ses lèvres minces. Qu'avait dit Theorocle ? Ah, oui. Tu n'as pas d'ambition, puisque tu n'es pas noble.  
 Gundron éclata de rire.
 
 
 
 Rekk chercha à porter la main à son côté, et grimaça lorsqu'il constata qu'il n'y parvenait pas. Pendant un instant, un instant seulement, la panique menaça de s'emparer de lui. Il n'avait que trop souvent vu des gens se faire trancher des membres net, et on lui avait parlé de la sensation étrange que l'on éprouvait durant des années. Certains sentaient encore leur bras fantôme au jour de leur mort.
 Il ouvrit les yeux comme à défi, pour en avoir le cœur net. La fine pellicule de sang qui maintenait les paupières fermées se craquela. Aussitôt, un soulagement intense l'envahit, suivi par une inquiétude différente. Ses membres étaient bien là, mais une chaîne aux maillons épais comme son pouce serpentait le long de son corps. Elle spiralait cinq fois autour de ses bras avant de venir immobiliser ses jambes et de rejoindre un anneau scellé contre le mur. Rekk en profita pour réaliser qu'il n'était pas allongé, comme il l'avait cru, mais bien adossé à ce mur. Soudainement, sa perspective de la pièce changea et il put comprendre où il se trouvait. Ce n'était pas les cachots, comme il aurait pu le penser, mais la plus haute pièce du donjon. Il la connaissait bien. Lorsqu'il avait été Capitaine de la Garde, fut-ce brièvement, c'était ici qu'il torturait ses prisonniers. Ses lèvres craquèrent en s'étirant dans un sourire sarcastique. La Déesse du Destin avait, semblait-il, un humour particulier.
 
 Pas grand-chose n'avait changé en trente ans. Le sol était toujours fait de marbre rouge, censé absorber plus facilement les inévitables projections de sang. Il y avait toujours un chevalet contre le mur de gauche, et une Vierge de Fer non loin de la porte. Un pichet d'eau claire et une miche de pain reposaient non loin du prisonnier, mais Rekk ne fit pas un geste dans leur direction. Comme autrefois, l'emplacement avait été délibérément choisi à quelques pouces de la longueur limite de la chaîne. Les prisonniers s'échinaient jusqu'à l'épuisement pour parvenir à se saisir de cette maigre pitance. Rekk en avait même vu se déboîter l'épaule dans leurs efforts. Il était déterminé à ne pas finir comme ceci. Pourtant, malgré sa bonne résolution, il avait…
 "Soif…"
 Sa langue refusait même de former le mot. Il secoua vaguement la tête pour s'éclaircir les idées. La dernière chose dont il se souvenait, c'était l'expression mi-moqueuse, mi-inquiète de Gundron alors que le fils de catin lui plantait son épée dans le ventre. Rien que d'y penser lui arracha un grognement de douleur. Il baissa les yeux.
 C'était difficile à dire en raison de l'épaisseur de chaîne qui lui recouvrait la poitrine, mais il avait l'impression que quelqu'un avait tenté de recoudre la blessure. Suffisamment, visiblement, pour qu'il ne saigne pas à mort, ce qui était une bonne nouvelle. Parfait. Dans sa situation, il avait besoin de toutes les bonnes nouvelles possibles.
 
 Lentement, il remua les épaules pour vérifier la marge de manœuvre dont il disposait. Ce n'était pas brillant. Les maillons rentraient presque douloureusement dans sa peau, et il avait à peine la place de respirer. Il coula un regard vers l'anneau au mur mais, malgré la rouille qui le rongeait en surface, il avait l'air d'une solidité à toute épreuve.
 Rekk grimaça de frustration. Même gravement blessé et désarmé, on avait encore suffisamment peur de lui pour prendre des mesures particulières à son encontre. En d'autres circonstances, il aurait pu trouver cela flatteur. Pas ce jour-ci. Il se tendit une nouvelle fois pour vérifier l'attache de l'anneau, puis retomba épuisé. Il n'avait aucune échappatoire pour l'instant, aussi fit-il ce qu'il faisait toujours dans ce genre de situations. Il ferma les yeux et s'endormit.
 Ce furent les mains sur son épaule qui le sortirent de sa torpeur. Il battit des cils pour acclimater ses yeux à la soudaine lueur qui éclairait la pièce. Gundron était devant lui, un chandelier dans la main. Deux gardes se tenaient à ses côtés mais, sur un claquement de doigt, ils s'inclinèrent et sortirent de la salle, refermant la porte derrière eux. Rekk et Gundron étaient seuls.
 
 Le borgne ne prit pas la parole tout de suite. Il s'accroupit, et vérifia d'une violente secousse la solidité des chaînes. Rekk grinça des dents alors que les maillons s'enfonçaient dans sa plaie, mais il ne cria pas. Gundron parut vaguement déçu.
 "Bonjour, Rekk. Quel plaisir de te revoir après tant d'années d'absence. Tu m'as manqué, tu sais…"
 Le Boucher ne prit pas la peine de répondre. Lorsque c'était lui qui torturait, beaucoup de gens lui avaient craché au visage. Maintenant qu'il était à leur place, il se rendait compte du gaspillage de salive que ce serait. Il avait soif
 "Regarde-moi quand je te parle !" Gundron l'empoigna sans ménagement par les cheveux et lui souleva la tête de force. "Ne me dis pas que tu es brisé ! Je vois encore beaucoup trop d'insolence dans tes yeux. Tu penses que tu t'en sortiras. Tu penses que tu es une légende, que tu es immortel ! Tu penses beaucoup trop !"
 
 De nouveau, Rekk ne répondit pas. Il économisait ses forces pour les tortures qui n'allaient pas tarder à suivre. La Vierge de Fer ? Ou quelque chose d'autre, de plus… raffiné ? Le doigt de Gundron s'approcha de sa pupille, et un éclair de terreur lui illumina l'esprit.
 "Tu sais que nous avons encore un compte à régler. Ca fait trente ans; mais je n'ai toujours pas oublié. Eh non. Tu te demandes pourquoi je suis si rancunier ?" Le borgne porta la main à sa cicatrice et la suivit langoureusement du doigt. "Parce que tu ne m'as pas laissé d'autre choix que de m'en souvenir, sale fils de catin. Tu m'as volé ma beauté, ma carrière et mon œil en un seul coup d'épée ! Tu ne peux même pas savoir à quel point j'ai envie de te faire souffrir, de briser tous tes os un par un et de t'arracher la peau du visage. Tu vas savoir ce que c'est que d'être défiguré, Rekk, je te le promets.
 
 Le Boucher grimaça un sourire. Il savait que cela ne servait jamais à rien de se moquer d'un geolier, mais la réplique était trop tentante.
 "Même avant ta cicatrice, tu étais déjà laid."
 "Et même avant que je ne te tranche la cervelle en deux, tu étais déjà stupide !" Gundron porta la main à son épée, puis se détendit. "Non. Tu ne t'en sortiras pas aussi facilement, mon cher Boucher. Je veux que tu souffres comme j'ai souffert. Tu connais le proverbe œil pour œil, dent pour dent ? Eh bien je pense qu'il est temps de le remettre au goût du jour. Tu m'as pris un œil, je vais te prendre les deux !"
 La panique s'empara de Rekk alors que Gundron sortait lentement son couteau. Il était totalement impuissant dans sa position, et tous ses réflexes lui criaient de porter ses mains à son visage pour se protéger. Mais les chaînes tenaient bon. Ce serait une torture sale et sans grâce. Habituellement, on utilisait un tisonnier chauffé à blanc pour brûler les yeux. Une dague rendrait la chose bien plus douloureuse encore.
 "Fais-moi un beau sourire, Rekk, et regarde mon visage ravagé. Admire ton travail, parce que c'est la dernière chose que tu verras !"
 
 Gundron se pencha sur sa victime, et la porte s'ouvrit brutalement.
 "Qu'est-ce qu'il se passe ici ?"
 Rekk n'aurait pu imaginer sauveur plus grotesque. Le prince Théorocle se tenait dans l'embrasure de la porte, vêtu d'une robe de brocart trop grande pour lui, et dont les manches lui recouvraient les mains. Un baudrier de cuir précieux lui ceignait l'épaule et donnait à ses habits l'apparence d'une toge dans laquelle l'héritier se serait hâtivement drapé L'épée bâtarde qui pendouillait à son côté déséquilibrait encore l'ensemble. On aurait cru un enfant qui se déguisait pour ressembler à ses parents – et on n'aurait pas été si loin de la vérité.
 Gundron rengaina sa dague d'un geste vif et mit un genou en terre dans le même mouvement. Sa grimace de colère initiale se dissipa en un battement de cil.
 "Votre Grâce. La nuit est avancée, et vous avez besoin de sommeil."
 "N'esquive pas ma question comme ça, Gundron ! Ou alors es-tu toi aussi un traître qui abandonne son véritable empereur ? Allons, que faisais-tu ici, à comploter avec cet assassin ? Tu voulais le libérer, peut-être ?"
"Pas du tout, bien au contraire. Je…" Le borgne soupira. La carte de la sincérité avait parfois ses vertus. "Je hais cet homme. Vous savez bien que c'est lui qui m'a marqué le visage lors de notre premeir combat. Je… voulais simplement lui retourner la politesse.
"Lui crever un œil, tu veux dire ?" Le prince parut réfléchir un instant, et le cœur de Rekk fit un bond. "Non, je ne préférerais pas. Je veux qu'il soit impressionnant lorsqu'on le pendra. Je veux que tout le monde le regarde et voit sa puissance, pour qu'ils puissent ensuite me remercier de l'avoir tué pour eux. De quoi est-ce que j'aurais l'air si le Boucher que j'envoie à la potence n'est plus qu'un vieillard cacochyme ? Non, décidément non. Je le ferai laver, et il portera ses vêtements de manière à ce qu'on ne voit pas sa blessure."
"Mais, Votre Grâce…"
"N'insiste pas, Gundron. J'accède déjà à assez de tes caprices comme ça pour ne pas que tu viennes en solliciter d'autres encore. Rekk est mon prisonnier. Tu ne le verras plus avant sa pendaison."
 
Vaincu, le borgne inclina la tête. L'héritier se prenait très au sérieux depuis qu'il avait obtenu l'assurance de monter sur le trône. Oser parler de caprices ainsi ! Gundron allait devoir un jour lui mettre les choses au clair, mais le moment n'était pas venu. Pour son ambition, le borgne était prêt à renoncer à sa vengeance. De toute façon, Rekk finirait par se balancer au bout d'une corde, et c'était tout ce qui comptait.
 "Tu aimes lécher les bottes des autres, on dirait" murmura Rekk, un sourire sarcastique sur ses lèvres suppliciées.
 Il savait que c'était une erreur, mais la situation était vraiment trop drôle. Il riait encore alors que la botte du borgne lui heurta le menton, l'envoyant de nouveau dans un sommeil sans rêves.
 
 
 
Un autre endroit, plus richement meublé, mais dont la porte fermait tout aussi bien. Le large lit à baldaquins possédait le matelas le plus confortable du palais, directement importé des ateliers de confections Od'Wendish. Cela n'empêchait pas son utilisateur de très mal dormir.
Mandonius se souleva sur un coude et frotta ses yeux embués de sommeil. Il avait beau tenter de se détendre, de changer de position, rien n'y faisait. En désespoir de cause, il s'empara du briquet à silex sur sa table de nuit et entreprit d'allumer une bougie. La lueur de la flamme vacillante vint éclairer son visage défait.
 
Il avait tout perdu. Il était si proche du trône ! Il suffisait qu'un simple incident arrive au jeune héritier, et il serait monté dessus sans coup férir. Mais non, Rekk avait trop tardé à faire son office de bourreau. Mandonius reposait trop d'espoirs sur lui, il se rendait désormais compte que c'était ridicule. Un homme seul ne pouvait renverser un empire que dans les chansons. Dans la réalité, l'homme seul se retrouvait rapidement transpercé, et finissait ses jours à croupir dans des geôles puantes avec des rats comme seuls témoins de sa gloire passée.
"Maudits soient les Dieux.." murmura-t-il.
Le blasphème lui fit du bien. Aucun éclair ne vint le foudroyer, ce qui tendait à corroborer son hypothèse qu'ils ne soient qu'une invention humaine. Lui, Mandonius, ne compterait désormais que sur lui-mêm. Il avait des atouts, il en avait même beaucoup. Il ne restait plus qu'à savoir s'en servir.
 
D'un pas lourd, il marcha jusqu'à la porte. Les derniers lambeaux de fatigue s'effilochèrent alors qu'il frappait doucement. Une minute passa sans réaction. Il frappa de nouveau et, cette fois-ci, un garde apparut.
 "Gouverneur ? Vous avez besoin de quelque chose ?"
 Mandonius n'était plus gouverneur de quoi que ce soit. L'enseigne de sa fonction se balançait encore à son cou, comme une cruelle plaisanterie, un rappel de ses fonctions passées. Il était prisonnier, sans pouvoir ni ressource, et aucun garde ne le laisserait passer.  
 Sa prodigieuse mémoire se mit en branle, cherchant le détail dont il avait besoin.
 "Essenam, c'est bien ça ?"  
 Le garde se troubla.
 "Oui, c'est bien moi. Comment connaissez-vous mon nom ?"
 "La parade, il y a trois ans. Vous étiez de faction à la porte ouest. Nous avons échangé quelques mots sur l'opportunité de faire ce genre de démonstration alors qu'il n'y avait plus d'ennemis à impressionner et que les ambassadeurs étaient partis à la chasse."
 "Ah, ça. Je me demande bien à quoi ça pouvait bien servir. Il faut dire que ça avait quand même de l'allure, surtout…" Les yeux de l'homme s'étrécirent. "Une petite minute. Vous vous souvenez de moi ?"
 Mandonius sourit.
 "Vous portiez votre cuirasse dorée avec son ruban rouge, et vous teniez fièrement votre lance."
 "Nous étions tous habillés pareil pour la cérémonie. Ca ne veut rien dire !"
 "Ah, mais c'est que je n'aime pas prendre de risque !"
 Le soldat se détendit et un sourire amusé joua sur ses lèvres. Comme à regret, il reprit son expression austère.
 "Je suis sincèrement désolé de ce qu'ils vous ont fait, Gouverneur. Je ne suis pas le seul à penser que vous auriez été une influence positive pour l'Empereur. C'est dommage. Mais comprenez-moi, je ne fais que mon devoir. Je ne peux pas vous laisser sortir. De toute façon, il y a cinq autre gardes un peu plus loin qui nous regardent."
 Mandonius hocha la tête, l'air très raisonnable.
 "Evidemment. Je ne veux pas vous mettre en danger, ne vous inquiétez pas. Je me demandais juste si je pouvais avoir un pichet d'eau claire. Il commence à faire chaud dans cette pièce, et je n'arrive pas à dormir."
 Le garde sourit, visiblement soulagé. Cette demande était du domaine du possible.
 "De l'eau ? Bien sûr, je vais vous demander ça tout de suite. Et ne vous inquiétez pas, Gouverneur, je suis sûr que le tribunal vous jugera innocent. Tout ça n'est qu'un vaste malentendu."
 "Le tribunal ?"
 "Quoi ? Vous n'étiez pas au courant ?" Mandonius croisa le regard franc et honnête du soldat, et un frisson le parcourut. Il hocha la tête négativement. "Par le Sang, je n'aurais pas dû vous le dire alors. Mais vous êtes accusé de trahison contre la personne de l'Empereur Marcus. Je ne sais pas où ils ont été aller chercher ça, vous qui étiez si proche de lui."
 "Je… vois. Ecoutez, est-ce que je peux vous demander un petit service en plus ?"
 "Ca dépend quoi" fit le garde, soudain sur la défensive.
 "Oh, non, rien de bien compromettant. Simplement…" Il plissa les yeux. "Je ne voudrais pas que cette histoire se répète, mais je… je vois quelqu'un en ville." Il toussa maladroitement, puis continua. "Oh, je suppose que ce n'est pas repréhensible – après tout, je ne suis pas marié. Mais pourtant, vous savez ce que c'est…"
 
 Le garde partagea son clin d'œil complice. Essenam avait lui aussi une fille en ville, et son souvenir lui tenait toujours chaud au cœur, même si elle n'était pas exclusive et lui faisait toujours payer quelques piécettes de cuivre sa prestation. Il pouvait comprendre l'embarras du Gouverneur. Une certaine complicité naissait entre eux, comme toujours lorsque les hommes parlent des femmes. "Ah, vous savez, les femmes !" dirait l'un d'eux, et l'autre rirait de bon cœur – car oui, il savait, les femmes…
 "Oui, je sais ce que c'est" confirma le garde avec un rictus moqueur.
 "Dans ce cas, vous comprenez qu'elle risque de s'inquiéter sans nouvelles de moi, penser que je la délaisse. Personne ne soufflera mot de ma captivité en…"
 "Vous n'êtes pas captif, Gouverneur !"
 "Tiens donc ? Vous n'essaierez donc pas de me retenir si jamais je souhaitais aller faire un tour dehors ?" Essenam baissa les yeux, rougissant. "Vous voyez. Oh, je ne vous en veux pas, mais je serais ravi qu'elle soit au courant et qu'elle ne se fasse pas de souci."
 "C'est tout à fait compréhensible, gouverneur."
 "N'est-ce pas ? Maintenant, ne bougez pas, je reviens. Où ai-je mis ma plume ? Ah, la voilà." Mandonius fit courir la plume sur le parchemin, puis répandit un peu de sable pour fixer l'encre. Il sourit. "Je vous le fais même lire, pour que vous voyiez bien qu'il ne s'agit que d'informations triviales. Je ne voudrais pas que vous vous sentiez coupable !"
 "Je vous fais confiance" marmonna le soldat en plissant les yeux. Ce n'était pas le moment de révéler qu'il ne savait pas lire, pas maintenant qu'il avait une chance d'aider son idole de toujours dans une histoire de femmes ! Prestement, il fit disparaître l'enveloppe sous sa tunique. "Je la délivrerai dès la fin de mon service. A qui voulez-vous qu'elle arrive ?"
 "Délivrez-la à la tenancière de bordel de votre choix et dites-lui de le donner à Dame Dani. Elle saura où la trouver."
 Le soldat eut un rire complice.
 "Et cette Dani, Gouverneur… elle est belle ?"
 "Grosse comme une barrique qu'on mettrait en perce ! Mais elle a beaucoup de charme ! Peut-être qu'un jour je te la présenterai, qui sait ?"
 Essenam gloussa comme un adolescent.
 "C'est entendu, donc. Je vais porter votre lettre. Et.. ah, vous vouliez également un pichet d'eau !"
 Mandonius sourit.
 "C'est vrai. Cette conversation m'a donné soif."
 
 
Il y avait des jours où il valait mieux rester discret.
G'kaa était en train de se dire qu'il était justement dans une de ces périodes. Son humeur devenait aussi sombre que sa peau tandis qu'il regardait les nobles se presser dans les diverses alcôves du palais pour discuter de la situation à tenir. Les complots se tissaient dans l'ombre de ces boudoirs secrets. Il pouvait voir les hommes de Thespalac, la maison de Mandonius, qui tournaient en rond dans la cour sans savoir que faire. La plupart étaient d'une humeur massacrante. Leur duc était prisonnier et ils ne pouvaient pas réagir. A l'écart des autres, d'humeur maussade, ils aiguisaient leurs épées avec des regards mauvais.
 
G'kaa ne s'était jamais senti très philosophe, mais il savait lire dans le cœur des gens, et celui de ces soldats était simple à déchiffrer. Pour eux, Mandonius avait été un véritable dieu au charisme inégalé. Tous avaient été prêts à mourir pour lui. Cela voulait probablement dire des troubles sans noms. Si l'ambassadeur Koushite avait été à la place du petit Prince, il aurait essayé de manipuler Mandonius plutôt que de le jeter ainsi dans l'infâmie.
Mais G'kaa n'appartenait pas à l'Empire, et il ne s'en portait pas plus mal. D'une main qui ne tremblait pas, il réajusta la fibule qui tenait sa tunique de lin, puis agrippa de nouveau sa sagaie. Dans le contexte tendu de ces dernières heures, il s'était fait insulter deux fois pour la couleur de sa peau. Le premier imbécile devait encore maintenant être en train de collecter ses dents sur le pavé détrempé. Quant au second, il avait commis l'erreur de tirer son épée. G'kaa espérait que personne ne retrouverait son corps avant longtemps.
 
 Le pas assuré, la démarche souple, il fendit la foule des courtisans et des nobles mineurs venus jouer les sycophantes auprès du nouveau pouvoir en place. Sa haute taille lui frayait un passage aisément. Arrivé devant la porte de la salle du trône, il s'arrêta enfin. Les gardes qui lui faisaient face froncèrent les sourcils, jusqu'à ce que leur sergent avance d'un pas pour l'accueillir. Gros et gras comme un cochon, il arborait un large sourire sur son visage engageant.
"Seigneur G'kaa ! C'est un plaisir de vous voir. Les événements de la nuit précédente ont bouleversé tout le monde. Que pouvons-nous pour vous ?"
Le Koushite sourit. Un peu de politesse ne faisait jamais de mal.
"Le Prince, j'aimerais le voir, oui ?"
"J'ai bien peur que ce ne soit pas possible. Le Prince est actuellement en grande conversation avec le Duc de Camerlan. Il ne saurait être dérangé.
"Le Prince, vous pouvez le prévenir ? C'est très important, oui."
"Important ? Peut-être pourriez-vous m'en dire plus ? Je suis désolé, mais vous comprenez bien ma position. On ne peut pas déranger le prince comme ça."
G'kaa hocha la tête.
"Ce soir, je pars, oui ? Moi, je rentre à Koush. Le prince, tu lui dis ça, oui ?"
Il se détourna pour quitter les lieux, mais le sergent se dandinait désormais à sa suite.
"Attends ! Je veux dire… attendez ! Qu'est-ce que vous dites ? Vous ne restez pas ? Mais vous êtes l'ambassadeur de Koush auprès de l'Empire ! Le prince sera furieux que vous partiez ainsi !"
"Alors, le prince,  il faut peut-être le déranger, oui ?"
Vaincu, le garde poussa un grognement vague et revint sur ses pas jusqu'à la lourde porte. Il poussa les vantaux et s'engagea dans la salle du trône.
 
G'kaa attendit patiemment. Dehors, le soleil n'allait pas tarder à se lever. L'aube serait parfaite pour un voyage. Il n'appréciait pas particulièrement de monter à cheval, mais le moyen importait peu. Dans un ou deux mois, il serait à Koush et pourrait enfin cesser de grelotter. Le temps à Musheim ne lui plaisait pas beaucoup, et l'activité brouillonne de la ville encore moins.
 Quelques minutes se passèrent avant que le sergent ne revienne. Il titubait comme un homme ivre, et le doute se lisait dans ses yeux. Il aboya un ordre d'une voix rauque et une demi-douzaine de soldats vinrent se regrouper autour de lui.
 Le sergent poussa un gros soupir, comme s'il ressentait soudainement le poids de sa graisse qui pesait sur son corps rebondi. Lentement, à gestes mesurés, il tira son épée.
 "Par ordre du Prince, nous devons vous arrêter, Seigneur G'kaa. Vous ne pouvez quitter Musheim avant que l'héritier ne vous y autorise, et il ne semble pas vouloir le faire. Je vous prie de bien vouloir…" le sergent déglutit "…déposer votre lance et accepter d'être raccompagné à vos appartements. Il ne vous sera fait aucun mal."
 G'kaa soupira. La journée avait déjà mal commencé. Ce n'était que justice qu'elle se termine de manière pire encore. Il pivota sur lui-même et frappa le gros sergent dans le plexus avec la hampe de sa lance. L'homme se plia en deux et mit un genou à terre. Un coup à la tête l'assomma pour le compte.
"Cet homme, il était poli, oui ? Alors moi, je ne verse pas le sang, oui ? Mais vous, si vous venez, je vous tue. Oui ?"
Le dernier oui avait une intonation meurtrière. G'kaa s'inclina vers l'avant et fit passer sa lance derrière son dos, dans la position de l'Aigle Ecartelé.
Il éprouvait une pointe de regret en réalisant qu'il ne reverrait jamais Koush.


Message édité par Grenouille Bleue le 01-06-2004 à 18:51:08
n°2849453
PunkRod
Digital Mohawk
Posté le 01-06-2004 à 18:45:22  profilanswer
 

Je trouve que le style s'est amélioré au fil des chapitres !

mood
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Posté le   profilanswer
 

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