Ludvinia « très bien, je vais vous raconter ce qui s?est passé ici. Tout a commencé il y a bien longtemps, au temps où vivaient en ce manoir le marquis Arthaër et son épouse Lindorie. Ils s?aimaient passionnément et de leur union naquit une petite fille qu?ils prénommèrent Eleanore. L?année de son cinquième anniversaire, une bande de brigands sanguinaires assaillirent le village de Rosergoth, non loin du manoir. Ils outragèrent, vandalisèrent et décimèrent à tout venant. Seul un jeune couple et leurs trois filles survécurent à ce carnage. Malheureusement, tandis qu?ils fuyaient dans la forêt, une horde de loups affamés se lança à leurs trousses. Poussées de force derrière le portail de ce manoir, elles virent les loups dévorer leurs parents, brisant leurs os sous leurs canines vigoureuses, déchiquetant leur chair comme un vulgaire parchemin. Terrorisées, les trois jeunes enfants se réfugièrent en ce lieu où elles furent recueillies. Tout se passait bien mais un jour? Eleanore, prise de jalousie se rebella secrètement contre ses s?urs, que tous s?obstinaient à appeler « les 3 anges », cherchant leur malheur par tous les moyens. Durant toute leur enfance, les quatre jeunes filles apprirent la magie en compagnie de la sorcière Melany, venue des cimes des montagnes sanglantes et reconnue dans le monde entier pour sa puissance et son contrôle sur les éléments constitutifs de la nature. Un jour, alors qu?elle apprenait Eleanore aux divers maniements de l?air, la jeune enfant utilisa un charme pour tromper Melany et la faire disparaître»
Damien, surpris « Par quel moyen a-t-elle pu vaincre une si grande sorcière ? Tu nous as dit toi-même qu?elle était reconnue pour sa puissance! »
Ludvinia, le sourire aux lèvres « Eleanore n?est pas une enfant comme les autres. Elle a le don de contrôler la volonté des gens ainsi que le pouvoir de l?illusion. Melany avait un point faible et Eleanore le savait. Malgré sa puissance, Melany craignait par-dessus tout les serpents. Un soir, la jeune fille alla voir la sorcière dans la tour de l?aile ouest et, profitant d?un moment d?inattention de celle-ci, couvrit le sol de reptiles, utilisant sa faculté d?illusionniste. Melany, prise de peur, mourut d?une crise cardiaque »
Ludvinia se mit à rire doucement et continua sa narration « Eleanore pensait qu?en tuant Melany, elle hériterait de la totalité de ses pouvoirs. Malheureusement pour elle, ceux-ci furent partagés entre les quatre jeunes filles, chacune d?elle devenant détentrice d?un élément en fonction de son tempérament. Depuis ce jour, Eleanore poursuit ses s?urs afin de les éliminer, dans le seul but d?absorber leur magie. Après cela, elle pourra asseoir son pouvoir sur le monde et se venger de cet homme qui l?a tant fait souffrir ! »
Nergal « qui est-il ? »
Ludvinia « Adolescente, Eleanore s?enticha d?un jeune prince plus âgé qu?elle. Celui-ci ne pensait qu?à s?amuser et à se battre avec tous ceux qui avaient la mauvaise idée de croiser son regard ou de braver son autorité. Son besoin de tuer était grand et, pour être franche, je ne pense pas qu?il ait un jour aimé Eleanore. Un soir, tandis que, penchée au balcon de sa chambre, elle admirait son prince se baladant parmi les haies du jardin, elle le vit aborder une jeune paysanne. Terriblement attristée, elle courut le rejoindre, de grosses larmes coulant le long de ses joues avec abondance. Le prince, voyant la douleur qu?elle ressentait s?approcha d?elle et lui chuchota à l?oreille : « mon plus grand désir serait de voir couler ton sang mais tes parents m?en voudraient et je ne veux pas manquer une occasion d?épouser l?une de tes s?urs ». Ensuite, fier de lui, il lui adressa un visage sournois et ravis. Pendant qu?il parlait, il avait sorti de son fourreau une petite dague qu?il faisait glisser le long du corsage d?Eleanore. Celle-ci demeurait pourtant statique et son regard petit à petit se chargeait de haine. Malgré cela, elle ne fit rien contre lui et garda le silence»
Ludvinia passa une couverture sur ses épaules, prit un petit bâton et attisa le feu comme pour le raviver. Les chevaliers, quant à eux, l'écoutaient avec beaucoup d?attention.
Benoît, intrigué demanda alors « pourquoi ne pas avoir réagi à ces mots ? »
Ludvinia, parlant posément « je suppose qu?elle l?aimait trop pour ça? »
Elle s'empara d'un morceau de pain que les chevaliers avaient préparé et le mangea lentement, puis elle continua son récit.
Ludvinia « Quelques jours plus tard, elle apprit que ce jeune homme avait demandé la main de sa s?ur Asclesia au marquis mais que celle-ci, promise à Hyderion, avait refusé son offre. Pris de colère et de jalousie, le jeune homme fit saboter le navire emmenant Hyderion vers le c?ur de la mer de l?effroi, le faisant chavirer en plein milieu de celle-ci. Hyderion ayant survécu au naufrage in extremis, il le défia de se battre en duel avec lui sur la plage le lendemain au lever du jour. Malheureusement celui-ci, affaibli et blessé lors du sinistre, perdit le combat. Le jeune prince, vengé de l?affront, fit crucifier le corps d?Hyderion dans la chapelle, lui arracha le c?ur et l?envoya à Asclesia »
Marcones, révolté « mais c?est un monstre ce type ! »
Nicklas « Et Asclesia ? Qu?est-elle devenue ? »
Ludvinia « Asclesia, comme vous vous en doutez, fut très touchée par cette tragédie. Elle se retira près de la cascade située à côté de la grotte et pleura des jours entiers la disparition d?Hyderion. Chaque soir, elle observait la mer, cherchant la moindre lueur d?espoir mais finalement, elle décida de s'isoler dans une prison de glace, espérant qu?un jour, quelqu?un pourrait l?aider à ressusciter son cher Hyderion. C?est sous cette forme qu?elle repose à ce jour »
Jemery « Et Eleanore, comment a-t-elle réagi ? Après tout, elle aimait ce prince? »
Ludvinia « Après ce triste épisode, le prince quitta le manoir. Eleanore, quant à elle, se rapprochait malgré elle de son but. En effet, Asclesia était la seconde à mettre fin à ses jours. La première ayant été Forliny »
Benoît « si je te suis bien? elle a assimilé leurs pouvoirs sur les éléments? »
Ludvinia, souriant « Non, elle ne sait pas assimiler leur magie tant qu?elle ne les tue pas de sa propre main. De plus, elle doit retrouver trois choses importantes pour les trois anges, à savoir la graine de la terre, l??il de dragon et la pierre de feu. Sans cela, elle ne peut rien faire ! »
Nergal, intrigué « Où se trouvent ces pierres ? A quoi ressemblent-elles ? »
Ludvinia « Je n?en sais rien. Ces pierres sont toujours passées inaperçues. Les anges ne les montraient pas mais il paraît qu?elles sont indispensables pour les sortir de leur sommeil »
Elle se leva et dit d?un ton grave « c'est pourquoi vous devez les retrouver ! »
Puis, avançant vers la porte, elle se retourna et dit « mes amis, je ne peux rester avec vous plus longtemps, elle finirait par me retrouver. De plus, je dois faire ma ronde et m?assurer que personne n?entrera plus en ce lieu maudit »
Damien « Comment pourrons-nous te retrouver ? »
Ludvinia, un petit sourire en coin « Ne vous inquiétez pas, je serai toujours là pour vous guider. Votre route est encore longue?Un conseil, cherchez d?abord la bibliothèque de la sorcière Melany, vous y trouverez peut-être des éléments pour vous aider dans votre quête »
Et elle disparut. Ecoutant les conseils avisés de la guerrière, nos amis partirent à la recherche de la tour de l?aile ouest. Ils gravirent quelques étages, passant ça et là parmi la végétation luxuriante qui se propageait sur les parois humidifiées du manoir, traversant les couloirs encombrés de carcasses et autres horreurs en tout genre et dont les murs étaient couverts de sang. Alors qu?ils déambulaient dans le silence le plus complet, sur leurs gardes, un petit son parvint aux oreilles de Benoît. Il s?arrêta tandis que son prénom retentissait dans sa tête. La voix de Moly semblait en effet l?appeler indéfiniment en un gémissement plaintif.
« Benoîîîîîîîîîît? viens avec moi? ne m?abandonne pas ! »
Quelques sanglots suivirent. En regardant autour de lui, Benoît vit qu?il était seul au sein d?une pièce ténébreuse et imbibée d?eau ruisselant sur les jointures de la paroi de pierre. Seule une petite lucarne située en haut du mur porteur laissait pénétrer quelques rayons dégagés par la lune, nécessaires à l?illumination de la salle. Alors qu?il tentait de sortir de celle-ci, Moly apparut devant lui. Son visage était couvert de poussière et son corps s?abritait sous une lourde cape de velours bleuté. Benoît, surpris de sa présence en ces lieux, s?approcha lentement, l?air méfiant.
Benoît « Moly ? C?est vraiment toi ? Mais que fais-tu ici ? ? Non, ça n?est pas possible? je ne peux pas le croire? »
Moly tomba à genoux, la tête serrée entre les mains, penchée vers l?avant.
Benoît, s?abaissant à ses côtés en gardant malgré tout une certaine méfiance dans le regard « mon amour? »
Moly, levant ses doux yeux pleins de larmes vers le chevalier « elle nous l'a pris? j?ai peur? ne m?abandonne pas je t?en prie? »
Benoît, lui prenant les mains « pourquoi t?abandonnerais-je ? Il n?y a pas de raisons »
Moly « elle? elle? »
Elle pleurait tellement qu?aucun son ne sortait de sa bouche.
Benoît, la prenant dans ses bras tendrement « Calme-toi Moly, ça va aller ? je suis avec toi mon amour?personne ne te fera de mal »
Elle le repoussa, posant la paume de sa main sur le torse de son compagnon, protégé de son armure. Celui-ci vit alors que les doigts de Moly étaient couverts de sang.
Benoît, paniqué « Mais enfin Moly, que s?est-il passé ? Que t?a-t-on fait ici ? !!! »
Puis, relevant la tête, elle ouvrit lentement la cape qui lui couvrait les épaules. Benoît, horrifié, fit un pas en arrière. Devant lui, le corps de sa bien-aimée apparaissait, mutilé à maintes reprises; son ventre semblait vidé de la présence de leur enfant et seul le sang demeurait marqué sur sa robe blanche »
Moly, criant et serrant les bras de Benoît « elle nous l?a pris ? je me sens si mal mon amour? notre enfant? je suis indigne de vivre ! »
Sans laisser le temps à Benoît de réagir, elle sortit une petite fiole de sa poche et but en partie son contenu. Le chevalier la lui arracha des mains mais il était trop tard. Elle tomba sur le sol, prise de convulsions répétitives. Ses yeux se firent ronds, elle se remit à pleurer et le sang coula hors de sa bouche à demi-ouverte en un fin filet ruisselant vers sa gorge.
Benoît, serrant la jeune femme dans ses bras, une main lui caressant les cheveux « noooon, Moly, ? ne m?abandonne pas? pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoi me laisses-tu alors que j?ai tant besoin de toi? »
Il la secouait, tentant de la ramener à la vie. Le chagrin déchira alors son visage. Il touchait délicatement la chevelure de Moly en répétant inlassablement « Pourquoi Moly? Pourquoi ? »
Lentement, il tourna les yeux vers la petite fiole tombée de la main de la jeune femme et roulant sur le plancher. De forme allongée et munie d?un bouchon sphérique, elle contenait encore un peu du poison absorbé par Moly. Il se pencha et la ramassa, la serrant fermement entre ses doigts tremblant encore. Il l?approcha de son visage afin d?en sentir la contenance et là?
Ludvinia, l'interpellant « Benoît non arrête ! Ne fais pas cette erreur ! »
Il regarda autour de lui. Tout semblait flou.
Benoît« mais où suis-je ? Où est ma femme ? »
Le corps de Moly s?était volatilisé. Benoît demeurait seul dans ce lieu avec pour seule compagnie la petite fiole en verre qu?il tenait toujours entre ses doigts.
Ludvinia « fais attention ? tu es un brave chevalier? nous avons besoin de toi, ne te fie pas aux apparences car elles sont trompeuses en ce manoir »
Benoît, s?énervant en retournant tout dans la pièce, cherchant désespérément le corps de sa femme « mais où est Moly ? Je jure de venger sa mort ! »
Il serra les poings. La haine se lisait dans ses yeux.
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Autre petit extrait...
Delphine