Citation :
Soyons précis, il n'existe pas pas de "prohibition du boycott" en tant que tel en France. Il y a une interdiction (non pénale) de certaines pratiques commerciales visant à restreindre l'accès au marché de certains producteurs de biens et services ou à les évincer (art. L. 420-1 Code de Commerce : http://www.legifrance.gouv.fr/affi [...] odeArticle ) et il y a l'interdiction pénale des discriminations irrégulières (ben oui, certaines différences de traitement sont acceptables voie souhaitables, la vie est compliquée et le juriste cruel...) qui est visée par le 2° (prononcer "deuxièmement" ) de l'article 225-2 du code pénal.
L'article 225-2 CPén. :
http://www.legifrance.gouv.fr/affi [...] =20080225)
Citation :
La discrimination définie à l'article 225-1, commise à l'égard d'une personne physique ou morale, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 Euros d'amende lorsqu'elle consiste :
1° A refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ;
2° A entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ;
3° A refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;
4° A subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ;
5° A subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ;
6° A refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.
Lorsque le refus discriminatoire prévu au 1° est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 Euros d'amende.
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Oui mais alors, c'est quoi une discrimination irrégulière ? Facile, on lit à l'envers le code et on tombe sur l'énumération del'article 225-1 (les juristes sont des grands invertis :-D) qui nous apprend que sont telles les discrimiantions tenant, pour les personnes morale (càd. sociétés et association pour l'essentiel) :
Citation :
à raison de l'origine, du sexe, de la situation de famille, de l'apparence physique, du patronyme, de l'état de santé, du handicap, des caractéristiques génétiques, des moeurs, de l'orientation sexuelle, de l'âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales.
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Donc, le boycott de la feta danoise, parce que justement danoise, à l'appel d'un lobby de fetahyn hellènes, c'est *mal*. Un appel à refuser d'acheter des produits SCO parce qu'ils sont pas gentils-gentils, a priori, c'est plus ou moins utile et légitime, mais ce n'est vraisemblablement pas répréhensible ou illégal. La jurisprudence européenne amorce (CEDH, cf. infra) une évolution dans ce sens avec la décision Steel & Morris vs United-Kingdom de 2005 relative à des poursuites exercées par la sté McDonald contre les auteurs d'une brochure très critique : les grandes entreprises "s'exposent inévitablement et sciemment à un examen attentif de leurs actes" et donc à un certain niveau de critique. la diffamation n'est pas exclue, aps plus que d'autres procédés restreignant les critiques excessives mais il doit être trouvé un juste équilibre entre défense des intérêts économiques et liberté d'expression. Pas le temps de vérifier sur HUDOC si la question du boycott a été jugée...
Pour revenir au droit interne et outre le fait que toutes les discriminations ne peuvent donc être poursuivies, ce genre de texte ne s'applique pas sans des appréciations des circonstances de fait qui exigent une certaine finesse d'analyse. IMHO et sans garantie, il faut bien prendre les discours affirmant l'illégalité pure et simple de tous les appels au boycott comme illégaux pour ce qu'ils sont : de l'intimidation pure. Ceci étant : 1°) un certain nombre d'appels au boycott sont illégaux 2°) les commentaires de l'économiste cité supra, aussi sérieux soit le bonhomme, ne vous seront pas d'un grand secours en garde à vue...
Je vous lie ci-dessous un arrêt récent sur une vraie hypothèse potentielle de discrimination irrégulière (ici : en raison de la nationalité) mais IMHO très discutable compte tenu des faits de l'espèce (votre client a un souci avec tel état ou telle société pour des raisons plus ou moins admissibles et vous demande de ne pas pas travailler avec ceux-ci. premier point de débat : c'est inélégant certes, mais est-ce condamnable juridiquement !? Ici il s'agit d'un client ressortissant d'un état arabe qui exige que la livraison ne soit pas effectuée par une société israelienne : est-ce discriminatoire de la part du fournisseur français qui y consent, alors qu'aucune société israelienne n'a subi effectivement un refus discriminatoire, humhum ?? C'est le 2e sujet délicat : ce n'est pas évident du tout et il faudrait regarder encore plus en détail les jugements au fond qui sont normalement plus explicites...) :
http://www.legifrance.gouv.fr/affi [...] &fastPos=1 Bon ensuite, sur cette affaire partculière, il faut aussi tenir compte de plusieurs éléments :
1°) c'est une vision pénaliste du monde et les pénalistes sont notoirement des gens qui manquent de finesse juridique. Gare ! je ne dis pas qu'ils sont de mauvais juristes mais ils sont, très fréquememt, empreints de préjugés (au sens strict du terme) moraux qui commandent leur interprétation des textes bien au-delà de ce que permet le raisonnement juridique ordinaire (j'ai récemment eu des échanges avec un substitut et c'est une mécanique intellectuelle un peu curieuse). Je suis toujours sidéré par les libertés que prennent les praticiens du droit pénal avec l'affreux poncif de "la loi pénale est d'interprétation stricte", principe inscrit en toute lettre dans la partie législative du code... Bref, selon le côté du Glaive où ils se touvent certains pénalistes-moralistes se feront des pourfendeurs fanatiques de la délinquance, pataugeant souvent dans un Ordre Moral fort peu objectif, ou, tout au contraire, se révéleront des pleurnicheurs dignes de mauvais téléfilms judiciaires.
Pour" balancer sévère", j'ai en mêmoire le chef-d'oeuvre de mauvaise foi du bien connu Maître Eolas lequel justifia sans rougir la décision de la Cour de Cass' condamnant un nigaud de rappeur pour des textes de chansons franchement pas damnables (je ne juge pas la musique, j'ai un zeste de prudence). Or, en vérité, on était à la limite de l'inconventionnalité pure et simple et du texte à l'origine de la poursuite, et de la décision (la dignité de l'unfiorme, motif légitime, n'autorise pas le n'importe quoi par rapport à la liberté d'expression). Curieusement, au sein de la tribu Pénaliste, ce sont fréquemment les mêmes qui après avoir justifié des trucs abracadabrantesque à coup de "Force doit rester à la Loi" et patati et patata, vous feront ensuite sangloter, à la barre, sur le sort d'un épouvantable Rapetou égorgeur de petites vieilles, son papa violent, sa petite fille qui a tant besoin de lui et son épouse admirable...
2°) c'est aussi la cour de cassation et, comme toute cour supérieure surchargée, elle n'est pas exempte de dérapages et donc, fort heureusement, elle est sujette à des repentirs fréquents (trop fréquents ?). Anecdote illustrative : j'ai en tête une décision de cet automne, dite du "poney Junior" qui avait fait beaucoup glousser, le distingué commentateur d'une revue spécialisée (pour les 13 autres juristes qui rôdent ici : le JCP, non ?) ayant fait beaucoup d'efforts pour ne pas qualifier cette décision ( à publier au Recueil !!) de grand n'importe quoi in-justifiable (l'intégrité sexuelle du poney étant désormais mieux protégée que celle d'une autre espèce inférieure...). Pour les curieux : Legifrance > Jurisprudence judiciaire > cour de cass' > année 2007 > mots clés 'poney" et "junior"....
Pour DLFP, on peut simplement envisager une action sur le fondement de la complicité, dans la mesure où l'on retient cette lecture ultra-répressive du texte (dans l'esprit du temps, notons-le) mais son statut de site d'information devrait lui permettre d'exciper (= de tirer argument pour faire exception à la règle ordinaire) de la législation relative à la presse (+ Jurisprudence ouvertement favorable de la Cour Européenne des Droits de l'Homme sise à Strasbourg : arrêts Observer & Guardian vs United-Kingdom et autres) : on retranscrit, on diffuse le message sans s'y associer. Woui, ce sertait sans doute un rien faux-derche mais c'est pour cela qu'on a inventé les avocats : pour qu'ils tiennent des discours parfaitement improblables sans glousser...
Pour ceux qui suivent, un arrêt, raisonanblement exigant, de la Cour de Cassation sur une prétendue pratique d'éviction (l'article L. 420-1 citée tout en faut de cet intemrinable post) :
http://www.legifrance.gouv.fr/affi [...] chJuriJudi
On voit bien qu'il faut une intention d'évincer du marché et qu'il y a une analyse, normale en droit économique, de l'influence des intiateurs du prétendu "boycott" sur le secteur en cause (on parle du "pouvoir de marché" sur un marché lui-même "pertinent" : ici on reconnaîtrait un tel marché pertinent pour les logiciels de sécurité informatique voire un sous-marché des logiciels anti-virus) et des effets de la mesure d'éviction sur le marché pertinent en cause. Le jour où un appel de la FSF bouleversera les poids respectifs des diverses sociétés sur l'un des marchés de produits et services informatique, le monde aura bien changé...
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