Je n'ai jamais rencontré de problèmes pour discuter sous la "dictature participative", non plus.
Cela dit, cette question concerne-t-elle uniquement notre possibilité à tous deux de "converser en toute amitié" ?
auto-citation (écrite en mai 2001, soit 4 mois avant les attentats du 11/9)
http://vdedaj.club.fr/cuba/npa_cuba_ile.html
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Les Sandinistes, encouragés par lEurope, ont tenu en 1990 les élections, comme prévu, et ce "malgré" les dix années de guerre menées par les Etats-Unis et, accessoirement, par les Contras. " Chronique dune mort annoncée " aurait pu être le titre de ce mauvais film, parce que, comme prévu disais-je, les Sandinistes ont perdu. Logique. Et il y a eu 40.000 morts (à léchelle de la France, ça ferait entre 1 et 1,5 millions de morts). Et il y a eu le chantage des Etats-Unis - menés par l'innommable sénateur Helms : " votez mal, la guerre continuera ; votez bien, vous aurez des millions de dollars daide ". 10 ans de guerre, cest long. En tous cas, une durée largement suffisante pour faire entrer les valeurs essentielles etatsuniennes dans la tête du Nicaraguayen le plus têtu. Au pire, il aurait compris quatre ans plus tard, ou quatre ans après, ou même après
car Oncle Sam est un homme patient. Et la patience est une qualité aussi facile à cultiver dans un bureau climatisé que lest lindifférence dans un B52 en vol au-dessus dun nid de cocos.
Peu de temps après ces élections, les Européens ont remballé leurs cabinets de conseils en communication et, malgré une certaine déception quant aux résultats, ils ont chaleureusement remercié les Sandinistes pour avoir été à la hauteur de leurs espérances. Plus tard, et après l'assassinat de quelques centaines de sandinistes de plus, la mortalité infantile au Nicaragua est remontée aux chiffres dantan, lanalphabétisme a retrouvé la place qui lui convient dans un pays du Tiers Monde et la santé est redevenue ce quelle naurait jamais du cessé dêtre. Oserais-je dire que les choses ont repris leur cours normal ?
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Mais les élections ont eu lieu et lhonneur est sauf, certes, mais lhonneur de qui et pour quoi ? La satisfaction exprimée par certains quant au fait du vote devrait être mise en parallèle avec leur indifférence quant aux conséquences de celui-ci. Car qui, parmi ceux-là, ira trouver un enfant aujourdhui déscolarisé de Managua pour lui dire " cétait pour le bien de la démocratie, mon petit " ?
Mais est-ce vraiment la démocratie qui a gagné ce jour là ? Si oui, qua-t-elle fait de sa victoire ? Si non, qui a gagné ?
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"200 millions d'enfants de par le monde dorment dans la rue, pas un seul n'est cubain" proclame fièrement un panneau à La Havane. Question de communication, c'est ringard. Sûr que quelques boîtes de comm' auraient du boulot là-bas. Mais question de fond, c'est géant. M'en voudriez-vous de ne retenir que le message - que je considère comme sincère - et non la ringardise hypothétique de son support ?
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Si Cuba a commis des erreurs, la première, la grande, la définitive, l'inexcusable est celle-ci : faire une révolution à seulement 150 km des Etats-Unis. Et si les Occidentaux ont un droit, le premier, le grand, le définitif est celui-là : fermer leurs gueules ou alors s'en prendre avec la même vigueur et le même esprit critique à l'action des Etats-Unis à l'égard de Cuba. Il serait grand temps de comprendre, une bonne fois pour toutes, que le problème principal de Cuba est celui d'avoir osé l'indépendance dans l'arrière-cour des Etats-Unis. Vu que les Etats-Unis se prennent à considérer le monde entier comme leur jardin, on peut raisonnablement penser que les Cubains ne seront bientôt plus les seuls à sentir le poids de leur regard... suivez le mien.
Vu d'Europe, il me semble que toute exigence formulée à l'égard du régime cubain ne peut être moralement justifiable qu'accompagnée de la certitude, sinon de la garantie, que nous assumerions la responsabilité des conséquences. Ou s'agirait-t-il, comme pour le Nicaragua, d'y faire un petit tour de piste et puis de se tirer en vitesse ?
Certes, mais quel soulagement ça serait de voir Cuba redevenir, enfin, un pays "normal" . On y verrait désormais un pays du Tiers-Monde "normalisé" et on accusera - si on est de gauche - "le système". On se souviendrait peut-être de la Salsa (ça se vend bien) et des négresses qui se trémoussaient avec des plumes dans le cul. Par contre, le téléphone (désormais propriété d'une multinationale) marchera super bien - dans les hôtels - et les journalistes sur place pourront enfin envoyer leurs articles à temps à Paris sans stresser. On y verrait aussi quelques gamins dormir sous un panneau défraîchi annonçant "200 millions d'enfants dans le monde..." et le reste serait illisible. Peut-être même qu'un caricaturiste dans un journal de gauche se fendrait d'un dessin vachement revanchard à l'égard des Yankees. Même que ça leur ferait vachement mal.
Exiger - sans autre forme de procès - le multipartisme, LA démocratie, des élections "libres" et une presse libre à 150 km de Miami est une façon comme une autre d'aller pisser sur la tombe de Salvador Allende.
Il n'y a pas de hasard à constater combien les Etats-Unis, forts de leur impunité de tout temps et en tous lieux, traitent l'Europe chaque jour un peu plus comme - pardon camarades - un vulgaire Cuba, via les GATT, les AMI, OMG et cie - pour ne parler que de la partie la plus visible de l'iceberg. Et l'Histoire a montré que chaque concession faite aux Américains n'est, pour eux, que l'expression d'une faiblesse. Et comprendre ça 20 ans plus tard sera le comprendre avec - au moins - 21 ans de retard.
Mais Oncle Sam est patient, disais-je... Alors lorsque la "démocratie" américaine aura englouti le dernier îlot de résistance à l'idéologie de l'avoir, et que l'on regardera en arrière pour comprendre comment tout a commencé, il ne nous restera plus qu'à ânonner bêtement : "Quand les Etats-Unis sont venus chercher Cuba, nous n'avons rien dit, nous n'étions pas Cubains...".
Nous voilà prévenus.
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