J'ajouterais...
http://perso.club-internet.fr/vded [...] _cuba.html
Un exemple de sabotage
Une entreprise qui défia l'embargo fût British Leyland, en vendant un grand nombre d'autobus à Cuba en 1964. Les critiques répétées et les protestations de Washington ne purent empêcher la livraison des autobus. Alors, un cargo Est Allemand transportant 42 autobus vers Cuba entra en collision dans un épais brouillard avec un vaisseau Japonais sur la Tamise. Le vaisseau Japonais pût reprendre sa route, mais le cargo Est Allemand se coucha sur le flanc ; les autobus devaient être « décommandés », annonça British Leyland. Dans les principaux journaux anglais, ce n'était qu'une histoire d'accident. (16) Dans le New York Times, il n'en fût même pas mention. Une décennie devait passer avant que l'éditorialiste Jack Anderson dévoila que ses sources de la CIA et de l'Agence Nationale de Sécurité avaient bien confirmés que la collision avait été arrangé par la CIA avec la collaboration des Services secrets britanniques. (17) En réaction, un autre officier de la CIA déclara qu'il était sceptique quant à cette thèse, tout en admettant « qu'il était vrai que nous étions en train de saboter l'envoi des autobus de Leyland vers Cuba, et que c'était une affaire très sensible. » (18)
La guerre bactériologique et chimique contre Cuba
Une autre affaire très sensible fût sans doute l'utilisation d'armes chimiques et bactériologiques par les Etats-Unis contre Cuba. La liste est remarquable.
En Août 1962, un transporteur Britannique sous-loué par les Soviétiques, endommagea son hélice sur un récif et dût se réfugier à San Juan, Puerto Rico, pour subir des réparations. Sa destination était un port Soviétique avec 80.000 sacs de sucre Cubain. Le bateau fût mis en cale sèche et 14.135 sacs furent déchargés vers un entrepôt pour faciliter les travaux. Lors de son séjour dans l'entrepôt, le sucre fût contaminé par des agents de la CIA avec un produit supposé sans danger mais rendant le sucre non-comestible. Lorsque le président Kennedy prit connaissance de l'opération, il entra dans une colère noire parce qu'elle s'était déroulée sur le territoire américain et sa découverte aurait fourni à l'Union-Soviétique une base de propagande et aurait pu créer un précédent pour le sabotage chimique au sein de la guerre froide. Il ordonna que le sucre ne soit pas rendu aux Russes, sans que l'explication qui fût donnée soit rendu publique. (19) Apparemment, cela n'empêcha pas d'autres entreprises du même style. Le fonctionnaire de la CIA qui aida à mener les efforts de sabotage dans le monde entier, déjà cité plus haut, révéla par la suite que « Il y avait beaucoup de sucre qui sortait de Cuba, et nous y introduisions beaucoup de produits contaminants. » (20)
La même année, une technicien Canadien en agriculture travaillant comme conseiller auprès du gouvernement Cubain reçu 5.000$ de la part « d'un agent des services secrets américains » pour infecter les dindes Cubaines par un virus provoquant la maladie mortelle de Newcastle. Il s'ensuivit la mort de 8.000 dindes. Le technicien affirma plus tard que bien qu'il avait été présent dans la ferme où moururent les dindes, il n'avait en fait pas administré le virus mais qu'il s'était contenté d'empocher l'argent, et que les dindes sont mortes à la suite de négligences et autres raisons sans rapport avec le virus. Cette déclaration pourrait être une auto-justification. Le Washington Post raconta que « Selon les rapports des services secrets des Etats-Unis, les Cubains - et certains Américains - croient que les dindes sont mortes par suite d'actes d'espionnage. » (21) Les auteurs Warren Hinckle et William Turner, citant un participant au projet, rapportèrent dans leur livre sur Cuba que : « Durant 1969 et 1970, la CIA déploya une technologie futuristique pour modifier le climat dans le but de provoquer des ravages dans les cultures de sucre à Cuba et miner l'économie. Des avions du Centre d'Armement Naval de China Lake, une centre de développement de haute technologie dans le désert Californien, survolèrent l'île, parsemant les nuages de cristaux et provoquant des pluies torrentielles au-dessus des zones non-cultivées, créent ainsi une sécheresse sur les champs de canne (dans certaines zones, les trombes d'eau provoquèrent des inondations meurtrières). (22)
En 1971, toujours selon des participants, la CIA fournit aux exilés Cubains un virus qui provoque la fièvre porcine Africaine. Six semaines plus tard, la propagation de l'épidémie à Cuba obligea l'abattage de 500.000 porcs pour prévenir une épidémie d'envergure nationale. Cette épidémie, la première signalée dans l'hémisphère Occidentale, fût qualifiée « d'événement le plus alarmant de l'année » par le United Nations Food and Agriculteral Organization. (23)
Dix ans plus tard, la cible fût très probablement les êtres humains, lorsqu'une épidémie de fièvre « dengue » balaya l'île de Cuba. Transmis par des insectes buveurs de sang, généralement des moustiques, la maladie provoque des symptômes graves de grippe et des douleurs osseuses paralysantes. Entre Mai et Octobre 1981, plus de 300.000 cas furent signalés à Cuba et 158 décès dont 101 étaient des enfants âgés de moins de quinze ans. (24)
En 1956 et 1958, révélèrent des documents déclassifiés, l'armée des Etats-Unis libéra des nuées de moustiques spécialement élevées en Géorgie et Floride afin de voir si des insectes porteurs de maladies pouvaient servir d'armes dans une guerre bactériologique. Les moustiques utilisées étaient du type Aedes Aegypti, justement le porteur de la fièvre dengue et autres maladies. (25)
En 1967, le magazine Science révéla que dans le centre gouvernemental US à Fort Detrick, Maryland, la fièvre dengue était parmi ces « maladies qui sont pour le moins l'objet de recherches intensives et qui sont considérés comme des agents potentiels d'une guerre bactériologique. » (26)
Alors, en 1984, un exilé Cubain, au cours d'un procès à New York, témoigna qu'au cours du deuxième semestre de 1980, un navire vogua de la Floride vers Cuba avec pour mission le transport de microbes et leur introduction à Cuba pour les utiliser contre les Soviétiques et l'économie Cubaine, pour commencer ce qu'on appelle une guerre chimique, qui plus tard produisit des résultats inattendus, parce qu'on pensait qu'il serait utilisé contre les forces Soviétiques, et en fait il était utilisé contre notre propre peuple, et nous ne sommes pas d'accord avec ça. (27)
Au vu de ce témoignage, il n'est pas clair si le Cubain pensait que l'effet des microbes serait d'un certaine manière limité aux Russes, ou s'il avait été manipulé par les personnes derrière cette opération.
L'étendue réelle de la guerre chimique et biologique Américaine contre Cuba ne sera jamais connue. Au cours des années, le gouvernement de Castro a accusé les Etats-Unis pour un certain nombre de fléaux qui affectèrent divers troupeaux et cultures. (28) Et en 1977, de nouveaux documents de la CIA rendus publics révélèrent que l'Agence « entretenait un programme clandestin de recherche sur la guerre anti-récoltes visant différents pays à travers le monde. » (29)
Il advint avec le temps que les Etats-Unis estimèrent nécessaire de communiquer une partie de son savoir-faire sur la guerre chimique et bactériologique (GCB) à d'autres pays. A la fin de 1969, quelques 550 étudiants, de 36 pays, avaient suivis des cours dispensés à US Army's Chemical School, à Fort McClellan dans l'Alabama. Les cours de GCB étaient dispensés sous couvert de « se défendre » contre de telles armes - tout comme fût enseignée la torture au Vietnam. Nous décrirons aussi dans le chapitre consacré à l'Uruguay ( Non traduit dans ce texte - Note du traducteur ), comment la fabrication et l'usage de bombes fûrent dispensés sous couvert de combattre les attentats terroristes. (30)
L'ingénuité qui caractérisait la GCB contre Cuba était apparent par les dizaines de plans visant à assassiner ou humilier Fidel Castro. Conçus par la CIA ou par des exilés Cubains, avec la collaboration des mafiosi Américains, les plans allaient de l'empoisonnement des cigares et de la nourriture de Castro à l'utilisation d'un produit chimique destiné à provoquer une chute de ses cheveux et de sa barbe, en passant par l'administration de LSD juste avant un discours public. Il y avait bien sûr aussi une approche plus traditionnelle telle que armes à feu et bombes, comme le plan de larguer des bombes sur un stade de base-ball durant un discours de Castro - le bombardier B-26 fût chassé par les canons antiaériens Cubains avant d'atteindre le stade. (31) C'est grâce à une telle combinaison de mesures de sécurité Cubaines, d'informateurs, d'incompétences et de chance que le barbu est toujours en vie.
Tentatives d'assassinat et attentats
Des tentatives furent entreprises aussi contre le frère de Castro, Raul, et contre Che Guevara. Ce dernier fût le cible d'un tir de bazooka dirigé contre l'immeuble des Nations Unies en Décembre 1964. (32)
Différents groupes exilés Cubains se sont régulièrement engagés dans des actes de violence aux Etats-Unis et bénéficiant d'une impunité relative durant des décennies. Un de ces groupes, du nom de Omega 7, avait son quartier général à Union City, New Jersey, et fût qualifié en 1980 par la FBI de « groupe terroriste le plus dangereux aux Etats-Unis ». (33) Le rythme des attaques contre Cuba même baissa vers la fin des années 60, probablement à cause de l'absence de résultats, combiné avec le vieillissement des combattants, et les groupes d'exilés se retournèrent vers de cibles à l'intérieur des Etats-Unis et ailleurs dans le monde.
Au cours de la décennie suivante, tandis que la CIA inondait en argent la communauté en exil, plus de 100 « incidents » graves eurent lieu aux Etats-Unis, revendiqués par Omega 7 et autres groupes. (Au sein de la communauté, la distinction entre groupes terroristes et non terroristes n'est pas particulièrement précise : beaucoup d'identités se recouvrent et de nouveaux noms sont fréquemment crées.) Des attentats répétés à la bombe se produisirent contre la mission Soviétique à l'ONU, contre son ambassade, ses véhicules, un navire Soviétique à quai dans le New Jersey, les bureaux de la compagnie aérienne Aeroflot, avec un certain nombre de blessés parmi les Russes et les policiers Américains, plusieurs attaques à la bombe contre la mission Cubaine à l'ONU et sa représentation à Washington, de multiples attaques contre des diplomates Cubains, incluant au moins un meurtre, la découverte d'une bombe dans l'Académie de Musique de New York en 1976 juste avant une célébration de la Révolution Cubaine ; 2 ans plus tard une bombe au Centre Lincoln juste après une représentation du ballet Cubain ; 3 bombes au cours de la même nuit en 1979 : les bureaux du Programme de Réfugiés Cubains du New Jersey, une pharmacie du New Jersey qui avait envoyé des médicaments à Cuba, une valise qui explosa à l'aéroport JFK, blessant quatre bagagistes, quelques minutes seulement avant son embarquement sur le vol TWA pour Los Angeles. (34)
L'action la plus violente de cette époque fût l'explosion d'un avion de Cubana Airlines peu après son décollage de la Barbade le 6 Octobre 1976, tuant 73 personnes parmi lesquelles la totalité de l'équipe de championnat d'escrime de Cuba. Plus tard, des documents de la CIA révélèrent que le 22 Juin, un officier de la CIA basé à l'étranger envoya un rapport au siège de l'Agence indiquant qu'il avait appris par une source qu'un groupe d'exilés Cubains planifiait un attentat contre un avion Cubain sur la liaison Panama-La Havane. Le dirigeant du groupe était un pédiatre du nom de Orlando Bosch. Après l'attentat d'Octobre, ce fût le réseau de Bosch qui le revendiqua. Le rapport indiquait que la CIA avait les moyens d'infiltrer l'organisation de Bosch, mais il n'y a aucune trace dans aucun document que l'Agence ait entrepris une quelconque action de surveillance de Bosch ou de son groupe, ni que la CIA avait prévenu la Havane. (35)
En 1983, tandis que Orlando Bosch attendait dans une prison de Venezuela sous l'accusation d'avoir monté l'opération d'attentat, la Commission de la Ville de Miami proclama « Une Journée Orlando Bosch ». (36) Bosch avait déjà été jugé coupable d'une attaque au bazooka contre un navire Polonais à Miami.
Une dissidence réduite au silence et la complicité des autorités de Miami
Les exilés Cubains eux-mêmes ont souvent été les victimes d'un traitement brutal. Ceux qui rendaient visite à Cuba pour quelque raison que ce fût, ou suggéraient publiquement, même timidement, un rapprochement avec leur pays d'origine, ceux-là aussi étaient victimes d'attentats et fusillades en Floride et New Jersey. Des groupes Américains partisans du rétablissement des relations diplomatiques ou la fin de l'embargo ont aussi été attaqués de la sorte, de même que des agences de voyage offrant des voyages vers Cuba ainsi qu'une société de produits pharmaceutiques du New Jersey qui avait envoyé des médicaments vers l'île.
La dissidence à Miami a été efficacement réduite au silence, tandis que la police, les autorités de la ville, et les médias regardaient de l'autre côté, quand ils n'exprimaient pas ouvertement leur soutien aux campagnes d'intimidation. (37) A Miami et ailleurs, la CIA - apparemment pour repérer les agents de Castro - a employé des exilés pour espionner leurs compatriotes ainsi que les Américains qui les fréquentaient. (38)
Bien qu'il y ait toujours eu une frange extrémiste démente dans la communauté exilée Cubaine (par opposition à la frange normale démente) qui affirme que Washington a trahi leur cause, au cours des années on n'a assisté qu'à des arrestations et condamnations occasionnelles d'exilés pour une attaque terroriste aux Etats-Unis, à tel point que les exilés ne pouvaient être que convaincus qu'à Washington, le coeur n'y est pas vraiment... Les groupes d'exilés et leurs membres importants sont bien connus des autorités, car les anti-Castristes n'ont pas vraiment fait preuve de discrétion. Au moins jusqu'au début des années 80, ils s'entraînaient ouvertement dans le sud de la Floride et au sud de la Californie ; des photos les montrant maniant leurs armes ont été publiées par le presse. (39) La CIA, avec ses innombrables contacts-mouchards-informateurs au sein des exilés, pouvait combler nombre de pièces manquantes pour la FBI ou la police, si elle en avait la volonté. En 1980, dans un rapport détaillé sur le terrorisme des exilés Cubains, le Village Voice de New York rapporta :
Deux histoires ont pu être arrachées auprès de la police de New York... « Vous savez, c'est drôle, » dit l'un d'eux avec précaution, « il y a eu deux ou trois choses... comment dire... On arrive à un certain stade d'une enquête et puis soudainement tout s'arrête. Affaire classée. On demande de l'aide à la CIA, et ils répondent que ça ne les intéresse pas vraiment. Message reçu. » Un autre enquêteur dit qu'il travaillait deux ans auparavant sur une affaire de drogues impliquant des exilés Cubains, et sur une liste de numéros de téléphone composés qu'il réussit à obtenir, il y avait un numéro fréquemment composé à Miami. Le numéro correspondait à une société appelée Zodiac, « qui s'avéra être une façade de la CIA. » Il abandonna l'enquête. (40)
Les exilés Cubains aux Etats-Unis, dans leur ensemble, ont bien pu constituer le plus durable et prolifique groupe terroriste au monde. Il est donc très ironique, pour ne pas dire hypocrite, que durant de nombreuses années et jusqu'à aujourd'hui dans les années 90, le Département d'Etat ait inclus Cuba parmi les Etats qui « parrainent le terrorisme », pas parce que des actes terroristes auraient été commis par le gouvernement Cubain, mais uniquement parce qu'ils « hébergent des terroristes ».