Deux individus ont agressé un homme de 45 ans lundi soir dans un restaurant à Interlaken (BE). Ils l'ont traité de «sale Suisse» sans raison apparente, avant de l'attaquer. Sa vie n’est désormais plus en danger.
 
Un homme de 45 ans s’est fait insulter et attaquer au couteau par deux individus d’origine kosovare lundi soir dans un restaurant à Interlaken (BE). La victime, un lutteur buvait tranquillement une bière avec un ami sur la terrasse de l’établissement quand un taxi s’est arrêté devant eux pour laisser sortir les deux agresseurs. Ces derniers ont alors crié «Sales Suisses! Bandes de cons!», raconte un témoin au «Blick».
 
La victime leur aurait demandé ce qui se passait. «Il a ensuite pris son verre de bière et fait semblant de les asperger», précise le témoin. «Un des Kosovar a alors directement sorti un couteau et le lui a planté dans la gorge. Son sang giclait partout.»
 
L’ami du lutteur a réagi rapidement et l’a conduit à l’hôpital. L'homme a survécu aux blessures et a pu quitter les soins intensifs mardi après-midi. Les deux agresseurs, eux, ont pu être interpellés par la police cantonale bernoise la nuit même vers 1h, indique un communiqué de presse de la police. Les hommes de 31 et 33 ans sont actuellement en garde à vue. Les circonstances du drame ainsi que le motif des agresseurs sont en cours d’examen.  

Depuis le 8 septembre 2010, Bienne n’est plus tout à fait la même. L’affaire Peter K. a marqué de manière durable les habitants de la cité, confrontés pour la première fois à un épisode d’une violence aussi soudaine, aussi rare qu’incompréhensible.
 
Mis à part les acteurs directs de ce drame, autrement dit Peter K. et les forces de l’ordre, nul ne connaît aujourd’hui les minutes exactes de l’affaire, qui a vu un homme se retrancher dans sa maison du chemin Mon-Désir, défier une bonne centaine de policiers, blesser l’un d’entre eux puis se cacher dans la forêt avant d’être appréhendé dans le quartier du Ried, à l’aube du 17 septembre 2010.
 
La police sur la sellette En saura-t-on davantage mardi prochain? Le 23 août, la police cantonale présentera à Berne les résultats de l’enquête dont elle a fait l’objet suite à l’affaire Peter K. L’expert externe mandaté par le conseiller d’Etat Hans-Jürg Käser devrait révéler la manière dont la police cantonale a géré le déroulement, la conduite et l’organisation des opérations ainsi que l’emploi des ressources et la communication durant les dix jours de traque de celui que les médias baptisèrent «le forcené de Bienne».
 
Dans la missive qu’il nous a fait parvenir, Peter K. s’insurge contre ce sobriquet. Mais cette longue lettre de dix pages manuscrites en allemand, sans aucune rature, révèle surtout beaucoup sur le passé d’un vieil homme de 68 ans qui a tenu dix jours durant tout le pays en haleine. Jusqu’au 8 septembre, Le JdJ va publier l’intégralité de cette lettre, à raison de quelques extraits par semaine.
 
Pas question de sombrer dans le sensationnel ni de céder au voyeurisme: il eût sans doute été plus confortable techniquement pour nous de résumer, voire d’édulcorer les propos du Peter K. Publier sa missive dans son intégralité offre un éclairage nouveau sur une personnalité à la fois complexe et terriblement banale. Dans le respect de l’éthique journalistique, les noms des personnalités auxquelles Peter K. fait allusion dans son texte ne seront en revanche pas dévoilés.
 
Révélations biographiques Peter K. aura promené ses poursuivants pendant neuf jours, tournant en bourrique les forces spéciales, déjouant toutes les souricières qui lui étaient tendues, s’échappant et retournant dans sa maison encerclée au nez et à la barbe des gendarmes, narguant ce que la Suisse a de plus performant en matière de commando antiterroriste. Il faut dire que les autorités avaient mis le paquet en organisant une chasse à l’homme comme jamais, engageant hommes et matériel sans compter, hélicoptère à vision infrarouge et tout le toutim avec l’insuccès que l’on sait.
 
Parfois paradoxaux – si ce n’est carrément contradictoires, ces propos dressent le portrait jusqu’ici inédit d’un simple citoyen. Ils évoquent son enfance, sa vie d’étudiant, mais aussi les différends qui l’opposent depuis des années à sa sœur et aux autorités. Peter K., qui se qualifie à plusieurs reprises de soixante-huitard, expose également son point de vue sur la société d’aujourd’hui, laissant entrevoir quelle peut être sa philosophie de vie. En revanche, pas un mot, pas un détail sur les neuf jours de sa cavale.
 
Il y a quelques semaines, Peter K. faisait savoir à son avocat qu’il renonçait à ses services, préférant assurer seul sa défense. La lettre dont nous publions aujourd’hui le premier extrait éclaire d’une façon inédite l’affaire la plus grave qu’ait jamais connu la capitale seelandaise. Ni surhomme et encore moins preux chevalier défendant son bien, Peter K. n’est-il pas que le symptôme d’une communauté qui n’a pas su tendre la main à temps à celui qui trébuchait?

«J’espère pouvoir dissiper quelques malentendus»
 
PREMIER VOLET Au cours des trois prochaines semaines, Le JdJ publiera des extraits de la lettre envoyée par Peter K. En une dizaine de pages écrites de sa main en allemand, il répond à une série de questions que nous lui avions transmises via le procureur.
 
«Chère Madame Graber, Un grand merci pour l’intérêt que vous portez à l’histoire banale qui est la mienne, et pour le grand travail que vous avez investi dans ces articles. Vous avez des talents littéraires qui vont bien au-delà de la norme usuelle rencontrée chez les journalistes. Vous n’essayez pas uniquement d’informer, mais aussi de comprendre. Et ça, c’est une qualité qui fait souvent défaut aux journalistes qui ont écrit sur cette tragédie. Il est lamentable que nombre de vos sources d’information soient mauvaises et mensongères, mais ce n’est pas votre faute. J’espère que les lignes qui vont suivre dissiperont quelques malentendus. Je ne peux malheureusement pas m’exprimer tout à fait librement. Je suis actuellement en détention préventive, et toutes les lettres que j’envoie à l’extérieur sont soumises à la censure du juge d’instruction, en raison du danger de collusion (quoi que ça puisse être!).
 
Je comprends tant bien que mal le français, et je lis aussi des journaux en langue française, mais je n’écris pas très bien dans cette langue. C’est pourquoi je me permets de vous écrire cette lettre en allemand.
 
Vos questions sont à la fois intéressantes et difficiles. Il vaut peut-être mieux que je vous raconte brièvement mon histoire. Vous pourrez ensuite voir par vous-même où la police s’est alimentée en fausses informations. Vous serez alors en mesure de mieux comprendre les déclarations du juge XX* et de messieurs YY* et ZZ*.
 
Il est vrai que j’ai grandi à Bienne, où j’ai effectué ma scolarité. Ma sœur et moi sommes tous deux allés à l’école secondaire de Madretsch. Le juge XX fréquentait la même école que nous, c’était un copain d’école de ma sœur. Après ma scolarité, j’ai fait un apprentissage de monteur en télécommunications et en appareils électroniques. Après mon apprentissage, j’ai étudié l’électrotechnique à l’Ecole d’ingénieurs de Bienne.
 
Après mes études d’électrotechnique, je n’ai plus jamais vécu à Bienne. Les assertions parues dans la presse selon lesquelles j’aurais vécu longtemps chez ma mère sont fausses. Sont également fausses les affirmations selon lesquelles ma sœur et moi aurions vécu dans une mansarde jusqu’à notre majorité. Dans la maison familiale, nous ne vivions pas plus à l’étroit, ni physiquement ni psychologiquement, que dans la plupart des autres familles. Ma sœur et moi avons grandi dans une famille tout à fait normale.
 
Je vous fais remarquer en passant que l’article de Monsieur ZZ, paru dans le Bieler Tagblatt du 23.09.2010, est mensonger, et de la plus perfide des manières. De plus, c’est un article d’une grande stupidité et bourré de contradictions. J’ai de la peine à comprendre quelles étaient les intentions de Monsieur ZZ quand il a écrit cela. Mais je reviendrai sur ce monsieur un peu plus loin.
 
Après l’Ecole d’ingénieurs, j’ai étudié quelques années la physique, les mathématiques et la psychologie à l’Université de Berne. Je n’avais pas d’argent, raison pour laquelle j’ai dû mener mes études tout en travaillant à l’usine. Les études menées dans ces conditions durent très longtemps. J’ai donc décidé de les achever en Angleterre, où le cursus universitaire est plus compact. J’ai obtenu un Master of Science Degree in Solid State Electronics à Manchester. C’est un domaine qui se situe à peu près entre la physique et l’engineering. Mon travail de licence portait sur les cellules solaires. L’énergie solaire, l’écologie et la protection de l’environnement font partie des domaines qui m’intéressent.
 
J’ai aussi travaillé en tant qu’ingénieur. D’abord brièvement à Berne comme ingénieur de développement pour les circuits de téléphonie, puis à Zurich comme ingénieur de développement pour les circuits intégrés. J’ai également travaillé assez longtemps comme professeur dans des écoles d’ingénieurs, d’abord comme prof de mathématiques à Berne, puis de physique à Zurich. Je ne suis pas mathématicien, je n’ai jamais fréquenté l’Ecole polytechnique fédérale, je n’ai jamais enseigné à Bienne, et je n’ai jamais écrit que je l’avais fait. Ce ne sont là que pures inventions émanant du préfet YY.
 
Les passages que vous venez de lire donnent l’impression d’un CV dans une lettre de postulation. Ils n’ont en effet pas grand intérêt. Je tenais seulement à corriger certaines informations mensongères et à faire remarquer qu’une telle formation n’est pas du genre à conduire quelqu’un en prison.
 
Dans ces années-là, quelques personnes ont commencé à perdre leur foi dans le progrès technique. Nous avions derrière nous le national-socialisme et l’extermination à échelle industrielle de millions d’individus. Nous avions vécu le cauchemar du perfectionnement des bombes atomiques, et les destructions massives de notre environnement commençaient de se faire sentir. A cette époque, un ingénieur comme moi passait ses journées à développer de nouvelles technologies pour assurer sa survie financière; mais pour assurer la survie de la planète, il passait ses soirées à organiser des manifestations dans lesquelles il réclamait l’abolition de ces mêmes technologies.»
 
* noms connus de la rédaction

RAPPEL DES FAITS
 
JEUDI 2 SEPTEMBRE 2010 Une annonce est publiée dans la presse régionale annonçant la mise aux enchères – à la suite d’une décision de justice – d’un immeuble sis au chemin Mon-Désir 9, à Bienne. Les intéressés sont invités à le visiter le mercredi 8 septembre 2010 entre 15h et 17h.
 
MERCREDI 8 SEPTEMBRE 2010 Le propriétaire de l’immeuble, Peter K., se barricade chez lui et annonce que sa maison n’est pas à vendre. Il est en conflit avec sa sœur et les autorités biennoises, auxquelles il écrit de longues lettres depuis 2006.
 
JEUDI 9 SEPTEMBRE 2010 Vers 1h, l’homme fait feu sur un membre de l’unité spéciale de la police cantonale bernoise Gentiane. Peter K. parvient à s’évader. Grièvement blessé à la tête, l’agent est hospitalisé. Un hélicoptère Super Puma est appelé en renfort. A 8h, les élèves qui se rendent à l’école du quartier apprennent que leurs cours n’auront pas lieu. A 14h30, la police confirme lors d’un point presse que l’homme s’est bel et bien échappé et lance un avis de recherche national. Epaulées par des renforts d’autres cantons, les forces bernoises entament une vaste chasse à l’homme qui mobilise plus d’une centaine de policiers.
 
VENDREDI 10 SEPTEMBRE 2010 A 0h30, Peter K. revient vers son domicile et fait feu sur les agents en faction, qui ripostent. Personne n’est blessé mais il réussit une nouvelle fois à prendre la fuite. Sur le terrain, des recherches sont menées vers Evilard et Macolin.
 
LUNDI 13 SEPTEMBRE 2010 La chasse à l’homme se poursuit. En début de soirée, la police largue par avion des tracts sur lesquels est reproduit l’appel lancé par la connaissance du fugitif. Une vingtaine de personnes se réunissent au centre de Bienne pour manifester leur «solidarité» avec le fuyard.
 
MARDI 14 SEPTEMBRE 2010 La police indique avoir découvert dans la maison du chemin Mon-Désir des armes et 50 000 fr. en liquide.
 
MERCREDI 15 SEPTEMBRE 2010 La police mène une vaste opération aux alentours de Plagne. Deux maisons connues du fuyard sont fouillées et des personnes qui le connaissaient interpellées.
 
JEUDI 16 SEPTEMBRE 2010 Le commandant de la police cantonale indique avoir des indices qui laissent penser que le fugitif est toujours vivant. Le conseiller d’Etat Hans-Jürg Käser annonce une analyse «critique» de l’opération une fois que celle-ci sera terminée. Après une semaine, les élèves de l’école enfantine reprennent les cours, mais ailleurs. Le soir, la séance du Conseil de ville biennois se déroule sous surveillance policière.
 
VENDREDI 17 SEPTEMBRE 2010 A 8h12, la police cantonale informe par communiqué avoir réussi à capturer le forcené. Appréhendé au Ried à 6h09, l’homme a été légèrement mordu par un chien mais est en bonne santé. Il est depuis lors incarcéré à la prison régionale de Bienne.

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