Masos
kiki a écrit :
Constitution, puisque la valeur des traintés internationaux en découle (art 55, putain comme je révise mes libertés fondamentales sur ce forum )
|
Quasi copié collé d'un vieux message sur un autre topic
Citation :
Je voulait en fait parler du droit constitutionnel français par rapport au TCE...
Est il possible qu'un jour il y ait contradiction ?
J'avais cru comprendre que cela n'était jamais arrivé jusqu'ici... me trompe-je ? cela peut il arriver ? Que se passerait il ?
|
En fait, c'est une question moins simple qu'il n'y parait.
- Le droit communautaire n'existe que parce que la constitution française le permet (et aussi les constitutions des autres Etats membres).
Sur le plan de la procédure :
=> c'est parce que la Constitution prévoit des procédures pour signer et ratifier un traité, lui donner une force juridique, que le traité peut être signé et ratifié au nom de la France, et Lier celle-ci.
Sur le fond :
=> c'est parce que la Constitution a été préalablement révisée (avant la ratification de Maastricht ou du traité actuellement proposé par exemple) que le Traité peut être proposé à la ratification : il est ratifiable parce que conforme à la Constitution.
Sinon, la loi de ratification pourrait être annulée par le conseil constitutionnelle (encore que pour une loi de ratification adoptée par référendum, il n'y aura pas de contrôle).
=> c'est l'une des raisons pour lesquelles, on considère que du point de vue du droit interne, et de ce point de vue seulement, la Constitution est supérieure au Traité.
=> c'est aussi une des raisons qui rend difficile une contradiction entre un Traité et la Constitution : avant d'être ratifié, le traité n'existe pas en tant que texte juridique, une fois ratifié et entré en vigueur, on suppose que la Constitution a été préalablement modifiée pour permettre cette ratification.
La Constitution contient un Titre spécifique (Articles 88-1 et suivants) relatif à l'Union européenne.
En conséquence de ce titre notamment, le Conseil constitutionnel "neutralise", déclare "innoposable" au droit communautaire l'essentiel des dispositions de la Constitution, en fait ne sont susceptibles d'être opposées au droit communautaire que les "dispositions expresses" de la Constitution française qui lui sont "propres" (en gros certaines règles de procédures, peut-être le principe de laïcité...)
Citation :
Considérant qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences " ; qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution ; qu'en l'absence d'une telle disposition, il n'appartient qu'au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne ;
|
L'idée, dans ces hypothèses, est que si la garantie existe au niveau européen, on la fera jouer à ce niveau.
Cette neutralisation des constitutions nationales existe aussi à l'étranger
c'est le cas expréssement aux Pays Bas et en Belgique, dont les constitutions prévoient qu'un traité peut déroger aux dispositions de la Constitution. En Italie, cela résulte de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, en Allemagne aussi (après le feuilleton So Lange I et II, Maastricht, la décision banane de 2000 pose des conditions telles à l'exercice d'un tel contrôle que le président du Bundesverfassugsgericht a lui même expliqué que ce contrôlle était destiné à ne pas avoir lieu.
Au Royaume Uni, la question a été réglée lors de l'adhésion en 1973 par le European Act (au passage, le RU respecte infiniment plus le droit communautaire que la France, même quand cela provoque un choc - passage système métrique (poids et mesures) : directive de 1980 et 1999, sauf au RU et Irlande pour les indications de distances et... la bière en fut
).
=> Mais on peut imaginer qu'une directive communautaire (loi cadre) impose une obligation contraire à la Constitution française. Et que cette obligation ne fasse pas partie de celles neutralisée.
Dans ce cas, le législateur devrait s'abstenir de transposer le texte sur le point qui pose problème, ou le conseil constitutionnel pourrait l'annuler sur ce point.
A terme, la France riquerait une condamnation pour non-transposition d'une directive, ce qui est assez fréquent.
Si le texte communautaire non-constitutionnel est un texte qui s'applique directement (règlement communautaire actuellement, loi dans le projet), sans qu'il y ait besoin d'une loi pour le transposer, ou que la loi n'est pas déférée au contrôle du Conseil constitutionnel, alors il n'y aura pas de contrôle par le conseil constitutionnel, sans doute pas par le Conseil d'Etat (sauf si c'est un règlement décidant la supression du Conseil d'Etat, qui alors rappelera que l'existence d'une juridiction administrative est un principe constitutionnel et se protégera
) ou la Cour de cassation.
Il y a actuellement des textes, y compris de lois récentes, qui sont contraires (sur certains points) à la Constitutions et sont appliquées. Simplement, il ne s'est pas trouvé 60 députés ou sénateurs, ni d'autres titulaires du droit de saisine du Conseil constitutionnel, pour demander au Conseil d'examiner ces lois.
=> ceci dit, ce scénario d'une contradiction radicale n'est pas le plus vraisemblable, étant donné :
- le fait que les obligations, principes, etc... des traités européens et du droit constitutionnel portant sur ce que peuvent ou ne peuvent pas contenir des lois, sont assez comparables.
- ces principes sont en général assez flous et susceptible d'une large interprétation.
ça, c'est la situation actuelle.
=> c'est une des raisons pour lesquelles le conseil constitutionnel a jugé que l'article I-6 du projet rejeté, relatif à la primauté du droit de l'UE n'apportait rien
Il y a d'autres raisons :
En réalité, le Conseil ne pouvait pas vraiment affirmer que l'article I-6 rappelle un principe de primauté générale incompatible avec la constitution et nécessitant une révision de l'article 88-1.
S'il l'avait fait, outre les conséquences politiques de sa décision, auxquelles il n'est pas nsensible, cela aurait vraisemblablement eu pour conséquence une modification de 88-1 C.
=> la Constitution, en reconaissant une primauté générale au droit communautaire, aurait rendu difficile l'exercice de sa mission ultérieure par le Conseil constitutionnel : comment justifier pour des révisions futures l'usage de la procédure d'avis sur le traité si de toute façon celui-ci prime la Constitution ? Or cet avis permet de garder ensuite lors de la révision une cohérence constitution/traité
=> Même si le contrôle sur les lois transposant le droit communautaire est restreint, il existe. Et le Conseil peut un jour à l'occasion d'une saisine revenir partiellement ou totalement sur sa jurisprudence de "neutralisation". Cela ne serait plus possible si une clause générale de primauté était incluse dans la constitution : plus de contrôle possible.
Le conseil mettait mal à l'aise politiquement le pouvoir constituant et lui demandait de le ligoter... Les juridictions suprêmes ne pratiquent pas le sado-masochisme.
Ce qui est amusant, c'est que même si dans la Constitution française figurait un article du type "le droit communautaire prime la présente constitution", on pourrait d'un point de vue de logique formelle (et d'un point de vue de droit interne toujours) considérer que puisque cette primauté découle d'un article de la Constitution, puisque c'est elle qui permet cela (et peut le défaire), elle reste le texte suprême.
A condition que les organes, judiciaires ou non, chargés de l'application de la Constitution, se réfèrent à cet article de la Constitution et non à un article du Traité affirmant la supériorité du droit communautaire.
S'ils se référaient tous à l'article I-6 TCE, on pourrait se poser la question d'une fusion complète entre les deux ordres juridiques, d'un véritable "monisme" (unité de l'ordre juridique).
Actuellement, les juridictions françaises, lorsqu'elles appliquent le droit communautaire, visent l'article 55 de la Constitution (et parfois 88-1/2/3/4)
Pourquoi parle-t-on alors de primauté du droit communautaire sur le droit français, constitution comprise ?
Parce que, en droit international, les Traités internationaux sont supérieurs aux Constitutions
Il s'agit là d'une position très ancienne, datant au moins de la sentence de 1875 dans l'affaire du Montijo. Elle a été reprise par la CPJI en 1932 dans l'affaire des nationaux polonais à Dantzig, et la jurisprudence constante des juridictions internationales, CIJ, TPI R et Y, CEDH (la CEDH a déjà effectué des contrôles de compatibilité avec la Convention de normes constitutionnelles), Nuremberg, va aussi dans ce sens.
Ceci est parfaitement logique, c'est l'application de l'adage pacta sunt servanda :
Si un Etat pouvait exciper de dispositions constitutionnelles pour ne pas appliquer un Traité, que vaut un engagement international si tu peux t'en délier en adoptant selon tes procédures et ton bon vouloir une disposition dans ta constitution, et non en suivant les procédures de retrait ou révision prévues par le traité, le droit international coutumier ou la Convention de Vienne de 1969 ?
Dans ce cas, le droit "commun" prévu par le traité n'a plus rien de commun, puisqu'il s'applique à géométrie variable selon les humeurs constitutionnelles de tel ou tel Etat.
L'arrêt de la CJCE de 1964, Costa c. ENEL, affirmant la primauté du traité sur l'ensemble du droit interne est logique et dans la ligne de ces jurisprudence et des principes du droit international.
Ceux qui refusent que, dans le champ des compétences qui lui ont été attribuées, le droit de l'UE priment le droit interne doivent admettre qu'ils sont sur la même ligne que celle que les mêmes reprochent souvent (et pas toujours à raison) au Etats Unis :
ils veulent pouvoir ne pas respecter le droit international, alors qu'un Traité a été signé, au gré de supposés intérêts nationaux qu'ils ne veulent pas faire valoir lors de la négociation du traité, ou lors de son application, mais à tout moment et de façon unilatérale.
C'est une position compréhensible, mais il faut l'assumer complètement, et ne pas dire à la fois :
"je suis pour la construction d'une Europe qui ne soit pas une simple alliance d'Etat-nations fondée sur des principes juridiques et politiques datant au mieux de Vienne 1815",
et
"Ah mon dieu l'article I-6 affirme la primauté du droit de l'UE sur l'ensemble du droit interne lorsque l'UE exerce les compétences qui lui sont attribuées par les Etats membres".
=> la hiérarchie n'est pas la même selon l'ordre juridique dans lequel on se place, et le point de vue que l'on adopte
La hiérarchie entre droit communautaire et droit interne est une hiérarchie "de bloc à bloc"
Contrairement à ce qu'indique Bastien François dans sa "réponse à Etienne Chouard", la hiérachie ne se fait pas de norme (européenne) à norme (interne).
=> l'ensemble du droit communautaire prime l'ensemble du droit français, constitution comprise pour la CJCE, sauf la constitution pour le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, la Cour de cassation.
Tout ceci, c'est la position actuelle.
En réalité, entre les droits constitutionnels des Etats memebres et le droit communautaire, il n'y pas vraiment de rapport de confrontation, mais un rapport de modifications réciproques.
=> les droits constitutionnels internes intègrent des dispositions permettant le transfert d'exercice de compétences.
=> les Etats membres, au fur et à mesure des Traités, s'inspirent des règles existant dans les constitutions pour la rédaction des parties "institutionnelles" et "droits" des Traités.
La structure constitutionnelle des Etats est expressément garantie. De toute façon, ce sont les Etats qui ont tracés le périmètre d'intervention de l'UE en négociant dans le traité le contenu de ses compétences, propres ou partagées ou d'appui, ou mixtes.
Même en dehors de ces cas, les droits constitutionnels nationaux influencent le droit communautaire
La CJCE n'est pas psychorigide, et quand elle a vu que la cour constitutionnelle fédérale allemande bloquait en se fondant notamment sur les droits fondamentaux, elle a réagit intégrant les droits fondamentaux garantis par les traditions constitutionnelles communes dans les principes généraux du droit communautaire, et en censurant des décisions de la commission sur ces bases, ou d'eutres textes communautaires.
Un exemple très connu est celui de l'affaire Bonino/Martinez contre le Parlement européen, où le Tribunal de première instance des Communautés européennes a ait dans son arrêt une longue analse des différentes constitutions des Etats membres et de leurs dispositions relatives au parlements nationaux, pour vérifier si une règle de fonctionnement du Parlement européen n'était pas contraire aux principes généraux du droit communautaire tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles des Etats membres.
Le règlement du PE a changé depuis
=> dire que la Constitution française "prime", c'est ne prendre qu'un point de vue partiel, celui interne, et oublier que la plus grande partie de celle-ci est inopposable au droit commnautaire.
=> il est envisageable qu'une norme communautaire contraire à un point de la Constitution soit appliquée en droit interne, comme cela arrive actuellement pour les lois.
=> un contrôle par le Conseil constitutionnel est possible, avec impossibilité de transposer. Cependant, ce type de "crise" ne semble pas devoir se produire fréquemment vu:
- les domaines d'intervention de l'UE
- la possibilité pour un Etat, lors de la prénégociation d'un texte puis son passsage au Conseil, de signaler ce risque et de le faire valoir dans la discussion pour infléchir le texte. Par hypothèse, ici, on parle de textes susceptibles de donner lieu à un contrôle du Conseil constitutionnel via la loi de transposition nationale, soit une loi-cadre (actuelle directive), donc un texte passant devant le conseil, suivi par le coreper, etc...