Comme je suis remis je vais faire mon CR de la Hamster Classique 2019, avec quelques réflexions sur la longue distance, l'état d'esprit et le matériel. C'est un pavé donc si vbous vous en foutez bah lisez pas.
Alors la Hamster, c'est un petit truc, une randonnée cycliste en autonomie lancée par un mec qui aime le vélo, la longue distance et sa région. Le départ, l'arrivée et 5 checkpoints intermédiaires sont imposés, pour le reste c'est figure libre. Et comme l'épreuve se veut un peu difficile les CP sont des cols ou des sommets avec un itinéraire imposé pour l'ascension. Au départ, une trentaine de cyclistes, pas plus, avec un mélange de locaux (randonneurs ou adeptes du bikepacking), de parisiens (que je croise souvent sur d'autres épreuves) et d'adeptes de l'ultra (avec des visages connus quand on s'intéresse un peu au sujet).
Le départ est donné à 8h08 sur les ponts couverts de Strasbourg, les organisateurs se sont bien éclatés et ont même ramenés une mascotte en costume de hamster. Il fait gris mais plutôt chaud, c'est bonne ambiance. Pour moi ça dure jusqu'à 8h10 quand je me rends compte que mon capteur de puissance marche pô... 2 minutes d'arrêt pour tenter de le ranimer et me faire une raison sur le fait qu'il va falloir faire sans
Je sors de Strasbourg en reprogrammant le Garmin pour qu'il m'affiche plutôt la FC, à l'ancienne. Au bout d'une dizaine de kilomètres je me dis que je vais checker le profil et là c'est le drame: ma trace créée en mode GPX > Garmin Connect > import direct est moisie et l'altimétrie totalement foireuse. C'est bête pour une épreuve à base de cols. Je reste zen, je rationnalise, et tout en roulant je réfléchis à une super solution de secours: j'ai un bout de trace sur Strava, je peux installer l'application Strava Routes sur mon téléphone et la charger à la volée. Donc connexion à GC, puis Strava, installation de l'appli, là le Garmin me dit qu'il faut arrêter l'activité pour charger le parcours, ça va justifier mon premier arrêt à Altorf. Qui me sert aussi à mettre les lunettes de soleil, retirer les manchettes et vidanger. Pause et premier bout de tracé.
C'est là que je me dis que j'ai quand même progressé sur la longue distance. Accepter que tout ne se passera pas comme prévu; avoir un plan de secours ou plusieurs; s'en foutre de perdre 5 minutes sur un truc qui va durer des heures; rationnaliser les arrêts quand même en se disant qu'il faut toujours au moins 2 raisons de s'arrêter.
Je repars avec une longue ascension jusqu'au CP1, le Champ du Feu, avec plus de 900m à grimper... Je reste en mode endurance, pour pas me cramer. Je dépasse, je dépasse, je me crame pas, dans les portions à 10% je suis content d’être en 36x34 avec mon vélo chargé. Je me fais juste dépasser par 2 mecs forts qui jouent la rando en 2x250km et en se rajoutant des ascensions histoire de rire
. J'arrive au CP1 vers 10h45, j'essaie de pas trop trainer, je mets mes manchettes et j'attaque la descente.
La descente se passe hyper bien, j'y prends beaucoup de plaisir. Même si c'est hyper frustrant de descendre en quelques minutes ce qu'on a mis une heure à grimper. Ensuite je chemine dans la vallée de Villé puis la vallée de Lièpvre (Val d'Argent je crois) sur une piste cyclable super agréable. Il fait chaud, tout va bien, même si ça fait bizarre d'être un peu seul. Ensuite c'est l'arrivée à Sainte-Marie aux Mines, puis la montée vers le col des Bagenelles / col du Calvaire. C'est beau mais la montée parait interminable, avec toujours la même vue en ligne de mire. Peut-être aussi que c'est un peu interminable, puisqu'il se passe presque 2h entre Sainte-Croix aux Mines et le CP2, au Lac Blanc
J'hésite à manger au CP2 vu qu'il est 14h, mais finalement je préfére remettre les manchettes et attaquer la descente pour manger vers Colmar. J'attaque la descente, super sympa, je fais un détour touristique par Kayserberg ou je dénote un peu au milieu des cars de touristes. Puis je chope un chemin qui va jusque Colmar. Où une manif de gilets jaunes me bloque la route et m'oriente vers une boulangerie où je croise un autre participant qui vient de prendre un sandwich. Ce sera ma pause déjeuner. On échange quelques mots et on se rend compte qu'on a la même absence de plans pour passer la nuit, la même envie de pousser jusqu'au bout... je ne le sais pas encore mais on va faire le reste de la rando à deux. Après un sandwich poulet-curry et un grand coca je repars. Là c'est un passage un peu chiant avec 50 kilomètres de plaine, je suis content de pas rouler seul. Le ciel au Nord devient menaçant, il fait lourd, on est contents de pas s'être bouffé de pluie pour l'instant... Les kilomètres défilent jusque Fessenheim, la frontière, Münstertal...
Là je suis content de m'être préparé une feuille de route avec les principaux bleds sur la route, les distances, le profil de la rando. C'est bien beau d'avoir une trace gpx et un téléphone, mais pouvoir se dire qu'il reste xx km avant le prochain bled ou la prochaine montée en un coup d'oeil c'est vraiment utile.
Arrivés au début de la montée vers le CP3 on est 3, un gars nous a rattrappés. Je fais une pause pour prendre une photo avec mon téléphone, je me rends compte que l'écran est plein de sucre. Je réalise que les alsaciens mettent du p***** de sucre glace sur leurs petits pains et le truc a dégouliné depuis 2h dans ma poche arrière. Pause de 2 minutes pour nettoyer l'écran et les lunettes de soleil au passage et j'attaque la montée pour de bon. La route se rétrécit et on part sur une petite route. Une pluie fine et glaciale nous rafraichit, c'est agréable. Ça grimpe fort et là c'est le drame: un panneau qui annonce 5km à 18%
D'un coup le vélo devient un espèce de corps-à-corps avec la pente, c'est dur et ça fait mal partout. Vraiment difficile mentalement de pas mettre le pied à terre. Limite les replats à 10% permettent de mouliner et récupérer. Je zigzague comme un parisien à l'Etape du tour. Je finis quand même par mettre pied à terre vers la fin de la montée, à un endroit ou j'ai vu un bout de chemin qui me permettra de reclipser pour partir. Je souffle un coup, je vide un demi bidon, je repars, c'est bientôt l'arrivée au CP. Arrivé là-haut je maudis l'organisateur qui nous attend et son sadisme
Arrivée au Schauinsland, CP3, à 210 km (et mi-parcours donc) vers 18h30.
J'attends quelques minutes mes deux compères de montée et on discute des plans. Au bout de la descente c'est Fribourg, où la moitié des concurrents vont passer la nuit. Dont un des gars au CP, qui a appelé sa nana pour y passer la nuit en AirBnB. Sauf qu'il est même pas 19h, et qu'on est 2 à pas être fatigués. Donc on va continuer et pousser jusqu'au CP suivant, au moins. Descente sur Fribourg. Il pleut un peu et ça rafraichit, on garde les vestes. 19h, on n'a pas faim, on continue, on avance vers le CP4, qui nous attend 65km plus loin, après on avisera. On s'engage dans une vallée, la nuit tombe, ça grimpe pas trop, on suit les pistes cyclables le long de la route principale. On passe Waldkirch, puis on arrive sur Elzach vers 21h. On se dit qu'on commence à avoir faim, que les magasins commencent à fermer, que les stations service se font rares... On s'arrête sur le parking d'un supermarché, on hésite, on se dit qu'on préfére un repas chaud, on roule 50m avant de voir un restau italien sur le bord de la route avec 2 vélos en mode bikepacking et 2 gars qui nous font signe à l'intérieur
Le repas du soir se fait donc en compagnie de 2 participants, qui nous racontent leurs aventures en mode marseillais (pas mal de BTR et d’événements d'ultra). Puis on s'échange nos plans pour la nuit ou plutôt on écoute leurs conseils, en avalant un grand plat de spaghettis arrosés d'une bonne bière allemande
. Un grand café et ça repart vers le Brandenkopf, CP4. On attaque le vrai vélo de nuit, dans le silence, à la lumière des lampes, c'est super zen. On repart à 4 mais les 2 compagnons du restau roulent plus fort et nous faussent compagnie. La grosse route laisse place à une petite route toute droite le long d'un torrent, dans la forêt. Le kif. Jusqu'au moment où la route goudronnée laisse place à une piste un peu sablonneuse et très gravellisante, à plus de 11%. Il est 23h30, il pleut, je suis seul dans la forêt et je mets le pied à terre. Je marche quelques centaines de mètres et c'est pas la joie. Puis je remonte quand la pente s'adoucit. Et je termine l'ascension. Et j'arrive au sommet le premier.
Il est minuit, CP4, sommet du Brandenkopf. A ce stade on est avance sur les organisateurs au CP, donc une photo et ça repart.
Ma veste est aussi mouillée à l'intérieur qu'à l'extérieur, je suis passé en mode nuit/froid pour la tête et les mains... la descente est plus technique et s'il ne pleut plus ma roue avant m'envoie des gerbes de flotte. Je suis obligé de descendre pleins phares. On est 4, mais un des 2 gars du restau descend hyper mal, à la première ville il met le cligno et avec son pote ils vont se coucher. Je ne les recroiserai que le lendemain. On est à Omerhamersbach, un coup d'oeil à la feuille de route et on décide de pousser jusqu'à Oppenau, 20km et un mini-col plus loin. On y arrive vers 2h. J'ai presque 320km dans les pattes, un coup de moins bien, il va falloir faire quelque chose. Google maps m'indique que tout est fermé alentours. Bon, il me reste de la flotte et de la bouffe, au pire. On avance vers le CP5 quand tout à coup on entend du bruit. Un bar ouvert sur le bord de la route. On rentre, silence à l'intérieur. Puis des allemands de 18 ans visiblement bourrés nous assaillent de questions pendant qu'on prend 2 cocas et qu'on fait remplir nos bidons
Le coup de moins bien est reparti, en route pour le CP5, une montée beaucoup plus douce que les précédentes vers le monastère d'Allerheiligen. On discute pour pas s'endormir. Entre la nuit et le brouillard on voit rien, mon compagnon me raconte que la route est super belle par temps clair, moi je le crois sur parole. Arrivée au CP5 à 2h40, une photo et on repart. Plus que 100 bornes à faire, sans grosses difficultés à part la fatigue qui va bientôt s'installer.
On décolle, ça descend jusque Achern. Mon camarade connaît la descente par coeur, j'essaie de suivre... je suis aussi quand on navigue entre les pistes cyclables après Achern, même si les erreurs d'aiguillage se multiplient avec la fatigue. Finalement on finit sur la L87, une glorieuse 2x2 voies que je devine impraticable de jour mais qu'on a pour nous deux. Au loin un grand panneau Mac Donald's / Shell m'attire comme un papillon de nuit alors que je sens que la lucidité me quitte... 3h30, pause café dans la méga station service
. On discute des plans: on pourra pas finir sans dormir, donc on va dormir à la frontière vers Gambsheim. A l'approche du Rhin on traverse des bancs de brouillard super épais; à Gambsheim on décide de tracer un peu pour l'éviter. Finalement au bled suivant on cherche un abri. On trouve pas. On échoue devant une banque à 4h40. Je retire mes pompes, je me roule dans mon sac et au bout de 10 minutes je suis réveillé par un mec qui râle parce qu'il veut utiliser le DAB. 15 minutes plus tard rebelote. 15 minutes plus tard rebelote, mais la nana qui nous réveille nous explique qu'on a mal choisi notre arrêt, devant un DAB alors qu'il y a une brocante au village suivant. Bref, à 6h j'ai pas trop dormi mais je me sens reposé et on repart
Là c'est le moment où je dois dire que je valide pas du tout mon matos pour la nuit. j'avais prévu de mettre un caleçon long et un haut en merinos et de dormir dans un drap de soir + un sac de couchage d'urgence. Finalement la flemme de me changer + le sac qui est totalement étanche et génère un max de condensation, c'était vraiment une idée pourrie. la prochaine fois je prends un bon vieux sac de couchage comme tout le monde.
On repart jusque la prochaine boulange. Qu'on trouve vers 6h30. L'accent alsacien au réveil, comment dire...
Pour les dernières bornes jusqu'au dernier CP on suit le canal de la Marne au Rhin. Les 25 bornes les plus longues de ma vie, interminable. L'arrivée à Saverne est une délivrance, on monte au Haut-Barr à 2 à l'heure pour le CP6. Puis on se laisse descendre jusqu'à l'arrivée à Cosswiller, un peu après 9h du mat'. On réveille un participant arrivé 1h ou 2 avant nous, on discute, puis quand il repart avec mon pote de la nuit jusque Strasbourg je lui vole sa place sur un canapé défoncé où je m'endors jusque 13h
Voilà, la Hamster 2019 c'est fait !
Ensuite je me fais payer un café, j'attends l'arrivée de l'orga, je débriefe et je rentre à Strasbourg sous le soleil le long du canal de la Bruche.
Au final je suis bien content, je repars avec des trucs intéressants pour les prochaines échéances (BRM 600 et PBP notamment), surtout pour l'aspect "sommeil". J'étais un peu stressé à l'idée de devoir calculer les pauses pour dormir, finalement je vais juste partir avec le sac de couchage et j'aviserai quand je serai fatigué. Je pense aussi que je vais partir un peu plus léger en bouffe sur les prochaines sorties. Un demi sandwich, 2 barres + 2 pâtes de fruit de réconfort ça suffit amplement quand on peut s'arrêter en route.
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