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Il y a plus de 40 ans les États-Unis ont imposé un embargo contre Cuba dans le but dasphyxier la Révolution quils ne pouvaient tolérer avant même quelle ne tisse des liens avec lUnion soviétique. Ils ont incité leurs alliés à les imiter afin disoler lîle. Ils ont multiplié les actions hostiles (tentatives dassassinat des dirigeants, sabotages de léconomie, soutien à toutes les catégories dopposants, hébergement de criminels et de terroristes, incitation aux départs illégaux, etc.). Lobsession punitive chronique sest même renforcée depuis 1990 avec la disparition de lURSS. Cette hostilité entraîne sa riposte : une mentalité de siège règne à Cuba. Tout est jugé en fonction de ce prisme, imposant le secret en haut, la prudence en bas, enfermant le débat dans une camisole de force. Cuba se pense et se vit sur le modèle de la citadelle. La consigne est de ne pas fournir de munitions à lennemi. Dans le contexte dune société assiégée, il savère difficile de concilier la liberté individuelle et les objectifs collectifs. La critique peut être vue comme faisant le jeu de lennemi et être qualifiée de trahison. Cet argument dont usent (et abusent) les autorités nest pas quun prétexte facile. Les opposants et les États-Unis forment un couple de fait. Washington cherche par tous les moyens à faire naître et à organiser une opposition qui deviendrait son instrument pour une reconfiguration du pouvoir et de la société en vue de la reconquête dune position perdue en 1959. Rares sont les opposants qui savent garder leurs distances vis-à-vis de Washington qui leur offre argent et reconnaissance.
Pour comprendre la complexité de la question et ses ramifications géopolitiques, on rappellera un incident récent. Il y a un an 75 opposants ont été arrêtés à Cuba. Ils ont été jugés et condamnés à des peines allant de 6 à 28 ans dincarcération. Lopinion publique internationale sest beaucoup émue. Des intellectuels sympathiques à la Révolution cubaine ont dénoncé ces condamnations. LUnion européenne a adopté des sanctions diplomatiques. Tous ont jugé des événements, graves en soi il faut en convenir, sans égard aux circonstances et aux tensions qui les expliquaient.
Selon lorganisation Reporters sans frontières qui fustige les atteintes à la liberté de presse, 30 des condamnés seraient des «journalistes indépendants». Or il savère que seulement quatre ont fait des études en journalisme, alors quil y a à Cuba 2 000 journalistes formés avec des titres et des licences.
Limportant est ailleurs. Tous ces gens nont pas été sanctionnés pour leurs idées, mais pour leurs conduites. Les procès ont démontré quils avaient coopéré directement avec les États-Unis et quils avaient participé à des réunions organisées par la Section des Intérêts Nord-Américains (SINA) à La Havane (qui tient lieu dambassade des États-Unis) dont ils avaient reçu argent et équipement. Pour démontrer le bien-fondé de ces accusations, lÉtat a présenté douze témoins qui ont révélé être des agents de la sécurité cubaine infiltrés dans des organismes voués à la promotion des droits de lhomme. Les biens saisis montraient également que les accusés vivaient mieux que la majorité des Cubains et que la «dissidence» pouvait être une activité lucrative. Dautres opposants, autrement plus actifs comme Oswaldo Payá et Elisardo Sánchez, nont pas été inquiétés dans la mesure où ils navaient pas collaboré à cette stratégie de provocation pensée à létranger. Lenquête a aussi révélé que le chef de la SINA, James C. Cason, un ami du président Bush, se comporte à Cuba au mépris des conventions diplomatiques. La SINA octroie des laissez-passer permanents à des opposants quelle conseille et finance et elle utilise la valise diplomatique pour convoyer des fonds et des moyens (ordinateurs, télécopieurs, etc.) aux opposants qui collaborent avec elle. Cason a poussé lingérence jusquà fonder une aile jeunesse du Parti libéral cubain. Ces actions sur place sajoutent à la campagne médiatique. Les États-Unis financent la diffusion de 2 200 h de radio vers Cuba par semaine, sur 24 fréquences, en violation du droit international. Cest la liberté de presse quimposent les États-Unis en utilisant même à loccasion un aéronef militaire pour diffuser des programmes de Televisión Martí depuis lintérieur de lespace aérien cubain. Lagence USAID a dépensé depuis 1997 plus de 26 millions de dollars afin de fabriquer une opposition interne. On crée des ONG pour acheminer des fonds, on fait du lobbying pour que des opposants cubains reçoivent des prix internationaux. Reporters sans frontières, organisme dont le siège est à Paris, très actif à promouvoir le «journalisme indépendant» à Cuba, a bénéficié de subventions. Raúl Rivero, un poète converti au journalisme de choc, lui doit sa consécration internationale confirmée récemment par un prix de lUnesco.
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