GregTtr a écrit :
hehe...
Tres tres bonne la remarque, j'invite tout le monde a s'occuper de la reponse a ce point precis toutes affaires cessantes.
(vu que d'une part c'est mesurable, et d'autre part vu qu'ils ne vont pas poursuivre leur carriere scientifique il est possible que de parler de facteur d'impact leur soit totalement etranger)
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De manière à t'éviter de dire davantage de contre vérités, je te recommande de lire l'intégralité de l'article envoyé par Daniel Sternheimer, notre directeur de thèse, à la rédaction du Figaro en réponse à un article publié par Lannoy sur notre "affaire". Dans cette mise au point, Sternheimer résume la façon dont les choses se sont réellement passées. Tu constateras que Sternheimer est très loin d'etre complaisant envers nous (on pourrait presque dire le contraire) . Sous sa direction après Flato (il a été aussi sévère que lui, peut-etre davantage) il ne nous a rien laissé passer. Cela se "voit" dans son commentaire qui n'est pas toujours à notre avantage. Mais il s'agit d'un texte objectif qui dit les choses telles qu'elles sont. Et non pas telles que tu les décris abusivement. Tu y verras, entre autres, certaines explications sur l'affaire des mentions, des articles, des rapporteurs, des pressions à Polytechnique, etc.
Bonne lecture.
MISE AU POINT SUR LAFFAIRE BOGDANOFF
PAR DANIEL STERNHEIMER, DIRECTEUR DE RECHERCHE AU CNRS
Fin octobre 2002 commence à se répandre sur Internet une rumeur surprenante, provoquée par un courrier électronique dun physicien théoricien de Tours : deux articles de Grichka et Igor Bogdanoff, parus dans de grandes revues scientifiques (Annals of Physics et Classical and Quantum Gravity), seraient-ils une réponse au célèbre article-canular publié par le physicien Alain Sokal dans une revue de sociologie ? La dimension médiatique de cette question attire aussitôt lattention dun certain nombre de publications de par le monde, dont de grands quotidiens, aux Etats-Unis et ailleurs. En réalité le problème si problème il y a appara?t plus dordre sociologique que scientifique. A commencer par la rumeur, attisée notamment par le groupe de discussion Science Physics Research sur Internet, où la plupart des intervenants nont pas lu sérieusement les travaux en question. Un modérateur de ce groupe a même déclaré au Figaro, entre autres gracieusetés : «Il faut peut-être faire lire ces publications à des gens objectifs, hors de France ». Cette attitude est caractéristique dune inadmissible manuvre de dénigrement de la France, en provenance surtout des ´ Etats-Unis. Voilà qui a certainement amplifié le phénomène. Il est rapidement devenu clair que lhypothèse du canular inverse navait aucun fondement. Mais le dénigrement de la France auquel la rumeur a donné lieu est dautant plus injuste que les deux revues de physique théorique mentionnées ci-dessus, très sélectives par ailleurs, sont éditées lune aux Etats-Unis et lautre au Royaume-Uni. Les articles des Bogdanoff ont été acceptés après un processus normal dévaluation par des rapporteurs (pour la seconde, après deux révisions). Tout ceci est pour moi, leur directeur de thèse au moment des soutenances, beaucoup de bruit pour pas grandchose. Le bruit concerne dailleurs plus les publications conjointes des Bogdanoff que leurs thèses, qui ont été jointes à laccusation par la rumeur. Il convient donc dexaminer de fac¸on précise les faits. Et de sen tenir aux faits.
Deux thèses passées dans les règles
En premier lieu, pour les thèses, toute la procédure a été conforme à la réglementation en vigueur, appliquée parfois avec sévérité. Grichka et Igor Bogdanoff, chercheurs non rétribués, ont été régulièrement inscrits en doctorat au Centre d Etudes Nucléaires de lUniversité de Bordeaux I, en 1991/92 et 1992/93. Ils avaient pour cela les diplômes requis. Leur premier directeur de thèse, Gabriel Simonoff, physicien très respecté, deux fois président de Section au Comité National du CNRS, a été éIève de Joliot-Curie. En 1994, sur le conseil dAndré Lichnerowicz, éminent physicien mathématicien, et avec laccord des présidents des deux universités et des directeurs de thèse, leur inscription a été transférée à lUniversité de Bourgogne en physique mathématique (composante du département de mathématiques de lUFR multidisciplinaire Sciences et Techniques). Cette inscription sera renouvelée les années suivantes. Leur nouveau directeur de thèse, Moshé Flato, arrivé en France en 1963 dans léquipe de Louis de Broglie, a travaillé en symbiose avec Lichnerowicz pendant plus de trente ans. Il a été consulté par le Comité Nobel de physique de 1971 à son décès en novembre 1998 et a fondé en 1975 Letters in Mathematical Physics, qui est rapidement devenue lune des plus sérieuses revues de physique mathématique. Il atteindra en 1988 le sommet de la carrière des professeurs duniversité en mathématiques. En juin 1998 une première version des thèses a été soumise au professeur Flato, ainsi quà deux rapporteurs pour Grichka, un mathématicien et un physicien théoricien. Ces experts, réputés dans leur domaines, avaient discuté avec le candidat de son travail, depuis 1995 pour le premier et 1997 pour le second. Lun et lautre avaient trouvé un intérêt certain dans ces échanges. Tous ont considéré, après lecture, quil y avait matière à thèse, mais que Grichka devait réduire considérablement son texte, se concentrant sur son apport. Pour Igor, il lui a été demandé délaguer son manuscrit et détoffer son apport. Javais suivi les développements jusque là et jai pris le relais comme directeur de thèse après le décès brutal de Flato dont jétais un proche collaborateur depuis 1964, y compris en codirigeant certaines des 41 thèses dont il fut directeur rien quen France.
Au printemps 1999 Grichka a remis une version de sa thèse réduite à environ 200 pages. La réglementation sur les thèses prévoit que celles-ci doivent être examinées par (au moins) deux rapporteurs extérieurs. La soutenance ne peut avoir lieu que si les rapporteurs le recommandent sur les formulaires officiels de lUniversité. La thèse de Grichka a été soumise par lUniversité à trois rapporteurs (les deux précédents et un autre mathématicien) qui ont conclu sans équivoque, par écrit, que la thèse originale, provocatrice et intéressante méritait dêtre soutenue et le diplôme de docteur attribué (spécialité mathématiques). Environ un mois plus tard, Igor a remis une nouvelle version de sa thèse, que luniversité a soumise à deux rapporteurs : leur conclusion écrite était que la thèse apportait une contribution utile et intéressante, méritant dêtre soutenue en vue dattribuer à Igor le diplôme de doctorat.
Pour réunir les deux jurys, présidés par leur premier directeur de thèse, il sest avéré nécessaire de prévoir la soutenance en région parisienne le 26 juin 1999. Le choix sest porté sur les locaux de l Ecole Polytechnique, où exerçait alors lun des rapporteurs dIgor (également examinateur de Grichka). Selon lusage en pareil cas, une convention a été signée à cet effet entre le Président de lUniversité de Bourgogne et le Général, Directeur de l Ecole Polytechnique. Elle prévoyait entre autres ceci : «La responsabilité scientifique de ces deux soutenances de thèse est assumée par lUniversité de Bourgogne ». Après une longue soutenance Grichka a été fait docteur de lUniversité de Bourgogne, spécialité mathématiques, sous condition de revoir son manuscrit. Igor a été ajourné (la mention honorable qui apparaissait dans le rapport de soutenance de GB, rarement attribuée, était le résultat de péripéties sans liens directs avec le contenu scientifique de la thèse; pour IB, les mentions concernant les doctorats ont été abolies par un arrêté du 25 avril 2002 ). La révision du texte de Grichka sera achevée en janvier 2000, sous le contrôle (confirmé par des rapports) de cinq scientifiques, chacun pour la partie dont il est spécialiste. Je tiens à préciser que ces experts ne sont intervenus, à la demande du jury, que pour la révision finale du manuscrit de thèse de Grichka et son évaluation. La partie mathématique a été précisée ; elle contient un résultat nouveau sur un aspect de la théorie dite des groupes quantiques. La motivation physique, notamment deux conjectures probables sur la physique à léchelle de Planck, a été réduite et mieux formulée. Le diplôme a alors été délivré à Grichka.
De son côté Igor sest réinscrit en doctorat les années suivantes, en physique théorique, sous la co-direction dun professeur de physique dune grande université américaine et de moi-même. Depuis 2000, comme la plupart des autres, l Ecole Doctorale de notre UFR de lUniversité de Bourgogne exige des candidats à un doctorat (en préalable à la soutenance) davoir deux publications acceptées dans des revues à comité de lecture (auparavant ce nétait quune recommandation). En 2001 Igor (seul auteur) a eu deux publications acceptées, où il développait une partie de son travail antérieur. Puis Igor et Grichka, poursuivant leur recherche conjointe, ont eu deux publications acceptées dans les revues mentionnées plus haut. Les articles (en anglais) sont parus au printemps 2002 (un cinquième, dans une revue italienne, est paru depuis). Igor remettra alors son manuscrit de thèse, composé de ces quatre articles (cela est courant et ce sont ses articles quIgor reprend dans sa thèse) et dune introduction en français où lapproche est présentée et où (à ma demande) sont précisés certains points, que jestimais mal formulés dans les articles publiés. Deux rapporteurs, professeurs dans de grandes universités des ´ Etats Unis, ont, à la demande de lUniversité, confirmé par écrit que la thèse dIgor pouvait être soutenue. La soutenance a eu lieu à Dijon le 8 juillet 2002 devant un jury réglementaire. Igor a été fait docteur de lUniversité de Bourgogne (spécialité physique théorique). Le jury a estimé que les idées et développements scientifiques non conventionnels méritent un doctorat.
Le système dévaluation
Le système des rapporteurs est certes faillible mais en matière de recherche, rien ne peut remplacer un jugement par les pairs. Pour ce qui est des thèses, lintervention de rapporteurs extérieurs est prévue par la réglementation ; les rapporteurs sont des scientifiques ayant eux-mêmes dirigé des recherches, désignés par les Universités autonomes. Dans le cas présent ces rapporteurs de haut niveau (et moi également) se seraient certainement dispensés des remous suscités par cette affaire dautant plus que ce travail dévaluation est un devoir envers la communauté, bénévole et prenant. Les avis favorables des rapporteurs ont été formulés sur la base des manuscrits des thèses des Bogdanoff. Chaque citoyen majeur est responsable de ses actes.
Pour ce qui est des revues scientifiques (en tout cas, pour celles auxquelles je collabore comme Editeur ou rapporteur) chaque contribution est examinée par au moins un rapporteur (en général deux ou plus, anonymes pour les auteurs) et la décision finale est prise par les Editeurs. Dans les grandes revues la majorité des manuscrits soumis nest pas acceptée. Il est difficile de faire mieux. Dans certains domaines où la rapidité de publication est essentielle, il peut y avoir plus de failles que dans dautres, notamment au niveau de la finition. Cest peut-être là où le bât blesse certains. Il peut y avoir un problème latent dans certains domaines très spéculatifs. Néanmoins en matière de recherche une publication, même imparfaite, est préférable à la censure. Incidemment, ce qui de mon point de vue constitue des excès dans ces domaines est plus rare en France que dans dautres pays. Quoi quil en soit je me garderai bien de censurer même ces excès, tant les voies du Seigneur sont impénétrables pour ce qui touche à la recherche scientifique. La diversité est une bonne chose en science. Le pape de la physique théorique du milieu du siècle dernier, Wolfgang Pauli, avait dailleurs coutume de dire darticles corrects mais sans ame quils nétaient même pas faux, tant il est vrai quune erreur inspirée peut être féconde. Il est même admissible, en physique, de prendre des libertés avec la rigueur mathématique sil sagit de promouvoir une direction de recherche, non den interdire une.
Un contexte peu courant
Afin de mieux saisir ce qui sest réellement passé la chronologie a son importance. Voici, dans leur déroulement, plusieurs événements surprenants.
a) Peu après linscription des Bogdanoff en 1991, des interventions ont été effectuées auprès du directeur de thèse dalors, puis des autorités de lUniversité de Bordeaux I, incitant au non renouvellement de leurs inscriptions. A la suite de cette inadmissible censure a priori eut lieu, au printemps 1994, le transfert dinscription mentionné plus haut. Le contexte extra scientifique a été évoqué dans la presse ; il ne devrait pas intervenir à ce niveau.
b) Peu avant les soutenances de 1999, le général, directeur de l Ecole Polytechnique, a informé par courtoisie son directeur des études doctorales de la soutenance prochaine, dans les locaux de l Ecole, de thèses de lUniversité de Bourgogne, hors du ressort du directeur des études doctorales. Cest après cela que les rapporteurs dIgor, tout en continuant à reconnaître que le manuscrit contenait des parties intéressantes (cela se retrouve dans le rapport de soutenance) ont brusquement manifesté des « doutes » sur la ma?trise des sujets évoqués. On ne peut manquer de se demander sil ny a pas, dans cette succession dévénements, la marque dune action inconnue.
c) Les articles ont été publiés, pour les deux principaux, au printemps 2002. La thèse de Grichka a été soutenue publiquement en 1999 et celle dIgor le 8 juillet 2002. Le 5 octobre les Bogdanoff ont lancé une nouvelle émission sur FR2, le lundi à la fin du journal télévisé de 20h, où en deux minutes ils évoquent un sujet montrant que la recherche scientifique est importante. Le 22 octobre est apparue la rumeur sur Internet. La chronologie est troublante.
Sous-jacent à tout cela il y a aussi en France dantiques querelles décole en physique théorique, qui remontent au moins au milieu du vingtième siècle, ont connu divers avatars et sajoutent à des divergences dordre philosophique entre (pour schématiser) idéalistes et rationalistes. Les succès de louvrage que les Bogdanoff ont publié en 1991 avec Jean Guitton, et de leur émission sur TF1 des années 80, nont pas arrangé les choses. Cest peut-être même un des facteurs occultes dans les événements mentionnés ci-dessus.
Une approche non-standard
Les options scientifiques et philosophiques des Bogdanoff ne sont pas les miennes : cela nautorise ni à les censurer ni à ne pas sanctionner par un diplôme un travail effectué comportant un intérêt et une originalité reconnus par les rapporteurs extérieurs. Au delà des commentaires extrêmes suscités par les Bogdanoff, dont lenthousiasme sympathique est parfois irritant, il reste quils ont, en matière scientifique, un point de vue qui interpelle et mérite intérêt.
Pour ce qui est de la recherche, celle-ci concerne la question complexe et hautement spéculative de la Singularité Initiale de lespace-temps au voisinage du Big Bang ainsi que les outils mathématiques utilisables pour la traiter. Selon leur approche, à léchelle de Planck avant le Big Bang lUnivers était en équilibre thermique (état KMS). Alors le temps, complexe, oscille entre temps réel et temps imaginaire ; la métrique (distance despace-temps) fluctue entre la forme minkowskienne de la relativité Restreinte (notre Univers) et la forme euclidienne (la Singularité Initiale). Dans ce cadre les idées conventionnelles sur le début de lUnivers sont considérablement modifiées, particulièrement la notion de la Singularité Initiale. Lapproche des Bogdanoff, selon les rapporteurs, présente des idées nouvelles qui ont des implications plausibles en cosmologie et dans dautres phénomènes gravitationnels. La partie mathématique de la thèse de Grichka (dont le résultat mentionné plus haut) est motivée par ces idées. Certes, leur style est non-standard dans les publications scientifiques. Mais ceux qui (comme les rapporteurs et dautres qui ont passé du temps à discuter avec eux) veulent sen donner la peine peuvent découvrir un point de vue original et, le cas échéant, sen inspirer. La recherche ne procède pas autrement.
Pour terminer je répéterai que je considère lactivité médiatique des Bogdanoff comme très importante à une époque où lon constate une désaffection croissante des jeunes pour les études scientifiques, regrettée récemment par Madame la Ministre Déléguée à la Recherche et dans une étude de la Commission Européenne (cf. Le Figaro du lundi 10 février 2003). Comme la écrit sur un site Internet (http ://www.cassiopaea.org/cass/bogdanovs.htm) le physicien mathématicien Robert Coquereaux, directeur du Centre International de Rencontres Mathématiques de Marseille-Luminy, dans leurs émissions ils donnent aux gens lenvie de mieux conna?tre la science, peuvent même susciter des vocations, montrent que la science est une chose formidable et que les mathématiques donnent un langage adéquat. Grâce à leur talent pour la communication, à tout ce quils ont appris et à leur expérience de la recherche, ils sont plus à même que la plupart des universitaires de faire passer ce message. Si les rois de France navaient dû compter que sur leurs brillants généraux et valeureux mousquetaires pour susciter des vocations militaires, sans avoir recours aux sergents recruteurs, la France ne serait pas ce quelle est. Avec des moyens plus modernes et plus nobles car ils font appel aux médias et à lintelligence, les Bogdanoff, comme dautres en nombre encore trop restreint, jouent avec un style
très personnel ce rôle pour les armées de professionnels dont la science a de plus en plus besoin.Leurs petits défauts, leurs succès indéniables et les jalousies que cela peut susciter ne devraient pas faire obstacle à ce qui est leur vraie vocation.