Mon apprentissage se passe toujours très bien.
Jusqu'à maintenant, j'avais donné des "principes généraux" pour apprendre une langue (pas seulement le japonais), mais je voudrais bien vous parler de trucs qui concernent vraiment le japonais en particulier.
Il faut bien garder en tête ce que j'ai dit : il faut savoir pourquoi on veut apprendre cette langue, apprendre de manière quotidienne, puis s'immerger et pratiquer la langue en corrélation avec notre objectif (ainsi, vu que mon objectif principal est de pouvoir jouer à des jeux vidéo jamais sortis du Japon, je n'ai pas attendu trop longtemps pour commencer à jouer à des jeux vidéo en japonais, mais si votre objectif se situe vraiment dans la communication avec des Japonais, même chose, il ne faut pas attendre un an, ni même six mois, pour commencer à parler à des Japonais - bien sûr, il ne faut pas viser trop haut, mais pas trop bas non plus, il faut que ce soit légèrement plus dur que votre niveau actuel). Tout ça, j'en ai déjà parlé en détails, je ne vais pas insister davantage sur ça.
Non, je voulais plutôt aborder les manières d'apprendre la langue, surtout si votre objectif réside dans la compréhension écrite pour pouvoir découvrir dans la langue d'origine des œuvres japonaises (romans, jeux vidéos, mangas par exemple). Déjà, la base, c'est l'apprentissage des kana, car il faut vraiment se détacher le plus tôt possible des caractères latins. Ce n'est pas compliqué en soi, comme étape, mais il n'y a pas une seule méthode universelle non plus (certains préféreront passer tout leur temps à écrire les caractères, d'autres passeront surtout par la reconnaissance visuelle et l'utilisation de "cartes mémoires" - par exemple avec Anki et la "répétition espacée" - pour tester leur apprentissage, mais on peut aussi essayer d'apprendre les kana via des mots de vocabulaire simples qu'ils constituent, bref, vous faites un peu comme vous voulez à partir du moment où c'est efficace sur vous et que vous avancez assez vite).
Je voulais surtout parler des kanji : comment s'y prendre ? Est-ce qu'il faut les apprendre de manière "bourrine", par exemple vingt kanji par jour en apprenant toutes les prononciations et toutes les significations, tout en les écrivant des dizaines de fois chaque jour, et seulement ensuite se mettre au vocabulaire, puis à la grammaire ? Hmm, peut-être que ça marche chez certaines personnes (je n'en suis même pas sûr en plus), mais à mon avis, c'est une méthode vouée à l'échec. Déjà, je pense sérieusement qu'il ne faut pas aller trop vite, ne pas chercher à apprendre trop de kanji en un coup, ni tenter nécessairement d'avoir tout de suite une connaissance exhaustive de chaque kanji, sinon, vous n'aurez pas le temps de bien les intégrer et les retenir sur le long terme. Mais le pire, c'est que, souvent, un kanji seul ne veut pas dire grand chose : les kanji signifient rarement un "mot" à proprement parler, mais ce sont avant tout des "idées" (d'où le terme "idéogramme" ) plus ou moins vagues.
Par exemple, le kanji 木 est souvent traduit par "arbre", mais c'est plus vague que ça en fait : l'idée derrière cet idéogramme, c'est plutôt celui du "bois", donc par métonymie, le bois peut désigner l'arbre… ou bien le buisson, pourquoi pas. Ca va dépendre du contexte, parce que la langue japonaise est justement très contextuelle. Autre exemple : le kanji 金 est souvent traduit par "métal", mais là encore, c'est très vague car ça peut aussi désigner l'or, ou bien carrément… l'argent (celui qu'on gagne en travaillant). Là encore, ça va dépendre du contexte.
Quelque part, on a un peu la même chose dans nos langues. Par exemple, le mot "bois" désigne le matériau qui constitue un arbre, mais, dans certains cas, quand je dis par exemple "Je vais au bois", ça veut plutôt dire "Je vais à la forêt". Et même chose pour le mot argent, qui ne désigne pas nécessairement ce qu'on peut gagne, mais aussi le métal blanc (et d'ailleurs, il y a une logique car, historiquement, le métal argent servait justement à forger l'argent qu'on gagne, puis par la suite, on a conservé le mot "argent" alors qu'on n'utilisait plus le métal "argent" pour le forger).
Bref, les kanji, quand ils sont seuls, ce ne sont pas vraiment des "mots", mais plutôt des "idées", des "concepts", plus ou moins vagues. En revanche, c'est lorsqu'on combine plusieurs kanji qu'on restreint leurs significations individuelles pour donner lieu à une sorte de "mot", ou plutôt un "concept" beaucoup moins vague. Par exemple, le kanji 火 correspond à l'idée du "feu" : c'est vague, ça peut être le feu de la cheminée, le feu de braise, voire la lave, pourquoi pas. De même, le kanji 山 correspond à l'idée de la "montagne", mais là aussi, c'est vague : ça peut être une grande montagne, une colline, voire un simple plateau ou une butte. Mais quand on combine ces deux idées ensemble sous la forme 火山, ça correspond à une nouvelle "idée" : la "montagne de feu". A ce moment-là, c'est beaucoup moins vague : ça veut plutôt dire "volcan". En plus, là où ça peut paraître tordu, c'est que la prononciation d'un kanji change selon s'il est "seul" ou "accompagné". Quelque part, si on veut faire une analogie, c'est un peu pareil avec les chiffres (je pourrais dire que le concept de "chiffre", dans nos langues, c'est ce qui se rapproche le plus des "idéogrammes" et en particulier des "kanji" ) : 3 se prononce "trois", 0 se prononce "zéro", mais 30 se prononce "trente" et non pas "trois zéro".
Du coup, j'estime que se contenter "d'apprendre" uniquement les kanji seuls, avec toutes leurs "significations" et toutes leurs prononciations, c'est foncer droit dans le mur. Non, selon moi, pour mieux retenir un kanji, donc tout ce qu'il peut signifier, c'est de le voir dans plein de "contextes" différents :
- les "combinaisons de kanji", donc ça incite à apprendre du vocabulaire en même temps que les kanji ;
- dans des phrases complètes, donc ça incite également à apprendre la grammaire en même temps que les kanji et le vocabulaire.
C'est pour ça que se contenter d'apprendre de manière "bourrine" un maximum de kanji en un minimum de temps et en recopiant des centaines de fois un même kanji, c'est voué à l'échec, parce qu'on n'a pas que les kanji à apprendre, mais aussi le vocabulaire et la grammaire ! Comme dit le proverbe : "à chaque jour suffit sa peine", donc il vaut mieux étudier un peu tout ça en même temps, mais pas trop à la fois pour ne pas être écoeuré et pour avoir le temps d'intégrer tout ça.
En tout cas, c'est en multipliant les "données d'entrées" que vous allez finir par vraiment "apprendre" un kanji. A force de multiplier les contextes dans lesquels un kanji intervient, ça va mieux rentrer. Enfin, je trouve.
Attention, pour le cas du "volcan", oui, là, la combinaison des deux kanji du "feu" et de la "montagne" fonctionne bien, et souvent ça fonctionne bien dans cette langue pour former des mots… mais attention, ce n'est pas non plus une règle universelle, car il y aura aussi beaucoup d'autres combinaisons de kanji pour lesquelles, non, réellement, vous ne pouvez pas deviner ce que ça veut dire en vous fiant uniquement à la "signification" individuelle de chaque kanji.
Après, comment faire pour se rappeler d'un kanji quand on en voit un ? Parce que bon, à première vue, c'est du gribouillis, on dirait que les traits ont été tracés au hasard, sans aucune logique. Non, en réalité, il existe des "règles de tracé" bien particulières, que je ne vais pas détailler ici, mais c'est ça qui permet non seulement de tracer sans erreur un kanji qu'on ne connaît pas, tout en respectant l'ordre des traits, mais aussi de compter le nombre de traits.
Mais bon, faut-il pour autant apprendre un kanji "trait par trait" ? Oui et non, ça va dépendre des kanji.
Par exemple, pour les deux kanji que je vous ai indiqués, là oui, on n'a pas le choix, il faut les apprendre trait par trait. Pourquoi ? Parce que ces deux kanji vont former des sortes de "motifs" (appelés "clés" ou "radicaux" ) qui vont constituer des kanji plus complexes.
Considérez le kanji suivant : [size=30]樹 [/size] (je l'ai agrandi exprès afin que vous voyiez mieux, mais autrement chaque kanji occupera toujours la même "case", donc aura la même taille). Là, on a envie de pleurer, parce que si on compte les traits bêtement, on se dit qu'on va avoir seize traits à retenir. Bah non, quand on regarde de plus près, on se rend compte qu'on retrouve le kanji 木 qu'on connaissait déjà, mais il existe d'autres "radicaux" que je connais également comme 土 (l'idée de la "terre" ) ou encore 口 (qui correspond à l'idée de la "bouche" ), et aussi de 寸 (qui correspond très vaguement à l'idée de "taille" ou de "largeur" ). Du coup, un kanji complexe sera en réalité constitué de plusieurs "radicaux" qu'on connaît déjà… mais attention, pas toujours car il y aura aussi des "traits parasites" qui ne forment pas de "radical" en particulier, mais ce n'est pas grave car, maintenant, vous n'avez plus simplement seize traits à retenir, mais plutôt que le kanji est constitué de quatre "radicaux" (des sortes de "briques", si on veut), et de seulement trois "traits parasites", ce qui devient presque un jeu d'enfant à retenir.
A noter que le radical 木 situé à gauche de ce kanji complexe a pour rôle de donner une sorte de "catégorie" à ce kanji, quelque chose lié au bois ou à l'arbre (c'est ce qu'on appelle la "clé du kanji" ) : oui, effectivement, il s'agit d'un kanji plus complexe qui signifie également "arbre". Bon, bizarre, a priori, qu'il y ait deux kanji différents, dont un vraiment complexe, pour désigner la même chose. Bah, il s'avère que j'ai vu ce kanji pour la première fois dans le premier jeu vidéo que j'ai (re)fait entièrement en japonais depuis mon apprentissage de la langue, c'est Zelda Ocarina of Time : dès que vous commencez le jeu, vous aurez droit à ce kanji pour désigner "l'Arbre Mojo" (pas de bol, hein ! ). Du coup, je me suis dit "Bon, vu qu'on parle quand même d'un ''vénérable'' Arbre Mojo, peut-être que ce Kanji a une signification plus "noble" qu'un vulgaire bout de bois" (je n'en sais rien en fait, ce n'est que mon interprétation, je n'ai pas encore trouvé de réponse à ce sujet).
Par contre, attention : les autres radicaux qui constituent ce kanji ne donnent aucune signification particulière à ce kanji : ils vous serviront uniquement à mieux retenir le kanji complexe en tant qu'assemblages de "pièces de puzzle", mais c'est tout. Et parfois, dans un kanji, ce qu'on appelle la "clé" n'a qu'un rapport très lointain, voire totalement nébuleux, avec la signification réelle du kanji, donc il faut bien faire attention à ne pas toujours s'y fier.
Après, bon, rien ne vous empêche de vous inventer des petites "histoires" avec ces espèces de "pièces de puzzle" qui constituent un kanji pour mieux les retenir. C'est d'ailleurs ce que fait le célèbre bouquin Remembering the Kanji. Mais ça restera juste un truc totalement artificiel, un simple prétexte pour vous rappeler d'un kanji par association d'idées.
Par contre, un "radical" peut aussi parfois aider à se rappeler de la prononciation d'un kanji, car ce dernier aura la même prononciation que ce kanji (selon le contexte). Ca arrive assez souvent, mais là aussi, c'est loin d'être systématique.
En fait, c'est surtout pour retenir ces "radicaux", mais aussi les fameuses règles de tracé, que ça m'a quand même aidé de recopier à la main des kanji. Mais vu que mon but n'est pas du tout de savoir écrire un kanji, l'écriture, ce n'est pas ma priorité : je me contente de tracer avec mon doigt un kanji sur la paume de ma main, mais c'est vraiment dans le but de m'aider à mieux retenir le kanji, pas pour savoir comment le tracer de tête sans modèle.
Autrement, je me sers maintenant beaucoup de la "répétition espacée" avec le logiciel Anki pour m'exercer quotidiennement à la mémorisation d'un kanji (soit je crée une carte mémoire avec un kanji seul, soit j'écris un "mot" constitué de plusieurs kanji, j'écris carrément des "phrases contexte" qui font intervenir ce kanji). Le logiciel calcule à ma place au bout de combien de temps je dois "réviser" le kanji (d'abord dans quelques heures, puis deux jours, puis davantage de jours, puis une semaine, deux semaines, un mois, trois mois, six mois, un an…).
Voilà, je ne sais pas si ça intéressera des gens qui hésitent à se lancer dans l'apprentissage du japonais (ou qui patinent un peu actuellement), je ne garantis pas que ma façon de faire va parler à tout le monde, mais c'est comme ça que je procède et ça fonctionne très bien sur moi (plus j'avance dans mon apprentissage de la langue, plus l'apprentissage des kanji me paraît facile, tandis que la grammaire commence à recéler des aspects plus compliqués).