SupaPictave a écrit :
TAGGREVUE SevenFriday P2-1
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Petite revue rapide de cet objet singulier, qui mérite que l’on se penche dessus. Je vais aussi tenter de décrypter ce qui se cache un peu derrière cette montre, qui fait un peu parler d’elle en ce moment.
Tout d’abord, c’est un pur achat totalement compulsif, suite à une annonce alléchante passée il y a quelques jours et relayée par Genghis d’un gars qui en vendait une quasi neuve à moitié prix. Forcément, dans ce genre de situation on se dit pourquoi pas. C’est donc par un venteux vendredi 7 (heureuse coïncidence) que j’ai pu mettre mes paluches dessus. Je l’avais déjà croisée, cette montre, au Bon Marché. Je n’y avais pas réellement prêté attention, la vitrine SevenFriday étant juste à côté de celle de MB&F, je m’étais dit que c’était dans les mêmes eaux tarifaires, et qu’il était donc inutile que je m’y attarde.
SevenFriday donc est une jeune marque zurichoise créée par Daniel Niederer en 2012. La philosophie de la marque, dixit son créateur lors de diverses interviews, est de proposer des produits qui bousculent les codes traditionnels de l’horlogerie, avec une haute qualité de fabrication et une conception un peu chiadée, tout en restant accessible au commun des mortels.
Niederer a semble-t-il fait l’essentiel de sa carrière en management dans des boîtes de distribution de produits de luxe, dont les montres, et a travaillé dans un studio de design avant de créer SevenFriday. Marketing et design sont donc les deux mamelles de la marque.
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Question marketing donc, le bonhomme semble savoir y faire. La communication de la marque est très orientée web deupoinzéro à destination d’un public jeune et branché, avec une utilisation intensive des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Youtube) et autres blogs horlogers (tous ont reçu leur exemplaire, de Ablogtowatch jusqu’à Hodinkee) pour se propager, et en parallèle des events dans différentes "the place to be" (New York, Londres, Los Angeles, Dubaï, New Delhi…) organisés via Facebook. Attention, d’après les vidéos Youtube et les photos Instagram, ces events contiennent une forte dose de moustaches/barbe de 3 jours et de lunettes à grosses montures. Voire de chemises à carreaux. En France la marque est notamment exposée chez Colette. Branchouille donc, le mot est lâché. De fait, l’engouement autour de la marque est assez fort, bien au-delà des cercles traditionnels d’amateurs d’horlogerie. Ce qui explique certainement que le vendeur ait reçu une quarantaine de demandes via son annonce en un peu moins de 24h. Et c’est bibi qui a décroché la queue du Mickey. Eh ouais.
Si on se penche sur la montre, on trouve tout d’abord une fiche technique plutôt banale, voire chiante :
Citation :
Mouvement : Miyota 82S7 automatique, remontage manuel, registre 24h, petite seconde, 21600alt/h, RDM 40h, précision -20/+40sec/jour, pas de hack
Dimensions : 47mm x 47.6mm, boitier sans cornes
Epaisseur : 13mm environ
Poids : 120gr
Couronne : non vissée Etanchéité : 3ATM
Verre : minéral bombé traité AR
Bracelet : cuir, 28mm au boitier, 24mm à la boucle
Prix catalogue FR : 850 à 1300€ selon les matériaux
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SevenFriday ne vend pour l’instant qu’un seul modèle de montre, décliné dans de multiples coloris. Celle qui nous intéresse est la P2-1 (les différentes références correspondent à des couleurs différentes), la version traitée en divers tons gris, cadran gris et doré/cuivré, bracelet marron foncé. Le boitier est en majeure partie en acier 316L traité PVD, sauf ce qu’ils appellent l’animation ring (la pièce unique qui constitue la tranche de la montre) qui est en aluminium. Aluminium que l’on retrouve sur l’ensemble des éléments du cadran. On trouve donc une alternance intéressante de matériaux et de textures. A noter que ce fameux animation ring est décliné dans d’autres matières selon les modèles : acier, silicone, bois (!).
Niederer ne s’en cache absolument pas (il admet même ouvertement que le label Swiss Made c’est dans bien des cas de la foutaise), il n’y a aucun Swiss Made là-dessous. Tout est intégralement fabriqué et assemblé en Chine et à Hong Kong pour garder des coûts de production bas, avec des fournisseurs et assembleurs soigneusement choisis pour maintenir les standards de qualité voulus.
Vous l’aurez compris, on achète pas un monument de Haute Horlogerie, mais plutôt un pur objet de mode, un délire de designer. Et le délire commence avec le packaging, qui se présente sous la forme d’une boîte en bois qui pourrait tout à fait contenir une bouteille de pinard, ou des pièces mécaniques. http://www.grossesaveur.com/upload [...] c00468.jpg
La boîte est franchement énorme, avec diverses inscriptions marquées à chaud sur le bois, certainement pour faire "plus vrai". http://www.grossesaveur.com/upload [...] 004pvp.jpg
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A l’intérieur on retrouve la montre sur son support, la carte de garantie, une chiffonnette rouge plutôt chouette, une plaquette de stickers et le manuel en mode dépliant Ikéa. Ca change certes des boîtes pseudo luxueuses en cuir de plastique, en participant à la volonté de créer un design industriel.
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L’industrie donc, c’est l’univers de SevenFriday. C’est relativement évident au premier coup d’œil sur le cadran, où tout évoque rouages, roues, vis, plateaux, matériaux bruts. Si on lit les différents communiqués de presse, on découvre que SevenFriday a voulu par les jeux de matériaux et de couleurs rattacher le visuel de ses montres à des périodes ou des domaines de l’industrie. La série P1 en acier évoque l’industrie moderne, aseptisée et inoxydable dans les déclinaisons acier brut ou mécanique et automatisée pour la déclinaison Automations dont les couleurs flashy font penser aux robots industriels (assemblage automobile par exemple), la série P2 avec ses accents foncés et cuivrés rappelle plutôt la Révolution Industrielle (avec pour le coup presque des touches de steampunk), la série P3 intégralement noire avec l’animation ring en silicone qui fait penser à un pneu et donc l’industrie automobile…
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Bref, tout ceci est réfléchi, et la conception assez modulaire du boitier permet d’obtenir plein de combinaisons différentes de textures et de matières. D’ailleurs SevenFriday continue à décliner la P jusqu’à plus soif. On se demande alors qu’est-ce qui les empêche de proposer un service de montre à la carte, où l’on choisirait son cadran, son boitier, son bracelet…
Mais au final, ça donne quoi, dans la vraie vie ?
Ben faut avouer que c’est sympa. Les efforts en termes de finition sont vraiment appréciables. Mis à part le bracelet d’origine qui est de qualité moyenne à mauvaise, la montre est solidement assemblée, les matériaux choisis sont franchement qualitatifs, les découpes parfaites, les marquages nets. Le boitier est pour l’essentiel microbillé, sauf le fond qui est brossé, et la partie de la lunette qui enserre le verre qui est soleillée. C’est subtil mais appréciable.
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L’attention portée aux détails est assez impressionnante. Evidemment c’est le cadran qui attire le plus l’attention. Elément central de l’identité visuelle de la montre, il est constitué de 5 couches différentes. L’anneau extérieur avec le chemin de fer minutes, de couleur cuivre, est soleillé, avec à 10, 2 et 6 heure des index appliqués. http://www.grossesaveur.com/upload [...] c00496.jpg
L’anneau suivant est noir et guilloché en sillons concentriques, et comprend notamment deux pointeurs vissés qui permettent de lire précisément le plateau des 24h et le plateau de la petite seconde, et de même motif et même couleur on trouve la partie "open heart" qui laisse apparaître le balancier du Miyota.
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Si on descend d’un cran c’est la partie en alu bouchonné sur laquelle sont placés les marquages.
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En se rapprochant encore du centre on trouve une partie cuivrée avec de nouveau un guillochage en sillons pour indiquer les heures (mais seulement de 10 à 16h, le reste étant pris par les plateaux 24h/secondes et l’open heart), avec 3 index appliqués. Le dernier niveau au centre, que l’on peut voir au travers du motif évidé de l’aiguille minutes, est de nouveau en alu cuivré et soleillé à la manière du premier anneau le plus à l’extérieur.
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L’aiguille des minutes est la plus imposante, grise et évidée, avec un motif que l’on retrouve sur la couronne et qui rappelle aussi l’alternance index peints/appliqués sur le chemin de fer des minutes. Et l’aiguille des heures est cuivrée, plus simple, avec une partie en pointe pleine. Elle ne dépasse que très peu du cercle central de l’aiguille des minutes. Le plateau des 24h (couplé à l’aiguille des heures, donc pas de fonction GMT en vue) et le plateau de la petite seconde tournent tranquillement dans leur coin et sont tous les deux noir mat avec des inscriptions en blanc.
Le fond est gravé avec plein de trucs : N° de série, type de mouvement, étanchéité, dimension, matière de l’animation ring, etc. C’est propre, net, plutôt ludique. Ca me rappelle que ce Bell & Ross fait sur ses BR0X.
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Le bracelet en cuir est souple, mais va vieillir je pense assez vite et mal. Il commence déjà à être râpé au niveau de la boucle. http://www.grossesaveur.com/upload [...] c00494.jpg
Boucle qui en passant est, à l’image du boitier, assez détaillée, avec une alternance de brossé et de poli, et des marquages propres. La dimension atypique du bracelet (28mm au boitier, 24 à la boucle) va rendre son remplacement délicat, d’autant plus que la plupart des bracelets en 28 du marché font plutôt 26mm à la boucle, et que ça serait dommage de mettre cette dernière au placard.
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La montre n’ayant pas de cornes, elle est confortable malgré ses dimensions généreuses. Le large fond plat fait qu’elle se pose bien sur le poignet. Elle est étonnamment lourde, et a tendance à rouler sur l’extérieur de mon poignet. Il faut la porter assez ajustée pour qu’elle se tienne bien.
Elle est donc bien finie, avec des matériaux corrects, et a une tronche sympa. Mérite-t-elle son apparent succès ?
La réponse n’est pas évidente. Oui, le dessin est sympa. Cisco la comparait l’autre jour à une Urwerk ou une Hautlence pour une fraction du prix. Et effectivement y a de ça, de ce côté le contrat est rempli par SevenFriday. Pour autant, est-on face à quelque chose qui met un coup de pied dans la fourmilière de l’horlogerie industrielle de grande diffusion comme aime à le proclamer Niederer ? Evidemment, non, ça ne surprendra personne. La présentation est cool, change de ce que l’on voit d’habitude dans ces gammes de prix. Mais au final, ce n’est qu’une 4 aiguilles (registre 24h) un peu habillée. Avec une telle forme et un tel dessin, on a envie d’avoir un truc de l’espace, qu’il faut apprendre à lire et à faire fonctionner. Un truc pas forcément pratique à utiliser, mais on s’en fout, car on a le frisson de l’exclusivité et le délire mécanique qui se cache derrière. De tout cela, on a sur la SevenFriday que la lisibilité difficile, car l’aiguille des heures est quasiment inutile (on s’y retrouve plus vite en lisant le disque 24h), et le cadran manque de contraste, ce qui rend la lecture des minutes compliquée quand l’aiguille est au-dessus de l’anneau bouchonné. L’aiguille des heures cuivrée parcourt la moitié de son trajet au-dessus d’un fond cuivré, et l’aiguille des minutes grise est quasiment tout le temps au-dessus d’un fond gris ou noir. Et dès que la luminosité est faible, la montre est illisible, les aiguilles étant totalement mattes et sans luminova évidemment.
Si on ajoute que pour 1000€ on a un mouvement japonais tout à fait standard voire basique (pas de stop seconde, un ajustement qui semble très à l’avance sur la mienne, au moins le rotor est discret), un bracelet bof et un verre minéral simple et non un saphir, on est en droit de penser que ça fait cher le délire stylistique illisible mais à la mode.
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Tout ceci pourrait sembler bien tiédasse comme avis, c'est vrai, mais c'est avec le prix catalogue en tête. A moitié prix, forcément, les choses sont différentes, clairement l'offre est plutôt canon. C’est vraiment un ajout sympa à une boite remplie de montre tradichiantes. Ca a de la gueule, ça se remarque, ça fait causer. Faut aimer. Je ne sais pas si je la porterai beaucoup, ni même si je la garderai longtemps (dans le pire des cas j’ai déjà un repreneur), en attendant je ne regrette pas d’avoir succombé à la bonne affaire.
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