Lebeaunathan Full LQQ | Camisard1 a écrit :
Ok, mais ta formulation ("respirations" ) n'était pas correcte et tu négliges 2 trucs essentiels :
1) Les gens avec bcp d'ETF leveragés (type Evildeus) ou avec un fort levier (usage de la marge - type moi) sont généralement plus tolérants à la volatilité que la moyenne, donc les "respirations" de -5 à -10% ne doivent jamais être un pb. Les corrections plus sérieuses non plus (type -15% / -20%) tant que le levier reste raisonnable.
Le vrai souci ce sont les krachs ou bear markets de -30% à -50% qui vont survenir inéluctablement sur un horizon suffisamment long.
A partir d'un drawdown de -50% personne n'est à l'aise mentalement, surtout quand c'est bien pire que l'indice.
Avec un portefeuille full ETF leveragé ou un levier 2, ce type de situation n'est plus une rare possibilité, ça devient une situation inéluctable et relativement "fréquente" (tous les 5 ans, environ) sur un horizon suffisamment long.
Donc passer full ETF leveragé signifie accepter d'être "régulièrement" dans une situation très inconfortable, et de savoir que ça peut arriver à n'importe quel moment.
2) Surtout - et c'est ça à mon avis ce que bcp ignorent : sur une durée suffisamment longue, la résilience mentale d'une personne va forcément subir de fortes fluctuations au cours du temps. Aujourd'hui, tu vas bien, tu as un bon job, tu es heureux en couple, tu es en bonne santé, tu es heureux et optimiste sur ta vie et ça biaise ta vision du monde, tu te sens fort et tu penses que le monde va dans la bonne direction : tu prends des ETF leveragés pour accélérer ta croissance patrimoniale. Demain, tu perds ton job, on diagnostique un cancer pour toi ou ta copine : tu verras si le drawdown de -50% - qui va arriver inéluctablement - se passe bien.
Et malheureusement, ce genre d'événements difficiles n'est pas l'exception, mais la règle sur un horizon suffisamment long. A 45 ans j'ai eu 6 événements qu'on peut décemment appeler "accidents de vie" (pertes d'emploi, maladies graves ou accidents graves pour soi ou de très proches, décès prématurés de très proches, divorces), sans compter bcp de merdes bien difficiles qui minent le moral (harcèlements, séparations difficiles, agressions etc.). Je me considère au total relativement "chanceux" - je n'ai moi même pas été gravement malade, je n'ai pas eu d'accident grave, ni de divorce, je n'ai pas d'addiction à part la vanille. Je pense être à peu près "dans la moyenne".
Donc si tu veux approcher la vie et l'investissement boursier rationnellement (= sans penser que tu es invulnérable et que les accidents de vie c'est pour les autres), tu peux planifier sur, en gros, un krach ou bear market (-30% / -50%) tous les 5 ans et un accident de vie tous les 4 ans, à partir de l'âge adulte.
Si tu combines tout ça, tu comprends qu'une stratégie levier 2 ou full ETF leveragé n'est simplement pas tenable sur la durée. Parce qu'en général en plus les emmerdes volent en escadrille (ce n'est pas qu'un dicton mais une statistique : tu as plus de chance de perdre ton job lors d'une récession, ce qui va aussi plomber ton couple, au moment précis où la bourse s'effondre).
Donc ce n'est pas une question de "mental fin" (sauf à utiliser une hyperbole), mais de mental tout court : la bourse, c'est du mental, et ça n'est que ça (bon c'est aussi un minimum d'intelligence : si tu te ruines sur des biotechs alakon, là c'est plus une question de mental, mais de QI). Sur un horizon long, on doit chacun prévoir qu'on aura bcp d'épisodes difficiles à vivre, et que dans ces épisodes notre portefeuille boursier ne doit pas devenir une source majeure de stress supplémentaire, car ce stress sera source de grosses erreurs en bourse (vendre en panique au pire moment, par exemple) voire de plus grosses encore dans la vie (dépressions, suicides).
PS : quand je dis "tu", ce n'est pas toi, c'est tout le monde, hein, tu me comprends. (Là "tu" c'est bien toi.)
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Camisard1 a écrit :
a) Oui. La bonne formulation c'est : quel est le niveau optimal de levier pour chaque personne ? c'est le niveau qui va :
1) permettre la meilleure performance possible sur la durée...
2) ... sans compromettre, à aucun moment, la santé mentale de l'investisseur
Le "à aucun moment" est essentiel : cela requiert de considérer que notre santé / résilience mentale à l'instant t n'est pas celle de demain. Donc nous devons chacun envisager notre capacité à gérer notre portefeuille dans des périodes compliquées dans notre vie. Cela requiert donc de prendre une marge de sécurité suffisante dans la calibration du levier.
Evidemment la calibration du levier doit aussi prendre en compte des paramètres purement objectifs comme la taille et la composition du patrimoine, l'allocation sur la bourse, la capacité d'épargne etc.
Donc il faut reconnaître que le niveau optimal du levier peut fortement varier d'une personne à l'autre, puisque le critère (2) dépend de paramètres psychologiques et objectifs qui varient pour chaque personne.
Perso, j'estime être à peu près à l'aise avec une allocation de 2/3 sur la bourse et un levier "de croisière" de 1,3 sur mon portefeuille boursier : c'est très offensif par rapport à la plupart des gens. Si demain j'ai 5 enfants, je vais probablement devoir abaisser ce levier cible.
Sur la base de ce que j'observe sur les forums, je dirais que le levier optimal pour la plupart des particuliers (mais à nouveau, cela dépend de l'allocation en bourse, taille du patrimoine etc.) est probablement entre 0,9 et 1,1. Cela signifie que pour la plupart des gens c'est probablement "rationnel" (= une fois que l'on intègre les considérations psychologiques et la contrainte temporelle) de garder 10% de liquidités ou au contraire d'utiliser un peu de levier. Mais davantage ne me semble pas "rationnel" - je considère être moi-même proche de la limite (j'espère pas au-delà).
(Donc même si, comme bcp ici, je me moque souvent de la "team liquide", je ne veux pas faire du "liquide-shaming" : si ça aide certains à mieux gérer mentalement les corrections d'avoir 10% de liquidités (en plus des liquidités de précaution), c'est OK pour moi - davantage, c'est accepter un gros coût d'opportunité sur la durée.)
By the way, c'est toute ma stratégie depuis le début - construire un portefeuille quasi-indiciel buy & hold et rechercher ce niveau de levier optimal.
b) Un problème avec la stratégie leveragée (a fortiori fortement leveragée, évidemment) c'est ta prémisse : rien ne garantit que les indices US et même World montent sur le long-terme, même si c'est très probable, de mon point de vue et avec mes biais optimistes :
1) Les USA ne sont pas exempts de risque pays - c'est très clair en ce moment. Le Japon était en plein ascension dans les années 1980, les 10 plus grandes banques du monde étaient japonaises, on leur promettait la 1ere place mondiale au niveau économique - la descente a été très dure et la remontée très lente. Ni les USA ni la Chine ne sont à l'abri de ça - sur un horizon suffisamment long.
2) Même le monde dans son ensemble est confronté à de nombreux risques catastrophiques (pandémie, changement climatique, guerre nucléaire etc.) qui pourraient invalider la prémisse (au moins pour des décennies).
Là encore c'est une erreur intellectuelle de disqualifier ces risques (c'est pour ça que je ne me moque jamais de Vonfleck) : sur tout un horizon de vie, les catastrophes ne sont pas seulement possibles : elles sont probables.
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Camisard1 a écrit :
D'accord avec toi évidemment, même si je n'aime pas ta formulation % de levier (= % d'ETF leveragés en fait), mais c'est un détail.
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Très bonne approche, avec de l'humain dedans. J'aurai tendance à penser que si les gens veulent faire de l'argent, autant prendre l'indice le plus performant, et s'ils veulent vraiment se créer de la richesse, être full leverage.
Quand le stock picking te permet d'être au moins aussi bon qu'un indice dans le meilleur des cas, là on te propose un TGV en première classe.
Et j'avais tendance à penser le full levier comme du Stade 12. Mais tout le monde n'est pas prêt à perdre 30% en un mois. Je comprends que ça puisse angoisser certains. Et j'aime bien ton analyse sur les merdes de la vie qui te tombent dessus en BONUS Et top cette analyse sur le nombre de grosses douches froides sur les dernières décennies. A intégrer calmement.
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