hgue a écrit :
Soncal, d'abord, merci pour votre message édifiant. J'ai cependant mal à comprendre comment vous parvenez à tenir une position idéologique cohérente lorsque vous dites qu" "Investir dans la R&D c'est essentiel pour créer les emplois de demain" mais que dès que l'on vous propose des solutions concrète dans ce domaine, vous les traitez par le mépris. Certes, comme le dirait Jean Mallot, "la situation de la France ne prête pas à rire", mais doit-on nous condamner nous-même à une cyber-vie austère et sans goût pour la fantaisie? Rappelons tout de même que les premiers scientifiques qui déclarèrent que la terre est ronde furent traité avec le même dénigrement que celui dont vous faites preuve à l'égard des gens qui ne partagent pas la même passion pour le conformisme qui est le votre. Mais le temps m'est trop précieux pour en consacrer l'exclusivité à l'orchidoclastrie, et c'est pourquoi je vais plutôt m'occuper à la discussion substantielle de vos idées.
Vous avancez qu'il faudrait réformer l'éducation de telle sorte que l'on puisse établir un modèle social, et donc économique nouveau. Certes. Il est également vrai que si la France colonisait la planète 55 Cancri-e, composée à 90 % de diamant, sa dette publique serait entièrement résorbée. Ma question est donc la suivante : au delà des belles idées, comment comptez vous mettre en place cette fameuse réforme? Appelez-vous à une insurrection armée pour renverser le pouvoir et les dogmes en place qui font barrage à tout changement de paradigme social, ou bien seriez vous au contraire pour l'avènement d'un état autoritaire qui imposerait ces changement par la force? Certes, une troisième voie existerait : la création d'un consensus, la discussion entre l'Etat, les partenaires sociaux et le peuple, la mise en place d'une politique de confiance, l'entente des différents partis politiques sur un socle d'idées communes, et la restructuration des institutions afin de limiter la corruption. Un tel programme semble utopique, et pourtant il a été appliqué avec succès par la Suède dès le début des années 30 (grâce aux idées du brillant économiste Gunnar Myrdal, dont l'histoire a injustement oublié le nom à cause du plagiat honteux de ses théories par un certain J.M. Keynes). Passons. Je disais donc que la Suède, qui connaissait à l'époque le taux de chômage le plus élevé du monde ainsi que des conflits sociaux menant à des évènements sanglants a su réunir les différentes classes de la société pour créer une "confiance d'Etat". La Norvège ainsi que le Danemark ont ensuite établi des systèmes analogues. De nos jours, seul le gouvernement d'Oslo a su tenir des positions idéologiques inaltéré, bien que cela puisse changer en septembre de cette année. Il est ironique de constater que c'est ce même pays que certains se plaisent à décrire comme une sorte de tambouille entre un pays de bisounours sous-peuplé et une sorte de rentier du pétrole qui serait comparable à l'Iran, l'Azerbaïdjan, ou même le Turkménistan. Je suis désolé de vous dire qu'une telle rhétorique est insufflée aux européens occidentaux par les lobbys patronaux afin de leur faire croire que ce modèle d'économie alternative n'est pas viable à grande échelle. Qu'est-donc devenu la fable du lion et du rat? Car le dénigrement de la puissance Norvégienne est bien idéologique et non pragmatique. En effet, la social-démocratie scandinave telle que décrite par Esping-Andersen est l'héritière du livre publié par Engel (un vieil ami de Marx) qui expliquait que la révolution communiste pouvait très bien se passer de violence et passer par une réforme de l'Etat. Un tel système, bien que ne tournant pas le dos au capitalisme, remet en cause certaines bases de la propriété privée. Il serait donc avisé de dépasser ces amalgames et de ne plus se laisser abuser par les voix qui voudraient vous faire peur en assimilant Olov Palme à Rosa Luxembourg. Revenons sur la substance des idées. Se demander si l'on pourrait s'inspirer du modèle Nordique supposerait donc de savoir en premier lieu si la Richesse de la Norvège vient du pétrole. La réponse est évidente: c'est non. En effet, l'établissement de l'Etat providence ainsi que l’essor considérable du PIB ont eu lieu grâce à une volonté politique de créer un Etat stratège dès les années 1950. L’extraction pétrolière, elle, n'a commencé qu'en 1971. D'ailleurs, les revenus pétroliers sont contrôlés par l'Etat et leur dépense est limitée à 4% par an. C'est pourquoi on peut raisonnablement affirmer que la véritable richesse de ce pays vient de :
-Un Etat providence et stratège
-Des politiciens qui n'ont pas peur de prendre des décisions qui pourraient leur faire perdre les élections
-Un niveau élevé de négociation et de confiance dans la société
-Un épanouissement au travail
-Une politique du plein emploi. Comme nous le voyons ici, la seule de ces composantes qui pourrait poser un autre problème à la France que la concrétisation d'une politique courageuse et réelle de "changement" serait l'établissement d'une confiance d'Etat. Le français est réputé raleur, c'est un fait. Cela n'a rien a voir avec la taille de notre pays, mais avec sa culture. Puisque certains se laissent aller à espérer une révolution sociale par l'éducation, on pourrait également très bien considérer la possibilité d'un changement de paradigme culturel au sens Durkheimien du concept, ce qui permettrait une réorientation de la France vers la confiance. En revanche, rien n'empêche la mise en place d'un Etat stratège. D'ailleurs, cette question dépasse le conflit gauche-droite, puisque je rappelle que c'est le parti conservateur américain qui passa le Bank-Emergency act du 9 mars 1933, et qui précéda de peu la mise en place d'un système plus dirigiste. L'épanouissement au travail, quand à lui, relève de la politique interne des entreprises et à leur souveraineté. Cela poserait certes la question de la légitimité du statut de l'actionnariat, mais ce n'est pas l'objet de la présente discussion. Enfin, la politique de plein emploi permettrait le financement de l'Etat par un niveau d'imposition raisonnable. Mais cela supposerait une prise de risque et des investissements collossaux. Bref, l'inverse de l'austérité (qui, on le rappelle, a ruiné l'Argentine dans les années 1990s). En conclusion et comme le soutiennent Stiglitz et Krugman depuis plus de 20 ans, notre économie a besoin d'être restructurée politiquement. Cela implique une réorientation vers l'économie réelle ainsi que la mise en place d'une sorte de néo-keynesianisme (ou néo-myrdalisme) qui impliquerait donc la réalisation de grand projets créant en masse des emplois. L'activité nouvelle permettrait un rehaussement de la consommation stimulant lui-même une nouvelle création d'emploi, et donc le remboursement des dettes d'Etat. La conjoncture est d'autant plus favorable à de telles décisions puisque l'inflation n'est actuellement pas un danger, celle-ci prenant d'ailleurs plutôt des airs de déflation (résultant et étant en partie cause des récessions).
Finalement, il n'y a que deux enseignements à tirer de cela : -> Nous avons besoin de politiciens courageux.
-> Nous avons besoin d'idées innovantes pour des grands travaux qui relanceraient notre économie. Mais au delà de l'argent-roi, la réorientation de notre économie impliquera également la mise en place d'un nouveau cap social. La question n'est donc plus comment rendre notre société plus productive, mais que voulons nous accomplir ensemble?
Mes propositions sur les vélo-dynamo et la production industrielle d'eau en poudre ont, selon moi, l'avantage de proposer une restructuration néo-keynesienne de l'économie, tout en faisant un choix de vie orienté vers la santé publique, la cohésion collective (qui permettrait l'établissement d'une confiance nationale) et l'écologie.
D'autres personnalités proposent d'autres solutions en suivant le même raisonnement. Ainsi, Jacques Cheminade prône une ré industrialisation de la France en vue de la colonisation successive de la Lune puis de Mars grâce à la fusion nucléaire (très avantageux, mais moins écolo tout de même). Je ne prétends pas à l'universalisme et à la sagesse de mes idées, mais elles ont l'avantage de proposer des solutions concrètes à nos problèmes, et de dépasser les bidouillages intellectuels utopiques.
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