CR 80 km du Mont-Blanc 2015
Vu la qualité du suivi live HFR, je me devais de faire un CR détaillé.
Alerte pavé!
Octobre 2014
Ondes de choc, ultrasons, électrostimulation, Ostéo…rien n’y fait…cette foutue tendinite d’insertion de l’ischiojambier, contractée en février pendant la prépa MDP, ne veut pas me laisser tranquille.
C’est décidé, 2015 sera l’année de la randonnée : pas de course sur route mais au moins un trail long.
Novembre 2014
Je motive mon collègue Thomas (qui sera abrégé en T. dans la suite) pour le 80km du MB, le parcours me fait vraiment envie.
On est tirés au sort.
La prépa
Je reprends mollo : 2 séance par semaine en décembre, 3 en janvier, 4 en février et après. Je m’étire énormément les ischios et je gagne pas mal en souplesse (je touche presque mes pieds !). La tendinite me laisse tranquille.
Nouveauté pour moi : un WE choc dans le Pilat avec 5000m de D+ sur 3j. Des courbatures horribles mais je pense que j’ai beaucoup gagné en résistance musculaire.
Je n’ai pas l’occasion d’aller courir dans les alpes, tant pis pour la technique de descente, je me ferai doubler !
Jeudi soir
Contrôle des sac et remise des dossards : aucune queue :love :
La mamie qui s’occupe de moi me dit « je serai au ravito des bois deman » , je lui répond « a demain » .
Vendredi 2h30
Reveil, petit dèj, fail caca.
4h : Montée au paradis
Stratégie habituelle : départ rapide sur le plat pour ne pas bouchonner dans les singles. Merde, y’a pas de plat…bon on court quand même sur la route, on se place bien c’est nickel.
Je me cale derrière deux filles, c’est sympa ces petites jupes de trail.
Deux autres filles les rejoignent. T. me dit qu’on s’est planté de course et qu’on est sur une course féminine.
Il fait frais, ça monte vite mais on est bien .
Au sommet du Brévent je laisse T. et les filles partir, je profite du lever de soleil magnifique sur le Mont-Blanc : rouge, orange, jaune, puis blanc, c’est splendide ! Que j’aime cette montagne !
1er Ravito
Je rejoins T., qui repart direct, pour rester avec les filles (selon lui « elles ont une super technique c’est super intéressant à regarder »). Arrêt rapide : deux minutes.
6h : vol au dessus de la vallée de Chamonix
Sentier en balcon assez roulant jusqu’à la tête aux Vents, je cours pas mal et double quelques mecs. Je rejoins T. qui a laissé les filles partir, trop rapide (la première finira 3h avant nous).
Vue de toute beauté, je vole !
7h30 : première grosse descente en mode escargot
Je sais que ce n’est pas mon point fort, mais là c’est vraiment énervant !
On se fait doubler par une dizaine de mec dans la descente assez technique . Vous avez appelé ça gérer la course, en fait on a été vraiment nuls dans cette première descente.
2ème ravito : le Buet : 7h45.
Contrecoup de la descente, je suis démotivé et je n’ai plus de jus.
Pause plus longue (8 min), on se remotive et on repart regonflés à bloc.
Montée à la Loriaz ; back in the game !
On court beaucoup sur les faux plats montant , on rattrape les mecs qui nous on doublé dans la descente, yessss !
Col de la terrasse : Montée en enfer
Arrivé aux alpages de la Loriaz ca commence à monter vraiment raide. Le col semble être 1000m plus haut alors qu’il doit être à 500m.
Les jambes sont lourdes.
Plus de jus.
On arrive dans la neige, des marches sont taillés, putain qu’est-ce que c’est raide !
On n’avance pas
C’est interminable.
On n’est même pas à la moitié, je me dis que je ne finirai pas la course .
Arrivée au col : vue superbe, on fait 5’ de pause, je discute avec T. qui est autant cramé que moi, c’est rassurant. A posteriori, les sensations merdiques étaient probablement causées par l’altitude, mais on n’y a pas pensé et on avait peur d'avoir mal géré le début de la course.
10h : Descente à Emosson : into thick air
La descente est super sympa, avec des longs passages sur la neige, en ramasse pour les plus agiles , sur les fesses pour moi.
Ca va mieux (probablement l’altitude qui diminue). Le paysage est super sauvage.
10h40 Grosse pause à Emosson (10’-15’), puis descente très raide dans la vallée (le ravito est compté dans ce tronçon et même si on a bien avancé, tout le monde pensait que j’avais un gros coup de mou, mais en fait non !).
11h36 : Fournaise
On arrive dans la vallée il fait vraiment chaud .
Pointage, contrôle des sacs : veste, téléphone, frontale.
On remonte vers le ravitos des Jeurs, RAS, les jambes vont bien mieux qu’au col de la terrasse, on remonte du monde. Je bois beaucoup (isostar dans une flasque, saint-Yorre dans l’autre).
Les jeurs->col des Posettes : le doute m’habite
Le pire tronçon de la course. J’ai beaucoup bu au ravito des Jeurs (coca+saint-yorre+isostar+eau plate) et mon estomac n’apprécie pas du tout. J’ai envie de vomir et je n’arrive plus à boire.
Je me dis que si je ne peux rien boire, la course est terminée vue la chaleur. Je laisse partir T. et j’avance comme un escargot.
15’ de marche , 2’ assis au bord du chemin. Les autres coureurs ont pitié de moi.
J’arrive tant bien que mal au sommet de la tête de la Balme, je m’assois à coté de la bénévole pour essayer de manger un truc. Elle me dit d’un air triste « mais vous êtes encore loin d’être arrivé ». Je déteste quand les bénévole me mente pour me réconforter, mais je déteste encore plus la vérité .
Descente au tour : American Dream
La descente est très belle et j’essaie de me détendre, respiration ventrale, foulée légère. Je double une américaine, puis je fais une pause au bord de le chemin, je la redouble…ça a du se produire 3 ou 4 fois. Elle est sympa et se laisse doubler sans problème, ça devait pourtant être super pénible, mais ça me motivait de la doubler.
14h30 : Ravito du Tour
Mes petites pauses finissent par payer, et au tour mon estomac semble vidangé. Open tuc pour le remplir et j’arrête la Sainte-Yorre.
Je m’enquiers de la distance du prochain ravito (j’ai perdu mon papier avec mes temps de passage avant Emosson), on me dit 10 bornes quasiment plat. Un concurrent me dit qu’on est déjà à 60 bornes, ce que confirme mon GPS, contre 55 km selon l’orga.
On devrait donc faire au moins 87 km en tout. Je m’en fous, je sais que mon GPS (forerunner 305) va bientôt s’arrêter, je ne me rendrai pas compte que c’est plus long que prévu
Le tour ->les bois : Schizophrénie du traileur : coureur ou randonneur ?
10 km avec peu de pente : j’avais identifié cette portion comme un endroit où remonter du monde.
Les coureurs sont espacés, on est dans les bois et le paysage est inexistant.
Le ventre va mieux, les jambes sont plutôt bonnes mais j’ai vraiment la flemme de courir: à quoi bon? je vois personne devant. Le randonneur finis par obtenir un compromis avec le coureur : 10’ de course, 2’ de marche. Ca marche pas trop mal, j’avance à environ 9 km/h de moyenne et je remonte quelques personnes.
16 h les bois : je bois, bois, bois…
Deuxième contrôle des sacs.
Je retrouve la mamie de la veille qui est toute contente de me retrouver. Elle s’occupe de moi avec une gentillesse incroyable, me verse de l’eau sur la tête (il fait vraiment chaud) et plaisante avec moi. Je demande si elle a des tickets pour le train du Montenvers. Elle me répond que la gare est à Chamonix et que j’irais plus vite à pieds. Mensonge, mais on va faire semblant d’y croire. De toute façon Ca né Pa fairplay d'utiliser les remontées mécaniques.
Je retrouve T. à ce ravito. Parfait , on finira ensemble!
Ma montre GPS choisit ce moment opportun pour s’arrêter.
Montée au Montenvers : quand est-ce qu’on arrive ?
828m de D+.
En début de course ça aurait pris 50’. Ca prendra 1h33.
Je suis cuit. Complètement cuit. Je suis T. comme un zombie. T me réconforte avec des phrases du genre « 500m/h à l’altimètre faut qu’on accélère ». Nooooon : pas d’accélération.
Merde, je suis pire qu’un randonneur Annecéen .
Je n’arriverai jamais au ravito .
Je dégaine l’arme de la dernière chance : un gel GU Vanilla Bean. Hmmm c’est bon !
C’est interminable.
Putain de forêt on ne voit rien !
On sort des bois : c’est beau la mer de Glace. Quoi ? On ne passe pas dessus ? Je voulais enjamber les crevasses comme Kilian. Zut.
17h30 Ravito du Montenvers
Bon, on ne fera pas moins de 15h.
On est que tous les deux au ravito : le luxe. J’installe une chaise à coté du ravito et je commande un coca : royal.
Une horde de 5 traileurs assoiffé de sang arrive, dont un qui ne s’arrête même pas au ravito.
T. me dit qu’on doit partir.
Fait chier.
Traversée Montenvers-Plan de l’Aiguille : je vole !
Sentier en balcon magnifique. J’avais repéré ce passage comme roulant sur le profil, alors je passe devant et je cours : il suffit de se programmer à l’avance en fait. J’ai l’impression d’aller super vite, pourtant le suivi live me dit 4,5 km/h de moyenne….foutu ravito du Montenvers.
18h40 : Ravito du Plan de l’aiguille
Bon ça ne sert à rien de remplir les flasques. On reste 2 min max. Chamonix est juste en bas, 1200m plus bas.
Descente à Cham : Liquidation totale : toutes les fibres musculaires doivent disparaitre !
Je reste devant et je descends à fond. C’est roulant, pas trop de cailloux, ça déroule, le pied !
On double 3 gars. Haha, ça fait moins les malins que dans la première descente !
On est des Dieux de la descente !
Point de coté.
Aie.
T. passe devant, ralentit le rythme, je m’accroche.
On double l’Américaine, cette fois c’est la bonne !
Final à Chamonix
On arrive dans la rue piétonne de Chamonix qui est remplie de monde. On nous applaudis, on nous acclame, on hurle nos prénoms !
L’impression d’être Kilian Jornet à l’arrivée de l’UTMB.
Ça donne envie de chialer.
C’est interminable mais qu’est ce que c’est bon, je voudrais que ça dure des heures.
Un virage, l’arche est là : c’est fini.
On est cramé, mais heureux.
Quelle aventure !