Citation :
Une nouvelle polémique concernant Benoît XVI vient d’être « tentée » ces derniers jours par certains médias français et belges. A la base, un article du Spiegel (« Schmutzige Hände »), publié le 16 mars 2009 et relayé le 3 avril par le site Golias, puis, à partir du 7 avril par le site de « l’Express » (1), de « La libre Belgique » (2) et de nombreux blogs.
De quoi s’agit-il ?
Fin 1995 (début 1996 pour la version française), le cardinal Ratzinger publie dans la revue communio un article intitulé « « Freiheit und Wahrheit » (Liberté et vérité). Ce texte ne comprend rien de scandaleux ou de « suspect » et n’a d’ailleurs pas retenu l’attention des médias à l’époque. Mais le 16 mars dernier, Gunther Latsch, dans un article publié par Der Spiegel, rappelle que cet article a ensuite fait l’objet en 1998 d’une republication dans une revue intitulée « 1848 – Erbe und auftrag ». (1848 – héritage et mission). Il s’agissait d’un numéro spécial, édité par le magazine d’extrême droite « Aula ». Ce magazine avait, trois ans auparavant, publié un article en faveur d’un auteur négationniste. Les accusations de Der Spiegel portent sur le fait que Joseph Ratzinger aurait été au courant de la republication de son article « Liberté et vérité » et l’aurait autorisée, sachant que ce numéro spécial était publié par une maison d’édition d’extrême droite. A l’appui de cette thèse, Der Spigel publie un extrait de la correspondance du secrétaire du Cardinal, Mgr Joseph Clemens, où celui-ci autorise, au nom de Joseph Ratzinger, la reproduction de l’article. D’après l’express, le titre de l’article dans cette republication de 1998 serait devenu « critique de la démocratie ».
Que peut-on retenir de cette nouvelle "affaire" ?
1) L’article du cardinal Ratzinger ne comprend rien de répréhensible. Ce n’est pas la première fois qu’un auteur analyse les défauts inhérents au système démocratique (cf. Tocqueville et nombre de politologues enseignés dans les meilleures universités). Le contenu de ce texte n’a jamais fait scandale, alors que, suite à l’élection du pape et même bien avant, des milliers de journalistes n’ont pas manqué d’éplucher tous les écrits du cardinal Ratzinger.
2) L’argumentation de Der Spiegel repose sur une lettre du secrétaire du cardinal, envoyée au rédacteur en chef de l’époque de Aula (G. Reisegger). C’est donc par ce rédacteur en chef, ou par le magazine lui-même, que Der Spiegel s’est procuré cette correspondance. Qu’est-ce qui prouve l’authenticité et l’exhaustivité de cette correspondance fournie par des milieux d’extrême droite ? On se souvient que le magazine Stern avait publié en 1983 des extraits d’un soi-disant journal d’Hitler qui avait été repris partout dans le monde avant d’être reconnu comme faux.
3) L’ouvrage collectif publié par Aula s’intitulait: « 1848, Erbe und Auftrag “. Or il se trouve qu'il existe une inoffensive revue bénédictine qui s'intitule elle aussi "Erbe und Auftrag" dans laquelle des évêques et cardinaux ont déjà été publiés. Le secrétaire du cardinal a pu être induit en erreur par cette confusion. Croyant qu'il s'agissait de la revue bénédictine, il aurait donné son accord. Si cette hypothèse est exacte, la revue « 1848, Erbe und Auftrag » a été créé à cette fin, intentionnellement, afin d'obtenir un texte du cardinal. Ce ne serait pas la première fois que l'extrême droite utilise ce procédé pour s'agréger abusivement des penseurs en dehors de son camp. Combien de personnalités publiques, publiant pendant des années, ont été pareillement abusés par des collectifs factices qui voulaient obtenir leur accord sur tel ou tel point. 4) Le Cardinal Ratzinger a énormément publié et été abondamment republié et cité. Cette republication d’un article dans un journal d’extrême droite est marginale dans cette immense production. Si elle a été autorisée, faute de vigilance, par son secrétaire, cette erreur ne dénote pas une intention du cardinal d’être présent dans des revues d’extrême droite. Si telle était vraiment son intention, le cardinal aurait alors donné son accord à d’autres publications dans d’autres journaux. Or, ce cas est isolé et est sans doute dû à une négligence dans le suivi du dossier. On peut difficilement tout contrôler de façon parfaite, surtout en matière de republication.
5) Benoît XVI, a mainte fois dénoncé le nazisme, le négationnisme et l’anti-sémitisme. Cette attitude cohérente et sincère semble gêner certains journalistes qui voudraient à tout prix qu’il soit catalogué comme complice de l’idéologie nazie. D’où la publicité actuelle donnée à cette republication de 1998. De nombreux journaux et blogs ont repris l’information en cascade, sans vérification des sources, et avec des raccourcis aberrants comme « quand Benoît XVI faisait des piges chez les fachos ».
Ce scandale ne devrait pourtant pas faire long feu. L’article de Der Spiegel date du 16 mars et n’a guère eu de répercussions immédiates. Il faut dire aussi que le 17 mars commençait la polémique sur la promotion du préservatif. Certains éditorialistes se sont peut-être réservé le sujet pour rallumer l’incendie quand cette polémique sur la pandémie du sida ne ferait plus l’actualité. Ainsi, via des coups médiatiques et des informations traitées de façon partisane (affaires Williamson, celle de Recife, puis le sida, puis celle-ci), on entretient un scandale permanent contre le pape et l’Eglise.
Mais si cette affaire a eu cette fois si peu d’échos, c’est sans doute pour une raison très simple : l’article « Liberté et vérité » du cardinal Ratzinger évoque, de fait, à la suite d’une critique du communisme, l’idéologie nazie (nationale socialisme). Et c’est pour dire :
"Néanmoins, le fait que le système marxiste n'a pas fonctionné comme promis est manifeste pour tous. Personne ne peut encore sérieusement dénier que cet apparent mouvement de libération était, avec le national socialisme, le plus grand système d'esclavage de l'histoire moderne"
"Nevertheless, the fact that the Marxist system did not function as had been promised is plain for all to see. No one can still seriously deny that this ostensible liberation movement was alongside National Socialism, the greatest system of slavery in modern history. " (Spring 1996 issue of "Communio: International Catholic Review" ).
Voilà en tout cas un passage qui méritait d'être republié ici. On comprend mieux pourquoi cette polémique n'a pas fait long feu en Allemagne. Le texte du Cardinal comportait déjà, comme en miroir des accusations portées contre lui, une critique claire et sans ambages du nazisme. Dommage que Der Spiegel (« Le miroir ») et quelques autres, ne s’en soient pas aperçus plus tôt.
1 L'express : "Nouvelles révélations embarrassantes pour Benoît XVI "
2 LLB : "Une découverte embarrassante pour Benoît XVI "
|