Bonjour,
Je suis tombée par hasard il y a peu sur cette discussion alors que je recherchais quelque chose sur le syndrome. M'étant informée depuis un certain temps sur la question, suite à la découverte qu'un ami l'avait, j'ai pu m'apercevoir que quelques données divulguées dans ce forum semblait erronées.
Tout d'abord, j'aimerais revenir sur le tout premier message, qui a débuté la conversation. Les symptomes "majeurs" avancés me semblent largement restrictifs, pour ne pas dire qu'ils faussent totalement l'aperçu du syndrome. En effet, si le premier est tout à fait correct (difficultés sociales, problèmes de dialogue, incompréhension, risque de moquerie qui, soit dit en passant, n'est pas obligatoire), et même si le dernier garde une "bonne idée", le reste n'est pas du même niveau...
Pour ce qui est des grosses difficultés à l'école, cela dépend beaucoup des cas. Pour un certain nombre (les cas les plus profonds probablement), il y a effectivement nécessité d'un suivi scolaire particulier, voire d'une insertion spéciale. Mais pour d'autres - et j'ai ici l'exemple de la compagne de Gilles Tréhin, dont on entend de temps en temps parler dans "le milieu de l'autisme" du fait de ses splendides dessins et de son syndrome d'Asperger, qui a poursuivi ses études jusqu'à bac+8 en mathématiques -, ce n'est pas du tout aussi flagrant, et c'est même faux. Ce n'est absolument pas systématique, loin de là.
Pour ce qui est de l'expression orale, il n'y a pas forcément non plus de "troubles" à proprement parler. On souligne souvent une voix monotone, sans intonation, une rapidité particulière, mais ce ne sont pas des troubles du langage (dyslexie, dysphasie, dysorthographie, bégaiement...). Il peut y en avoir certes, mais c'est là encore loin d'être systématique. On trouve même souvent que les "aspies" (c'est ainsi qu'ils se nomment eux-mêmes), du fait de leur grand vocabulaire et de leur élocution, paraissent pédants ou hautain, ce qui va plutôt à l'opposé l'impression provoquée par un individu bégayant.
Pour ce qui est de la motricité par contre, c'est vrai qu'on retrouve aussi des formes de dyspraxie. Les aspies sont extrèmement sensibles, non seulement au toucher mais aussi pour un grand nombre à la lumière (photophobie) et au son (photophonie).
Le SA est aussi et extrèmement marqué par le désir d'immutabilité, une sorte de néophobie extrème, qui rendent les
aspies qui sont confrontés à des situations nouvelles très mal à l'aise (voire peut leur faire avoir des "crises" etc...)
On souligne aussi souvent les "balancements" caractéristiques de l'autisme, mais il ne me semble pas qu'ils soient obligatoires.
Juste un mot à propos d'une phrase écrite par the_bhaal : "L'Asperger passera plutôt pour un génie auprès des autres, tandis que l'autiste passera pour un malade".
A mon avis, ce n'est pas tout à fait exact. Il existe des autistes qui possède ce qu'on appelle "le syndrome du savant", qui ont une mémoire qui peut véritablement épater, ou bien qui sont capables de multiplier ou diviser des nombres à 6 chiffres en 2s, ou de savoir quel jour était une date donnée etc... Ce sont des phénomènes que l'on retrouve chez des individus psychotiques, et cela n'a rien à voir avec du génie, évidemment, mais ces aptitudes "prodigieuses" peuvent, aux yeux des gens les entourent, faire passer les autistes pour des génies.
Cette phrase me permet aussi de rebondir sur l'intervention à plusieurs reprises du terme de "génie" que j'ai vu distillé tout au long de la conversation. Il ne faut pas considérer le fait d'être Asperger comme si c'était celui d'être un génie en puissance ! (Certains l'ont précisé, d'ailleurs) Dans de nombreux cas (et surtout les plus profonds) du syndrome, l'intérêt sur lequel se fixe l'aspie est de l'ordre de "connaître les heures de tous les bus qui passent par l'arrêt X" ou
"connaître toutes les capitales du monde" ou encore "connaître les horaires d'ouvertures de tous les magasins du centre ville", etc... En bref, des données brutes, qui ne nécessitent aucune intelligence mais une excellente mémoire. Rien à voir avec le génie. Pour les Asperger qui se passionnent pas des sujets "plus intellectuels", comme l'astronomie, la paléontologie, les mathématiques, l'histoire etc..., évidemment, ils finissent par devenir de
véritables encyclopédies vivantes, mais là encore, rien d'autre qu'une mémoire performante. Sans vouloir rentrer dans les détails d'une longue réflexion, le génie se définit quand même (il suffit de citer Léonard de Vinci, Albert Einstein, Pablo Picasso tout simplement pour s'en apercevoir) par un apport créatif, ce qui n'est pas le lot de tous les Aspergers, loin de là, et évidemment.
Bien entendu, cela n'est pas non plus antinomique, il est tout à fait possible d'être un génie en étant Aspie.
D'ailleurs, je voudrais préciser quelques petites choses à propos de ces grands hommes dont on peut lire sur internet qu'ils étaient atteints du syndrome d'Asperger. Celui auquel on attribue le plus souvent ce caractère était Einstein. Cela est faux. J'ai lu récemment un article qui démontrait par des faits tangibles, des éléments biographiques, que tous les troubles dont on accable habituellement ce pauvre Albert (peut-être pour se rassurer ?) ne sont pas fondés, et encore moins le SA. Pour la plupart des génies cités, on ne se base que sur des faits
inexacts à mon sens, car après lecture de différentes biographies, rien de particulièrement aspie ne transparaissait... Enfin, il y a aussi souvent confusion entre une personnalité schizoïde et le SA, qui se manifestent tous les deux par une certaines "froideur" apparente (mais l'aspie ne sait pas exprimer ses sentiments, tandis que le schizoïde aura plutôt tendance à être en réalité complètement détâché émotionnellement) et que ce sont des personnes très solitaires. L'exemple le plus marquant est celui de John Nash, qui avait bien sûr une personnalité très schizoïde (est devenu schizophrène par la suite) et qu'on affiche comme SA sur certains sites... (Si des psychiatres ayant lu "Un esprit d'exception" peuvent m'apporter la preuve formelle que John Nash avait bien le SA, je serais tout à fait curieuse de les entendre, soit dit en passant)
Cette confusion m'ammène à discuter de la "différence" entre autiste et Aspie. The_bhaal me semble encore faire une erreur lorsqu'il déclare que les aspies ne sont quasiment pas détectables (contrairement aux autistes) et que ce ne sont qu'eux-mêmes qui sont capables de le faire, et c'est pourquoi on peut faire la distinction.
C'est absolument faux. Grand nombre d'aspies se font détecter dans l'enfance, ce qui prouve bien que ce n'est pas un syndrome indétectable. Bien sûr, un certain nombre aussi finissent par se reconnaître dans certains traits sans qu'on ne les ait jamais étiquettés "Syndrome d'Asperger", soit parce que leur trouble n'était pas assez développé, soit parce qu'il n'a pas posé de problèmes en milieu scolaire (sinon sociaux, mais les instituteurs et les parents peuvent très bien croire qu'il ne s'agit que de timidité ou d'absence de désir de s'intégrer), soit encore pour d'autres raisons. En fait, il convient absolument de savoir nuancer l'autisme : de plus en plus, on tend à le considérer comme un spectre (certains y font même entrer les Troubles déficitaires de l'Attention avec ou sans Hyperactivité (TDA/H), qui présentent en apparence des points communs avec l'autisme ou le SA). De ce fait, ce n'est pas "on est autiste ou on ne l'est pas", il existe plusieurs niveaux. Si le SA très léger peut effectivement s'apparenter à quelque chose d'indétectable finalement relativement éloigné de l'autisme, le "vrai" SA, celui qui est assez profond, est indéniablement une forme d'autisme. D'ailleurs, s'il était indétectable, on n'aurait pas établit des échelles dans le DSM-IV rubrique "Troubles Envahissant du Développement" (TDD envahissant) pour le détecter...
D'ailleurs, je crois que the_bhaal oublie de mentionner l'existence d'autistes de haut niveau (high functionning autists ou HFA), alors qu'il est en réalité très difficile de différencier les HFA des SA, la confusion est très souvent faite et à juste titre. Ainsi, les différents facteurs qui entrent en compte sont pour le SA par rapport au HFA :
- un déclenchement habituellement plus tardif (pour mémoire, il me semble que l'âge d'apparition de l'autisme survient vers 1 an et demi)
- pronostic plus positif (c'est-à-dire qu'il y a plus de chances "d'évolution" au sens social du terme)
- moins handicapé socialement et communicativement (mais il faut voir d'où on part, c'est tout le problème)
- intérêts limités plus importants
- pas de troubles dans l'apprentissage du langage (alors qu'il y en a souvent pour les autistes de haut niveau, ou un développement plus tardif du langage)
- un QIV (quotient intellectuel verbal) supérieur au QIP (de performance) (c'est plutôt le contraire chez les autistes, mais là encore il existe aussi bien pour le SA que pour le HFA des cas qui ne rentrent pas dans ce critère)
- maladresse plus fréquemment présente
- antécédents familiaux plus fréquents
- troubles neurologiques moins fréquents
En clair, sans doute un peu moins "autistique" que l'autisme pur (même de haut niveau), mais peut être quand même sérieusement profond.
D'autre part, la notion de QI supérieur pour le SA n'implique pas forcément une haute intelligence. Sachant que le QI moyen d'un autiste (pur, pas HFA) est de 70, ça veut dire qu'on peut être aspie à partir de 70 de QI ? (je rappelle qu'un QI normal se situe entre 85 et 115, ce qui signifie qu'on est entre 70 et 85 atteint théoriquement d'une légère débilité, ce qui NdlR revient d'ailleurs encore une fois sur le prétendu "génie" des SA) Dans les
faits, on considère que les aspies ont un QI>90, mais on retrouve un certain nombre de surdoués (QI>130).
De plus, historiquement, le SA et l'autisme sont très apparentés. On trouve dans les livres qui traitent de l'autisme que Léo Kanner (pionnier de la découverte des "psychoses infantiles précoces" ) a fait des observations en 1943 très proches de celles qu'a pu faire Hans Asperger en 1944, à la différence près que les sujets examinés d'Asperger avaient acquis le langage, contrairement aux autistes de Kanner. C'est d'ailleurs la principale différence qu'on fait entre le SA et l'autisme, mais cela n'est pas très cohérent car l'autiste de haut niveau développe lui aussi le langage et on l'appelle encore "autiste", ce qui réduit encore la différence entre HFA/SA.
Pour ce qui est du livre de Mark Haddon, que j'ai lu, je ne sais pas bien s'il s'agit d'autisme de haut niveau ou de syndrome d'Asperger, je le répète, malgré les quelques éléments que j'ai cité plus haut, la différence est vraiment ténue pour les moyens ou profonds aspergers.
Les arguments de the_bhaal pour avancer qu'il s'agit d'un autiste "pur" (ça, en soit c'est faux, il est trop intelligent pour être un autiste "pur" ) sont inexactes. Si le SA peut montrer ses colères par de violentes crises - comme les autistes soit dit en passant - - et c'est d'ailleurs ce que fait le protagoniste du livre - pendant l'enfance, il n'en est pas moins incapable de comprendre ses sentiments et émotions ainsi que celles des autres, d'où la nécessité de lui apprendre à les reconnaître par les smileys par exemple comme dans le livre. (je vois que ces messages datent d'un an, entre temps peut-être as-tu lu le livre, the_bhaal ?)
Je vois que de nombreuses personnes se "découvrent" SA sur ce site... Il est probable qu'il y en ait effectivement qui soient réellement atteints de se syndrome. Cependant, la détection du syndrome d'Asperger "en autodidacte" peut aussi être faussée par de nombreux paramètres il me semble. En effet, la dépression par exemple, renferme le sujet sur lui-même, lui fait rejeter les autres, le rend hyper"sensitif", ce qui peut l'apparenter à une forme d'autisme (d'ailleurs peut-être faudrait-il distinguer l'autisme "inné" ou pseudo-inné (je ne veux pas prendre position dans le débat) de l'autisme "acquis" dans certaines schizophrénies voire certaines dépressions). D'autre part, le fait d'avoir une quelconque dyspraxie ou un TDA/H peut vraissemblablement évoquer aussi le problème. Enfin, de nombreux paramètres des enfants intellectuellement précoces rentrent dans les critères du SA, sans que c'en soit pour autant (notons néanmoins qu'on estime à 10% le nombre d'EIP avec troubles d'ordre autistiques (j'imagine même légers)).
Alors si on est dépressif, EIP, légèrement dyspraxique et qu'on a un trouble de l'attention (ce n'est pas si rare que ça peut le paraître), le diagnostique du syndrome d'Asperger est facilement faisable...
De même, les tests qu'on peut trouver sur internet sont assez bidons. J'ai moi-même fait un score de 36 d'AQ (autistic quotient) alors que je ne le suis pas, et c'est le cas de quand même quelques personnes de mon entourage.
C'est vrai que j'ai un certain nombre de caractères, mais c'est loin d'être "pathologique", il faut savoir faire la distinction.
On peut très bien ne pas avoir de fol attrait pour les bains de foule et les relations sociales de manière générale, sans être autiste pour autant.
Néanmoins bien sûr, mon ami SA a fait un haut score à ce test, donc il garde quand même une certaine crédibilité dans le sens où les SA ont globalement un score élevé (mais la réciproque n'est pas vraie).
J'ai l'impression que ce syndrome d'Asperger, tout à fait fondé pour les "vrais" cas profonds, ou même moyens, tout dépend de comment il est géré et probablement aussi de la date de détection, pour lesquels il va y avoir une véritable incidence s'ils ne sont pas aidés, lorsqu'il est très léger peut très bien se passer d'être diagnostiqué (ou pseudo-diagnostiqué, reste à savoir quand débute l'anormalité par rapport à la normalité !), mais qu'en ce moment on a tendance à vouloir donner un nom à tous les traits de personnalité humains, d'où un abus dans la détection "autodidacte" du SA. Ce n'est pas parce qu'on aime mieux être seul qu'on est pathologique, comme ce n'est pas parce qu'on est un peu rêveur qu'on a forcément un TDA (mais quand on l'est profondément là ça devient pathologique), comme ce n'est pas parce qu'on est un peu agité qu'on est hyperactif... On veut tout caractérisé, d'une fait d'une société normative, alors que parfois la différence entre les gens résulte simplement... de leur personnalité ! Une sorte de "syndromatisation" permanente pour tout ce qui a trait au caractère...
S'il y a une explosion de pseudo-aspies, c'est peut-être aussi parce que les gens cherchent absolument (et particulièrement à l'adolescence) à se trouver un "groupe d'appartenance", sans que ce ne soit toujours véritablement fondé...
Ainsi, pas étonnant que les chiffres de ton sondage soient aussi hauts...
Peut-être aussi, au même titre que de nombreuses maladies mentales (le terme, j'en conviens, n'est pas particulièrement approprié), le SA est "ces derniers temps" en hausse, ou bien tout simplement mieux détecté...
Néanmoins, et encore heureux pour la diversité de l'espèce humaine, le syndrome d'Asperger existe, peut être détecté très jeune mais aussi tardivement (l'ami dont je parlais a 18 ans), et j'espère qu'on aura un jour des structures plus adaptées pour les accueillir et leur permettre de mieux s'intégrer dans notre société.