Abordons un nouveau chapitre titré :
L'URSS, une alliée traitée en ennemi principal: des fantasmes finlandais au délire du bombardement de Bakou. (p.509-519)
La fermeté intérieure contre les rouges eut pour corollaire la frénésie contre l'Union Soviétique, qui fut contre toute vraisemblance militaire érigée en ennemi principal.
Palasse, Naggiar, et l'URSS alliée: une inacceptable position « britannique .
La correspondance de Palasse et de Naggiar postérieure à la déclaration de guerre vient à l'appui de la thèse de Roberts prêtant à l 'URSS une longue hésitation sur la position à prendre à propos de la Pologne et imputant à « l'improvisation sa ligne d'incorporation des Etats baltes non pas dans le système soviétique mais dans la sphère d'influence soviétique. »
[…] « L'URSS exerce actuellement une certaine pression sur les Etats Baltes dans le seul but de s'octroyer des points stratégiques de premier ordre pour contrecarrer la poussée allemande vers l'Ouest2. La Russie soviétique se rangera bientôt aux côtés de démocraties pour abattre l'hitlérisme et son attitude actuelle est une préparation d'une action future contre le Reich.3 »
[…]
L'ambassadeur Naggiar tire du discours de Mr Molotov, au Soviet Suprême, le 31 octobre, créditant l'URSS « d'avoir empêché l'extension de la guerre à l'Europe danubienne et balkanique », les conclusions suivantes:
«1°) Les pronostics faits par Mr Ribbentrop lors de son dernier séjour à Moscou, au mois de septembre, quant à un nouveau développement des relations germano-soviétiques, ne se sont pas réalisés. L'URSS reste dans la neutralité;c'est dans le domaine économique que les relations avec l'Allemagne se développent.
2°) L'URSS considère que l'acquisition de l'Ukraine et de la Russie blanche est définitive. Pour les dirigeants soviétiques, c'est la question essentielle qui déterminera l'attitude de l'URSS dans l'avenir.
3°) Tout en s'irritant des résistances de certains pays voisins, qu'elle voudrait traiter en vassaux (la Finlande et la Turquie), l'URSS évitera de recourir à la force, ne pas compromettre la position de puissance pacifique où elle s'est installée.
4°) L'URSS est prête à faire l'effort nécessaire pour avoir la paix en Extrême-Orient4.
Bref l'attaché militaire et l'ambassadeur à Moscou défendirent, à l'automne 1939, une ligne proche de la ligne officielle britannique décrite par Charles Corbin, mais plus sincère. Car l'association City-Cabinet ne renonça pas à la politique des deux fers au feu, de « guerre limitée et de recherche d'une paix de compromis » avec le Reich, malgré l'énergie anti-allemande affichée par le cabinet de guerre cosmétique incluant Churchill.
Critique:
1°) Déjà le titre du paragraphe : L'URSS, une alliée traitée en ennemi principal ...
Le chapitre traitant des débuts de la guerre, donc de la période post-pacte germano-soviétique d'août 1939, sa formulation est paradoxale ...comment un pays ayant signé un pacte de non-agression (et bien plus en fait !) avec le Reich hitlérien pourrait être considéré comme un allié par les franco-anglais ? Déjà, avant la guerre, l'URSS n'était pas dans les petits papiers des démocraties occidentales, alors après la signature du pacte germano-soviétique … Ici, bien sûr, on peut voir, clairement, la militante Annie Lacroix-Riz qui joue avec les mots pour faire apparaître l'URSS comme une victime, signataire du pacte germano-soviétique mais encore alliée des puissances occidentales ! Hilarant !
2°) Concernant les Etats baltes, la politique de l'URSS relève de tout, sauf de l'improvisation, les faits sont plutôt clairs !
A part la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie avaient été expressément définis comme pays faisant partie de la sphère d'influence soviétique, lors du Pacte germano-soviétique. Quant à la Lituanie, ce pays fut l'objet d'une négociation entre Staline et Ribbentrop. Le 27 septembre 1939, le Ministre des Affaires Etrangères allemand vint à Moscou pour régler la partition de la Pologne. Les soviétiques exigèrent alors qu'il n'y ait aucune reconstitution de l'Etat Polonais, ce que l'allemand accepta, bien que cela privât l'Allemagne d'un atout majeur pour de future négociations avec les alliés en vue d'une paix (Paix qui aurait été le souhait d'Hitler, notamment avec la Grande-Bretagne. Mais ces derniers auraient de toute façon demandés la reconstitution de la Pologne, ce qui fut leur leitmotiv durant toute la guerre), et ils demandèrent au Ministre teuton la cession de la Lituanie à la sphère soviétique en échange d'une grande partie de la Pologne centrale qui avait été attributée aux soviétiques par le pacte du 23 août. Si Hitler fut choquée par la demande, puisque des minorités allemandes habitaient la Lituanie, il accepta pour ne pas se quereller avec les soviétiques alors qu'il devait désormais concentrer ses troupes sur le front Ouest.(source Ribbentrop, par Michael Bloch, p.440)
Le traité de bon voisinage et d'amitié germano-soviétique, accompagné d'une carte détaillée et de trois protocoles secrets, fut signé à 5 heures du matin, le 29 septembre 1939.
3°) Quant au fait de dire que l'URSS préparait une guerre contre le Reich, rien, dans les faits, ne va dans ce sens, le nouveau traité signé avec l'Allemagne, le 29 septembre 1939 prouvait bien le contraire ! D'ailleurs, jusqu'en juin 41, l'URSS n'avait montré aucune velléité contre le Reich, se concentrant, surtout, de signer de nouveaux traités de commerce avec l'Allemagne, comme début 1941 et d'annexer les anciennes provinces russes de l'Empire tsariste perdues lors de la révolution (A part la Bukovine du Nord, qui n'avait jamais fait partie de l'Empire). La thèse de Suvorov, alias Rezun, dans son Brise-Glace, comme quoi Staline s'apprêtait, en 1941, à attaquer le Reich, si elle est intéressante sur le papier, ne repose que sur des hypothèses et des spéculations de l'auteur, voire des déformations mises en valeur par de nombreux historiens, mais la thèse renaît souvent de ses cendres, dernièrement avec Albert L. Weeks, auteur de Stalin’s Other War. Soviet Grand Strategy, 1939-1941, Rowman & Littlefield Publishers (2001 et 2003) .
4°) Quant au discours de Molotov, Annie Lacroix-Riz reprend les morceaux qui l'arrangent, en insistant sur la phrase comme quoi l'attitude de l'URSS aurait évité l'expansion de la guerre à l'Europe danubienne et balkanique, ce qui est une foutaise, vu qu'Hitler, de toute façon, la Pologne battue, voulait se concentrer contre la France !! D'ailleurs, à part la Yougoslavie et la Grèce, toute l'Europe danubienne et balkanique était désormais dans l'orbite du Reich.
Par contre, dans ce fameux discours, du 31 octobre 1939, le commissaire du Peuple aux Affaires étrangères se réjouissait de la disparition de la Pologne, rejeton monstrueux du Traité de Versailles ...et faisait l'éloge de l'Allemagne ...deux passages occultés par Annie Lacroix-Riz ...
5°) L'association City-Cabinet dont parle Annie Lacroix-Riz est typique du discours conspirationniste, qui consiste à créer des expressions reliant deux entités, pour créer un effet de collusion, sans, évidemment, rien prouver, mais créant un doute ! Quant à la fameuse paix de compromis recherché par les anglais dès octobre 1939, l'historienne n'approfondit pas et ne source rien, une hypothèse de plus lancée à blanc aux lecteurs ...juste pour diaboliser les démocraties.
Conclusion: On a ici une méthode digne de 1984, où on inverse les rôles de manière astucieuse ...l'URSS, qui a signé le pacte germano-soviétique, en août 1939, pacte renforcé par un nouveau Traité germano-soviétique du 29 septembre 1939, serait en fait l'alliée naturel des démocraties et aurait évité une extension de la guerre en Europe danubienne et balkanique alors que les Franco-Anglais, en guerre contre le Reich, seraient en fait pas très clairs et voudraient, avec l'aide de la City, faire une paix de compromis avec les allemands ...
On y croit très fort, à ta thèse, Annie ! 
Message édité par Tietie006 le 31-03-2011 à 12:42:26
---------------
L'arrière-train sifflera trois fois.