Aigoual | ninichade a écrit :
Bonjour à tous,
j'écris pour faire part de mon expérience et peut-être aider certains jeunots qui verront dans mes commentaires des conseils de bonne augure.
Je suis ingénieur diplomé d'une école de catégorie 1. Mes études m'ont globalement plu et aujourd'hui, j'envisage de faire un cycle enspm pour ensuite aller bosser chez un constructeur automobile avec un salaire correct: 41 keuros.
J'ai choisi de faire prépa parce que ça me semblait une voie toute naturelle et qu'au fond je n'avais aucune idée de ce qu'était vraiment un ingénieur. Mon objecif était de faire un boulot intéressant et bien payé.
Me voilà au bout de mes études et là, c'estla grande désillusion:
1. le boulot d'un ingé (et même autre cadre en entreprise) est globalement peu intéressant avec un max de temps passé derière son pc et quelques réunions chiantes. J'insisite encore une fois, il y a très peu de rapports humains comme peuvent le proposer des métiers comme avocat ou médecin. Même enmarketing, les gens sont derrière leur pc plus de 70% du temps!!!!
2. les salaires. Là je rigole. Nos salaires sont ridicules à côté de ceux des avocats ou autres médecins, je n'ose même pas parler des spécialistes. Finalement, on est ridicule à comparer des salaires entre 35 et 40keuros alors que les médecins tournent autour de 100keuros et ce dès qu'ils sont installés. J'ai l'impression que les ingénieurs sont très intéressés par l'argent (contrairement aux médecins ou avocats) et paradoxalement, on gagne très peu par raport à ces métiers. Pour finir, je passerai par la case chomage qui arrive à bcp d'ingé vieillisant et dont les médecins ou avocats sont épargnés.
Pour moi, c'est un peu tard et je pense que cela va être difficile de me reconvertir car il ma faudrait au moins 5 nouvelles années d'études pour droit et 7 pour médecine. Mais, je m'adresse aux élèves de lycée qui pensent que les grandes écoles amènent aux fonctions les plus prestigieuses. C'est un leurre et l'université est bien la voie qui mème aux carrières les plus rémunératrices et même les plus intéressantes avec des contacts humains très forts et où on se sent vraiement utile.
Qu'en pensez-vous ingénieurs de tous horizons? Y a t-il quelqu'un qui pense comme moi?
|
Bonjour, Bah mon pauvre vieux, le moins que l'on puisse dire est que tu as un coup de blues... mais je ne suis pas loin de partager ton analyse du métier d'ingé. J'ai une formation assimilable à la tienne, et mes premières expériences de l'industrie ne correspondent pas vraiment à l'idée que je m'en faisais. Passionné d'automobile, de design et par le Produit, j'avais une vision que je qualifierais de "romantique" du métier d'ingénieur. Je pensais qu'il s'agissait d'un métier de passionnés, alliant l'exigence de la perfection technique, de l'excellence du concept et de l'ingéniosité de la conception... Concrétement, les premières expériences que j'ai du boulot de l'ingénieur ne coincident pas franchement avec cette vision idéalisée. Il s'agit surtout de raboter le coût d'obscurs composants techniques de quelques pourcent chaque années, soit en affinant toujours plus la conception par des logiciels hyper-conviviaux , soit en révisant le process pour limiter l'emploi de main-d'oeuvre. Avec en guise d'épée de Damoclès la délocalisation progressive de l'ensemble de nos bonnes usines franchouillardes, et la tragédie sociale qui s'ensuit en particulier pour les opérateurs, si la baisse de coût autorisée par la reconception sans cesse reconduite ne suit pas une progression assez rapide. Incidemment, en souscrivant à cette démarche, chacun participe ainsi à la croissance effrenée de la production mondiale , à l'émission de saloperies toutes plus nocives les unes que les autres dans l'atmosphère, les sols et l'hydrosphère ainsi qu'au saccage des ressources énergétiques et naturelles de notre malheureuse planète. Et quand vous vous apercevez que la tendance lourde de l'industrie que vous avez choisie (en l'occurence l'automobile ) est de s'éloigner toujours davantage de la conception que vous avez de cet objet, et que les marketeurs demandent à l'insignifiant rouage que vous êtes de bidouiller des véhicules toujours plus obèses, dénaturés et suréquipés , (Chapman, reviens! )vous commencez à vous dire que vous passez complètement à coté de votre existence. Bien sûr, on peut toujours essayer de se dire qu'en mettant sa manière d'appréhender la réalité et sa faculté de jugement en pause, il y a des chances que cela passe, et que 30 ans plus tard il y ait d'importantes chances que l'on soit chef de service ou directeur dans le même bureau d'étude. Si le BE n'a pas été délocalisé entre temps, il sera alors question, ironie mordante, de pressuriser les ingés pour qu'ils réduisent le coût des pièces... Mais cela me rappelle une fameuse nouvelle de Dino Buzzatti: à quoi bon vivre si intérieurement on est mort, ie que l'on a renoncé à nos valeurs, nos convictions et ce qui fait notre spécificité? Evidemment, tenir un tel raisonnement est un luxe. Un luxe que le smicard qui habite en banlieue et ruine sa vie à se lever à 5h pour constater que sa R9 a cramé et qu'il faudra encore nettoyer la façade taguée du modeste pavillon de parpaing acheté à crédit sur 50 ans ne peut pas se permettre. Quoique... Mais quitte à se poser la question du sens que l'on souhaite donner à sa vie, il vaut mieux s'y prendre au début de celle-ci, ou du moins un peu avant la fin... Je laisse encore une année au boulot d'ingénieur pour changer la vision que j'ai de lui, à défaut de quoi je pense que je vais enrichir la population des apiculteurs exerçant en Lozère... ou, par défaut, des garagistes, afin que mes connaissances en mécanique servent quand même à quelque chose... J'ignore si ma vision des choses est partagée, ou si je me suis égaré en ce début de siècle comme un innocent et fougueux labrador dans un jeu de quilles ou un magasin de fine porcelaine...
|