le cardinal Allez en paix ! | hephaestos a écrit :
Ca c'est une remarque qu'elle est pertinente, et je n'aipas de réponse courte, alors je vais tenter la réponse longue.
J'aimerais, comme Maou, penser que ma nature est meilleure que celle des hommes en général. Je crois qu'on s'est tous plus ou moins fait cette réflexion à un moment ou à un autre de notre vie. Malheureusement, elle ne survit pas à une observation un tantinet rigoureuse. Quand je suis en position de profiter des autres à moindre cout, je le fais. Il m'est arrivé à de nombreuses reprises de voler des fournitures de bureau à mon travail. J'ai récemment été payé par l'université pour un cours que je n'ai jamais donné, et je ne l'ai pas signalé. J'aurais d'autres exemples, mais ils ne me viennent pas à l'esprit maintenant, ou bien ils sont encore moins avouables que ceux-ci. En tout cas, ce qui m'apparait comme acquis c'est que si je n'ai pas une bonne raison, je ne respecte pas les règles de la vie en communauté.
Donc, comment se peut-il que je veuille par nature un monde sans inégalités et juste, alors que en même temps, je suis par nature un être égoiste qui souhaite mon bonheur et celui de mes proches avant tout ?
J'ai deux réponses à proposer à cela, les deux sont à mon avis valables :
D'abords, tout simplement parce que je sais que je serai plus heureux dans un monde juste que dans une jungle sans règles. Ainsi, je pense que j'ai plus à gagner à vivre dans un environnement agréable, fut-ce au prix de quelques sacrifices personels, que dans un monde de conflit dans lequel je ne vis que pour moi (et mes proches). C'est tout à fait cohérent : je suis d'accord pour faire un effort, à condition que tout le monde participe à l'effort. Je voudrais que certains impots augmentent (par exemple les taxes sur les produits pétroliers), ce n'est pas pour autant que je vais donner une partie de mon salaire à l'état. De manière générale, à chaque fois qu'un effort collectif est nécessaire pour faire changer les choses, je ne vais rien faire tant que je n'y suis pas forcé, non que je ne veuille pas que ce soit fait, mais je sais pertinemment que si je le fais, je serai à quelque chose prés, le seul. Le pire, c'est que vu que mon raisonnement est reproduit par la majorité des gens, il devient correct automatiquement. Ainsi, je n'accepterai d'agir que si j'y suis contraint, sachant qu'alors je ne serai pas le seul à participer à l'effort.
La seconde raison, elle est un peu plus noble : ce n'est pas véritablement dans ma nature de penser qu'un monde sans inégalités sociale soit meilleure. Quand je croise un pauvre dans la rue, la premier sentiment qui me vient à l'esprit c'est qu'aprés tout, il a surement mérité de se retrouver là. De même, les paroles des gens qui m'expliquent que les étrangers méritent moins que les français l'aide des français, sonnent juste à 'mon coeur' (c'est là que se trouve l'essence de la nature humaine). Mais elles ne résistent pas à un examen rigoureux. C'est la logique qui, partant d'un postulat simple (être heureux c'est bien), m'amène à croire que réduire les inégalités sociales est un objectif bon. Voila comment j'arrive à prendre des décisions qui vont contre ma nature, du moment qu'elles ne lui sont pas frontalement opposées.
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Merci de prendre le temps de répondre avec sincérité. Je me retrouve assez bien ce que tu expliques de la nature "humaine" au travers de ta propre personne, mais je diffère complètement quand aux positions politiques à en conclure !
En effet, il m'apparaît évident que le système politico-économique dans lequel je suis le plus exploité, dans lequel mon travail fait vivre le plus de profiteurs, c'est le capitalisme bourgeois ! Au contraire, le projet communiste vise à me garantir la rémunération la plus juste qui corresponde à ma contribution au développement et à la production de richesses !!
Il faut remettre en perspective qu'il y a un peu plus de 200 ans, une catégorie d'individus, les nobles, identifiés par leur sang, vivaient légitimement sur le dos du reste de la société à la tête de laquelle ils étaient placés. Puis, l'urbanisation et les échanges, l'industrialisation de la production, ont mis en situation favorable une autre catégorie d'individus, non plus identifiés par leur sang, mais par leurs biens, leurs capacités à posséder et à thésauriser de l'argent : les bourgeois. La Bourgeoisie a conduit une révolution politique visant à substituer leur domination à celle des nobles et pour cela a fondé de nouveaux droits, les droits d'hommes qui ne sont plus contraints par leur naissance et par leur sang, mais par leur capital, leur propriété privé. Ces Droits de l'Homme là nous semblent complètement évidents, pourtant ils ont été considérés comme irréalistes et dangereux pendant plus d'une dizaine de siècles ! Or, la nature humaine n'a pas été modifiée au moment du passage du féodalisme au libéralisme bourgeois ! Aujourd'hui, je considère que la domination d'une catégorie d'individus caractérisés par leurs propriétés en capital, catégorie au contours plus flous que celle fondée sur le sang et le lignage, est réelle et tout aussi illégitime que celle des féodaux ! Parce qu'en quoi le fait de posséder le capital, d'en hériter de ses parents, est-il plus juste pour occuper une position dominante dans la société que le fait de posséder une particule à son nom de famille, d'en avoir hérité par ses parents, par rapport à ceux qui ne possèdent rien ?
Concrètement, tu parles de ceux qui ne participent pas à l'effort général. Qui sont-ils ? Les chômeurs ? A l'origine, le chômage correspondait au moment où l'on arrêtait de travailler du fait des grandes chaleurs (latin : caumare), puis dans la société industrielle, lorsque les besoins de production diminuaient. Les entreprises ont eu besoin d'instaurer un système de prise en charge collective de période de "chômage" correspondant aux fluctuations des besoins de production selon les logiques du marché. Le "chômage" est donc bel et bien une création volontaire de la société capitaliste, y compris comme mode de régulation de la masse salariale ! La première grande crise de surchauffe de l'économie capitaliste, en 1929, a eu comme soupape une première explosion du chômage sous forme d'un chômage de masse. Les chômeurs étaient très nettement victimes, pas profiteurs, et c'est pourquoi, en France notamment, les années 30, celles du Front Populaire, instaurent une politique de "secours" au chômeurs par l'Etat qui ne s'est jamais démentie. Après les 30 glorieuses, les "crises" des années 70 (soit-disant pétrolières mais qui marquent surtout le début de la dématérialisation de l'économie et de sa financiarisation) génèrent à nouveau un chômage de masse, qui prend une forme structurelle ! Ce chômage de masse correspond à la réalité des besoins de l'économie capitaliste contemporaine dans les pays occidentaux et on ne peut évidemment pas accuser les chômeurs d'être des profiteurs d'une économie qui par ailleurs n'a pas besoin d'eux !
Les retraités ? Les invalides ?...
Je pense qu'il n'y a pas lieu de développer ce point qui n'est pas sujet à polémique, il me semble !
Les RMIstes et autres bénéficiaires d'allocations et de minimas sociaux ?
Ils s'agit souvent d'une fraction de ceux qui sont victimes du chômage de masse, la fraction la plus fragilisée et la plus exclue. Parmi eux se trouvent certainement des marginaux qui font des choix de vie différents, délibérément en dehors de l'effort collectif, mais aussi des artistes, dont la place dans la société capitaliste est extrêmement difficile à mesurer (participent-ils ou non à l'effort général ? Et comment le mesurer ? au succès ?). En même temps, "l'aumône" publique qui est versée à ceux là n'est pas ce qui pose réellement problème, ni à eux, ni à nous ! Et en l'espèce, la place de ses "marginaux" est tout aussi "questionnante" dans le projet communiste que dans le système capitaliste, et il n'y bénéficient pas de "primes" particulières !
Je te propose une autre catégorie de "profiteurs", beaucoup plus coûteuse et qui saigne à blanc. Comme dans le système féodal, cette catégorie est au sommet de la société : les actionnaires, les spéculateurs, les bourgeois... bref, les capitalistes !
Le Capital, l'argent, est bien mieux rémunéré dans le système capitaliste que le travail (qu'il soit manuel ou intellectuel). Il y a des gens qui vont simplement mobiliser l'argent qu'ils ont a disposition, vont le placer dans une entreprise et qui vont tirer un bénéfice bien plus important des richesses créées par l'entreprise que ceux qui ont travaillé pour créer ces richesses ! Simplement parce qu'ils avaient de l'argent au départ ! En quoi ceux là participent-ils plus ou moins à l'effort collectif que les chômeurs ? Et pourtant la part de la richesse produite collectivement qu'ils prélèvent est bien plus considérable que celle des chômeurs !!!
Rappelle-toi que Daniel Bernard, l'ex-PDG de Carrefour, comme sanction de son mauvais travail a touché l'équivalent de 25 années de SMIC !!! Comment réagit ta nature humaine qui rechigne à accepter que certains profitent indument de l'effort fourni ? |