santroll | CR Montagn'Hard 100 : la vacherie du Beaufortain
Intro
Suite à une année 2015 pleinement réussie (mis à part les crampes ) et inspiré par la réussite de Tyler et Julien au GRC, j'ai planifié du plus long en 2016 : la Montagn'Hard 100 et le 100 Miles Sud de France. Malheureusement je me chope une aponévrosite plantaire en décembre qui m'empêche de courir pendant 6 mois malgré tous les remèdes testés (étirements, glaçage, ondes de choc, renforcement, balle de tennis, repos, arrêt des aliments acidifiants, arrêt du lactose, ...).
Ma prépa est donc basée sur du ski de fond, du ski de rando, du vélo (pas beaucoup vu la météo) et de la rando, le tout entièrement en endurance, aucune intensité. Les quelques footings tentés se sont arrêtés au bout de 40min après réveil de l'aponévrose. Mais en rando j'arrive à courir en descente sans trop de douleur donc je décide finalement de m'inscrire à la MH100 avec l'idée de marcher tout le temps sauf en descente et de voir jusqu'où ça va tenir.
J'ai beaucoup travaillé les descentes et je me sens super à l'aise, les crampes sont qu'un mauvais souvenir
Arrivés le vendredi aprèm sur place avec La Poutance, on retire les dossards, puis on va boire un coup avec le reste de la team HFR (Chou Andy, Pulpipi, Par Hasard et Ashitaka), une purée de patates douces plus tard nous voilà au lit.
Course
Départ - Les Toilles : 13km 900d+ 900d-
5h du matin, 200 coureurs dans le sas de départ c'est pas la bousculade, je me place en milieu de peloton pour un départ tranquille.
Et hop nous voilà en route pour une petite balade en montagne.
Les premiers 300m sont à plat sur le bitume puis on bifurque à gauche dré dans le pentu pour la première bosse, je me fais beaucoup doubler dans cette première bosse, 1 coureur sur 2 qui me passe utilise les bâtons alors que c'est interdit pendant les 5 premiers km, et beaucoup sont déjà essoufflés, je comprends pas comment on peut penser tenir entre 20h et 30h de course en partant aussi haut dans les tours. Je m'affole pas, je reste dans mon rythme et ma stratégie d'arriver le plus frais possible aux Contamines (km50) où les choses sérieuses commencent vraiment. Un petit sms de La Poutance qui vient de se réveiller égaille cette montée entre nuit et jour.
On arrive vite en haut de la bosse, je range la frontale et on enchaine directement sur une descente roulante sur chemin forestier, le début se passe bien mais vers la moitié de la descente, la cuisse gauche commence à tirer, les crampes reviennent
J'essaie de bien m'appliquer à attaquer sur la pointe des pieds, en petites foulées et je bois beaucoup mais rien à faire ça tire de plus en plus et la cuisse droite s'y met aussi, je m'arrête quelques fois pour m'étirer et heureusement le bas de la descente arrive et on réattaque la montée suivante. Je cogite pas mal pour essayer de comprendre, j'ai mangé comme à l'habitude, je suis monté doucement, j'ai couru en descente comme à l'entraînement, j'ai les mêmes chaussures, les mêmes habits, j'ai bien bu, j'ai la même boisson que d'habitu... WAIT ah non en fait en course je surdose la boisson par rapport à l'entraînement pour compenser l'intensité
Dans la montée je bois donc peu et au sommet il y a une fontaine, j'en profite donc pour diluer le contenu des flasques et j'enchaîne sur la descente. Ça se passe pas trop mal, quelques arrêts étirements pour assurer le coup mais globalement je descends bien et reprends quelques places. J'en profite pour envoyer un sms à La Poutance pour l'avertir qu'en fait c'est roulane la course
Arrivée au ravito en 2h05 pour 13km 900+ (114ème/194), 5min de pause pour refaire le plein des flasques (avec la bonne dilution ce coup-ci), manger un bout et je repars avec quelques tranches de très bon jambon de pays à l'attaque du Prarion.
Les Toilles - Bionnassay : 11km 900d+ 750d-
Un petit kilo vallonné et la vraie montée commence, de nouveau je me fais dépasser par ceux que j'ai doublé en descente mais la différence d'allure est faible et sur le haut de la montée je reprends quelques coureurs qui peinent un peu, on s'est pris un premier gros orage dans la montée mais il ne fait pas froid et c'est bien abrité sous les arbres donc pas besoin de la veste. Au sommet on a normalement une super vue sur le massif du Mont-Blanc mais c'est bien bouché donc rien à voir. Je me pose 2min pour ranger les bâtons et étirer ma cuisse gauche qui a quelques courbatures suite aux crampes et je prends le chemin de la descente.
Le début est vallonné, tout est courable mais je ne veux pas solliciter le pied qui comme d'habitude commence à tirer au bout de 3h donc je marche au moindre plat montant puis on bascule dans la descente très sympa dans un petit single, les crampes sont oubliées et je me régale jusqu'au ravito en remontant quelques placettes avec en bonus le soleil qui nous accueille.
Arrivée au ravito en 4h11 pour 24km 1800+ (97ème/194), 5min de pause encore et je repars avec un sandwich à la main en direction du col du Tricot.
Bionnassay - Miage : 8km 900d+ 650d-
De nouveau un gros orage en repartant du ravito qui m'oblige ce coup-ci à mettre la veste, je garde un rythme constant, et ma position est globalement stabilisée, petite descente juste avant la passerelle suspendue qui permet de traverser le torrent qui descend du glacier, assez technique avec les rochers mouillés mais j'avance bien et double encore quelques coureurs, un sourire bright à la jolie bénévole pour montrer mon aisance mais 5m plus loin je glisse sur un rocher et me gamelle lamentablement, l'amour propre en a pris un coup mais le reste va bien, les bâtons sont entiers c'est l'essentiel, je traverse la passerelle en marchant suivant les consignes, ça tangue un peu.
Reste une longue montée pas très raide dans les alpages pour rejoindre le fameux col, je rattrape des coureurs un peu trop vite à mon goût, je lève donc le pied pour rester en zone de confort et un peu avant le sommet un nouvel orage nous tombe dessus, avec un fort vent de dos, je me gèle littéralement le cul mais je vois que derrière le col le ciel est bleu donc sitôt le col franchi la pluie et le vent s'arrêtent, pas d'arrêt pour moi pour pas prendre froid, la descente est ludique sur un single en terre mais assez boueuse donc impossible de se lâcher complètement mais 15min plus tard j'atteins le ravito de Miage.
Arrivée au CP en 6h06 pour 32km 2700+ (77ème/194), 5min de pause encore et je repars avec 2 sandwichs à la main sous un beau soleil.
Les chalets de Miage avec le col du Tricot en haut à droite :
Miage - Tré la tête : 13km 900d+ 500d-
Petite remontée de 200+ jusqu'aux chalets du Trucs, les premiers sms d'encouragements arrivent et seront très plaisants à lire tout au long de la course, très joli sentier puis on continue sur une descente large sur chemin forestier. J'en profite pour faire une petite pause technique et là un gars me double à vive allure et me lance "C'est moche mais je profite que tu sois en train de pisser pour te passer en douce ", en fait c'est le premier du 60km parti 2h après moi qui est d'humeur blagueuse.
On bifurque sur un single en forêt beaucoup plus sympa et alors que je suis un gars 30m devant, on arrive sur 2 coureurs arrêtés qui nous demandent si c'est bien par là. J'ai pas vu d'autres chemins donc je dis oui et j'enchaine sans m'arrêter alors qu'ils sont en train de dire qu'ils viennent de remonter car en bas il n'y a plus de balisage. Effectivement, 500m plus loin je tombe sur un chemin forestier sans aucun balisage, on a dû rater une bifurcation... Je charge la trace de la course et je vois que le chemin forestier tangente le tracé donc je continue car aucune envie de remonter, on voit un panneau indiquant les Contamines et un des 2 coureurs arrêtés précédemment (une nana) me dit "Non c'est pas par là, il faut monter à Tré la Tête, pas descendre aux Contamines", je sais qu'avant d'attaquer la montée il faut descendre quasi jusqu'aux Contamines donc je suis décidé à continuer, un autre coureur me conforte dans mon analyse mais la nana ne veut rien entendre et continue de dire que c'est pas par là. J'ai pas envie de passer 10min à parlementer donc je trace à vive allure en larguant mes compagnons et 500m plus loin je tombe sur un petit single qui rejoint le chemin forestier et le balisage reprend, je suis donc bien sur la bonne voie et 5min plus tard me voilà en bas de la descente prêt à attaquer la montée à Tré la Tête.
Je signale quand même au bénévole qu'on est 4 à s'être un peu perdus dans la descente et qu'il faut peut-être vérifier le balisage.
Une belle montée dans la combe d'Armancette le long d'un ruisseau, je double 4-5 coureurs puis on reste à flan de montagne pour rejoindre le refuge et le ravito en alternant trot (plat descendant) et marche (plat montant).
Arrivée au CP en 8h17 pour 45km 3600+ (67ème/194), que du liquide dispo ici, mais un spectateur a monté des fûts de bière et des sirops pour agrémenter tout ça.
Tré la tête - Les Contamines : 8km 0d+ 800d-
La descente est bien sympa au début, technique mais pas trop, par contre les orages ont bien détrempé le terrain et lorsqu'on se retrouve dans des enchevêtrements de rochers il faut bien faire attention aux appuis. Le deuxième et troisième de la MH60 me doublent dans cette portion, quel écart avec le premier qui m'a doublé il y a presque 2h .
Bien vite ça devient plus roulant et j'arrive à garder le 3ème du 60km en ligne de mire quasi jusqu'au pied de la descente à Notre Dame de la Gorge où nous repasserons dans quelques heures. Il reste 4km de plat très légèrement descendant jusqu'au ravito des Contamines, j'avais prévu de marcher mais le pied me fait plus du tout mal et je peux trottiner sans douleur ni fatigue donc j'en profite. Dès que j'ai retrouvé le réseau je passe un coup de fil à Tyler pour passer le temps et organiser le pacing de la fin de parcours, il m'annonce que Chou Andy, Pulpipi et La Poutance viennent de passer à Tré la Tête en 13, 14 et 15ème position à peine 40min derrière moi Si j'étais assis je tomberais de ma chaise je crois, va pas falloir traîner si je veux pas me faire rattraper avant la bifurcation au km55. Je pensais comme tout le topic que Chou Andy allait exploser rapidement mais que nenni, il a bien caché son jeu le coquin
Du coup à peine raccroché que me voici aux portes des Contamines, un petit coup de cul et la place du village et son ravito apparaissent, accueilli par les applaudissements des spectateurs chauffés par la speakerine qui annonce les arrivants.
Contamines en 9h23 pour 53km 3600+ (64ème/194), gros ravito avant d'attaquer le Mont Joly et ses 1500+ d'une traite donc je me pose 10min pour manger une assiette de pâtes, deux bols de soupe, faire le plein d'eau et confectionner 2 sandwichs que je mange en repartant doucement. Comme prévu je suis encore très frais, tous les voyants sont au vert.
Les Contamines - La Bifurcation : 6km 900d+ 100d-
Tout d'abord une petite descente sur la route qui me permet de finir tranquillement mes sandwichs puis on tourne à gauche sur le sentier et paf droit dans la pente une montée bien raide en sous-bois nous cueille à "froid". Je continue à la même intensité que précédemment mais vu la pente je n'avance pas bien vite, toutefois je dépasse encore 4 ou 5 coureurs qui sont eux bien à l'arrêt et semblent souffrir, un ou deux concurrents du 60km me dépassent avec un mot d'encouragement échangé de part et d'autre, super ambiance sur ce trail.
Au 59ème kilo on peut choisir de prendre à droite pour finir sur le parcours du 60 (même si on est inscrit sur le 100, on sera finisher du 60 mais hors classement) ou prendre à gauche pour continuer sur le 110km. Dans ma tête je m'étais dit que je n'aurais aucune hésitation à prendre à gauche mais c'est vrai que cette montée bien pentue juste avant la décision fatidique, ben ça fait travailler les méninges.
Heureusement il y a un petit replat et la fin de la montée à la bifurcation est plus roulante sur un gros chemin carrossable, donc le moral est bien meilleur au moment de tourner à gauche en direction du Mont Joly.
Juste avant d'arriver à la bifurcation, une gamine tout mignonne et sa maman sont au bord du chemin, probablement en train d'attendre le passage du papa, lorsque je passe la gamine demande "Pourquoi il court pas le monsieur ?"
Tout de suite elle devient moins mignonne la petite peste
Pointage au CP en 10h57 pour 59km 4500+ (54ème/194), je me suis pas fait doubler par les fusées HFR du 60km, l'honneur est sauf
La Bifurcation - Les Tappes : 9km 700d+ 100d-
La bifurcation passée, on continue la ligne de crête jusqu'au sommet du Mont Joly et c'est bien raide dès le début, je vois 2 ou 3 coureurs plantés dans la pente au-dessus de moi, 200m de dénivelé plus tard on a le droit à une petite collation à la porte d'un chalet, un peu d'eau, quelques tucs et noix de cajou, je fais le plein d'eau et pars à l'assaut du Joly.
C'est globalement raide tout le long, chemin bien lisse au début puis on arrive dans la partie apocalypse, pleins de rochers plantés au hasard et tout autant de "chemins" qui serpentent, pas facile de trouver la meilleure ligne, et dire qu'il faudra redescendre ce truc là demain matin avant le lever du jour avec 50km de plus dans les cuisses Je gère toujours sans me mettre dans le rouge, très régulier et sans pause, finalement ça passe assez vite.
Et plus on monte et plus le brouillard devient dense et plus le vent devient fort, obligé de mettre la veste avant le sommet et je me gèle un peu en m'arrêtant au sommet pour envoyer un sms à Tyler qui doit me rejoindre aux Tappes, il me répond avec le classement de Chou, Pulpipi et Pouto qui viennent d'arriver sur le 60
On suit la crête en descente sur 500m et je suis très vigilant sur le balisage car je sais que le retour se fait par le même chemin en parcourant l'intégralité de la crête mais à l'aller il faut quitter l'arrête plus tôt pour plonger sur la gauche, je cherche donc toute indication qui m'enverrait sur la gauche afin de pas prendre le parcours en sens inverse. Je repère finalement le bon croisement et pique droit dans la pente descendante, mais au premier appui le pied glisse sur le sol qui n'est en fait qu'un épais tapis de boue et je me retrouve les 4 fers en l'air en train de glisser vers le bas, je parviens à m'arrêter au bout de 10m, la chute sur le dos m'a un peu coupé le souffle. Je remonte chercher ma casquette restée sur la crête et je profite du névé adjacent pour me nettoyer un peu.
Le reste de la descente se passe mieux, c'est un très beau single en terre qui serpente dans les alpages, assez roulant, il faut juste rester vigilant vu que les orages l'ont transformé en rivière de boue par endroit, je me fie aux traces de glissades pour passer soit sur le chemin soit sur l'herbe à côté pour garder de l'adhérence. Donc rapidement j'arrive en bas et après une très courte montée de 50d+ me voilà aux Tappes, la base de vie qui devrait me permettre de me refaire la cerise.
Pointage aux Tappes en 13h05 pour 68km 5200+ (37ème/194), j'ai gagné pas mal de places grâce aux coureurs qui ont pris la bifurcation sur le 60km.
Je récupère mon sac de délestage et première chose, je branche la montre pour recharger la batterie, puis je commande une assiette de pâtes et un bol de soupe et je commence à me changer intégralement sauf les chaussures. Comme il est encore tôt et qu'il ne fait pas froid je reste en short et T-shirt mais je prends les manchettes, les gants et le buff dans le sac (ça sera bien utile ). Tyler déboule dans la salle et on commence à discuter pendant que j'enfile mes 2 assiettes de pâtes et mon bol de soupe. Je refais le plein de barres et d'eau avec l'aide de Tyler qui me range aussi mon sac de délestage et au passage vide les 2l de flotte qui était dans le sac poubelle fourni par l'orga, heureusement que j'avais tout bien emballé dans des ziploc vu qu'apparemment les sacs de délestage ont passé du temps sous les orages... Au bout des 30min que je m'étais accordées, nous voici en route pour le Beaufortain !
Les Tappes - Le Bolchu : 12km 1400d+ 800d-
On repart donc avec Tyler en montée alors que je pensais que ça descendait mais Tyler qui est monté par le parcours en sens inverse me dit que c'est bien par là, devant nous un autre coureur monte aussi sur ce chemin de 4x4. On discute, on discute et au bout d'un moment, Tyler regarde son tél et me dit "Merde on a raté l'embranchement, on est montés trop haut, faut faire demi-tour...", on appelle donc le coureur devant et on redescend pour retrouver notre chemin, ça me fait marrer et je lui dis que c'est pas la première fois que je me goure et que parfois le balisage des changements de direction est un peu léger. Mais quand on arrive au fameux embranchement, il y a une rubalise au sol qui coupe le chemin que l'on a pris et une balise sur la gauche qui indique le sentier à prendre, certes la rubalise est déchirée sur 2m de large mais je me demande encore comment on a pu être 3 à rater ces indications
Cette fois c'est bon on est bien dans la descente et très vite on arrive à Notre Dame de la Gorge pour le 2ème passage et l'attaque du col de la Fenêtre. Pas grand chose à dire sur ce col, ça passe bien, une petite descente de 100d- à mi-chemin environ, juste la fin qui est un peu longuette car pas très raide.
Il me semble que c'est dans cette montée que j'ai doublé mon dernier concurrent, ensuite on a vu personne d'autre sur le parcours et les places gagnées sont soit le fait de siestes au ravito soit d'abandons, si je n'avais pas eu Tyler avec moi, j'aurais donc fait 40km tout seul sur les sentiers
Une petite descente et on entend les cloches et vuvuzelas du ravito du Bolchu atteint à la tombée de la nuit en 16h21 pour 80km 6600+ (34ème/194), à ce moment je me dis que j'ai fait l'équivalent du 80 du MB mais c'est pas fini
Les bénévoles du ravito sont au top, même Tyler a le droit à son bol de soupe mais il fait bien chaud dans la tente et on ne s'éternise pas pour éviter de prendre goût à autant de confort. On en profite tout de même pour chausser les frontales, on va en avoir besoin rapidement.
Le Bolchu - Barrage de la Girotte : 13km 700d+ 900d-
Là je fais encore le malin, tout était conforme à l'idée que je m'en étais faite, mais ça va pas durer
Sur le papier cette portion me paraissait facile, 13km avec 400d+ à monter puis une bonne descente jusqu'au barrage, bref en 1h45 c'est plié sans forcer. Déjà à la sortie de la tente le froid nous saisit mais avec l'effort on se réchauffe vite, puis la montée devient de moins en moins raide, pas mal de petits replats voire descentes, de passages hors sentier, de petits marécages, le brouillard s'épaissit, les névés deviennent de plus en plus nombreux et la trace slalome pour les contourner quand c'est possible, le vent se lève, bref c'est plus du tout la même course, j'enfile les manchettes, puis les gants, puis la veste mais ce put*** d'altimètre ne monte pas vite et ne veut pas afficher les 2400m qui indiqueraient le début de la descente.
Finalement au bout d1h20 de galère et 700d+, nous voici en haut et la descente s'amorce sur des névés. J'en profite pour enfiler le pantalon imperméable, déjà parce qu'il fait froid et ensuite parce que je sens venir la chute et je préfère être en pantalon qu'en short quand ça arrivera. Le début se passe pas trop mal, un peu de mal à trouver les balises avec le brouillard mais comme c'est tout droit sur le névé il suffit de suivre le cap. Fatalement au bout d'un moment je glisse et me retrouve le cul par terre à dévaler le névé, Tyler prend un peu peur vu qu'on voit pas ce qu'il y a en bas mais je me fie au traces de luges des coureurs précédents en espérant qu'ils ne soient pas tombés dans un ravin et je m'arrête sans soucis quelques dizaines de mètres plus bas.
Au moment de quitter le névé, pouf plus aucune balise en vue, on tente de pousser les frontales au maxi mais avec le brouillard ça n'aide en rien et on en est rendus à partir chacun d'un côté pour voir si on trouve une indication, mais rien, nada, walou... Je charge donc la trace sur la montre, Tyler fait de même sur le tél et on arrive au bout de 10min de jardinage à retrouver un semblant de chemin et le balisage C'est vraiment super d'avoir été à deux sur ce coup, ça évite de paniquer et c'était rassurant de voir que nos 2 GPS affichaient la même direction à suivre.
Le sentier est de mieux en mieux marqué et on a même des panneaux qui indiquent le barrage mais la descente comporte aussi des replats voire petites bosses à gravir et est au final assez longue. Depuis quelques temps j'ai une petite douleur derrière le genou, plus intense à la transition marche/course et qui diminue à rythme constant, je m'en inquiète pas plus que ça.
On finit par atteindre le ravito bien soulagés et marqués par cette portion qui nous aura pris presque 3h. Passage en 19h11 pour 93km 7300+ (29ème/194).
Barrage de la Girotte - Monument : 7km 500d+ 250d-
On discute un peu avec les bénévoles au ravito, j'ai plus vraiment de souvenirs du contenu de la conversation, juste du chien qui a regardé Tyler manger son sandwich avec la bave aux lèvres
Je me renseigne sur la praticabilité des chemins à venir et on me rassure : "C'est bon à partir de maintenant c'est du bon chemin", mon cul ouais
Nous voici donc reparti dans la descente qui se poursuit, j'ai un peu de mal à redémarrer, l'arrière du genou tire un peu plus mais au bout de 5min ça va mieux et je tiens un rythme correct jusqu'en bas, mais au moment où la pente change d'inclinaison et commence à monter, on passe à la marche et la douleur au genou devient plus intense, impossible de tendre la jambe en arrière, il me faut faire de petits pas.
Malheureusement le début est sur une piste forestière en plat montant, sur laquelle il faudrait plutôt allonger la foulée, c'est donc long et on avale peu de dénivelé vu la faible pente. On commence à entendre une musique qui vient de la montagne, on se demande si c'est le ravito mais au final il semble qu'il y ait une fête dans un chalet au bord du chemin, Tyler essaie de communiquer avec le chien posté devant ce chalet mais il ne semble pas avoir compris le bon message et nous courre après en aboyant, heureusement quelqu'un du chalet le rappelle et il ne nous embêtera pas plus.
J'avais lu dans les CR des années précédentes qu'à un moment dans cette montée on prenait droit dans la pente en quittant le chemin quasi plat et j'attends donc avec impatience ce moment pour que mes petits pas m'handicapent moins. Au passage la douleur commence à attaquer mon mental et par ricochet ma forme, petite baisse de jus sur cette portion. Finalement on bifurque bien dré dans le pentu sur ce qui semble être une piste de ski mais bien évidemment sans qu'il n'y ait aucun chemin Je demande à Tyler de passer devant et je me contente de regarder mes pieds et de suivre son rythme sans avoir à chercher le meilleur itinéraire, j'ai clairement subi cette portion, j'attendais juste que ça se termine.
Et au bout d'un moment pouf plus de balise, tient ça faisait longtemps qu'on s'était pas perdu On ressort donc les traces GPS pour s'y retrouver mais elles indiquent un autre itinéraire que celui que l'on semble emprunter, il y a donc une traversée à faire et on se trempe les pieds dans les herbes hautes une fois de plus, je rage comme un con sur Tyler qui pourtant nous remet bien sur la bonne trace mais comme il n'y a pas de chemin je doute et à ce moment j'ai aucune envie de devoir faire demi-tour. Un grand merci à lui sur ce coup parce que j'avais plus du tout la lucidité nécessaire à ce moment pour retrouver le bon chemin rapidement.
Finalement à 2000m on tombe sur la tente orange du ravito, je suis surpris car sur mon profil (incroyablement précis jusqu'ici) il était indiqué à 2200m, mais bon on va pas cracher dans la soupe et nous voici au chaud pour nous restaurer un peu. Un bol de soupe puis une tasse de café pour tenter de me rebooster un peu et on ne traine pas trop, j'ai envie que ça se termine cette affaire.
Le Monument en 21h06 pour 100km 7800+ (29ème/194).
Monument - Bifurcation : 7km 700d+ 800d-
Le café m'a bien boosté, je repars gonflé à bloc mais malheureusement ça ne dure pas plus de 5min et je reprends mon rythme d'escargot dans la montée à l'aiguille Croche. Tyler m'encourage et me motive, on a enfin retrouvé un vrai sentier et j'avance doucement mais régulièrement sans pause, on arrive donc sans trop de mal à l'aiguille, il nous reste 3km sur la crête du Joly puis toute la redescente vers l'arrivée. La crête est vallonnée au début sur un très bon sentier mais impossible pour moi de courir, mon genou me fait trop souffrir et pas le temps de le chauffer sur les trop courtes descentes, j'espère vraiment que ça passera mieux sur la descente finale sinon ça risque d'être très très long.
Même en marchant on a un bon rythme et on progresse bien, mais comme il fait encore nuit noire on n'a aucune idée du chemin qu'il nous reste à parcourir sur cette crête. Au bout d'un moment on pique en descente sur la droite pour éviter un névé, c'est en dévers et hors sentier, toujours bien humide donc il faut être assez attentif. On commence à apercevoir une grosse silhouette devant nous, qu'on pense être le sommet du Joly, et on commence donc la montée finale mais arrivés en haut, tabernacle ! Ce n'est qu'un des avants sommets, il y a encore 200d+ à monter pour arriver en haut, Tyler m'encourage encore puis file devant, le vent s'est levé et il a froid à force de ne pas avancer, il va donc prendre un peu d'avance et m'attendre à l'abri.
Enfin me voici au sommet, je ne m'arrête pas, je plie juste les bâtons et j'enchaîne, le début se passe plutôt pas mal, je pense même pouvoir courir plus bas, ici ce n'est pas possible vu la technicité du terrain. Mais les 400 premiers mètres de descente avec les grosses marches à franchir me font plier le genou plus que de raison et aggravent la douleur, arrivés sur la partie plus roulante, impossible de plier ou déplier la jambe, je dois marcher en boitant salement Le pauvre Tyler est gelé mais il continue de me booster pour avancer.
On arrive à la bifurcation en 24h00 pour 107km 8500+ (29ème/194), mon rêve de boucler le tour en moins d'un jour s'envole mais je me fais surtout du soucis pour la fin de la descente, je ne m'arrête pas pour que cette histoire se termine au plus vite.
Bifurcation - Arrivée : 4.5km 0d+ 750d-
Les fusées HFR du 60km ont mis 20min pour cette descente, ça va être un peu plus long pour moi
Tyler me dit qu'il va prévenir La Poutance que j'arrive, je lui dis que c'est pas la peine qu'il se lève pour me voir boiter comme un miséreux mais il le fait quand même en cachette...
Je galère de plus en plus, plus c'est raide et plus j'ai mal, le sentier est rendu bien glissant par l'humidité et chaque glissade m'oblige à mettre de la tension dans le genou et m'arrache un juron. Je regarde l'altimètre toutes les 2min en décomptant les mètres à descendre mais ça n'avance pas, je ralentis de plus en plus. Je ne sais plus si j'ai froid, chaud, faim, soif, j'ai qu'une envie c'est pleurer, m'allonger par terre et ne plus bouger ce foutu de genou qui me fait souffrir le martyr. Tyler voit bien ma souffrance mais ne peut pas faire grand chose, il me file quand même une pastille isostar et me prête ses bâtons pour voir si ça va mieux mais comme ce n'est pas l'appui sur la jambe qui me fait mal mais le pliage du genou, ce n'est pas d'un grand secours malheureusement.
Le jour se lève et à la faveur d'une trouée dans les arbres Tyler m'indique qu'on est bientôt à l'arrivée, qu'on la voit en bas, oui mais cette trouée c'est une remontée mécanique, un put*** de télésiège à descendre avant la délivrance, j'en peux plus, je veux que ça s'arrête.
C'est à ce moment que ma montre décide qu'elle a rempli son office et coupe la trace, pourtant il reste 8% de batterie, l'Ambit 2 coupait à 3%, je ne sais pas pourquoi ils ont changés ça sur la 3, en tout cas c'est une bonne chose à savoir pour calculer l'autonomie restante à l'avenir. Mais du coup je n'ai plus d'indication sur l'altitude et je demande les infos à Tyler qui me répond laconiquement "Encore quelques centaines de mètres ", je sais plus où j'habite mais je comprends quand même que ça veut dire que j'ai pas fini d'en chier...
Plus ça va et plus je ralentis, j'agonise, je me demande comment j'ai pu passer les grosses marches au début de la descente et je tente d'accélérer un peu et au final je n'ai pas plus mal, c'est juste la douleur qui me faisait ralentir mais je peux avancer plus vite et enfin Tyler me montre l'arche d'arrivée, c'est pas tout proche mais cette fois on touche au but, les traceurs ont été sympas et n'ont pas fait de détour en ville, on pique directement sur l'arrivée.
Pouto est venu me féliciter, ça me fait chaud au cœur de le voir, je passe la ligne, serre la main des organisateurs et m'écroule par terre, je suis vidé. Tellement que j'oublie même de remercier Tyler, on a vécu un super moment ensemble dans la nuit beaufortine et ça n'aurait pas été la même aventure sans lui.
Arrivée en 25h00 pour 111.5km 8500+ (29ème/194)
Le Strava
Bilan :
- Très très content d'être allé au bout, je pensais pas que ma blessure au pied me permettrait de boucler ce trail
- J'ai trouvé l'origine de mes crampes (enfin bon je vais pas crier victoire trop vite, ça m'a déjà joué des tours...)
- L'organisation et les bénévoles sont au top, une course à faire une fois
- La météo pas terrible pour les paysages et l'orientation de nuit mais au moins on n'a pas souffert de la canicule
- La partie Beaufortain du parcours est beaucoup plus dure que je pensais, il faut vraiment garder du jus pour cette portion
- Déçu de la blessure et de la dernière descente, j'aurais vraiment aimé finir proprement en trottinant, en traileur et pas en randonneur échappé de l'hospice
- Très heureux d'avoir rencontré Pulpipi, Ashitaka, Par Hasard et revu Pouto et Chou Andy, HFR y'a pas à dire c'est du haut niveau
- Un grand grand merci à Tyler pour le pacing et les encouragements, c'est inestimable l'aide que tu m'as apportée
- Suite à la visite chez les kinés, le problème au genou est une contracture du poplité, le muscle qui sert à plier le genou, rien de trop grave, si le dimanche j'avais vraiment du mal à marcher, 3 jours après ça va déjà mieux
- Mon travail des descentes a vraiment payé, à part la dernière je me suis régalé et j'ai repris pas mal de place et temps sans forcer
Au vu de l'évolution de mon classement et de ma lenteur relative aux autres coureurs au début, je me suis demandé si j'étais pas parti trop doucement, donc tel Perrout je me suis muni de mon plus beau tableau excel et j'ai calculé mes vitesses en montée :
On voit donc que j'ai été super régulier, sauf sur les 2 dernières montées, la 9 parce que c'était très peu pentu et hors sentier, et la 10 à cause de la blessure, du coup de mou et d'un peu de jardinage.
Bravo à ceux qui ont eu le courage de lire jusqu'ici, c'est long et pas forcément très croustillant |