CR fleuve incoming:
TDS 2015 (119km – 7250D+)
Préambule
Cette TDS est le gros objectif de l'année, je me suis donc préparé comme une sous merde et ai abandonné mon trail de préparation (ITT). Bref, je ne pars pas sous les meilleurs auspices mais je suis bien déterminé à finir, en faisant fi de toute considération sportive. De toute façon, face à un monstre pareil, je ne pense pas avoir les ressources pour prétendre viser un temps ou gérer quoique ce soit. La TDS, je le sais, je la subirai! Mais je ferai tout pour y prendre du plaisir.
La veille nous allons retirer les dossards avec la poutance. Grosse file mais ça passe vite, l'orga est toujours au poil. Je le sens un peu anxieux, à vouloir manger de la purée de patate douce avec du jambon (là où je mangerai du mexicain).
Le jour J, ma petite femme (qui fera donc mon assistance a BSM et aux Contamines) insiste pour venir me conduire sur la ligne plutôt que de prendre la navette. J'obtempère, c'est sûr que c'est plus confortable. Je me place vers les 2/3 du sas, je ne pige rien au briefing. Et finalement nous partons dans les rues de…
Courmayeur km0 – 0h00 de course
Départ tranquille, le soleil se lève, le chemin est ensuite large pour monter au col. Je tape la discussion avec deux Belges (incroyable cet esprit grégaire, catalysé par les petits drapeaux sur les dossards). Un d'eux terminera juste derrière moi à Chamonix: il s'agit du doyen de la TDS, 72 ans, V4H.
Col Checrouit km6 – 1h15 (1037eme)
Je skip le ravito liquide et continue ma montée, tranquillement. Ça bouchonne un peu sur les singles mais vraiment rien de grave, la course est encore longue.
Arrête du Mont Favre km11 – 2h16 (905eme)
Descente en roue libre suivie d'un replat. (excitant hein?)
Lac Combal km15 – 2h48 (897eme)
Le ravito est bondé, je me fraie un passage pour arracher une soupe et remplir les flasks.
La montée au col est splendide, le plus beau panorama de la course. Le soleil brille sur le Mont Blanc et ses parures glacées. Un drone nous survole, saisissant le ruban de coureur contournant un lac miroir ou vient se refléter le massif. Ouaw! 
Col Chavanne km20 – 4h01 (902eme)
La descente s'annonce longue sur chemin large. J'hésite à envoyer un message à la poutance pour lui dire que la TDS est finalement super roulane (depuis le début, aucune difficulté je trouve). Mais je n'ai pas de réseau et aussi ma montre ne capte plus les satellites.
Si tout va bien, ça veut dire que quelque chose va aller mal: dans cette descente très monotone, mes deux genoux lachent. Comme des TFL.
Ça me fout un coup, ça arrive trop tôt! Ce n'est pas non plus étonnant, la dernière fois où j'ai couru 700m de D- d'une traite c'était… à la CCC 2014. Bref, je sens que la course va être longue.
J'en profite pour introduire le hashtag #TDS_trop_long que je réutiliserai durant ce récit car j'ai trouvé globalement que beaucoup de portions étaient interminables.
Il commence à faire chaud et on rejoint le col du petit St Bernard par un lac et un beau raidard avec plein de spectateurs…dont ma petite femme.
Col du Petit St Bernard km36 – 6h32 (909eme)
Dans ce ravito c'est déjà l'hécatombe (un gars avec une minerve). La tente ravito pue littéralement la merde et je la traverse donc rapidement pour prendre une soupe et un coca. Je me relance dans la descente qui s'annonce déjà pénible avec mes genoux.
Contrôle volant des dossards (ben oui…il aurait été facile de prendre la voiture du col jusque BSM).
Je n'en mène pas large, surtout que la pente s'accentue et que l'on termine par 2km de plat dans la fournaise de la vallee #TDS_trop_long.
Un spectateur me dit "Allez Jan Ullrich", à cause de ma casquette rose Telekom, ca me reboost 10 secondes
Bourg St Maurice km51 - 8h46 (in) (918eme) – 9h21 (out) (947eme)
Première assistance, boulette de viande, snickers, M&Ms… Je me paie le luxe d'aller chier dans les toilettes publiques (d’où les 35min d'arrêt
). Ce ravito a encore des airs de cimetière (le type a cote de moi est en pleurs avec sa copine qui ne sait pas quoi faire). Contrôle des sacs (2 lampes, veste et portable) et c'est reparti dans ce qui s'annonce déjà dantesque : les 4km/1100D+ jusque au fort de la Platte, en plein soleil, à 15h.
Le début est ombragé mais on passe très vite dans l'aride. Des grappes de coureurs s'arrêtent sous les seuls arbres qui restent. Certains font peine à voir, étales de tout leur long.
D'autres redescendent. La solidarité est en marche et il y a toujours quelqu'un pour demander si ça va, s'il faut de l'eau etc… Des randonneurs nous rassurent en disant qu'il y a de l'eau au fort (point non officiel). A posteriori je vois que je gagne 100 places dans cette section et qu'il y a eu 111 abandons au fort et 134 à BSM, ça ne me surprend pas.
Fort de la Platte km56 – 11h27 (840eme)
Heureusement qu'il y a de l'eau car je suis à sec. Scène cocasse avec un couple qui court ensemble, le mari qui râle sur la difficulté et la femme qui l'engueule "bon ca suffit maintenant! On va aller au bout!"
La pente devient plus douce et le peloton s'allonge. L'ambiance est zen, calme, avec le soleil déclinant. Une relaxation qui tranche avec l'enfer entraperçu juste auparavant. On arrive à une enfilade de lacs très jolis avec un chemin plus technique. Je croise un coureur de Spa (encore la faute à ce petit drapeau belge) que je recroiserai à maintes reprises jusqu’à l'arrivée. Je n'oublie pas le #TDS_trop_long car ça fait quand même 3h50 que je monte sans cesse. Je n'arrive pas trop à me rappeler de ces derniers mètres du Passeur.
Passeur de Pralognan km62 – 13h14 (769eme)
Descente redoutée de tous, mon objectif est atteint: y arriver de jour. C'est un peu technique, il y a des cordes mais ça passe bien. La portion plus roulante sera bouchée par une V1F (franchement quand on a une file de 20 personnes au cul, il faut se poser des questions et au moins proposer de s'écarter, il me semble
). On rallie le Cormet en trottinant sur une large piste. Le soleil tire superbement sa révérence mais ma femme vient combler ce vide.
Cormet de Roselend km66 – 14h15 (767eme)
Je récupère le sac d'allègement et me jette sur un cornet de délicieuses pates (sauce crémeuse tomatée). Ma voisine d'en face vomit ses tripes dans son cornet, cela n'entame en rien mon appétit! Ensuite je change juste T-shirt et chaussettes et sors le coupe-vent et la frontale. Dernier bisou avant la nuit.
Tout de suite un coureur de Samoens m'interpelle, on fait un long brin de causette dans la montée facile au col de la Sauce. Je le laisse pour aller chier dans la nuit noire. Je continue sur ma lancée, je me sens vraiment bien dans ce début de nuit
(le redbull de Roselend?). La descente, ponctuée par un contrôle volant et une chute sans gravité dans la boue glissante, restera aussi un bon moment. Le passage du curé, creusé dans la roche, vaut le détour.
La Gitte km74 – 16h36 (660eme)
Encore une fois, le mauvais succèdera au meilleur. Je me sens faible dans la remontée sur le col de la Gitte. Je veux m'alimenter mais les nausées arrivent vite dès que j'avale quelque chose (phénomène qui était déjà présent en début de course). Le coca servit par des bénévoles fera du bien.
Une fois le col passé, on aperçoit le col Joly, tout proche. Mais ce n'est qu'une illusion bien connue des coureurs de la TDS. Il faut en fait faire une grande boucle qui remonte (matérialisée par le ruban de frontales) pour atteindre ce foutu col (#TDS_trop_long). Je suis dans le très dur, plus de jus (sommeil et nourriture). Je me pose sur un rocher et repose la tête sur les bâtons une minute, je sens mon cœur battre trop fort.
Un bout de Clif bar me remettra sur les rails et je finirai ces montagnes russes dans un meilleur état.
Col Joly km85 – 19h44 (656eme)
Je commence à en avoir marre et j'expédie ce ravito. La descente suivante sera aussi une belle galère avec mes genoux douloureux. Nous formons un groupe de 3 avec un leader qui ouvrira efficacement la route sur ce chemin rempli de racines piégeuses (à ce moment la poutance arrive à Chamonix…incroyable
. Et par ce smiley j'insinue que tu es dopé a la patate douce! ).
Le chemin devient enfin plat mais n'en finit pas. Il m'est impossible de courir, je ne sais trop pourquoi. J'ai très mal et je n'ai plus de jus. J'ai envie d'être dans un lit. Mais je ne peux pas, ma femme est la bas, aux Contamines, mes fils m'ont fait un beau dessin que je porte dans mon sac, il y a des amis qui me suivent (bon, peut-être pas à 4h du mat), il y a ce pote qui s'est débrouillé pour avoir des autographes de D'Haene et Chaigneaux qui, tous deux, m'ont écrit un mot d'encouragement pour cette TDS, il y a ce collègue qui a dit "tu n'as pas fini ton 65km, qu'est-ce que tu vas faire sur un 120?"
Oh non, avec tout cela, je n'abandonnerai jamais!
Donc je finis ces pénibles 5km de plat en marchant rapidement jusqu'aux Conta (#TDS_trop_long)
Les Contamines km95 – 21h54 (627eme)
Deuxième zone d'assistance, je fais le plein de barres/gels pour le dernier ressaut. Encore une fois, ce moment avec ma femme m'ôte tout doute: j'irai au bout. Si j'entame cette montée ce n'est pas pour rebrousser chemin mais pour basculer sur Chamonix.
Je sors mon mp3 qui se décharge instantanément (WTF, 4eme fois que ça m'arrive avec 2 marques différentes: froid? humidité?). Je reçois un message de la poutance, ça fait plaisir. La montée au chalet du Truc est monotone, en forêt, on ne voit pas l'objectif. Par contre, une fois au dessus on voit très bien le col du Tricot et il aurait peut-être mieux valu ne pas le voir: un mur de 600m, parcouru de frontales. Ça a l'air dur, mais c'est le dernier!
La pente est dantesque et j'ai encore un coup de mou comme au col Joly, je me repose sur une pierre quelques instants.
L'ambiance va vite changer: le soleil se lève doucement et des vents chauds remontent de la vallée. On forme un groupe de 10 coureurs, accrochés au poisson pilote, une anglaise plutôt âgée. On refusera tous de la dépasser, tout le monde est satisfait du rythme. Elle nous conduira, telle une mère bienveillante, au dessus de ce col, sans doute le plus dur de cette course #TDS_trop_long
Col du Tricot km102 – 25h04 (627eme)
Bon, la vioque elle est bien gentille mais en descente, je lui fausse compagnie! Je suis bien dans cette partie, mes genoux me laissent un peu de répit. Ca sent clairement l'écurie.
La vue sur le glacier de Bionnassay est dramatique, ce genre de sensation qui a tant manqué aux yeux durant la nuit. La traversée de la passerelle est aussi un grand moment, très impressionnant avec le torrent bouillonnant en dessous.
Bellevue km106 – 26h10 (622eme)
Je croise un tramway du Mont Blanc. Les passagers blaguent ("non vous pouvez pas prendre le train, c'est de la triche"
). La descente est sans grand intérêt sinon celui d'achever définitivement ce qui me reste de quadriceps. Certains sont à la peine, d'autres encore très frais déboulent. Je me situe entre les deux catégories, uniquement mu par le désir d'en finir (car je ne m'alimente quasi plus). Les 2km de bitume finaux m'obligent à utiliser #TDS_trop_long
Les Houches km111 – 27h07 (623eme)
Tout le monde en a marre, on ne perd pas de temps. A un tel point qu'une coureuse se rafraichit la tête avec… le jerrican de boisson énergétique Overstim.
Bien sur cette dernière partie est pénible, plutôt plate et longue (8km). Je relance pour être sur de ne pas perdre trop de place (certains déboulent encore semi frais). Je pense à mon arrivée, à faire le guignol, à crier une connerie. Mais Chamonix arrive et m'oppresse. Il fait chaud, des gens partout, du bitume, des voitures. La rue piétonne est bondée, on m'applaudit même si la plupart ne se rend pas compte de ce que les coureurs viennent d'accomplir. Mais je profite, j'ai l'impression d'être une star, ça fait vraiment plaisir comparé à mon arrivée de la CCC à 5h du mat dans une ville déserte.
Enfin le dernier virage et l'arche. Tous mes beaux plans de célébration tombent à l'eau, je me dégonfle sous ces cris et applaudissements
. Ma femme est là, dans la foule. Purée, tout ce bruit pour moi? Nous ne sommes pas des héros. J'en ai encore des frissons, c'est vraiment un moment à vivre.
Chamonix km119 – 28h26 (627eme)
Je retrouve ma femme, émue. Je vais me chercher une bonne bière et un contingent belge (dont le V4H et le Spadois) se forme près du stand (comme par hasard
) .
Tout mon corps redevient douloureux alors que j'étais porté par l'adrénaline pendant les dernières heures. Je suis arrivé au bout de cette TDS en me mettant en mode pur finisher. J'avais des tableaux de temps de passage que j'ai rarement consulté, et dans l'indifférence totale. Et bien, c'est vachement plus reposant de ne pas (trop) regarder le temps !
J'ai été trop vite dans le dur (genoux/nausées) mais ai pu surmonter la difficulté. La douleur n'est que temporaire disait Kilian. Beaucoup se joue dans la tête effectivement. C'est le grand enseignement de cette TDS, décidément, trop longue mais surtout très belle.
Bon, j'ai mes points pour l'UTMB maintenant…
EDIT: et merci a bs pour l'annif 
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I live on the frozen surface of a fireball where cities come together to hate each other in the name of sport.