CR du marathon du Mont Blanc.
Comme je poste jamais ici, je contextualise un peu.
Je cours sérieusement depuis environ 2 ans, et quasi-uniquement sur plat. Après seulement une poignée de 10k et de semis je me suis intéressé au long, comme ça, pour voir. Comme je partais en échange à Stockholm je décide de m'inscrire au marathon, et je m'inscris au tirage au sort pour le MMB, en me disant que j'aurai besoin de plusieurs tentatives pour avoir un dossard.
Finalement pas du tout, première tentative, première obtention. Le hic est que du coup mes marathons ont lieu à 29 jours d'intervalle.
Je dis tant pis, je ferai mes deux premiers marathons à moins d'un mois d'intervalle en m'entraînant sans le moindre dénivelé à Stockholm, yolo.
Autant vous dire que c'était pas la meilleure idée de ma vie. J'ai jamais bouffé de distance comme ça à l'entraînement. Je me blesse pendant la préparation, je fais du surentraînement, je régresse, je suis fatigué.
Je sauve quand même les meubles à Stockholm, en claquant 3h28, ce que j'estime pas si mal compte tenu des circonstances (17k avec des crampes), et de la préparation pourrie.
Mon mois de juin est affreux en terme de càp. Je rentre en France et je signe un CDI qui commence immédiatement. Du coup je cherche des apparts le soir, je dors chez des potes en changeant tous les 2/3 soirs.
Bilan : je cours 3 fois en juin, 5k +/-.
Donc j'arrive en très grande forme à Chamonix samedi. Je me dis que je ne me mettrai pas plus que le strict nécessaire dans le dur, quitte à passer 20' aux ravitos et à me traîner.
J'arrive le samedi à 17h à Chamonix. Je retrouve deux potes qui vont le faire aussi. Les deux se sont entraînés à l'arrache aussi. Un des deux était à Stockholm en échange avec moi. Il a couru une fois 22km dans sa vie, autant vous dire qu'il est pas trop prêt. Et je tiens à dire que je suis meilleur que lui (1h37 sur semi pour lui contre 1h30 pour moi), ça a son importance pour le bilan de la course. Comme je me sais dans un état de forme déplorable, je me dis que je vais courir avec lui et le laisser que si ça devient vraiment trop facile (L.O.L.)
La course :
Je suis plutôt serein et jovial en attendant le début de la course. L'ambiance est top, le temps aussi, on blague avec mes potes.
Je cours avec mon pote de Stockholm, le second est très rapide et on essaie pas de l'accrocher.
Comme vous le savez, 17kms globalement très roulants. Ça bouchonne un peu, mais pas trop. Pas grand chose à dire, j'essaie d'être à l'aise au maximum en prévision de la suite. Je dirai que je me fais globalement un peu chier.
D'ailleurs mon pote part en solo vers le 10e, je pense qu'il est un peu trop présomptueux, mais la suite prouvera que c'était moi qui l'était : je ne le rattraperai jamais.
Au ravito de Vallorcine, je suis à l'aise. J'ai fait ms 17,5k en 2h10. Je me suis bien économisé, je pense que je suis dans le ventre mou de la course, ça me va bien. Anecdote sympa : je rencontre une bénévole qui est en fait une amie de mes parents et qui m'a vu grandir dans mon petit quartier de Lyon. La dernière fois que je l'ai vu j'avais 12 ans je crois. Elle vit à Chamonix maintenant et je discute avec elle 5 grosses minutes avant de repartir.
Le col des posettes est vraiment bien dur, comme prévu. Sauf que je me sens assez bien, et que je suis coincé parmi des gens qui vont moins vite (et qui ont peut-être raison), du coup je dépasse comme je peux, et comme je me sens mal de le faire, je prends la roue de mecs qui dépassent. Je me sens objectivement assez bien, quand il y a un tout petit replat vers la fin de la montée, je me tape même le luxe de courir un peu, là où les autres ont l'air d'accuser sévèrement le coup.
Je dois avouer qu'en revanche, la conquête de l'aiguillette est un peu plus dure. C'est très nu, très exposé, comme j'ai dépassé beaucoup de gens je suis un peu seul, donc j'accuse le coup. Je profite un peu de la vue quand même. Cette vue sur le mont blanc putain....... Il m'aura fallu 1h25 pour faire l'ascension du col et de l'aiguillette environ. Je suis plutôt pas mal. J'ai pris un coup sur la couscoussière mais je juge que c'est normal après la principale difficulté de la journée.
Les premiers ennuis de la journée commencent à la redescente de l'aiguillette. Le début est très très technique. Et là mon background me permet pas de faire face. Je galère à mort, j'ai les articulations qui commencent à souffrir sévèrement. Je descends à peu près à la même allure que je suis monté, et je prends aucun plaisir. C'est con d'ailleurs parce que la descente le long de la crête donne un point de vue fantastique mais je suis obligé de regarder le bout de mes chaussures. Là je me fais doubler énormément. Je suis un gros tracteur.
La fin de la descente se passe bien mieux et je me sens super bien. Je cours à l'aise, ça fait du bien de retrouver un peu de portion facile. En tout cas pour un temps.
Quand le vrai plat est de retour, j'ai du mal à relancer la machine, je peine sérieusement pour maintenir mon rythme. Je sais que le ravito de Tré le Champs n'est pas loin alors je m'accroche.
Une fois arrivé je suis vraiment dans le rouge. Je décide de prendre le temps, de bien m'alimenter, bien m'hydrater, et essayer de recharger les batteries autant que possible pour les 12 dernières bornes. Je n'arrive pas vraiment à me regonfler. Je me sens seul, les autres coureurs ne parlent pas beaucoup, je suis moi même en cavalier seul depuis longtemps déjà.
Un petit garçon de 7/8 ans me hurle des encouragements avec mon nom en repartant (c'est vraiment un plus ces dossards avec prénom, ça fait un bien fou d'entendre les gens nous encourager), ça me met un peu de baume au cœur.
C'est là que je vivrai le pire calvaire : le Béchar est un enfer. Je me révolte un peu parce que je ne me souvenais pas que ça grimpait autant que ça en ayant regardé le profil. Je sais pas pourquoi j'ai pensé ça parce qu'en regardant maintenant ça fait bel et bien 300m de D+ en 1,5k. J'en chie à mort, les gens autour de moi n'ont pas l'air mieux. Les gens s'arrêtent partout.
La descente n'est pas mieux, très technique encore, je peux rien faire dessus, je subis.
Et la Flégère m'achève. Je sais même plus quels mots employer pour vous signifier mon désespoir. Je me déteste de m'être inscrit. Je m'étais juré de prendre du plaisir mais je ne peux pas. Chaque mètre semble en être 50, j'ai l'impression d'être pris d'hallucinations à chaque fois que je regarde ma montre.
J'ai entendu mon portable sonner plusieurs fois, je décide de m'arrêter 5' pour regarder si j'ai des encouragements. C'est une bonne idée. Ma copine m'a écrit un message super mignon qui me fait un bien fou. J'écris à ma maman et à mon frère qui m'attendent à Planpraz pour leur dire que je suis en pleine explosion et qu'ils vont devoir m'attendre encore un peu. Ils me répondent tout de suite en me disant de m'accrocher et en m'encourageant. C'est vraiment d'un grand réconfort.
Mais bon ça ne m'a pas fait pousser de 3e poumon non plus, je n'avance toujours pas. Un bénévole nous dit que la Flégère est à 1,7km. Putain ces 1,7km je m'en souviendrai toute ma vie je pense. C'est la pire partie de toutes les pires parties je crois. Quand je reprendrai les fractionnés je me ferai des 1700m d'ailleurs
J'ai envie de m'arrêter tous les 100m, mais maintenant je veux finir au plus vite, je sais que tous les arrêts ne me feront pas récupérer (j'avoue que j'ai un peu fantasmé sur l'idée saugrenue de faire une sieste d'1h pour repartir sur de bonnes bases
)
Arrivé au ravito je suis au plus mal évidemment. Il y a un gars qui dit qu'il ne veut pas repartir, tous ses potes autour lui remontent le moral, ainsi que des gars de l'organisation, qui lui disent qu'il reste 4km de balcon tout plat et que ça va passer tout seul (avant l'arrivée d'1km en montée violente). Je n'ai pas trop la force de me joindre au concert, moi non plus j'ai aucune envie de repartir de toute façon. Je ne m'éternise pas parce que je sais que les pauses ne me font plus aucun bien. Autant en finir au plus vite.
Le balcon passe en effet assez bien. Je ne peux pas courir plus de 200m d'affilée mais je le fais quand même autant que possible. On est complètement exposés au soleil mais c'est un moindre mal au point où on en est. Quand je vois l'arrivée au loin j'ose même plus y croire. C'était presque absurde de penser que cette course finirait un jour.
Et ça se finit... Les 500 derniers mètres en mode alpe d'huez au tour de France sont super. Tous ces encouragements sont extraordinaires. Ma maman et mon petit frère sont 50m avant l'arrivée. Je tape dans les mains en courant et en grimaçant. Je suis si content de les voir. Je passe la ligne en 7h57:00, 1369e je crois
Une fois arrivé j'ai besoin de 5' allongé les yeux fermés avant de pouvoir reparler. J'ai la gerbe pendant quelques minutes.
Par contre bizarrement, mes muscles sont en bien meilleur état qu'après mon marathon plat où je ne pouvais presque plus marcher. Là j'ai mal (plus aux articulations qu'aux muscles d'ailleurs), mais j'arrive à marcher sans trop de peine. Ma théorie, c'est que mon non-entraînement du mois de juin m'a fait courir un peu trop loin de mon meilleur niveau et que du coup mon cardio m'a beaucoup plus limité que mes muscles (j'ai lu quelque part qu'au bout de 7 jours sans sport on perd 5% de VO2max), vous en pensez quoi ?
Mon pote de Stockholm a fini en 7h30', ça m’écœure un peu pour être honnête. Je suis meilleur que lui, et j'ai une prépa marathon de plus que lui. L'autre pote est carrément sur une autre planète et a fini en 6h15
Voilà pour mon CR. Bisous d'amour.
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