Konovalov a écrit :
CR BRM 600 « les 2 phares »
Pas trop de souriards vu le pavé 621km, 4000D+, Vmoy 22,3km/h, 27h48 de roulage pour 37h46 de temps total.
https://www.strava.com/activities/9159404739
Vendredi soir vers 19h : je suis à Poitiers, dans une pizzeria coincée entre une rocade et une concession Peugeot, seul avec mes pâtes bolo avant un week-end que je vais passer sur le vélo au lieu d’être en famille, à la mer, à glander sous les pins dans un transat sur ma terrasse. Il y a toujours un moment où on se demande ce qu’on fout là, ben c’est là. Retour à l’hotel, dodo tôt.
Samedi : réveil 3h15, 10’ pour aller au départ. Café, cake, carte de route, la routine. Il reste 30’ avant le départ, c’est panique à bord : ça va donner quoi dimanche matin avec 370 bornes de la veille dans les pattes ? D’habitude je suis infoutu de remonter sur un vélo pendant plusieurs jours après un BRM, là il faut en enchaîner 2. Le profil-type des participant, c’est 50-60 ans, sec et avec un gilet PBP. Je suis dans une angoisse intense et irrationnelle mais je sais que ça s’envolera dès qu’on se mettra à rouler. Enfin le départ, on est une quarantaine. Peloton, puis des groupes se forment, je choppe l’un des plus lents. 30' après le départ, le feu avant lache, j'ai du partir avec un accu vide Je veux pas lâcher le groupe donc je le change en roulant, dans le noir (ces cascades sont réalisées par des professionnels, ne tentez pas de les reproduire chez vous). L’aube point, on fait connaissance, ils sont tous du même club. 3 retraités, un quadra et une fille plus jeune. Le rythme me convient bien.
CP1/PK115 vers 10h : on ravitaille bar/boulange, achat un dwiche pour midi. Je suis aussi frais qu’à 5h, en même temps on est rarement rincé après 100 bornes de roue libre (parce que y’a des règles dans le groupe, y’a que le chef qui roule devant ). En plus on est vent arrière depuis le départ, c’est la glande totale. Quelques heures plus tard, on franchit une bosse et un d’un coup, la mer ! Turquoise, scintillante, magnifique CP2/PK175 vers 13h : On s’arrête pique-niquer à Talmont-Sur-Gironde (CP2), un patelin superbe avec une petite église perchée au dessus des flots. Le soleil tape dur depuis plusieurs heures, la chaleur s’installe. On suit ensuite la cote : Meschers, Royan, on est sur des pistes en bord de mer, c’est super agréable. On s’enfonce ensuite dans la pinède sur une route très fréquentée, enchainement de bosses casse-pattes, ça ralentit, ça s’agace dans le groupe. Je m’arrête plusieurs fois pour attendre. La moyenne s’effondre, le plan de marche prend rapidement une demi-heure dans la vue. Je me sens toujours aussi en forme. Je dégoupille dans un taquet, j’attaque de Pierre Rolland en danseuse 750W/180bpm, puis attend en haut plusieurs minutes On s’arrête dans un troquet à Marennes pour boire un truc frais, je fais les comptes : à ce rythme, l’hôtel c’est pas avant 1h du matin au lieu de 23h30 prévus, c’est un cycle de sommeil en moins. Et puis ça fait 10h que je glande dans les roues et que je roule totalement en dedans, c’est pas le BRM que je m’étais imaginé en fait. Je finis par dire aux autre que ça va me faire trop peu de sommeil, que je vais partir devant et essayer d’accélérer. Remerciements, on se souhaite bonne route et c’est parti pour un CLM individuel de 100 bornes. J’atteins rapidement le pont de l’île d’Oléron. Je la connais et je l’ai jamais aimée, celle-là. La trace prend la route principale qui traverse toute l’île, vent de face, frôlage permanent par des vroomers en week-end mais pressés quand même. Je refais mon retard petit à petit CP3/PK265 vers 18h30 : Le CP est à Saint Denis, mais mon objectif à moi c’est le phare, à la pointe 4km plus loin. Y’en a c’est les cols, moi c’est les « bout-du-monde » et les phares. Photo devant le phare de Chassiron, objectif 1 validé ! Je passe en mode nuit (gilet, feux…) et attaque la redescente de l’île. C’est aussi désagréable et dangereux qu’à l’aller mais avec un vent plus favorable je torche dans les prolongateurs, en palier à 30km/h. On se croise avec le groupe, grands coucous. Il va falloir manger, sauf que j’ai l’estomac au bord des lèvres, je sens que rien ne va passer. J’oublie le plan McDo prévu en descendant un pont, abandonne l’idée d’une pizza. J’ai pas faim et je sens que si j’avale quelque chose, ça va insta-ressortir Inquiétude, après le 400 j’ai mis plusieurs jours à pouvoir m’alimenter normalement et si on n’alimente pas le réacteur ça va coincer tôt ou tard. Pas d’inquiétude côté réserves, il me reste encore plein de figues, des pates de fruits, des gels, des barres et j’ai repéré qu’il y a un distributeur à l’hôtel. Franchissement du pont vers 20h après plus de 60km sur une île sans voir la mer. Adieu Oléron, à jamais. Ca roule mais je commence à souffrir, la selle mais surtout les pieds. J’ai des chaussures très confort mais bien trop peu ventilées, et ça commence à bruler de plus en plus à la plante. Et l’eau commence à manquer. Je passe la citadelle de Brouage au crépuscule, c’est toujours aussi joli. Par contre c’est au milieu de marécages, et les marécages c’est plein de moustiques. Je passe plusieurs bleds, pas d’eau, je n’arrive plus à appuyer à droite tellement la douleur est forte. Coup de fil à la maison pour me remonter, les mots d’encouragement font du bien. Après plusieurs bleds avec des toilettes fermées/en panne je finis enfin par tomber sur une fontaine dans un village, je bois comme si je sortais du désert et me rince copieusement les pieds. Je laisse Rochefort à ma gauche et file vers Tonnay-Charente dont je distingue le pont-transbordeur dans le couchant. Il est 22h, ça commence à tirer surtout que c’est maintenant vent de face CP4/Pk345 vers 23h : photo-panneau à Muron, puis c’est à nouveau plein ouest en direction de La Rochelle. Le ventre semble aller mieux, j’ai envie d’une barre, elle passe bien. Je finis en m’économisant grâce au vent pour ménager les points douloureux et atteins l’hotel (PK375) peu avant minuit. Y’a des mini-saucissons dans le distrib’ j’en ai envie là maintenant tout de suite, je compose le code frénétiquement, le truc tombe pas, paiement annulé je réessaie, ça marche pas, bordel mais c’est de ça dont j’ai envie, plusieurs essais dans le vide, je finis par prendre un paquet d’Oreo. Douche, mise en charge du matos, préparation des fringues pour le lendemain, déglingage des Oreo et extinction à 0h45. A 4h15 des jeunes dans une chambre parlent super fort et rigolent comme des cons. Je sens que je ne me rendormirai pas, ça devait correspondre à la fin d’un cycle, je suis pas fatigué. Je glande un quart d’heure au lit et décide de repartir. Chocolat/Twix au distrib’ et en route. A 5h30 je suis dans la Rochelle, les tours se découpent devant le ciel qui rougeoie. On passe le port, c’est le quartier des bars, c’est une ville de rugby, bref y’a pas mal de monde dehors et on est à 100% de bourrés. J’évite plusieurs zombies braillards en chaussures à bascule qui savent pas si je suis une hallucination, et file direction le pont de Ré. Ré, je l’aime, elle est belle, secrète, raffinée, tout ce que n’est pas Oléron. Sur le pont la vue est à couper le souffle Ca roule bien, on aperçoit la mer au-delà des salines de temps en temps, ça sent l’iode, la salicorne. Je m’arrête à Ars-en-Ré dans une boulange que je connais (que celui qui a dit « y’en a peu que tu connais pas mon gourmand » se dénonce immédiatement), face à l’église avec son clocher à la pointe noire. Chocolat chaud, croissants, un vrai dimanche quoi CP5/Pk420 vers 7h30 : Saint Clément des Baleines, photo-panneau. Normalement, là c’est demi-tour. Sauf que je m’en fous du CP, c’est le phare que je veux. Photo au phare des Baleines, objectif 2 validé ! Je re-traverse l’île sans traîner, re-pont, re-plein-les-yeux, reste plus qu’à rentrer maintenant. Sauf que le vent. Fort, régulier, pleine face. J’essaie de pas trop me cramer mais c’est très exposé. Marans vers 10h30, arrêt-boulange et comme le ventre est ok je décide de pique-niquer. J’emporte le dwiche en bord de Sèvre un peu plus loin, posé sous les arbres, peinard. Je repars. La trace suit la Sèvre sur plusieurs km, c’est ombragé et très agréable. Puis on rentre dans les champs de céréales, et dans le dur : les bosses deviennent de plus en plus marquées, je fatigue, collé au bitume par un vent implacable . Y’a rien pour s’abriter, que des champs de blé et peu de haies. La vitesse s’effondre, la soleil cogne, les bidons descendent trop vite, les douleurs réapparaissent, le temps file bien trop vite face aux km. Je maudis ces gens qui vivent sans forêts. CP6/PK515 vers 13h00 : Fontenay-le-Comte. 30’ de retard, ça va encore mais il reste 100 bornes de toboggans. Les 50km suivants sont un enfer, moins de 20 de moyenne, des arrêts incessants pour trouver de l’eau ou soulager les pieds. Je m’arrête dans un troquet, c’est le Groland, tout le monde est rougeaud et parle très fort, même la patronne est pleine. Nouveau ravito un peu plus loin, je quémande de l’eau à une mamie dans son jardin. La route finit pas être plus ombragée et plus abritée du vent, je reprends un peu de rythme. Quelques km plus loin je rejoins le quadra du groupe d’hier, seul. Il a crevé le matin et les autres ne pouvaient pas l’attendre parce que les barrières horaires tmtc. En fait il est 2h devant eux Le retrouver est une bénédiction, on se traine en papotant, je grignote des figues en roulant droit comme sur un hollandais les mains posées sur les repose-poignets, c’est la seuls position qui n’est pas douloureuse. On roule lentement, les talus sont douloureux mais on grapille. On se fait reprendre par un couple à 20 bornes de la ligne à la faveur d’un arrêt-biscuit, on décide en toute lucidité qu’ils finiront pas devant nous donc après quasi 600 bornes, on tire une bourre et les dépasse. Les derniers km s’égrennent, et enfin c’est l’arrivée au complexe sportif à 18h45. Pour la première fois d’un BRM j’ai envie de lever les bras et de hurler ma joie Accueil chaleureux au club, buffet, tampons, congratulations, dwiche, douche puis 2h de route pour rentrer.
Epilogue lundi : réveillé à 5h30 ce matin, rêvé de vélo tout la nuit. J’attends que la supérette ouvre en bas de la rue, j’ai une envie irrépressible de mini-saucissons. Je lis un com’ de Guez sur Strava : en effet il y a 5ans je l’avais accueilli à la fin de son 600 avec une bière, je faisais du vélo depuis une an et le truc m'avait paru complètement inimaginable. C'est. Totalement. Dingue.
Bilan : 1h30 de plus que prévu, bah, on fera avec. Par contre le sentiment d’être à présent légitime dans la longue-distance. Je m'arrête là pour cette année, PBP n'a jamais été prévu et le 1000 ne me fait pas envie, je me sens "repu" pour cette année. Un très gros doute sur la capacité de certains participants à faire ça autrement que dans les roues d’un bout à l’autre, parce que c’est définitivement pas le même sport que de rouler solo, surtout avec du vent. Physiquement, j’ai eu peur côté alimentation mais ça a bien tourné, les pied par contre ça a été dur, comme l’an dernier sur le 400 (il faisait 35°). Côté mental, des coups de mou : samedi soir à cause des pieds et du manque d’eau, dimanche après-midi avec cette saloperie de vent qui m’a collé par terre et poncé l’envie. Mais pas de fracture. Pas mal de coups de fil à la maison, en roulant dans les prolongateurs quand ça allait bien, à l’arrêt dans les moments plus durs. Les SMS d’encouragement des enfants qui popaient sur le Garmin à la fin étaient chouettes. Des moments super, samedi après-midi sur la côte, dimanche matin sur l’Ile de Ré. Le plaisir et le sentiment d’accomplissement l’emportent de très loin.
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