#tagCR : Mercato d’hiver
J’ai passé un début de saison compliquée. Un pépin physique qui m’a éloigné des terrains pendant des mois. Une période où j’avais perdu l’instinct du buteur. Puis quelques mois d’essai dans un club qui visait la Ligue des Champions alors que moi je crois que j’étais encore dans une optique où je prenais les matchs les uns après les autres. J’suis parti sans savoir si c’était vraiment la bonne décision ; mais le fait est que je suis désormais un joueur libre.
Je relance la machine et je tombe direct sur cette fille qui porte mon prénom préféré et qui ma foi a l'air plutôt mignonne. Très vite, on est plus dans une optique d’échange quasi-psychothérapeutique qu’autre chose. Mais pourquoi pas après tout, la quarantaine commence à frapper tranquillement à ma porte et j’vais pas séduire toute ma vie en faisant le pitre. Même si j’aime bien ça.
On convient d'un date deux jours après, soit mardi. Je choisis un bar que j'aime bien, ambiance mi-PMU mi-vin nature en bon connard du 11ème. Elle arrive, emmitouflée dans son manteau très large avec des yeux qui donnent envie d'écouter les Beatles.
Un verre de rougeot à la main et on commence l'échauffement. Elle bosse dans le ciné et forcément moi ça m’intéresse, alors les questions fusent. Est-ce que Quenard est un connard ? Et François, il est comment dans le civil ? J’aime bien comment elle parle de son métier et comme avec tous les gens dont c’est le cas, j’me sens un peu con quand vient mon tour et que j’ai fait l’tour de la question en trois phrases montre en main.
Je lui demande c’est quoi son film préféré. Tout le monde déteste ces questions mais moi je les adore. J’ai un truc préféré pour tout et n’importe quoi - j’apprécie la gymnastique mentale. La cartographie de soi qu’on dresse. Et ceux qui m’disent que c’est trop dur m’énervent un brin car comme dirait l’autre con à lunettes, ne pas choisir c’est encore choisir. Je repars bredouille.
Je lui parle de mon amour pour les comédies romantiques, même les plus nulles ; et je remarque que ça la fait sourire. Apparemment c’est rare les mecs qui assument d’aimer ce genre de films. J’trouve ça con que j’lui dis, et puis j’ai passé l’âge de faire semblant d’aimer les grosses bagnoles et les films de baston. Dans The Materialists y'a Pedro Pascal qui se fait rallonger les jambes, si même lui a besoin de ça on est pas sortis des ronces.
À la fin du premier verre je lui propose de prendre une bouteille, c’est la technique numéro uno pour voir si on part sur l’autoroute du fun ou pas. Ah non moi tu sais trois verres ça me suffit. Rabattage sur la bande d’arrêt d’urgence. Puis elle précise qu’il aurait fallu la prendre directement. Je lui réponds que c’est un jeu dangereux, si on se trouve laids en cinq minutes on est coincés devant une bouteille à finir. Elle ricane.
La culture c'est bien mais faudrait commencer à se projeter dans la surface. On se met à parler de nos histoires de dates en toute transparence et pas en mode je sais pas ce que j’veux mais je sais ce que je veux pas non non pas de ça chez nous. Ici c'est plutôt en termes de je fais d’la merde je suis paumé j’essaie d’évoluer de changer mais parfois j’oublie je rechute je suis con je suis bête c’est pas grave.
C’est rafraîchissant, on s’croirait dans la saison de Bref 2 à l’épisode où Khojandi arrête de faire semblant de jouer un personnage quand il rencarde. J'apprends au passage que elle elle se faire toujours avoir quand le mec commence à se désintéresser, que d'un coup c'est le gars le plus désirable au monde. Aussi classique qu'un PSG-OM mais c'est bien d'annoncer la couleur.
Je crois qu'on passe tous les deux un bon moment. Pas de pause clope donc pas de rapprochement possible c'est toujours plus facile surtout quand il fait froid. Elle parle de son désir d'enfant quitte à le faire toute seule et c'est là que je vois que les règles du jeu ont changé depuis mes vingt-cinq ans. C'est des trucs que les gens ramènent sur la table et à toi de voir si t'as envie d'enfiler le maillot. Moi ma plus grande peur c'est de faire un enfant laid et d'en avoir honte. Me demandez pas pourquoi je dois être un bien triste personnage.
Le bar ferme (tôt) et c’est là que tout se joue. Technique numéro dos : elle part d’un côté sans me demander de quel côté je vais donc je la suis en imaginant que c’est une invitation tacite à faire un bout d’chemin ensemble. Je l’arrête pour l’embrasser au bout de cent mètres parce que bon faudrait pas qu’il y ait malentendu.
Le baiser est laborieux. J’comprends pas grand chose à ce qu’elle essaie de faire et j'avoue que ça me déchauffe un peu. Je lui demande on fait quoi maintenant et y'a un silence que je romps en disant que j'ai envie de continuer la soirée mais que ça engage à rien non plus on est pas des bêtes. Elle me dit qu'elle habite pas loin et j’me dis que ça fait longtemps que j'ai pas joué à l'extérieur, j'ai la curiosité qui prend le dessus.
Chez elle y'a des tomettes dans la cuisine et ça suffit pour me conquérir. Elle me propose tisane ou bière je choisis le vice. Pas elle. Excité comme un gosse je m'amuse à commenter ce que je vois et on repart sur des débats sur pourquoi moi j'aime ça et pas toi. Je crois que j'aime bien quand on est pas d'accord ça rajoute du piment. Il fait froid mais l'ambiance est cosy. Je lui dis que à tout moment je peux partir si tu le sens plus et elle me jure que non ça va, elle est bien.
Le temps passe je sens qu'elle fatigue je lui propose d'aller se coucher. On fait le lit c'est rigolo sauf qu'on s'est pas retouchés depuis tout à l'heure. Je fais bon bah maintenant.. et puis on se réactive. J'commence à comprendre ce qu'elle veut faire avec sa bouche et faut dire que le cul est plus propice aux baisers erratiques. Grande gymnastique des corps avec au moins quatre positions différentes oui messieurs. Je la trouve belle quand elle fait l'amour mais j'ose pas lui dire. On se finit à la main chacun notre tour, c'est la baise moderne des gens qui se connaissent pas encore trop et qui ont pas envie de se coucher avec un désir trop triste.
Je pars aux aurores, sur la pointe des pieds dans le noir y'a un côté gredin ; je lui glisse que je lui enverrai un message, ce que je fais quelques heures plus tard. On convient qu'on a envie de se revoir mais faut voir ce que ça donne, deux personnes duper c'est pas forcément la meilleure combinaison possible. Mais j'ai envie de croire à une remontada de mes sentiments.