Malade
Jour 1
- Mamaaaaan
- Quy a-t-il mon cur ?
- Jme sens pas bien
Un matin comme les autres, un matin de septembre
Sophie se prépare pour une dure journée de labeur, la pauvre, elle soccupe seule de ses deux enfants
enfin du petit surtout, Dylan, 9 ans, brun, cheveux mi longs, visage dange, sourire qui accompagnerait nimporte quel homme sensible dans un autre monde
le grand lui, math comme disent ses potes, Mathieu, il se débrouille, il a 17 ans, il est grand. Elle est seule car son maris a disparu
enfin cest ce quelle raconte à ses enfants
en fait il est parti, avec une autre
le petit gobe son mensonge, mais pas le grand
il aimerait retrouver son père
pour lembrasser ou le frapper
qui sait
- Mamaaaaaaaan
- Quest ce quil y a Dylan ? Dépêche toi de te préparer, tu vas être en retard
la première semaine, ça serait gênant quand même
.
Dylan vient de rentrer en cm1
cour moyen
le petit naime pas cette appellation
« Je ne suis pas moyen, je suis doué ! Je travaille tout les soirs » il faut dire, il sennuie en cours
trop facile
alors il bosse
il ne sait faire que ça. Le grand entre en terminale
cest de son age dit en plaisantant sa mère
Enfin Mathieu fait lhomme à la maison, cest dur pour elle de voir son fils grandir
Depuis le départ de son mari, il y a tout juste 9 ans
Le jour de la naissance de Dylan, Math nest plus le même
du tout. Comme si il avait brusquement grandi, comme si il avait compris.
- Mamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan
- Ecoute, ne fait pas ta chochote, faut aller en cours maintenant, tes copains vont se foutre de toi si tu fais semblant dêtre malade
- On dit pas « foutre » à son fils
et je suis vraiment malade
Dylan est très à cheval sur léducation
plus que sa mère
son rêve ? Être un fils modèle
mais vu certaines conneries quil fait, cest loin dêtre gagné
- Maman
- Plus tard
Jour 3
- Madame Manouche ?
- Oui ?
- Cest linfirmière de lécole
cest à propos de votre fils
- Il lui est arrivé quelque chose ?
- Il est tombé dans les pommes
Si seulement les mères écoutaient un peu plus leurs enfants
puisquil le disait quil ne se sentait pas bien
- Maman ?
- Oui ?
- On va ou ?
- On va à Trousseau
Trousseau, lhôpital des enfants
beaucoup y rentrent
beaucoup y sortent
dautres y restent. Trousseau
ce nom devrait faire peur, les enfants y sont pourtant, pour la plupart, complètement étranger
- Cest quoi Trousseau ? Tu as perdu tes clés ?
- Non.
Sèche est la réponse, grand est lamour
y a-t-il une relation de cause à effet ? Dieu soit loué non
- Voila docteur, je ne sais pas, cest à propos de mon fils, il se sent mal
au début je croyais que ce nétait que du cirque pour ne pas allez à lécole, mais ça a duré tout le début de la semaine, et aujourdhui, il a fait un malaise
- Il a des allergies ?
- Oui pollen
mais en septembre docteur
Cest la première fois que Dylan se retrouve dans un hôpital
il naime pas trop ça, dhabitude, il va chez le pédiatre
il déteste la pédiatre, et ses vilaines piqûres
cest pour son bien dit sa mère
un jour, il prendra un stylo plume et le plantera dans le bras de son frère
« pour son bien »
non, il ne le fera pas bien sur
trop peur des représailles.
- Déshabille toi mon petit sil te plait.
- Non !
- Comment ça non ?
- Ma mère ma dit de ne pas écouter les messieurs que je ne connais pas bien
et surtout pas de me mettre tout nu
- Excusez le docteur
il est pudique pour son age
je nai même pas le droit de lui faire prendre son bain et cest son grand frère qui sen charge
Dylan, ça suffit maintenant, et obéis au monsieur.
Dylan est dans la moyenne de son age
ni grand ni petit, juste mignon
ou beau comme dirait la voisine. Pourtant, il déteste se mettre nu devant les autres
à la piscine cest lhorreur
le seul devant qui il accepte, cest son frère
Flashback : Jour -380
Eté, Dylan a tout juste 8 ans
- Jveux être seul dans la salle de bain !
- Mais enfin, tu me fais quoi la ?
- Laissez moi !
Dylan senferme dans la salle de bain, il pleure
Pourquoi ils le regardent, il est normal
il veut être seul, seul avec lui-même
la salle de bain, cest le seul moment ou il peut se regarder, voir qui il est, comment il est
il nest pas question quon lui pique ça
- Ouvre Dylan, ordre de ton frère !
- NON
- Allez
chuis fait comme toi, laisse moi rentrer
- Non
jveux pas, laisse moi
- Je défonce la porte
Habituellement, cest une menace
et ça vaut ce que ça vaut
mais quand on a le sang bouillant comme Mathieu, on ne fait même pas attention à tout ces principes la
- Putain la porte !
- Oups
jvais me faire tuer la
bon, ba voila, jte vois, ça change quoi ?
Ca change rien, rien de rien
sen suivit une très longue conversation entre les deux garçons
une conversation de confiance que lon ne peut avoir quavec son frère
son frère lui avait montré, que lui aussi était pareil
oh, un peu plus poilu, mais bon
pas de quoi casser une porte
ni senfermer dans la salle de bain pour pleurer pour rien
ouais, Mathieu avait le droit de le voir, lui et lui seul
pourquoi ? Dylan navait même pas encore saisi que cela sappelait la confiance
Jour 3, suite
- Allons mon garçon, déshabille toi maintenant
Dylan navait pas le choix
quelle merde
trouver quelque chose
vite
- Je suis pas malade, jai menti !
Pour mentir, ça il mentait
il ne sétait jamais senti aussi mal
mal à la tête, au ventre, crise de délire, baisse de tension
depuis le début de la semaine cela durait
mais il ne pouvait pas lavouer, pas devant ce mec qui voulait le voir
-
-
- Aie
- Que cela te serve de leçon
Le rendez vous navait pas duré plus longtemps, Sophie sétait excusée devant le docteur, platement, puis avait quitté la place avec son fils
la gifle, il ne lavait pas volé
obliger sa mère à quitter son travail, à aller à Trousseau pour un simple mensonge
Certes, il toussait un peu
un simple rhume des foins pensait elle
mais en fait non
Sophie était rouge de colère, Dylan de honte
Si Mathieu avait vu ça, il aurait fait la blague classique et stupide des deux tomates
mais il nétait pas là, et cela aurait de toute manière énervé sa mère
au dessus des rougeurs, des larmes, celles dune petit garçon qui avait réellement mal au ventre.
Jour 15
- Madame Manouche, ça ne peut plus durer
cest le 3ème malaise en 15 jours ! Votre fils à sûrement un problème
vous êtes sur que cest de la comédie ?
- Oui
cest lui-même qui lavoue
que voulez vous que je fasse ?
- Je ne sais pas
vous avez essayé le psychologue ?
Le psychologue
Bien sur
quand la maladie ne vient pas du corps, elle vient de la tête
cela est une très bonne idée, encore faut il savoir lexpliquer à son fils
- Tu vas allez chez un psychologue
- Un quoi ?
- Un monsieur qui soigne les problèmes que lon a dans la tête
- Mais jai pas de problème dans ma tête ?
- Si
Une mère surchargé de travail, avec un petit garçon qui fait semblant dêtre malade
ça a du mal à prendre son temps pour expliquez les choses
. Pour un petit garçon, apprendre quil a un problème de la bouche de sa propres mère, cest un réel problème
Jour 20
- Merci docteur davoir accepté ce rendez vous aussi rapidement
- Cest normal madame Manouche, cest mon métier
quel est donc le problème de ce petit ?
- Il sinvente des maladies pour ne pas allez en cour
- Mhhh
je vois
laissez moi seul avec lui je vous pris
Le couchemar peut commencer
Des tableaux dun autre siècle, des revues et des livres que lon croirait encore plus anciens, des meubles qui ont fait la guerre
et un vieux monsieur barbu, avec ses petites lunettes rondes et son halène de tabac froid
vous nêtes pas dans les années cinquante, juste chez un psychologue
mais il est vrai que la différence entre les deux est bien minime, surtout lorsque lon a 9 ans, mal au ventre, à la tête, et quon ne sait même pas pourquoi on est la, si ce nest quon est malade
- Raconte moi tout !
Dylan voudrait bien, mais raconter à ce pauvre monsieur quil sent mauvais ne doit pas être la meilleure des choses à faire
même à 9 ans on peut comprendre ça, et Dylan décide de sabstenir
mais que lui dire
quil est vraiment malade et quil na pas voulu ladmettre pour ne pas se montrer devant un monsieur ? Ca serait se dévoiler, et devant ce monsieur, ça serait pire
et en plus, ça le conduirait directement à la case hôpital
non, pas question.
- Et bien, tu as perdu ta langue ?
Une heure de question sans réponse, cest sur, ça énerve, et les psychologue naiment pas perdrent leur temps, surtout lorsquils se rendent compte de linefficacité de leur méthode
- Madame, votre fils nest pas un malade imaginaire, il a juste des problèmes comportementaux
- C'est-à-dire ?
- Jai bien peur quil ne soit quune forte tête
un prémices à la crise dadolescence
- Mais il na que neuf ans, vous ne pouvez pas dire ça
- Je connais bien mon métier
il se moque du monde vous savez, le mieux est de prendre le taureau par les cornes
envoyez le dans un institut spécial, ça le calmera
mieux vaut ça avant quil ne dégénère.
Ou avant que le psy ne dégénère
au choix.
Jour 22
- Il est hors de question que tu envoies Dylan la bas
cest nimporte quoi, il na jamais rien fait de mal
- Il simule la maladie, je nen peu plus Mathieu
tu dois comprendre que je suis votre mère et que je veux votre bien
je nen peu plus, cest trop dur, par trois fois jai du quitter mon bureau pour rien
il me met dans des situations impossibles
avec les médecins, avec son école
Tu dois comprendre quil ny a pas dautre solution
je ne vais pas me mettre à le taper non plus ?
Certes, cogner nest pas une solution
ouvrir les yeux en serait une
- Non, il est hors de question, tu peux pas faire ça à mon petit frère
- Cest déjà décidé, jai appelé le centre, ils veulent bien de lui, le temps quil faudra
cest pour son bien
Vous vous rendez compte du nombre de conneries quon peut faire par amour ou pour le bien de quelquun ? Dylan lui, continue de pleurer
ce nest pas quau ventre et à la tête quil a mal
cest au cur
Jour 44
- Madame Manouche ?
- Il faudrait que vous veniez chercher votre fils au plus vite
- Quest ce quil a fait ?
- Rien
on a juste découvert quil ne simulait aucune maladie
- Comment ça ?
- Votre fils est réellement malade
Notez le temps quil a fallu pour sen rendre compte
44 jours à partir des premiers symptômes, cest une bonne moyenne
.
Jour 45
- Dylan, il faut absolument que tu ailles chez le médecin !
- Non, je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas
jai rien
pas chez lui
Sophie ne savait plus quoi faire
elle ne comprenait pas
pourquoi cette peur du médecin ? Pourquoi cette maladie ? Et quétait ce ? Pourquoi navait elle pas compris ? Elle voulait pleurer toutes les larmes de son corps, mais pas une ne voulait sortir
pas devant son fils, elle nétait pas prête pour accepter ses erreurs
- Et si jallais avec toi ?
- Tu ferais ça Math ?
- Bien sur
jirais partout avec mon petit frère adoré
-
Daccort alors
Il y a de ces miracles que la science ne peut expliquer
la science ne connaît pas encore la fonction mathématique de la relation confiance, et oui, bien des mystères restent entier pour nos amis scientifiques
Jour 46
- Pourquoi nêtes vous pas venu avant ?
- Cest grave docteur ?
Ca dépend, quand on est inconscient, rien nest jamais grave
- Oui
votre fils a une maladie avancé
il va lui falloir du courage
si vous étiez venu au début des symptômes, ça naurait pas causé de problèmes, mais la, nous allons devoir le garder en observation
de toute manière, si ça continue, il ne pourra plus se déplacer par manque de forces
Certes, Dylan était faible
toujours aussi beau, maigre, élancé, toujours le même sourire
mais faible
son ventre, ses jambes qui ne le soutenaient plus
et lui, nu comme un vers devant toute cette agitation
heureusement, son frère était la et lui tenait la main
ça lui suffisait
Pour le moment
Jour 68
Cela faisait plus de 20 jours que Dylan était en observation à lhôpital
le temps passait lentement de cette manière
son frère et sa mère venaient le voir tout les jours, Dylan sentait quil allait mieux
- Regarde petit frère, tu as reçu une lettre de ta classe
ils te souhaitent un bon rétablissement
Cest un classique
Malgré cette présence fraternelle et maternelle, voir même amicale, il manquait quelque chose à Dylan
quelque chose quil lui manquait depuis déjà 9 longues années
Jour 103
- Grand frère ?
- Oui ?
- Tu as retrouvé papa ?
- Maman ta expliqué quil avait disparu
- Tu mens
je le sais
je le sens
il est la quelque part
tu le cherches
je tai déjà entendu plusieurs fois te disputer avec maman à cause de lui
il est ou
- Je ne sais pas
- Raconte moi
- Te raconter quoi ?
- Pourquoi il est parti
Flashback Jour plusieurs années
9 pour être précis
Mathieu avait 8 ans, il venait davoir un petit frère
il était là, il a tout vu
- Je me casse
- Quoi ? Mais
et les enfants ? Et Mathieu, et Dylan ?
- Démerde toi
- Tu peux pas faire ça, pas maintenant
Tu peux pas abandonner tes enfants
ta femme
- Laisse moi
Laisse moi pleurer, Laisse moi partir
Mathieu ne savait pas
il ne savait pas que son père en aimait une autre, il ne savait pas que son père était lâche, il ne savait pas quil avait peur
il ne savait pas
Que son père nétait pas fait pour être père
Lui le savait
il savait quil était incapable, il savait quil ne pouvait pas élever ses enfants, il le savait
il le voyait avec Mathieu, il ny arrivait pas
Il ne voulait pas
plutôt que de donner un mauvais père à Dylan, autant ne pas lui en donner du tout
Il a fait les deux.
Jour 227
- Grand frère ?
- Oui ?
- Tu maimes ?
- Oui
- Tu maimeras toujours ?
- Oui bien sur
Un baiser sur le front, une main serrée
daprès les médecins, Dylan allait mieux
pourtant, il était toujours dans son lit dhôpital
- Tu crois que je vais sortir ?
- Bien sur
et quand tu seras dehors, je temmènerais manger une pizza !
- Cest vrai ?
- Promis
bien sur que cest vrai
- Cest cool alors
vivement
Jour 342
- Je lai retrouvé
- Cest vrai ?
- Oui, je lui ai parlé, je lai vu
- Il pourra venir me voir ?
- Jespère
il a peur, peur que tu ne le juges, peur de te décevoir, peur de te mettre en colère
- Dis lui de venir
Dis le lui
sil te plait
Il nest jamais venu.
Jamais.
Jour 365
Un an, un an pile après le début de la maladie de Dylan, un an après toutes ces stupidités
un an
Les médecins lui disent quil va mieux, quil sortira bientôt
il lui disent ça
Ils disent tous ça
Jour 366
Ce matin, jai reçu un SMS
De mathieu.
« Ton Fils, Dylan, Est mort dans la nuit, les médecins le pressentaient depuis quelques mois. »
Tous des menteurs
mais je le savais
Cest aujourdhui que jai compris que javais commis une erreur
une grave erreur
Ecrire tout cela ne sert à rien
strictement à rien
une plume ne répare pas plusieurs années de manque
une plume ne répare pas lerreur dun père
Jai répondu à Mathieu
« Tu étais la ? »
et lui-même
« Oui »
Daprès ce que je sais, les dernières paroles de Dylan furent : « Papa »
Il est mort une larme à loeil, et toujours ce même magnifique sourire au visage
lui aussi avait compris
lui aussi savait que cétait fini
il navait pas connu son père, mais il avait toujours ce même sourire
toujours
Et moi
Jai compris ce quétait le rôle dun père
mais trop tard
Cest toujours trop tard
Toujours
Dylan
Pardon.