Reprise du message précédent :
Allez, j'ai un peu de temps.
Arsène Lupin donc. Je vous préviens je spoile tout, donc si ne connaissez pas l’Aiguille creuse et que vous voulez lire la BD ou le livre, ne lisez pas ce qui suit.
 
Comme je le disais plus haut celle-là m’a énervé mais pour d’autres raisons. Enfant l’a prise à la médiathèque, et enfant a voulu que je lui lise. Or, malheureusement, le récit est incompréhensible. Il y a plusieurs raisons à cela, mais la première on s’en doute, c’est l’impossibilité de transformer facilement un roman de 320 pages en une BD de 54. Et ça évidemment, je peux pas vous le décrire, il faut simplement lire la BD pour comprendre que ça ne fonctionne pas. Mais quand même, on est pas aidé par le dessinateur. Voici Arsène Lupin :
 
https://i.imgur.com/OJN7Xem.jpg  
 
(Notez le dialogue au passage, dur dur.)
Et voici Herlock Sholmes, son pire ennemi, présenté sur la page d’à côté :
 
https://i.imgur.com/jgj1uEt.jpg  
 
Vous voyez où je veux en venir ? Lui, à droite, c’est le commissaire :
 
https://i.imgur.com/O6lLsF2.jpg  
 
On a de la chance, il a une moustache pour se distinguer. Et en changeant la couleur des cheveux, on obtient lui, à droite :
 
https://i.imgur.com/6OxJpiU.jpg  
 
Vous l’aurez deviné donc, le type de droite, c’est… Lupin déguisé. Il porte une « moustache de pacotille » (je cite la BD), et s’est apparemment fait pousser cette belle barbe en moins de trois jours. Vous ne l’aviez pas deviné ? Rassurez-vous : le héros (le type de gauche) ne l’a pas deviné non plus, alors que les deux se connaissent (ce qui pose d'autres sérieux problèmes dans le récit, mais je n'ai pas le courage de tout raconter. ) Au passage, le héros n’a que 17 ans, ça se voit hein ? (non plus)
 
Bref tous les personnages de l’histoire ont la même gueule, et pour une histoire de ce genre déjà vraiment pas simple au départ c’est un cauchemar. Et pour ne rien arranger, les expressions des visages ne varient pas beaucoup non plus. Sur cette double-page c’est assez extrême, la même expression (ou presque) est présente cinq fois :
 
https://i.imgur.com/wu3r5wY.jpg  
 
Le dessinateur n’est pas très inspiré pour ses héros, ni pour ses scènes. Là par exemple, c’est un mariage.  
 
https://i.imgur.com/1mTcW4q.jpg  
 
Si vous n’aviez qu’une case pour représenter un mariage, c’est vraiment comme ça que vous feriez ?  
 
Bref ça c’est pour les dessins à proprement parler. Mais en terme de BD c’est pas ça non plus. Voyez par exemple cette transition entre la P39 et la P40 :
 
https://i.imgur.com/RJxvnoZ.jpg  
 
https://i.imgur.com/HxzG4r3.jpg  
 
Ça ne fonctionne pas très bien. (Ici aussi le texte – et l’image… – à propos de la savate est un peu dur.)
 
Ici la transition entre deux cases d’une même planche :
 
https://i.imgur.com/L7f51mD.jpg  
 
Ça ne va pas du tout, on ne peut pas dire dans une case « Je te rappelle que demain… » et dans la suivante « tu passes bon bac ! » puis « Et voilà le bac est terminé ! » à côté !
 
Et dans les scènes d’action ça coince aussi. Regardez la scène de fin :
 
https://i.imgur.com/TIil2aL.jpg  
 
Les transitions entre les cases 3 4 et 5 ne fonctionnent pas correctement. Sur la page suivante, même problème :
 
https://i.imgur.com/xzQvuh6.jpg  
 
La transition entre la case 4 et la case 5 ne fonctionne pas bien, et entre la 6 et la 7 puis entre la 7 et la 8 c’est pas génial non plus.  
 
Bon et puis au delà de tout ça il y a des choses qui me déplaisent beaucoup. Par exemple, à deux reprises (je ne fais qu’une photo hein ) le héros sait *tout* mais ne dit *rien*. La première fois c’est carrément dans sa scène d’exposition, genre la *première* fois que le héros s’adresse à des gens c’est pour dire « moi je sais », mais il ne pourra pas tout dire. C’est pas du tout énervant… La seconde fois, voilà le passage :  
 
https://i.imgur.com/nBIosUQ.jpg  
 
« Je vous le dirai plus tard. » suivi de « Plus tard. » Mais c’est pas bien de faire ça ! Sans compter qu’au sein même de l’histoire, d’où un ado de 17 ans se permet de parler à un commissaire de police comme ça ?!
 
D’autres passages sont carrément absurdes. Ici le commissaire découvre qu’un vieux (je simplifie) a tué son domestique par inadvertance : « Daval » (le domestique) s’est jeté sur lui par erreur sans voir qu’il tenait un couteau à la main. (Bon je pense que je pourrais m’arrêter là tant la situation est absurde, mais ce n’est pas tout.)
 
Le commissaire demande au vieux de s’expliquer, réponse de l'intéressé : « il m’a rendu plein de services depuis 20 ans, il a sauvé ma fille de la noyade quand elle était petite, là je l’ai tué par inadvertance parce que j’ai cru qu’il était en train de voler des objets dans ma maison, JE NE VOULAIS PAS SALIR SA MÉMOIRE EN FAISANT DE LUI UN VOLEUR, SA MORT EST UN CHÂTIMENT SUFFISANT. » Mais QUOI ?!
 
https://i.imgur.com/sp2fpdv.jpg  
 
Et le commissaire de répondre : « Je vois mal le juge penser autrement. » Et fin de la scène. Non mais sérieusement, QUOI ?!! Il y a eu un meurtre, on a tué quelqu’un, et… c’est tout ? Le type n’avait pas de famille qui pourrait, je sais pas, ne pas trouver ça normal ? Porter plainte ?! Trouver que tuer quelqu’un par inadvertance parce que peut-être (on en est même pas sûr !!!) il était en train de voler un objet ce n’est pas une chose normale ?!
 
Et honnêtement, ce n'est vraiment pas juste pour le plaisir d'en rajouter, mais je mets de côté PLEIN d'autres trucs qui ne vont pas. (Certains problèmes sont sûrement présents dans le livre d'ailleurs, ce n'est pas juste une question de média.)
 
Bref j’arrête, j’ai déjà pris beaucoup trop de temps là-dessus. Quelques remarques pour finir :
• j’ai relu la BD une deuxième fois pour essayer de la comprendre (et pour faire ce post. ) La deuxième fois ça passe mieux, surtout quand on comprend qui est qui, qui se déguise en quoi etc. Ça n’est toujours pas une bonne histoire à mon goût, mais au moins je l’ai comprise. Lupin manipule tout le monde du début à la fin, et je trouve que cet aspect primordial (je suppose, je ne connais pas Lupin) est malheureusement complètement invisible dans la BD.
• j’en ai discuté avec une personne plus âgée que moi (65 ans ?) : elle l’a lu trois fois et n’a toujours pas tout compris. Mais elle a bien aimé !
• je suis assez embêté pour le travail du dessinateur. Cette personne sait dessiner, il manque sans doute de style mais ça vient – ça peut venir – avec le temps. J’ai la sensation qu’on lui a donné un projet trop gros pour lui, et qu’il n’a pas été assez accompagné pour bien faire…  
• …et peut-être que ça s’explique : si j’ai bien compris, cette BD est la réédition d’une BD de 2018 publiée chez un éditeur régional qui n’a pas l’air d’être spécialisé dans le genre : https://www.orepeditions.com/fr/cat [...] 04197.html
 
Je suppose que Bamboo a réédité le titre chez Grand Angle en se disant qu’avec le succès de la série Netflix ça pouvait être une bonne affaire.

L'auteur a l'air d'être victime de ducoup-ite aussi

Y a personne qui relit ce genre de trucs ? (edit : c'est une question rhétorique, je pense connaître la réponse )

Parappa en mode . Effectivement ça à l'air de bien puer la merde lô .

ça a l'air tellement nul.

Rien que graphiquement  

Ah ouais quand même...

 
   
 
Tout d'abord merci d'avoir pris le temps pour cette critique détaillée, et merci aussi pour la précédente : même si je comprends que tu n'aime pas "cracher" sur une œuvre, la critique est utile pour les autres, d'autant qu'elle est argumentée et justifiée dans les deux cas
 
J'étais tombé sur cet Arsène Lupin chez mon dealer, et au feuilletage j'ai pas pris : les dessins me semblaient sans intérêt, et ayant lu le roman j'imaginais mal une adaptation réussie en une BD... Après lecture de ta critique je ne regrette pas Ça cumule les défauts graves quand même    
 
Je suis très sensible aux visages identiques qui rendent le récit confus, c'est vraiment une marque de qualité pour moi. Par exemple dans Je suis légion ça me gène vraiment, il y a des passages incompréhensibles à cause de ça je trouve, sauf à le lire 4 fois... Après il y a des dessinateurs qui arrivent à bien différencier les perso en faisant toujours le même visage : Swolf dans Durango, par exemple, c'est toujours les même têtes mais il arrive à s'en sortir avec les habits et la pilosité... Mais il ne raconte pas des histoires complexes avec des personnages qui se déguisent

Et moi je viens de finir Chris ware la bande dessinée réinventée. C'est pas le même niveau chez les deux dessinateurs, c'est sûr  

Sinon, pour l'Aiguille Creuse, il y avait un magazine de lecture pour enfants (Je Bouquine, je crois) qui proposait à la fin quelques pages de BD adaptant des oeuvres classiques. Je me souviens du Grand Maulne, de la Parure de Maupassant, des Hauts de Hurlevent, du mystère de la chambre jaune... et de l'Aiguille Creuse.
 
Pour le coup, je lisais ça avec le regard d'un enfant mais ça me fascinait à chaque fois

 
 
Ces cases sont hideuses    
 
 

Tu devrais lire davantage de mauvaises BD, tes retours sont bons.

Pourquoi Lupin se déguise-t-il alors que tous les persos sont des clones ?

Oui il y avait d'ailleurs des pointures au dessin.

Pareil pour les biographies d'Okapi, genre Molière par Victor de la Fuente.

Chaland y avait participé à plusieurs reprises, pour illustrer l'histoire où pour des petites bd dans le magazine.

Ouaip, je reste très marqué par l'adaptation de Vent d'est, vent d'ouest de Pearl Buck dans ces pages. C'était souvent pas joyeux.

Ça regroupe deux choses que j'aime, écrire (drôle) et analyser (bon en BD j'ai pas tellement la culture pour, mais là évidemment c'était facile). Je suis content que ça vous plaise, c'est rigolo à faire (même si c'est très long ), mais sur le principe ça m'ennuie. Et ce qui m'ennuie encore plus ici c'est de ne pas réussir à faire l'inverse, c'est-à-dire des critiques positives plus marquantes, parce que les livres qui le méritent sont nombreux aussi. Toi qui lis mes notes sur le topic lecture, je ne pense pas que j'aie jamais écrit quelque chose de vraiment "enflammé" pour encenser un livre. Je n'y arrive pas vraiment, et je trouve ça dommage.

À la fin on s'aperçoit que tous les hommes de la BD ne sont en fait qu'un seul et même personnage !

Saurais-tu t'enflammer à critiquer l'adaptation de Fahrenheit 451 parTim Hamilton ?    

 
J'ai trouvé ça, d'ailleurs sur le wiki:
 

 
Et pour les romans, Pennac, Anna Gavalda, Sempé, Marie-Aude Murail, Tatiana de Rosnay...

J'ai eu le temps de lire un peu ces derniers jours, donc retours

Mutafukaz 2, tome 1 : On retrouve Run et sa série phare. Action, violence, critique facile des réseaux sociaux et de Donald Trump, on est bien. Pas un scénar en béton (faut lire ça comme on regarde un blockbuster 'ricain), mais c'est bourré de références et on passe un bon moment de détente avec des dessins efficaces, j'irai saisir le tome 2 à sa sortie.

Du coup j'ai eu envie de relire Mutafukaz : Puta Madre : Même univers, Run au scénar et Neyef au dessin (qui imho collent mieux à l'univers). Gosse en prison, gangs de motards, Lucha Libre : là aussi on est bien

Dans un tout autre style j'ai retrouvé Isabelle Dethan (dont je suis un gros fan du dessin) avec les 4 premiers tomes de Sur les Terres d'Horus, dont l'intrigue prend place en Égypte ancienne sous Ramsès II. On y suis deux enquêtes (chacune courant sur 2 tomes) d'une jeune scribe. Scénars peut-être un peu faibles, mais les aquarelles sont magnifiques et on apprend 2-3 trucs sur l’Égypte ancienne au passage.

J'attends un pavé de Parappa  démolissant une de ces œuvres, histoire de rigoler

Merci de l'update, je n'avais aucune idée qu'une suite était sortie

Non mais je critique quand je trouve que c'est pas bien, je dis pas du mal pour dire du mal, me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.  
J'ai jamais accroché au style graphique de Mutafuckaz, j'ai feuilleté plusieurs fois mais je n'ai pas lu.

Mutafukaz, j'ai hésité à m'en débarrasser. Ca commençait bien et puis patatras. J'ai compris que Run savait poser un univers et sa pate graphique, mais ne savait pas développer une histoire  

L'émission La Méthode scientifique sur France Culture fait en général ses vendredis sur la (science-)fiction. Cet après-midi, l'émission (à 16h) est consacrée à La Brigade Chimérique.
 
https://www.franceculture.fr/emissi [...] -du-talent

Je suis tombé par hasard sur Carbone & Silicium à la médiathèque, comme vous en avez parlé souvent je l'ai pris. Je suis assez partagé. Je ne peux pas dire que je n'ai pas apprécié parce que j'étais plutôt accroché au récit j'avais vraiment envie de lire la suite, mais je ne peux pas dire non plus que j'ai aimé, il y a beaucoup trop de choses qui m'ont empêché de rentrer complètement dedans.  
 
Esthétiquement aussi je suis partagé. Il y a des ambiances et des décors très réussis, quelques belles cases et planches, mais l'esthétique des personnages est assez repoussante. Je suppose que c'est fait exprès mais ça m'a gêné.  
 
Pour le reste je vais mettre mes questions et remarques en spoiler parce que je pense que d'autres personnes ici le liront.
 

 
Pour finir je repose la question : que fait Carbone de son tout son temps ?  
 
Bref, le livre m'a interpelé, comme vous voyez.

Elle tient pas vraiment debout cette BD. J'ai du mal à comprendre la hype quand même.

En l'an 171 le concept "d'exosquelette interne" dans le babillage technique m'a bien fait marrer

Purée faut être plus que partagé pour avoir la foi de la décortiquer comme ça.
Perso même ressenti que le topic. Meilleure que ses précédentes, mieux écrite par intermittences mais globalement Bablet a besoin d'un scénariste afin qu'il puisse prendre plus de temps à dessiner des bonhommes en entier, tout en gardant son niveau de rendu pour les décors.

Je me tâte encore à le lire, et donc à cliquer sur le spoiler de parappa

J'ai trouvé Shangri-la mieux maitrisé.

Je suis sans doute dans une minorité mais je trouve pas ça choquant. Toutes les expressions ont été "actuelles" à une époque ou une autre, ont agacé les plus de 30/40 ans puis certaines restent et sont 20/30 ans après intégrées au langage courant sans que plus personne n'y fasse attention. C'est particulièrement vrai pour les anglicismes, parfois aussi pour l'argot même si une grande partie se démode à chaque classe d'âge.
 
Tiens, dans le genre mot qui dérange et qu'une partie de la population voudrait dégager, je suis sûr qu'autrice sera encore employé en 2030.    
 
Wi-fi en 2300, par contre, ça fait sourire.

Autrice, ça existait déjà au XVIIe d'ailleurs
 
Mais en effet, beaucoup d'oeuvres de SF ne tiennent pas compte des répercussions des inventions qu'elles proposent, et du coup j'ai du mal à trouver les scénars réalistes.
 
L'exemple classique que je sors à chaque fois en conférence, c'est la téléportation. Si elle est accessible pour tout un chacun, ça va changer totalement la face du monde, des villes, du logement, du travail. Mais souvent, c'est traité comme un élément mineur au détour d'une page.

Dans quelles œuvres aussi ? Moi qui lit pas mal de SF, on s'y téléporte très rarement en fait.

Perso ce qui me gêne vraiment et que je trouve de plus en plus dans les livres et BD, c'est l'horrible "à la base". L'expression que vous cherchez est "à l'origine"

 
Bah rien que Harry Potter ou Star Trek. Dans les derniers films Star Wars, ils téléportent un sabre et dans la série Clone Wars certains peuvent se téléporter...

Oui alors dans HP et ST c'est pas vraiment le truc le plus con niveau cohérence de l'univers. On pensait plutôt à des œuvres sérieuses
(et à la décharge de ST, dont je suis loin d'être un grand fan, la TP a été introduite au tout début pour raison budgétaires)

Oui voilà, des œuvres popcorn. La littérature SF sérieuse des ses 30 dernières années justement s'évertue à analyser les répercutions des différentes technologies sur nos vies. C'est un peu la différence entre la bonne et la mauvaise SF.
 
Stark Trek, c'est très très vieux. Star Wars c'est dans la fantasy dans l'espace et Harry Potter c'est de la fantasy tout court.

 
C'est dans Hyperion (si je me souviens bien) où le système s'arrête. L'univers entier est habitué à fonctionner avec des portails et tout d'un coup des gens se retrouvent isolés au sommet de tours dans des bureaux alors que le seule sortie c'était par téléportation ou dans des coins paumés à des années lumière de chez eux  

Oui. Les gens ayant une maison avec chaque pièce sur une planète différente...

 
T'as "Paris 2119" qui traite pas ça comme un élément mineur  
 

 
 
J'ai bien aimé

 
Oui, c'était plutôt intéressant d'ailleurs