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Les dimanches étaient monotones : on ne recevait jamais personne. C’était ennuyeux à mourir.
Je tenais à la main un verre de caïpirinha que je dégustais petit à petit. La pièce dans laquelle je me trouvais était plongée dans la pénombre. Mais je pouvais quand même distinguer devant moi sur le comptoir le modèle réduit d’un bateau à propulsion hydraulique. Cela me rappela comment j’avais obtenu l’albatros qui se trouvait en face de moi et qui me fixait de ses grands yeux noirs et menaçants.
C’était en avril 1986 ( je ne me souviens plus de la date exacte ), j’étais parti en Amérique du Sud pour me détendre et oublier le train-train quotidien lorsqu’un jour je rencontra une indienne, qui était nue et avait de magnifiques cheveux noirs. Je l’avais invitée à prendre un verre et lui offrit un collier pourvu d’une perle. Comme elle ne voulait plus me quitter je lui dit :
« Prenez un pépito et allez vous-en ! ». Malgré mon impolitesse, pour me remercier de l’avoir invité, elle me donna l’oiseau. Je n’en voulais pas mais elle avait insisté et en bon gentleman j’accepta.
Me voilà de retour dans cette pièce sombre et glaciale. J’allais me regarder dans le miroir flouter qui était derrière moi. A force de rester enfermé ici ma peau était toute terne.
 A coté de la porte il y avait un autre animal qui possédait des canines imposantes mais qui était sage comme une image. Il s’appelait Neptune. C’était mon chien, je lui avais donné du corned-beef mais il n'y avait pas touché. Je remarquais alors, sur le comptoir, auprès du bateau un stéthoscope et de l’adhésif. Je ne savais pas ce que ces objets faisait là mais qu’importait. J’avais fini mon service et ma copine n’allait pas tarder à arriver. Nous devions aller pique-niquer. L’horloge sonna midi. A ce moment quelqu’un entra dans le magasin laissant pénétrer la lumière ce qui m’aveugla pendant un instant. Lorsque la pénombre redevint maître des lieux je pus distinguer mon amie. Elle avait de longs cheveux blonds, de grands yeux bleus et elle portait un kimono. Elle s’appelait Karine. Je l’embrassa puis elle me tendit l’autre joue que je baisa également.
« J’ai apporté des lilas ! me dit-elle. » Je prit le bouquet de fleur et la remercia. Nous sortîmes et je l’invita à monter dans ma voiture. Elle me demanda où nous allions avec son léger accent anglais.
« C’est une surprise ! Tu verras quand on sera arrivé ! » lui répondis-je.  
 Nous arrivâmes au bout de deux heures. Nous sortîmes les aliments et tout le reste et nous allâmes dans une clairière. L’endroit était sublime. Nous pouvions apercevoir quelques vaches, j’appréciais beaucoup ces ruminants mais je n'ai jamais su pourquoi. Plus loin il y avait une rivière vers laquelle nous nous installâmes. Nous étions juste en dessous d’un cerisier. Le drap sur lequel nous nous trouvions était de couleur écarlate. Derrière la rivière, à environ 800 mètres, on pouvait voir une petite cabane construite sur un terril. A notre gauche il y avait trois personne qui manger. Ils étaient des hérétiques de Sodome, on pouvait les reconnaître grâce  au médaillon qu’ils portaient autour du cou. La majeure partie de leur « clan » avait été passer par les armes lors de la guerre de Sodome de 1967.  
 Karine sortit un sachet de thé soluble de sa poche et le laissa mariner dans de l’eau. Le tout devint un mélange assez onctueux.    
« S’il te plaît, chéri ! Tu peux me passer une cuisse de poulet ? me demanda-t-elle. Je lui répondis par un signe affirmatif et sortis mon couteau dont la lame n’était pas très bien aiguisée. Je commençais à lacérer la cuisse du poulet mais celui me résistait. J’avais beau insisté je n’arrivais pas à couper cette fichue cuisse. Le combat était gratiné à souhait.  
« La bêtise consiste à vouloir conclure ! me dit Karine en rigolant.  
La turlute est une dure lutte. Finalement j’abandonna et je passa une pastèque à Karine qui s’en contenta. Quant à moi je pris un sandwich au jambon. C’est vrai que ce n’était pas très romantique, mais bon.  
 Tout d’un coup je vis Karine devenir toute rouge puis elle devint bleu. Je m’affolais et cherchais à comprendre ce qui se passait. Elle passait par toutes les couleurs. Malgré que ce soit assez dramatique c’était assez rigolo. Je lui donnais plusieurs tapes dans le dos et alors à mon grand étonnement elle recracha un morceau de pastèque. Elle avait en fait avalé une pastèque par le mauvais trou. Je lui demandais si tout allait bien, elle me répondit que oui. Nous reprenions notre déjeuner lorsqu’un orage s’abattit sur nous. Le cerisier sous lequel nous nous trouvions perdit tous ses fruits qui nous tombèrent dessus en même temps que des trombes d’eaux. Branle-bas de combat tout le monde dans la voiture. Il est bien court le temps des cerises me dis-je.
 Karine voulu que je la déposa chez elle. Elle n’avait pas l’air très contente. Je l’emmena jusque chez elle et rentra chez moi.
 En entrant dans ma chambre je me tint un soliloque sur ce qu’était ma vie, si elle valait vraiment le coup… .
 Le lendemain Karine m’appela pour me dire qu’elle ne voulait plus sortir avec moi. Depuis ce temps je ne suis plus jamais sorti avec quelqu’un.

Les dimanches étaient monotones : on ne recevait jamais personne. Ca tombait bien, on avait fait les courses la veille, et quelles courses ! Devant la platitude de nos relations sexuelles du moment, et surtout devant le programme télé du dit dimanche qui nous laissait le choix entre L’Opération Corned Beef et L’Albatros de Mocky, nous avions décidé, après avoir laissé cette idée mariner plusieurs semaines, d’aller faire un tour au Sex Shop du coin.
C’est ainsi que l’on s’était retrouvés au 36, Rue du Terril ( ndla : je savais pas où le placer lui ), poussant la porte du « Sodome Club » : je dois avouer que sur le moment et dans un long soliloque, je me suis demandé si ce que l’on faisait était bien, si cela allait enfin sortir notre couple du désastre sentimental. Ma compagne quant à elle, jetait un coup d’œil dans tout les coins, espérant que par malheur si quelqu’un la reconnaissait, une chance divine floutera l’image du couple entrant dans le club sordide. A peine la porte ouverte, une odeur de sexe remplit nos narines : le magasin semblait vide, à part le vendeur en mini-jupe cuir très saillante, ruminant son chewing-gum comme une vache anglaise. En nous baladant dans les rayonnages, nous avions déduit qu’il fallait trouver un thème en vue de notre onctueuse nuit d’extase : plusieurs choix s’offraient à nous. Tout d’abord, le thème combats orientaux, avec la panoplie de kimonos « Fuck me by the ass » et les nunchakus roses bonbons : malheureusement, je nous imaginais mal passer par les armes pour améliorer notre vie sexuelle. J’éliminais donc par la même occasion le thème « vengeur masqué sado masochiste » et le kit panoplie en cuir plus fouet, l’idée de me faire lacérer les fesses et de sentir les canines de ma femme enfoncées dans ma chair ne me plaisait guère. Je trouvais enfin la panoplie adéquate au bout d’un rayon : le thème « Urgences », avec les blouses, les gants stérilisés, le scalpel aux lames aiguisées et les stéthoscopes en poils doux. Et en bonus, la poupée gonflable du Docteur Ross, pour les nuits solitaires de ma dulcinée. J’appelais ma femme qui comme moi, trouva ce choix judicieux et qui de toute façon, en avait marre de cet endroit lugubre.  
Sortis du magasin, nous essayions de trouver l’endroit approprié à nos folles activités : nous voulions faire cela en plein air, le lendemain après midi, nous aurions pu pique-niquer en beauté, et c’est le cas de le dire, près d’une petite rivière à quelques kilomètres. Mais nous avons décidé d’opter pour la solution de l’appartement, le sexe en plein air ne nous plaisait guère tout bien réfléchi : il est bien court, le temps des cerises..
Un jour et quelques heures plus tard, nous voilà assis dans le canapé, un caïpirinha dans la main, la honte est-elle soluble dans l’alcool ? Cela semble être le cas car après quelques verres, ma femme me dit :
"Bon, je vais me mettre nue, je t’attends sur le lit.. Ne me fais pas trop mariner.. » Je me lève à mon tour et entends quelqu’un sonner :
"Bonjour, c’est pour mon école, j’ai apporté des lilas.. C’est 5€ le bouquet Monsieur.
- J’ai pas le temps, prenez un pépito et allez vous en, rigolo" dis-je en claquant la porte, j’avais même oublié de lui donner son pépito, pauvre petit.. Je me regarde dans la glace et m’interroge sur la stupidité de cette situation, puis j’entends :  
"S’il te plaît chéri..
- Bouge pas ma puce, reste où tu es bien sage comme une image, j’arrive »  
J’entre dans la chambre, et voit ma femme nue, avec à côté d’elle un ruban adhésif : ça peut toujours servir, c’est vrai. Ma femme s’active dès mon entrée, enlève mon pantalon et se met au travail. Après plusieurs minutes je sors : "La turlute est une dure lutte, hein ?" Je me prends une gifle, et je tends l’autre joue : amplement mérité. Mais aveuglée d’un désir retrouvé, elle continue son travail et me branle-bas : je préfère plus haut, mais je le garde pour moi, peur d’une autre gifle sans doute. Soudain, l’impensable arrive et j’éjacule comme un idiot, sur son teint écarlate :  
"Mais tu pouvais pas te retenir merde ?
- Désolé, je suis pas expert en hydraulique moi ! Pis qu’est ce que tu as ce soir ? On dirait une hérétique qui a avalé une pastèque par le mauvais trou, profite bordel !" Elle se retourne, s’engouffre dans le lit, et dit d’un ton solennel : "Bonne nuit"
Ah je vous jure, le sexe est un combat gratiné à souhait..

Les dimanches étaient monotones: on ne recevait jamais personne.
Aussi, au terme d'un long soliloque, pris-je la résolution de tuer Michel Drucker que je jugeais responsable de cette apathie dominicale.
J'avais passé des heures à mariner là en écoutant du Tino Rossi, en ruminant toutes les possibilités qui s'offraient à moi pour me débarasser de l'infame. Finalement, je me basai sur les films d'action américains, et échaffaudai un enlèvement.  
Je sonnerais chez le présentateur : "J'ai apporté des Lilas pour M. Drucker.", dirais-je au valet anglais. Il m'inviterait à entrer, j'attendrais ma victime dans le salon en sirotant un caïpirihna, puis lorsqu'elle se presenterait, je la menacerais avec une lame de rasoir, bien qu'il me déplaise d'en passer par les armes. Il me supplierait "Prenez un pépito et allez-vous en!". Je pourrais alors le lacérer puis le tuer, mais la bétise consiste à vouloir conclure trop vite.  
Non, je lui conseillerais plutot de rester sage comme une image, lui mettrais un adhésif sur la bouche, le forcerais à monter dans le coffre de ma voiture et l'emmenerais dans un terril. Je l'obligerais à enfiler un kimono brodé "David Douillet", puis le jetterais dans la rivière, et sourirais en constatant que le Drucker n'est pas soluble dans l'eau douce. Tous les experts en hydraulique vous confirmerons que son corps ne serait retrouvé que bien plus tard. Le mieux serait un dimanche après midi par une famille pique-niquant au bord de la rivière. C'est leur chien qui découvrirait le corps, en ferait du corned-beef et reviendrait vers ses maîtres avec des morceaux de Michel Drucker dans les canines…
"- Vous aimez les chiens?". Je ne sais pas Michel, mais en tous cas, les chiens, eux ils t'aiment! Et la boucle serait bouclée.
 
"Il est bien court, le temps des cerises…" Je me fis cette reflexion alors que, après de longues journées à peaufiner mon enlèvement, je me préparai enfin à passer à l'offensive.
Un dimanche comme tous les autres (pléonasme?), je me rendis chez Michel Drucker. Je sonnai à sa porte, personne ne répondit. Je contournai la maison, passai par le jardin et m'accoudai à un rebord de fenêtre afin de m'enquérir de la présence de ma future victime dans la maison.
Et là, je fus aveuglé par le branle-bas qui se déroulait sous mes yeux. Michel Drucker était bien là. Il y avait aussi Laurent Gerra (le rigolo de droite), Didier Barbelivien, Christian Clavier et des tas d'autres célébrités qui venaient s'agglutiner tous les dimanches sur le canapé rouge de leur hôte. Il y avait même un albatros que l'on avait pris soin de flouter afin de préserver son anonymat. Mais le plus hérétique dans tout ça, mais aussi le plus onctueux, est qu'ils étaient tous nus!! Et dans des positions, des embriquements, des encastrements qui auraient rendu écarlates les habitants de Sodome même! Je puis vous dire que le combat était gratiné à souhait! Didier Barbelivien demandant à Douste-Blazy : "S'il te plaît, chéri, mets moi ton stéthospcope dans mon parking à Felix Gray". Laurent Gerra qui, imitant Raymond Devos, déclamait "La turlute est une dure lutte!". Et même Michel Drucker demandait à Pierre Benichou de tendre l'autre joue afin de le giffler avec ses testicules, ce dernier hurlant de plaisir à chaque coup, comme s'il avait avalé une pastèque par le mauvais trou.
Le spectacle fut tel que je pris rendez-vous pour le dimanche suivant et le dimanche suivant le dimanche suivant.  
 
Mes dimanches ne seraient plus jamais monotones.