Reprise du message précédent :
Si vous voulez voir du pays, il semblerait que le musée Albert Kahn ait mis des choses en ligne :
 

 
https://www.lense.fr/news/le-musee- [...] 00-images/
 
Ça se passe ici : https://collections.albert-kahn.hauts-de-seine.fr/

Juste un petit message pour vous remercier pour votre aide.    
 
Je pense que je vais prendre contact directement avec le musée.
 
Merci à vous !
 

Vous avez vu la pub du château de Versailles sur insta ?
J'ai un faible pour Napoléon III

Impressionnant  

C'est le plus réussi. Parce que l'impératrice Eugénie là

Tiens petit clin d'oeil à propos d'Eugènie, dans la ville de Pontivy, centre-Bretagne, il y a une gargouille du clocher-porche à ses traits, en hommage à Nap III qui avait approuvé la construction de l'Eglise Saint Joseph. C assez marrant cette affaire    
 

CR derniers jours : j'ai vu Afghanistan, ombres et légendes au musée Guimet.

(Je sais pas comment ils font pour avoir des statues en terre crue aussi bien conservées, c'est presque vexant.)

C'était très troublant !

C'est sûrement compliqué d'organiser une exposition d'art afghan en ce moment. Peut-être pour cette raison, les commissaires ont choisi un thème marqué : ce n'est pas l'Afghanistan, mais l'Afghanistan vu par le prisme des fouilles françaises. Sur cette partie, j'ai appris des TONNES de trucs. En particulier, que la France a été la première nation à avoir un truc institutionnel pour l'archéo là-bas, à la demande du roi de l'époque (Amanullah je crois), avec la fondation de la DAFA (Délégation archéologique française en Afghanistan). Mais ça peut se comprendre quand on voit la vidéo d'un des rois suivants (Zaher Shah) interrogé par un journaliste français, en français. Le type parle comme un livre… il a fait une partie de sa scolarité à Janson-de-Sailly.

L'exposition commence avec deux-trois généralités : frise chronologique, description du contexte historique, objets ethnographiques, références à des écrivains comme Kessel et Kipling, puis l'histoire de la fondation de la DAFA, et on entre dans le vif du sujet. Il n'était pas possible d'avoir des prêts afghans, donc l'essentiel des objets exposés vient de collections françaises, en particulier du musée Guimet. Comme on suit la DAFA, l'exposition montre site par site, au fur et à mesure que de nouveaux endroits sont (re)découverts. Ça peut être déroutant parce qu'on passe du IIIe siècle à l'Âge du Bronze avant de revenir, selon l'occupation des sites, mais j'ai trouvé que ça restait plutôt clair. Dans les objets de très grand intérêt, il y a en particulier de grands relevés à la gouache de peintures des niches des bouddhas de Bâmiyân qui sont troublants de réalisme et qui sont peut-être tout ce qui reste de ces décors.

L'exposition rend un peu mélancolique, que ce soit par l'absence de certains objets, la conscience de leur disparition, l'espèce d'impasse dans laquelle la DAFA est aujourd'hui tout en affirmant avoir encore de l'espoir, voire par le destin des archéologues, quand on apprend que le bateau de Joseph et Marie Hackin, qui sont passés côté FFL, est torpillé en 1941 et que leur collègue et ami Jean Carl se suicide à Londres après ça

Mais il y a des tas de trucs fascinants. D'abord parce que c'est une archéologie proche de celle qui fait rêver les gosses et qu'on trouve dans la fiction, celle des grands paysages, des montagnes sculptées, des citadelles qui sortent du sable. Celle dont on se dit que si on la mettait au ciné on nous dirait que c'est trop kitsch et celle faite par des gens qui cherchent un trésor précis, en l'occurrence, le « chaînon manquant » helléno-bactrien, parce que cette région en particulier est celle où on sait que se rencontrent ces influences. Bon, le côté cinématographique a ses limites : comme partout, l'archéologie est faite par des gus à lunettes avec un pull mou et un bob sur la tête.

Ce que j'ai trouvé le plus marquant, c'est qu'on ne peut littéralement pas croire nos yeux. C'est-à-dire que, dans les œuvres présentées, en particulier celles qui tournent autour des IIe-IIIe siècles de notre ère, on est dans des choses tout-à-fait familières et qui ne devraient pas du tout l'être. Le mélange d'influences et la créativité des artistes font qu'on se retrouve face à des œuvres qui ressemblent tout-à-fait à des statues de Bouddha faites en Inde, mais aussi des bas-reliefs qui, si on nous les montrait sans contexte, pourraient avoir été décrochés d'une église romane bien-d'chez-nous… huit cents ans plus tard. Ça, c'est très, très bizarre. D'autres pourraient presque sortir d'un temple grec.

(Il y a plusieurs de ces statues masculines qui portent des fleurs dans leur vêtement, j'aime beaucoup.)

J'ai aussi trouvé assez chouette l'aspect « archéologie en train de se faire », c'est-à-dire que c'est plein de photos de fouilles où on voit comment sont organisés les chantiers (cette manie des petits trains qu'on les orientalistes ) voire comment sont faites les œuvres qu'on regarde, comme cette photo de Yedda Godard en train de reproduire les peintures de Bâmiyân qui sont plusieurs dizaines de mètres au-dessus d'elle, et qui est juste à côté de la peinture terminée :

Ce billet de blog a été rédigé par un des conservateurs et vous pouvez y voir quelques photos : https://archeorient.hypotheses.org/21110

Je pique celle de la salle de Bâmiyân pour vous donner une idée des relevés de peinture : 

En savoir plus sur l'histoire de la DAFA : https://archeologie.culture.gouv.fr [...] fghanistan

Encore un chouette CR qui donne envie de se bouger.

Je l'avais pas du tout dans le viseur, c'est une amie qui m'a proposé hier d'y aller, je pense que c'est une femme de goût

Comme tu focalises sur les photos, je post pour dire que je les aime beaucoup. J'en ai une de bibi dans le genre du binoclard, quasi pareille, en train de dessiner un sifflet en os de maître d'équipage, je l'aime bien aussi !
   
Mais la décence m'interdit de la poster    
 
Quand tu reverras ton amie, tu lui diras que j'étais beau gosse, également.

Les Tribulations d'Erwin Blumenfeld, 1930-1950 au Musée d'art et d'histoire du judaïsme ( https://mahj.org/fr/programme/les-t [...] 1950-29943 )
 
C'est l'un des grands photographes du XXème siècle et l'expo lui rend justice. La plupart des pièces sont de très beaux tirages argentiques de Blumenfeld lui-même, prêtés par sa famille et il y en a 180, de quoi passer un bon moment. Ce qui frappe très vite est la palette de styles et la recherche constante, sur une période finalement assez courte. On passe de photos de famille à des nus, à des expérimentations inspirées par Man Ray, des gitans, des portraits du milieu artistique et intellectuel, à des photos de mode pour Vogue et Harper's Bazaar, des pastiches facétieux de toiles de maîtres, avec toujours de l'audace dans la composition et la lumière, au point que l'on croirait parfois voir une expo collective de 5 ou 6 photographes différents.
 
Né à berlin en 1897, il réalise en 1933 une série de photomontages avec des crânes et des portraits d'Hitler (il s'exilera à Paris 3 ans plus tard pour des raisons assez facilement compréhensibles ) :
 

 
Sa première photo publiée, en 1934, une couverture de magazine d'une incroyable modernité avec ce cadrage resserré (photo perso dégueu, désolé).
 

 
Une gitane qui fume une cigarette qui n'est sans doute pas une Gitane (vers 1932, photo perso aussi, tant pis) :
 

 
Sa chambre quand il arrive à Paris, avec en légende : "Ma carrière parisienne débuta en janvier 1936 à l'hôtel Celtic, rue d'Odessa, dans une mansarde chambre n+69 au sixième, prix d'ami, cent francs par mois. La condition était que ma chambre puisse être louée tous les après-midis entre 3 et 7 heures pour le commerce amoureux."  
 

 
Et un autoportrait dans son studio en 1939 :
 

 
Ca finit dans 3 semaines et je recommande très fort aux amateurs de photo. Puis comme on n'était encore jamais venus dans ce musée, on a visité la belle collection permanente et je ferai un CR séparé. A la librairie, les catalogues d'anciennes expos m'ont rappelé que j'avais raté celles sur Goscinny et Gotlib. Je me rattraperai avec les catalogues.  

C'était la semaine photo, après Blumenfeld jeudi, on s'est fait deux galeries vendredi :
 
Une histoire photographique des femmes au XXe siècle à la galerie Roger-Viollet ( https://www.roger-viollet.fr/fr )
 
C'est la présentation d'une partie des photos qui ont été utilisées dans un livre chez Gründ. Elles sont toutes sur cette page : https://www.galerie-roger-viollet.f [...] -siecle-10 Les tirages argentiques sont plus valorisants et de plus grande taille et si vous passez dans le coin ça vaut le coup de pousser la porte mais à défaut...
 
Ce qui m'a un peu agacé, surtout parce que c'est récurrent dans les expos photos à thème large, est que toutes les photos urbaines sont de Paris. A croire que Lyon, Bordeaux, Rennes, Toulouse ou Lille n'existent pas. Ou dans le cas de cette expo, qu'il n'y a de femmes qu'à Paris. Bon, c'était sympa quand même, et c'est gratuit, on va pas chipoter.
 
Jean-Philippe Charbonnier, On the Edge à la galerie Rouge ( https://lagalerierouge.paris/exposi [...] -the-edge/ )
 
Là, pour le coup, on parcourt un peu toute la France, des années 40 au début des années 80. Charbonnier a beaucoup bossé pour Réalités, le mag dirigé par Boubat, ce qui l'a associé à l'école dite "humaniste" mais son regard est dans l'ensemble moins optimiste et souriant que ses confrères. La page de la galerie donne un petit aperçu de l'expo répartie sur les 3 pièces de la galerie. Gros talent et là encore, pousser la porte si l'on passe dans le coin avec une petite demi-heure devant soi.
 
L'une des quelques photos pour le coup complètement dans l'esprit de l'école humaniste :
 

 
Et celle-ci qui ne fait pas partie de l'expo mais que j'ai trouvée sur gougle :
 

Un chef d'oeuvre détruit à Miami   :

https://www.leparisien.fr/culture-l [...] LPKX4Q.php
 
A Drouot on trouve aussi des oeuvres "en kit" : https://www.daguerre.fr/lot/132759/ [...] etsearch=&
La colle n'est pas fournie....

Y a même la photo du puzzle fini pour t'aider

Du Jeff Koons, c'est pas si grave

Musée d'art et d'histoire du judaïsme (suite). En même temps ( (c) Macron) que l'expo Blumenfeld, nous visitâmes donc les collections permanentes de ce joli musée et vérifiâmes que son nom n'était pas une menterie (il y a bien de l'art et de l'histoire). C'est grand, les pièces exposées sont variées et il y a pas mal de lecture.
 
Un plan-relief de Jérusalem de 1892, assez fantaisiste d'un point de vue topographique mais splendide :
 

 
1790, l'émancipation politique des juifs, proclamation du roi (mais sur une décision de l'Assemblée nationale) :
 

 
Une cabane rituelle construite pour la fête... des cabanes (soukka), une fête mentionnée dans l'Ancien testament, toujours pratiquée, et qui serait à l'origine de la fête catho des Rameaux. Bon là, c'est la version cabane 3 étoiles, quand même.    
 


 
Et justement, Jerusalem pendant la fête des cabanes :
 

 
Un livre de bénédictions tout pitit pitit. je dirais 5 cm max.
 

 
Pour les amateurs de maquettes, une petite salle avec des synagogues en bois, ravissantes :
 

 
D'Ismaël Gentz, un intérieur de synagogue (1913) :
 

 
J'adore l'expression de cette femme.
 

 
Les manuscrits enluminés, je m'en lasse jamais. Celui-là est un rituel de prières de 1876, inspiré des manuscrits persans du XVème siècle et commandé par le baron Rothschild pour sa mère :
 

 
La présentation de la fiancée à son promis (Alsace, XIXème siècle) :
 

 
1889, élections législatives (de nos jours, on peut plus rien dire   ) :
 

 
L'affaire Dreyfus, le jeu de plateau (vers 1898). On savait s'amuser, en ce temps-là.
 

 
Une série de portraits croqués au tribunal lors du procès de Dreyfus.
 

 

 

 
"Cache-toi, ils arrivent !" (1915-1917)
 

 
Plusieurs oeuvres d'Issachar Ber Ryback. J'ai particulièrement aimé ces fusains :
 

 

 
Le noir et la dorure, c'est toujours classe :
 

Vous venez quand à Lyon avec Madame ? Je m'ennuie j'ai envie de faire la guide

C'est vrai qu'on n'a pas franchi le périf depuis longtemps. Je regarde ça avec Madame et on passe en MP.  

J'avais oublié : à l'expo Blumenfeld, il y avait un cartel sur ses influences qui comportait ce passage, probablement écrit à l'attention de Biez : "Dès ses débuts, ses nus drapés montrent une certaine fascination pour la sculpture; certains rappellent les figures féminines subtilement voilées de l'art égyptien de la période armanienne (XIVè siècle av. notre ère).

le jeu de plateau Dreyfus lol

Une semaine de vacances en hôtel-club à Hammamet, Tunisie. Visite au pas de charge de Carthage, principalement des thermes d’Antonin, faire un truc aussi grand en aussi peu de temps (à peine une heure) c’est du gâchis. Par contre, à à peine trois minutes de marche de notre hôtel, le site archéologique de Pupput, un terrain vague entre deux barres à touristes, droit d’entrée ridiculement bas (5 dinars, même pas 2€) et des mosaïques romaines partout. Et pas un chat. Le bonheur.

 
Laisse moi deviner... Adolphe de son prénom ?  

Architectures impossibles - Musée des beaux arts de Nancy - jusqu'au 19 mars 2023

Hop, un petit compte rendu que j'avais promis il y a longtemps  

J'y suis allé deux fois :
Une visite privée sur invit' de la Fondation de France, avec Monsieur le Directeur du musée, p'tits four et champ'
Et une deuxième fois ce week-end, tranquillou en famille, avec le catalogue en bandoulière. Il faut un bon 2 heures pour fait le tour en prenant son temps.

L'expo a le label "Exposition d'intérêt national". La présentation et l'accrochage de la profusion d'œuvres exposées (peintures, gravures, sculptures, maquettes, photos, etc) se font dans quatre parcours - quatre ambiances : Caprice, Démesure, Egarement, Menace. Une vraie volonté de NE PAS regrouper les œuvres par courant, époque, etc. mais de mélanger les genres autours de thèmes gravitant autour des architectures impossibles. Le sujet s'y prêtait très bien, le mélange fonctionne parfaitement. Mme gusano et notre fille ont adoré aussi.

Quelques images pour vous donner un (tout petit) aperçu - l'expo est vraiment dense (sans être indigeste). Les photos sont de moi et cliquables, les textes issus des cartels ou du catalogue. Désolé pour ceux qui sont gênés par les pavés mais je me suis dit que tant qu'à avoir le catalogue sous la main, ça pourrait amuser certains. Ou, moins diplomatiquement, si ça vous va pas :

Si vous voulez plus de textes ou de photos, y'a moyen aussi  

Suppo (Karmanyaka) - Wim Delvoye - 2012 - bronze nickelé (hauteur : 164 cm)
Wim Delvoye, artiste plasticien belge né en 1965, s'est créé dès le début des années 2000 une réputation internationale d'irrévérence. Ses tatouages sur cochons vivants comme son installation Cloaca (plus connue sous le sobriquet de "machine à merde" ) continuent de susciter la controverse à chacune de leurs expositions. Mais l'artiste n'est pas uniquement un provocateur professionnel. Son travail revendique une filiation profonde avec l'histoire des arts et le réseau de références multiples dans lequel il s'inscrit a trait autant "au contexte critique des avant-gardes artistiques, qu'à l'imagerie populaire, ou aux fondements occidentaux de la culture chrétienne." Fils de chineur, collectionneur passionné d'art ancien, il manifeste son amour des objets et de la matière finement ouvragée dans toutes les pièces qu'il produit. Établi à Gand, dans un atelier qui tient plus du bureau d'études que de l'ouvroir médiéval, il perpétue néanmoins une manière de faire très artisanale. Sans faire de lui l'héritier spirituel des primitifs flamands, il est possible de le voir comme celui qui réhabilite la virtuosité technique comme gage de qualité plastique. Son art se veut populaire, généreux et riche, et ne rechigne pas à se faire décoratif.
Ses Suppo sont tous conçus selon le même principe : une tour de cathédrale gothique ayant subi une torsion est étirée en hauteur et déclinée en différents matériaux. Le Suppo créé en 2010 pour le MONA à Hobart (Australie) est en acier découpé au laser et fait six mètres de hauteur; d'autres modèles sont en bronze nickelé, et ne font qu'un mètre et demi; le Suppo exposé sous la pyramide du Louvre en 2012 reste le plus monumental, avec ses presque douze mètres de hauteur. Suppo (Karmanyaka) fait partie d'une série à part : l'architecture hybride, mi-pierre mi-plante, renvoie à l'univers fantastique du roman d'Astrid Lindgren Les Frères Coeur-de-Lion (Bröderna Lejonhjärta en suédois, paru en 1973), dans lequel deux jeunes héros affrontent le tyran Tenguil, maître de l'effrayant royaume de Karmannyaka.
Delvoye est un trublion plein de fantaisie, dont l'un des rêves d'enfant s'est réalisé à l'installation d'Opus (titre respectueux donné au "suppo" placé à l'entrée de l'église Saint-Bavon à Gand en 2020), marquant son accession au rang héroïque des bâtisseurs de cathédrales.

Jeremias Wachsmuth - Les saisons (hiver) - 1740 - Estampe - détail

Emily Allchurch - Grand tour : In search of Soane (after Gandy) - 2012 - photographie, transparent, caisson lumineux
Ca, c'est rigolo. Ce sont (il y en a deux exposés) des collages photographiques dans des caissons lumineux rétroéclairés. Vu la taille de ces grands panneaux (180 cm), c'est amusant de se perdre dans les détails du montage. Au fait, toutes les photos sont persos et cliquables (ah, je l'ai déjà dit).

Piranèse - Carceri d'invenzione [Prisons imaginaires], vers 1760 - Suite de 16 eaux-fortes publiée à Rome entre 1765 et 1771. 10 tirages présentés
Les Prisons de Piranèse comptent parmi les œuvres les plus influentes de l'histoire de la gravure. Elles ont inspiré un grand nombre d'artistes, d'écrivains, de cinéastes ou de concepteurs de jeux vidéo. Avec leurs enchevêtrements de voûtes, d'escaliers et de passerelles définissant autant d'échappées possibles, chacune des planches propose une étrange promenade ne conduisant à aucune issue. Mais dans ces geôles labyrinthiques jalonnées d'instruments de torture, le spectateur n'est pas seulement trompé, il éprouve les limites de sa raison. Ces eaux-fortes virtuoses portent un coup fatal à l'optimisme rationaliste des Lumières.

Pleins de gravures d'Escher, j'adore      

"Autre monde II" est une des rares gravures d'Escher éditée en couleurs. Elle représente une structure architecturale cubique faite de briques qui semble flotter dans l'espace intersidéral. L'ensemble est régi par une perspective linéaire stricte - toutes les lignes fuient vers un point unique, qui se confond avec le centre de la gravure -, mais constitue un paradoxe visuel. Il est difficile, au premier abord, de comprendre où l'intelligence bute et où la logique flanche.
Escher a divisé son image en trois parties ou systèmes (et non quatre comme pourrait le laisser penser un coup d'œil rapide, guidé par les lignes de l'architecture rigoureusement quadrangulaire, dont les côtés épousent les bords de l'image). Ces trois systèmes sont circonscrits par trois modules architecturaux identiques encastrés les uns dans les autres à la manière d'un casse- tête. Ceux-ci se composent d'arches géminées (double) disposées en angle droit et soutenues par des colonnes à chapiteaux cubiques. Chacun offre trois points de vue différents sur le paysage lunaire à l'arrière-plan : le ciel peuplé d'étoiles, de galaxies et de planètes (vue en contre-plongée, en bas à droite), le sol constellé de cratères d'impact (vue plongeante, en haut à droite), la vue naturelle à hauteur d'oeil avec sa ligne d'horizon entre ciel et "terre" (centre gauche). Les rares objets (trois oiseaux métalliques et trois cornes suspendues), fournissent un repère, une clé de compréhension à l'œil interloqué : ils lui indiquent le centre de gravité de chacun des trois systèmes.
Escher fabrique une image stimulante pour l'imagination comme pour l'intellect, une image complexe, structurée en trois parties, obéissant chacune à ses propres lois mais unifiées par le point de fuite. L'axe de symétrie imaginaire, fortement ressenti mais longuement recherché, pivote à trois reprises à 90 degrés, imposant une lecture lente et successive. Escher fabrique encore une image dynamique, à la fois régulière et irrégulière, stable et instable, ternaire, musicale, dont la nature synesthésique nous rappelle la fascination que l'artiste vouait à la musique de Jean Sébastien Bach.

"Montée et descente" est une des gravures les plus célèbres d'Escher. Elle représente un édifice italianisant vu en plongée et en perspective, structuré autour d'un puits central. La terrasse sommitale prend la forme d'un escalier arpenté par des personnages ressemblant à des moines. Les uns montent, les autres descendent. L'œil suit instinctivement leur trajet, puis hésite, fait demi-tour, cherche en vain à réconcilier ce qu'il voit et ce qu'il devrait s'attendre à voir. La perspective est juste. Pourtant cet escalier ne fonctionne pas ! Structure fermée faite de quatre volées à angle droit, il revient toujours à son point de départ. Une boucle à la perpétuelle montée (ou descente selon le sens de rotation), sans point le plus haut ni point le plus bas.
Escher donne ici une illustration de l'escalier de Penrose, objet paradoxal créé par Lionel Penrose, qui réinterprétait, en l'élargissant, le fameux Tripoutre conçu par son fils, le mathématicien et physicien Roger Penrose. Publié deux ans avant la gravure, en même temps que les autres objets impossibles des Penrose, cet escalier matérialise l'idée d'infini qui obsédait Escher. Ses figures emboîtées, sphères, rubans et boucles magiques exploitent la même quête de l'infini contenu dans une image finie et témoignent de la fascination de l'artiste pour la pureté des modèles mathématiques. Sa lithographie Chute d'eau (1961) montre une illusion similaire : une cascade et une roue à aubes forment un mouvement perpétuel.
Ces moines au regard fixe font-ils pénitence? Habillés de manière identique, arborant la même attitude, ils s'apparentent à des robots. N'a-t-on pas ici à faire à une dénonciation déguisée de la bêtise des comportements de masse, de l'abrutissement des foules ? Cette lecture semble encore renforcée par la présence de deux personnages isolés, à l'écart de cette boucle absurde, refusant de participer à l'exercice : l'un accoudé au muret d'une terrasse, l'autre un peu plus bas assis sur les premières marches d'un escalier (possible celui-là !). L'édifice lui-même - est-ce un monastère? - présente un visage inquiétant, coercitif malgré ses riantes arcades méridionales.
Avec cette image, Escher a popularisé la figure impossible de Penrose. La gravure influença durablement l'imaginaire visuel des XX et XXIe siècles, particulièrement au cinéma.

Bodo Buhl - Flamingo - 1982 - laque sur bois, plexiglas et PVC
Apparu aux États-Unis à la fin du XIXe siècle et devenu l'emblème du triomphe du capitalisme, le gratte-ciel est l'un des symboles forts de la modernité. Dans la concurrence architecturale acharnée à laquelle se livrent New York et Chicago au début du XXe siècle, il est en même temps prouesse technique et incarnation d'un idéal controversé : son arrogance à vouloir atteindre le ciel l'apparente aisément à la tour de Babel, détruite par Dieu pour punir la démesure des humains.
En construisant sa tour de structure hexagonale, qui s'étire en hauteur, rythmée par l'étagement et la juxtaposition régulière de rectangles rouges, Bodo Buhl s'amuse de ces échos mythiques. Son objet est à la fois un jouet fragile, une sculpture, un lampadaire d'appartement, une maquette d'architecture et un prototype de mobilier d'éclairage urbain. Entre art et design, Buhl propose une pièce qui brouille les catégories et interroge notre rapport au consumérisme. L'inscription Flamingo en guise d'enseigne couronne le tout. Sa ligne graphique arrondie et grasse évoque les néons monumentaux des villes des années 1950.
Bodo Buhl fait ici référence à la naissance de la ville de Las Vegas, l'une des utopies architecturales marquantes du XXe siècle - utopie ou cauchemar, c'est selon. "En 1946, Bugsy Siegel, membre de la pègre de la côte Est des États-Unis, ouvre le casino Flamingo dans une zone aride et limitrophe à trois États (Nevada, Californie et Arizona), à la pointe de la vallée de la Mort. Il inaugure ce qui deviendra Las Vegas, autrement appelée Sin City, la ville du péché." D'autres hôtels sont construits autour; naît alors rapidement une conurbation où le jeu, l'alcool, la drogue et la prostitution servent de base aux premiers choix urbanistiques. Une ville, aujourd'hui tentaculaire et posant de très nombreux problèmes sociaux et écologiques, jaillit en plein désert. Elle se veut à elle seule la matérialisation d'un dynamisme ascensionnel à toute épreuve. Le casino Flamingo en est l'attribut phallique et flamboyant - flaming en anglais.
Fasciné par l'architecture et le design des années 1920 et 1950, Bodo Buhl joue avec les codes de l'esthétique minimaliste et les charmes de l'art pop pour prendre au piège le public. L'aspect décoratif et séducteur de Flamingo capte le regard et ce n'est qu'ensuite que le sens apparaît, grâce au titre-enseigne. L'humour et la dérision président au jeu de réappropriation des styles du passé, et contribuent à bâtir une histoire critique du modernisme.

Gherardo Poli - vers 1730 - fantaisie d'architecture en ruine avec l'enlèvement des Sabines - huile sur toile
Les Poli se sont spécialisés dans le genre du paysage, du caprice et de la vedute. Leurs architectures en ruine se déploient systématiquement en oblique de manière à creuser la perspective, selon un dispositif qui rappelle incontestablement les décors de scène et les châssis de théâtre. Dans cette série, l'architecture s'étire démesurément en hauteur, créant un rapport d'échelle disproportionné par rapport aux minuscules personnages qui s'agitent au pied d'un assemblage très baroque de fontaines, de bassins, d'escaliers, de vases et de sculptures. L'irréalité du décor est accentuée par tout un peuple de statues figurées comme les acteurs principaux des scènes. Expressives, campées dans des poses animées, elles semblent dialoguer avec les personnages. Le traitement de l'architecture est un délice d'invention qui combine savamment les motifs classiques, maniéristes et rococo. La végétation a colonisé les structures, envahi les parties hautes de ces étranges façades ouvrant sur le vide, dévoré les retombées des voûtes effondrées, les chapiteaux et les colonnes brisées.
Gherardo Poli offre une version extravagante de l'art du caprice et de la peinture de ruines, genres pratiqués à la même époque par Andrea Locatelli et Giovanni Paolo Pannini dans une veine plus classique. La présence luxuriante de la végétation, qui forme souvent une coiffe hirsute à cet étrange monde de pierre, porte témoignage de l'inéluctable férule du temps qui s'abat sur les civilisations humaines, à toutes les époques.

Paul Delvaux - Paysage aux lanternes, 1958 - Huile sur Isorel
"Paul Delvaux est une des figures les plus importantes du surréalisme belge. Son œuvre est peuplée de jeunes femmes aux poses statiques et de squelettes grimaçants. Ces mystérieux protagonistes sont mis en scène dans des paysages souvent nocturnes où l'architecture occupe un rôle crucial. Dans le Paysage aux lanternes de l'Albertina, une femme vue de dos et vêtue de noir, auquel le regardeur s'identifie immédiatement, se tient dans une rue pavée bordée de murs blancs immaculés et éclairée de lanternes à gaz. La perspective s'ouvre au loin sur une vaste esplanade dominée de collines dénudées où se dressent d'immenses arches de pierre. La mort semble rôder dans cet énigmatique paysage minéral."

Victor Hugo - Château fortifié entre deux ponts, vers 1856-1864 - Plume et lavis d'encre brune sur papier vergé

On termine en beauté, je sais qu'il y a ici des amateurs de Totor

Monument de la littérature française, Victor Hugo est aussi un dessinateur prolifique. La technique de l'encre, «cette noirceur dont sort la lumière», lui permet d'explorer les voies de l'imaginaire, les glissements entre images fortuites et images mentales. Il trouve ses motifs de prédilection dans la nature et l'architecture. Les deux dessins présentés dans l'exposition ont été réalisés pendant son exil à Guernesey, qui possède un riche patrimoine monumental médiéval. Mais le motif dramatique du château sur un éperon rocheux constitue aussi une réminiscence de son voyage dans la vallée du Rhin en 1840. Il découvre alors émerveillé les pittoresques forteresses en ruine qui bordent les rives du fleuve.

Merci à toi, c'est beau et passionnant à la fois, en plus d'être très bien exposé. Quoi de plus édifiant en effet, sans jeu de mot, que l'absurde que tu empiles ici pour nous faire comprendre à quel point l'architecture peut être signifiante ? même si je n'ai jamais été trop fan de ses cochons, j'ai toujours trouvé que Wim Delvoye était habité par une sorte de génie.

Est-ce que je peux faire le CR de ma propre expo ou c'est définitivement HS ?
Je viens de finir ma résidence artistique de 3 semaines, et elle a ouvert hier soir. Ça traite de la neige, et ça se passe à Chicoutimi, Québec

Ça sera- j'espère- le premier volet d'un processus ou d'une série d'expos sur le thème. En tout cas c'est le premier lieu qui enfin me donne m'a donné ma chance et des (modestes mais c'est déjà ça) moyens de travailler sur ce sujet.

Bah pourquoi ce serait HS ?   Vas-y !

C'est d'autant pas HS qu'en plus tu en avais parlé ici quand tu travaillais dessus, perso, je serais curieuse de voir le résultat (et vaguement inquiète parce que l'art contemporain me fait ça en général ).

J'ai jamais exposé autant de peintures, ça va vous plaire
Je prépare le pavé pour demain
Édit : je prépare une version allégée pour Metz, galerie Octave Cowell, vernissage jeudi prochain

Sinon j'ai douze mille messages de retard mais :

1. Au MAHJ dans le CR de BoraBora j'ai bien halluciné sur le tract électoral, certes on peut plus rien dire™, mais ptain c'est pas une mauvaise chose sur certains trucs

2. L'exposition des architectures imaginaires a l'air très chouette et les photos de Gusano sont vraiment belles. Ça m'a rappelé des expos dont j'avais feuilleté des catalogues, je pense que la BNF a peut-être fait une expo de plans jamais réalisés. À l'époque des Lumières il y a eu une sacrée mode de bibliothèques idéales, de mausolées imaginaires de grandes figures, etc. La peinture qui est à gauche du Paysage aux Lanternes de Delvaux me parle, on dirait un mélange des vues des Cités idéales de la Renaissance avec un point de vue magrittesque.

3. Pour ma part, j'ai vu l'exposition Sur les routes de Samarcande. Merveilles de soie et d'or à l'Institut du monde arabe il y a quelques temps et il faudrait que je fasse un CR. C'était à la fois beau et frustrant sur certaines choses.

4. À propos de l'Institut du monde arabe, et de la réforme des retraites (c'est de circonstance) j'ai vu passer ces derniers mois un certain nombre d'articles sur le fait que Macron n'arrive pas à se séparer des vieux dirigeants en général et dans la culture en particulier. Par exemple, il a essayé à plusieurs reprises et parfois avec des artifices législatifs un peu bizarres (edit : je me rappelle qu'un parlementaire cité par le Canard a dit un truc dans le genre « c'est pas un projet de loi c'est un concours équestre » suite à une abondance… de cavaliers législatifs) de faire maintenir la directrice du château de Versailles (Catherine Pégard, 68 ans) à son poste. Aux Monuments historiques, c'est le directeur qui périme mais il est nommé conseiller culture (Philippe Bélaval, 67 ans). Et donc il va falloir s'occuper du directeur de l'IMA l'actuel souhaitant renouveler son mandat (Jack Lang, 83 ans), heureusement le principal concurrent est un petit jeunot (Jean-Yves Le Drian, 76 ans).

Je trouve ça d'autant plus de circonstance parce que, dans le contexte de la réforme des retraites, il a été question de l'emploi des vieux, et d'après ce que j'ai lu c'est évidemment un problème… sauf dans les postes les plus élevés de la hiérarchie ou on observe dans beaucoup d'entreprises et d'institutions un phénomène complètement inverse. Ce qui semble se vérifier, donc, dans les institutions culturelles où ça ralotte et pas qu'en France (je peux pas lire tout l'article mais c'est l'idée ici).

La nouvelle directrice du Pavillon de l'Arsenal a 30 ans !
https://www.leparisien.fr/paris-75/ [...] SRN3W4.php
 
Reverra t-on la grande maquette de Paris ?

"Qui se déplace en Vélib"

Un pass Navigo en moins à rembourser.

J'ai visité Sur les routes de Samarcande. Merveilles de soie et d'or à l'Institut du monde arabe il y a quelques temps. J'y allais sans a-priori et mais pas complètement sans préparation, puisque j'avais vu auparavant l'exposition consacrée à l'Ouzbékistan dans la petite galerie au Louvre. Je ne savais pas du tout de quoi parlait l'exposition de l'IMA et je ne pensais pas qu'elle serait si littérale : c'est une exposition textile.

Il y a en gros trois parties.

La première tourne autour des chapan, sortes de caftans épais, souvent brodés littéralement avec des kilos d'or. Ce sont des vêtements de prestige et le texte en début d'exposition nous indique que le royaume, au XIXe siècle, est peuplé de gens aux cultures très diverses, et que le khan de Boukhara décide que le facteur unificateur sera l'art(isanat), textile en particulier. Sont donc exposés de nombreux chapans, et autour d'eux des objets liés à la culture du cheval, et au prestige associé (selles peintes et marquetées, harnais couverts de turquoise, étuis à bol en cuir coloré, bottes brodées, etc., oui j'aime beaucoup qu'on puisse avoir des étuis à bol, je n'y avais jamais pensé).

Des chapan parmi les plus beaux de l'exposition, dans la première grande salle

Cette partie de l'exposition présente des objets absolument exceptionnels, et pourtant, elle est un peu frustrante car ces derniers ne sont quasiment jamais documentés (dates très vagues et peu de détails sur les techniques) et donnent donc l'impression de ne pas avoir été étudiés pour l'occasion, alors que c'est justement l'intérêt de ce genre d'exposition. Ça fait un peu « j'ai pris des beaux trucs dans les réserves mais je sais pas d'où ça sort » et c'est dommage. À titre personnel, je suis assez friande de techniques, textiles en particulier, j'aimerais bien qu'on me parle de ça, et ça manquait un peu.

Il y a aussi quelques costumes féminins, ce qui permet d'apprendre que le travail de broderie d'or est réservée aux hommes parce que hou, laisser des femmes toucher ça, beurk, et que ce type d'ornement leur est théoriquement interdit mais qu'elles le portent néanmoins, puisqu'en public elles sont complètement cachées par une sorte de grand voile donc ça ne se voit pas.

Sur ce chapan, on peut (un peu) voir les caractéristiques qui ont l'air communes à ces vêtements : la forme large avec des manches trapézoïdales, une étoffe lourde, brocart ou velours de soie avec broderie d'or, une doublure en ikat très coloré, et un étroit galon qui a l'air en laine et tissé aux plaquettes, qui fait tout le tour du vêtement, et dont les fils sont laissés sortis comme un petit bouquet de franges sur les fentes au bas du vêtement et parfois au bord des manches

Les femmes, elles, brodent des suzani, sortes de textiles qui peuvent servir de couverture, de tapis, de tenture, et qui sont assortis dans l'exposition de tapis brodés et tissés. Cette deuxième partie fait contraste avec la première, ils ont dû trouver quelqu'un qui était passionné par ça, parce que les cartels regorgent d'informations sur les types (selon les grandes régions), les motifs (fleurs, animaux, motifs géométriques) et les usages des suzani, et plus loin pareil pour les tapis. C'est assez chouette et on a vraiment de tout, entre des trucs fluo brodés un peu en zig-zag et des sortes de grands jardins géométriques aux couleurs pastel brodés au tout petit point régulier.

Je ne me rappelle pas avoir vu d'appliqué donc je suppute que toutes les zones colorées sont remplies de petits points de broderie

La troisième section, au niveau inférieur, fait une sorte de panorama plus large avec des bijoux rangés par région, une grande série de vêtements eux aussi par région, pour qu'on puisse voir les différences, la seule vidéo de technique de l'exposition, qui explique comment se tisse une étoffe en ikat (c'est super cool comme technique), et une série de tableaux qui montrent l'influence des costumes et des coutumes de la région sur les peintres du XIXe et du XXe siècle, en particulier l'avant-garde russe. C'est aussi en introduction de cette section qu'on voit quasiment les seules photos de costumes portés, et c'est un peu frustrant aussi, par exemple on n'a quasiment pas d'image des chapan du début de l'exposition portés, ou des suzani dans leur environnement naturel.

L'accumulation d'ikat dans la dernière salle

Mes photos sont toujours dégueulasses donc j'ai pris que des détails de bouts de cols et de cartels et je regrette un peu, parce qu'on trouve assez peu de photos de l'exposition sur Internet. J'ai donc volé quelques-unes de celles du CR de Corinne Jeammet sur le site de France Info, c'est par là : https://www.francetvinfo.fr/culture [...] 40421.html

Edit : allez voir là, il y a plusieurs photos de l'intérieur de l'exposition qui permettent de voir comment c'est présenté et d'avoir des vues d'ensemble https://www.idboox.com/culture/expo [...] s-la-soie/

C'est la semaine du dessin avec le Salon du dessin entre autres...
J'ai remarqué les pastels symbolistes de la galerie Ary Jean, et deux dessins très proches d'une oeuvre que j'avais achetée...
 
https://www.connaissancedesarts.com [...] -11181215/

Naldo dégonflé

Sinon : Louvre retains its place as the most-visited art museum in the world

Avec la joie fréquente ces derniers temps de comparer des chiffres@pandémie

« 173% up » lol

L'article note que le musée d'Orsay est sixième du classement, Pompidou neuvième, et que l'Orangerie et le Quai Branly se tiennent bien. Parmi les institutions qui vont mieux qu'avant la pandémie, la Fondation Louis Vuitton grâce à l'exposition de la collection Morozov, et le Petit Palais <3 <3 <3

Par ailleurs,

J'ai toujours (comme plein de Parisiens j'imagine) un avis mitigé (même si plutôt positif) sur le tourisme de masse chez moi. J'aime beaucoup habiter dans un endroit touristique et voir des gens qui viennent de partout, mais ça fait beaucoup de monde et c'est pas toujours évident à gérer de manière harmonieuse.

Mais nan pas du tout, mais je veux faire un truc bien, faut synthétiser upload les images et tout.

Là je suis sur ma résidence sport et création, l'enchaînement des thèmes et des contextes, c'pas facile.

Faut t'organiser entre REF et ici

Ma résidence actuelle c't'un peu une REF en fête.
(Je joue le rôle de L'ATHLETE et ma collègue celui de LA COACH. Elle va me coacher à sa manière pendant 18 mois.)

ATTENTION gros pavé 1/2.
Si ça vous intéresse mais en version courte et allégée et page HTML dédiée go direk au résultat ici  
 
Intro  
ça fait 3-4 ans que je veux travailler sur l'idée de la disparition de la neige, ce qui convoque de nombreux aspects et champs exploratoires : mémoire, climato, physique, et bien évidemment optique et vidéo. Représenter la neige, filmer le blanc, les températures de couleurs, la balance des blancs. Est-ce que la disparition de la neige c'est la perte d'un élément mais aussi d'une couleur, bref, on peut pousser les curseurs au max.
J'ai envoyé mon dossier pour plein de résidences, de bourses, d'aides, tout en France, j'ai rien eu, aucun retour.
Et un beau jour, mon ami artiste Québécois (et aussi un de mes premiers étudiants, à la fac, en 2003, on a fait 4-5 projets en France et Québec ensemble depuis) me dit qu'il a une résidence de commissaire dans un espace d'art à Chicoutimi (Saguenay, Québec) et qu'il veut réaliser deux expos solos d'artiste, avec le label "devenir meilleur" qui est son concept de commissariat (c'est un artiste invité comme commissaire) inspiré de la télé réalité (avec le confessionnal et tout). Donc lui commissaire va nous challenger au cours d'un mois de résidence ("nous sortir de notre zone de confort" ) et expo à la fin avec ce qu'on aura pu produire, même si c'est juste un dessin au bic bleu sur une feuille A4.
Le premier artiste au printemps est un peintre de 27 ans (et ancien étudiant de mon pote le commissaire). La vidéo du projet de mon pote (le projet dans le projet) qui met en scène le processus de l'artiste invité façon télé réalité ici  
Moi je suis le second artiste invité, j'ai choisi l'hiver (ce qui saoule mon pote qui est tanné de la neige) et je lui parle de mon projet sur la neige. Sa réaction ? "bah écoute, viens ici, prends toute la neige que tu veux et embarque là dans ton pays, c'est cadeau !"
 
Contexte
Chicoutimi, le Saguenay. C'est un peu les Hauts de France Il y a l'accent, le style de vie mais aussi l'effet fondateur. L'arrière grand mère de la directrice de mon centre d'art (qui a 27 ans) a eu 26 enfants. Sa grand mère 15 enfants. Banal dans la région.
Les Saguenéens se font un peu chambrer par les Montréalais qui les traitent de rednecks, etc etc. Moi j'y étais déjà allé en 2010 pour une résidence d'un mois au printemps. J'ai aucune espèce de jugement ou quoi, je veux juste voir la neige et lancer enfin mon grand volet sur ce thème.
Je flippe un peu du programme et des pièges de mon pote. Comment exister à ses côtés, comment imposer ma tonalité dans son projet. Comment réaliser mon projet qui est bien plus "premier degré" que son intention à lui qui est de mettre en scène et tout tourner à la dérision.
 
La résidence
J'ai emporté 2*23kgs de matos, j'ai une petite chambre dans une maison partagée (cuisine commune, salon commun, etc, avec des étudiants). Le lieu d'expo est aussi mon atelier.  

C'est une ancienne école primaire. Au 1er il y a des ateliers d'artiste bien fat mais surtout ils ont en commun avec parfois un technicien : un atelier bois, céramique, fours, impressions 3D résine, sérigraphie, tirage photo argentique. J'ai jamais vu autant pour des artistes avec un loyer aussi modéré.
Le premier jour où je vois l'espace d'expo au RdC je me dis "ok c'est chaud, c'est immense, j'ai même pas un mois, j'ai jamais exposé dans aussi grand". Je flippe mais je dis rien, de toute façon j'ai pas le temps, mon pote m'annonce déjà que le lendemain, lever 7h pour une virée quelque part. Il ne me donnera jamais le programme du séjour, juste chaque veille il me donne l'heure du lever et l'équipement à prévoir (qui était toujours le même) : habille toi chaud (entre -18 et -38 les 15 premiers jours).

suite pavé 2/2

Le déroulé
En fait, vous pouvez suivre le déroulé de mon séjour avec la vidéo de mon pote "devenir meilleur" ici
Vidéo qui était donc entre le making of et la télé réalité. C'était exposé à l'entrée de l'exposition.
J'ai participé, donné de la matière, bien renvoyé la balle, fais mes confessionnals le soir, bref, j'ai bossé !
Pour mon projet à moi, j'essayais d'optimiser mes sorties "devenir meilleur" organisées avec mon commissaire chaque journée. Son idée était de m'envoyer dans la nature, auprès de personnes qui travaillaient avec ou dans la neige. Donc entre les activités, je menais mes interviews, et me nourrissais d'expériences de vie en plus de l'élément neige que j'étais venir chercher.
Un des (nombreux) équipements que j'avais apporté avec moi était ce nuancier de couleurs qui sert à l'étalonnage photo et vidéo

ça allait être un objet clé de mon protocole. Je photographiais chaque personne interviewée avec ceci dans les mains, dans leur contexte.
J'ai passé environ 3 semaines et demi là-bas, dont 12 jours solo, sans mon commissaire. Le reste du temps il était là et on partait en virée à la journée ou demi journée pour des trucs assez intenses.

Les réalisations dans l'expo




Avant de partir, j'avais commandé à un développeur une application qui me permette de traiter une image numérique d'un certain nombre de pixels, et de classer d'une autre manière ces pixels, par exemple selon leur luminosité. Même nombre de pixels, mêmes dimensions, mais autre organisation.
Je suis donc allé à la bibliothèque municipale de la ville et j'ai recherché tous les romans qui avait l'occurrence "neige" dans le titre (environ 70). J'ai photographié chaque couverture, puis je les a donné à mon logiciel. Ce sont les 60+ images abstraites que j'ai accroché comme un panorama ou la définition littéraire du mot neige. Chaque tirage accroché a son ticket de bibliothèque comme cartel, avec le code référence pour aller chercher le bouquin dans les rayons. Par exemple "Blanche-Neige et les lance missiles" c'est D8612qu V.1
Chaque couverture peut être regardée avec une application de réalité augmentée qui donne évidemment la couverture de départ et l'animation du processus. Exemple ici

Grand fan et pratiquant de ski de fond (skating), qui est d'ailleurs le point de départ de ce projet (le manque de neige pour la Transjurassienne qui perd des kms chaque année), j'ai récupéré toutes les pluches de fart raclées par les usagers du centre de ski pour les fondre à nouveaux. Impressions 3D pour tamponner la cire et hacking du packaging de la marque Swix. J'ai rebaptisé le projet "Chicoutimix" avec les T°c que j'ai connu là-bas et le made in Chicoutimi plutôt que Norway. Les cires sont en général colorées selon l'usage par rapport à la T°c et texture de la neige, la mienne est sortie noire. On a jamais connu ça. Mon ami prof de ski de fond là-bas a capoté en voyant le résultat ("je suis jamais allé dans une expo d'art, mais ça, ça ! C'est LE meilleur œuvre d'art que j'ai jamais vu ! T'as tout résumé avec ça" ). Je lui ai offert et il le prendra à la fin de l'expo. Pour vrai, cet objet résume l'intention de ma résidence : mélange, fusion, solide.

En vrai je suis pas ultra content du résultat esthétique de l'objet, mais bon, je déteste produire de l'objet et je sais pas faire et en plus j'avais pas trop de temps pour tester une nouvelle façon de travailler.

Autre truc que je sais pas faire : la peinture.
J'ai donc acheté un certain nombre de tableaux en brocante (4 pièce le tableau), de la "peinture de chalet", des paysages, été ou hiver, avec la petite cabane qui va bien. Le truc québécois quoi !
Puis on a pas mal galéré, essuyé des refus polis mais j'ai trouvé un peintre professionnel, ancien architecte, qui fait des paysages et qui les vend (3000-4000$ le tableau). Je l'invite à l'atelier (qui est vide, rien d'accroché), je lui explique que je fais un travail sur la neige, que je cherche la parole et l'expérience de personnes qui connaissent la neige. Et maintenant un ou une artiste peintre. Pour peindre une fenêtre dans un tableau de paysage, et modifier la peinture existante : une zone passera de l'hiver à l'été. ET inversement pour un paysage d'été. Mon peintre là il capote. Il me demande si je connais les auteurs des peintures de départ, puis combien je le paie. Mais en vrai, les peintres de paysage et les artistes contemporains là-bas, c'est deux mondes qui se croisent jamais. Pas les mêmes lieux, et en plus ils s'ignorent voire se méprisent. Puis je l'interviewe sur la neige, son xp, son rapport à la couleur, ses visions (plutôt pragmatique, ancien architecte. Ma peintre aquarelliste était plus lyrique). Puis je lui redis que la réalisation de ces tableaux a vraiment du sens pour moi, pour l'expo. Cette addition, ce cumul sur la toile (comme la neige), ce principe collaboratif, ce re-enactement, et cette nouvelle valeur donnée à un tableau que personne n'aurait jamais révélé parce qu'oublié dans un rayonnage de l'armée du salut. Il revient vers mes tableaux et il m'en prend 4 !
Je les récupère la veille du vernissage et je l'itw dans son atelier et sa maison d'archi ultra belle. (le gars roule en jaguar électrique bleue !)
Il a bien signé à côté de la première signature de l'auteur originel. C'est parfait !

J'ai évidemment collecté un certain nombre de neiges, selon des lieux de la ville que je prenais en photo avec mon nuancier et selon un protocole que j'ai décrit avec cette vidéo
Je les ai mis dans des pots de yaourts blancs, feta, moza, buffala, skyr, bref, du blanc crémeux, compact, séché.
Chaque pot à son étiquette, ses coordonnées GPS, sa T°c, ses Lux. Si on scanne cette étiquette, on voit la photo du lieu (comme l'image au début de ce pavé). Le tout dans un congélo.

Si on ouvre un pot on a ça

J'ai pris une vidéo de Michel ce Pastourneau, idéalement une conférence liée à l'expo au musée de l'hermitage à Lausanne "le Canada et l'impressionnisme" !
La conf était sur le Blanc (avant son livre sorti fin 2022). J'ai récupéré la fois où il prononce le mot "neige" et j'ai remplacé toutes les fois où il dit "blanc" par "neige" (pareil pour la commissaire d'expo qui introduit la conf). Donc ça devient une conférence sur la neige et ses symboles, et la neige devient donc une couleur. A voir ici.

J'ai mis la vidéo des personnes que j'ai interviewé. Toutes et tous ont un lien avec la neige, par leurs professions (peintre, dameur, championne de skidoo, prof de ski, conducteur de zamboni, drifteur, mushers, chercheur sur le givre, etc etc). J'ai posé pas mal de questions puis j'ai fini l'entretien par "si vous étiez projeté dans un futur où depuis des générations, on a plus connu la neige. Les habitants de ce futur vous demandent "c'était comment la neige ?" quelle serait votre réponse ?"
Moi avec mon affect et ma vision de plasticien, j'étais parti sur du visuel dans ma tête. Mais eux m'ont décrit des modes de vie, des loisirs, et surtout, à part les autochtones ou deux-trois un peu concernés, ils avaient du mal à imaginer un monde sans neige. Ils étaient entourés de neige pendant l'itw, et ça leur paraissait vraiment très abstrait comme question. La vidéo ici

Et enfin j'ai cherché et trouvé un signe graphique qui pourrait symboliser ce scénario pessimiste. Continuant à exploiter les outils de la vidéo(/photo), j'ai recréé le zebra -ce système d'aide visuel qui permet au moment de la prise de vue d'afficher sur l'écran lcd les zones qui seront surexposées (ou le pixel blanc n'aura plus aucun info, histogramme plat), cramées comme on dit- en post production sur mes séquences vidéos filmées pendant nos aventures et missions.
Pour moi ça symbolise complètement la perte future de cet élément qu'est la neige, jusqu'à la rende abstraite, une abstraction graphique.
Vidéo à voir ici
Les séquences clés sont évidemment à la fin, quand je joue avec des filtres à la main devant l'objectif, ou plus cruel, quand j'imagine que les loups arctiques disparaitront également avec la neige.
J'ai également "réalisé" un seul tableau, qui résume le propos

conclusion
J'espère que c'était pas trop long mais je trouvais intéressant de placer les protocoles de travail, pour vous emmener avec moi dans la démarche.
Je pense que l'expo fonctionne sans tout ces compléments, mais on est entre nous, et surtout, l'expo étant in situ, je pense important de placer les contextes de travail. En tout cas la réception des projets fut très bonne, très bons échos, j'ai réussi à éviter les clichés, stéréotypes et je ne suis pas tombé dans la "leçon" : les gens, c'est ça la neige ! surtout en direction de personnes qui la connaissent mieux que moi.
J'ai aussi monté une adaptation de cette expo (4 jours après mon atterrissage, 7 jours après mon précédent vernissage) nommée "Ce qu'il nous reste" dans une toute petite galerie de Metz (au regard de l'espace à Chicoutimi). Hors contexte, réception différente, mais pas inintéressante. J'ai même eu la chance de réaliser une image qui est tirée en risographie (2 couleurs obligatoires + papier blanc) à 50 ex. en vente.
Donc le bilan est bon, j'ai jamais fait de peinture : j'en ai exposé un paquet ! J'ai jamais fait d'objet : j'ai fait un moulage ! J'ai jamais produit d'image : j'en ai une en riso numérotée !

C'était intense en moins d'un mois et demi, maintenant place au sport !

BONUS !
(parce que c'était pas assez de pavés)
 
J'ai oublié de parler de l'ultime surprise de mon commissaire !
Il m'a pris 2 tableaux de brocante et m'a dit : "écoute, j'ai le contact d'un descendant d'Arthur Villeneuve, il est ok pour prendre un tableau et te faire une modification hivernale dessus à la peinture, dans le plus pur style de son aieul"  
Pour mémoire, Arthur Villeneuve c'est la légende picturale locale et même nationale à Chicoutimi d'où il est originaire, ils ont même installé sa maison (sa VRAIE maison, échelle 1) dans la pulperie (l'usine où on fabrique du papier, qui est devenu un grand musée) !
 
Bref, moi j'étais dans le rush, j'ai dit ok si je peux en plus l'interviewer parce que c'est un autre rapport à la représentation(art brut), à la neige, etc.
Mais ça semblait compliqué, le mec travaille, pas dispo, bref, je laisse mon ami gérer ça j'ai d'autres soucis.
Et donc le matin du vernissage, ce fameux arrière petit neveu Villeneuve a laissé 2 tableaux empaquetés devant la salle d'expo avant d'aller au boulot. Il a même écrit les destinataires avec des fautes d'orthographe, ok.
On installe les deux toiles dans l'expo.

Par contre il manque sa signature ! Je demande par whatsapp à mon commissaire (qui était en plein montage de sa vidéo) et il me renvoie longtemps après une photo de la signature de François Villeneuve donc un F, peint à la main sur un fond de peinture.
Je copie la signature et je la mets sur les tableaux.
 
Et donc le vernissage arrive, je discute avec plein de monde en jetant des coups d'oeil à la vidéo télé réalité du commissaire que je découvre complètement en même temps que les visiteurs. Et là je vois le fils de mon pote, Florent, qui peint avec une peinture blanche bien yaourt sur une des toiles de brocante ! Attends, il est à Montréal, mes toiles sont ici, ok, c'est mon pote qui est rentré pendant 12 jours qui a fait la navette !
Au fait, le nom de famille de sa compagne c'est Villeneuve...
Et là je raccorde tous les morceaux !
En même temps, avec cette histoire d'effet fondateur, sûr que le fils de mon pote est un descendant proche de Arthur Villeneuve, c'est legit dans l'expo ha ha !