Simulacra a écrit :
Je note que tu n'apportes pas de source sur le fait que la caravane comprenait les richesses d'Abu Bakr et que c'est juste une hypothèse de ta part, pas un fait admis.
Pour le point 2 : J'ai toujours du mal avec cette ambivalence.
Le fait que le Coran est la parole divine est écrit dans le Coran et admis par l'islam comme vérité. Le fait que le Coran est censé être parfait aussi. Tout dans le texte pousse à considérer qu'il est immuable. Naturellement, nous savons tous qu'il est le reflet de son époque, que Mahomet disait à un moment donné ce qui allait dans son intérêt. Cela explique l'incohérence globale de l'ouvrage, ses retournements de règles, sa violence par endroit. Il est évident que le Coran sert les intérêts bien actuels de mahomet, et répondaient aux questions que la foule lui posait, à ce moment là. Pour autant, admettre que le Coran est circonstancié à une époque, en tant que croyant, n'est-ce pas admettre tout simplement la supercherie ? Comment un texte incréé, censé pré-exister à la révélation, parole divine directe, se présentant comme absolue et s'affirmant comme "dernière des révélations", avec Mahomet comme "sceaux des prophètes" (et ça, tu ne peux pas nier que c'est l'exact consensus au sujet du texte) pourrait-il ne s'appliquer par passage qu'à des éléments contextuels ? Cette vision minimaliste de Dieu (il est parfait, il sait tout, il voit tout, il apporte la vérité à l'humanité tout entière, mais des fois, quand il dit de la merde, faut comprendre qu'il parlait juste des bouseux dans le désert) me choque. J'y vois une volonté de relire et d'adoucir le texte pour y atténuer la portée violence. Dans ta rhétorique, ça donne "Daesh n'applique en rien les préceptes coraniques"
"Bah si, regarde, là, c'est marqué"
"Nan, parce qu'on a décidé que certaines parties du coran ne s'appliquent pas, en fait, toutes celles qu'ils appliquent"
Forcément, avec ce type d'argumentation, tu ne peux que gagner. Si couper la main ne veut plus dire couper la main, si les ordres de tuer ne sont plus des ordres de tuer, forcément, on peut les accuser de ne pas respecter grand chose. Pour autant, je ne pense pas que ta vision, assez occidentalisée, reflète réellement le consensus islamique. Je pense surtout qu'il est question ici de ce que toi tu crois, pour ne surtout pas avoir à remettre en question le point central du bousin : à savoir que Mahomet a tout inventé, qu'Allah ne lui a jamais adressé la parole, que l'islam des origines est une secte, que Mahomet disait ce qu'il voulait quand il voulait et quand ça l'arrangeait, et qu'il ne faut strictement rien garder de ce texte. De fait, par des pirouettes habiles, tu retombes sur tes pattes sans jamais te poser la question de fond sur la nature même du texte. Car soit elle est divine, et il faudrait arrêter de prendre dieu pour un con, soit elle est humaine, et il faudrait arrêter de s'y référer comme si elle était divine.
Pour répondre factuellement, n'ayant pas suivis d'études religieuses, je vais une fois de plus me tournée auprès de Chérie pour voir ce qu'elle en pense. Chérie qui a fait toute sa scolarité en Algérie, et qui y a reçu une éducation religieuse publique, obédience Malikite. Une des 4 écoles de droits coraniques sunnites majoritaires, qui sont d'accords sur les points de consensus. Autant dire que ça commence à représenter du monde.
Je lui ai donc présenté notre discussion et posé la question :
Citation :
Mais ma question, c'est surtout : est-ce que le Coran est absolu et applicable en tout temps ou circonstancié avec des passages non applicables aujourd'hui car applicable uniquement à l'époque du prophète ?
|
Sa réponse, en prenant le plus de précaution possible
Citation :
La question est délicate. Si on prend la définition du coran telle que présente dans le coran et confirmée par mes cours de religion, le Coran est bien valable à toute époque, c'est même son essence : car dernière révélation.
MAIS comme y a des trucs qui sont pas applicables par le simple bon sens, y a des érudits qui disent qu'il faut contextualiser, rajouter des règles (comme par exemple que la cigarette est haram).
Ça s'appelle "Ijtihad"
Mais à aucun moment nous n'avons parlé de règle coranique non valide, on a parlé de hadith non valable à notre époque (donc mawdoua'a), mais en ce qui concerne le coran, jusqu'à preuve du contraire, il est absolu
|
Note de contextualisation pour ceux qui ne connaissent pas le terme : dans l'Ijtihad, le Coran est toujours la source primaire, source qui est complété, dans l'ordre d'importance, par la sunna, le consensus unanime et la raison. Cela vise à légiférer. Si le Coran répond à la question : on prend le Coran. Si le Coran n'est pas clair, on regarde les hadiths sahi pour voir ce que Mahomet en faisait. Si les hadiths ne donnent pas de réponse, les mecs regardent ce que leurs prédécesseurs ont dit avant eux. Et quand vraiment il n'y a rien, ils se mettent à réfléchir. C'est comme ça qu'ils ont déterminé que la cigarette était Haram alors que le Coran ne se prononce pas directement dessus. Et comme dit Chérie, cela n'enlève rien à la perfection d'un Coran absolu. Voilà, donc ça, c'est la position de l'école publique algérienne, obédience Malikite. Donc quand tu dis que mon point 2 est faux et que le consensus islamique est clair là dessus, j'ai juste envie de te répondre : t'es sérieux ?
Le Coran est absolu, parce que parole divine et dernière des révélations, et c'est bien ça le problème : c'est ce qui explique que certaines branches de l'islam peuvent se retrouver légitimée à y aller à fond. Et quand elles le font, ça peut déboucher sur plusieurs réalités différentes, dont certaines violentes. Et que d'autres font des contorsions incroyables pour justifier qu'il ne faille surtout pas appliquer à la lettre la parole d'Allah, parce qu'en effet, dans notre société aujourd'hui, ça craint.
Encore une fois, j'ai pas de problème avec un croyant qui va me dire "pour ma gueule, je considère que le Coran n'est pas absolu et ne s'applique pas tel quel parce que contexte". A la limite, tant mieux s'il pense ça personnellement, c'est préférable. MAIS : 1. Ce n'est PAS le consensus. Le consensus ne se fait pas en occident, mais dans les pays musulmans, dans les écoles de droit coranique, par les oulémas et autres grands savants. Et parmi les oulémas, on a quand même des sacrés cas : L'urine de chameau soigne les maladies : https://www.youtube.com/watch?v=NceiHho5C7c
La terre ne tourne pas, c'est prouvé : https://www.courrierinternational.c [...] est-prouve
Alors oui, c'est débile, et non, la majorité des musulmans occidentaux ne pensent pas un traite mot de ces conneries, mais jusqu'à preuve du contraire, ce sont CES tarés qui décident du consensus. Et ça pose un énorme problème, parce que ça permet très facilement de mettre en place des dérives sectaires derrières.
2. Le problème est que le Coran, dans sa nature et sa rédaction facilite, encourage, autorise, les lectures les plus extrêmes. Parce qu'il a été rédigé dans un contexte où Mahomet était en guerre, manipulait ses fidèles en leur promettant le paradis et des récompenses bien terrestre, et convertissait de force ceux qui n'étaient pas d'accord. C'est son essence même. De fait, il n'y a strictement rien d'anormal qu'aujourd'hui encore, des personnes en fasse cette lecture. Eux pensent que le message est purement divin et qu'il faut l'appliquer à la lettre, et ont toutes les légitimations possibles pour le faire, et c'est de cette manière qu'ils arrivent à embrigader et laver le cerveaux de croyants, en utilisant cette rhétorique. De mon côté, je n'ai aucun doute du fait qu'il faille contextualiser. Mais j'aimerais bien que les personnes qui en ont conscience sortent de l'hypocrisie comme quoi "c'est un message divin mais pas trop, en fait, je choisi ce que j'applique, et si vous êtes pas d'accord avec moi, vous êtes des IGNORANTS ! Non. Si on contextualise, on arrête de prendre dieu pour un con et on va au bout de la logique.
Ma position, c'est que l'islam possède dans ses textes tout ce qui est nécessaire pour faire de la dérive sectaire, qu'il n'y a aucun problème à les justifier de part les textes, et que le consensus juridique en islam valide un grand nombre des arguments, contrairement à ce que pensent les occidentaux. De fait, ces textes sont utilisés pour tout un tas de dérives sectaires, qui peuvent aller des simples revendications à l'action violente, en passant par l'isolement, l''auto-exclusion de la société et le respect de règles morales délétères. Nier la source du problème pour ne pas offenser les personnes qui ne sont pas dans la dérive sectaire en question, où de manière très soft et peu problématique (un début de dérive se trouve dans la bienveillance qu'on pourra accorder aux dires et aux actes de ceux qui y sont bien plus encrés), c'est relativement contre productif. Et c'est, aussi, laisser le champs libre à ceux qui veulent manipuler, car en tête à tête, sur les forums, dans les mosquées et sur les réseaux sociaux, et pire, dans l'enseignement religieux officiels dans certains pays, ils auront toujours à leur disposition les arguments théologiques "massues" pour convaincre un croyant de bonne fois de la justesse de leur position, et ainsi le manipuler de manière à ce qu'il se conforme dans ses gestes et ses pensées à ce qu'ils attendent. Parfois de manière relativement soft, parfois de manière extrême, dès lors qu'on tombe chez les plus virulents et dangereux. Et je pense que l'incapacité des musulmans occidentaux de voir ça et de le comprendre, ou plutôt de l'accepter est ce qui empêche toute auto-critique et toute avancée sociétale de l'islam, en général. Le problème est qu'il n'y a pas de solution : tout tiens dans le dogme du Coran incréé et divin. Avec ce dogme, on a la porte ouverte à toutes les interprétations même les plus violentes et, alerte spoiler, c'est exactement ce qu'on constate dans le monde réel. Sans ce dogme, il n'y a plus d'islam. Entre les deux, les musulmans "modérés" et influencés par les sociétés occidentales et leur bloc de valeurs jouent un numéro d'équilibriste visant à ne surtout pas remettre en question le dogme, sans pour autant l'appliquer, parce qu'appliquer le Coran et la Sunna du prophète, aujourd'hui, ça craint. Ce qui n'empêche pas d'autres musulmans, même en occident, d'appliquer tout ça, de manière plus ou moins prononcée, ce qui mène, au delà du terrorisme qui est la version la plus extrême possible, au sujet même de ce topic : des problèmes de sociétés avec une monté de l’intolérance (envers les autres religions, envers les apostats, envers les femmes, envers les gays), un repli identitaire, des revendications allant à l'encontre des règles du vivre ensemble (le voile partout et tout le temps, la non mixité, le refus de manger non hallal ou de boire en journée pendant le ramadan, même si sa fonction professionnelle l'imposerait), une bienveillance envers les plus extrêmes (vision positive de la charia par la communauté, condamnation du blasphème et de la critique de l'islam) et des pratiques individuelles sectaires (alignement de pensée, pratiques religieuses rigoureuse régulant l'ensemble de la vie d'un croyant, du levé au couché en passant par la manière de se torcher le cul aux chiottes).
Tout est dans le Coran, dans la Sunna, dans l'exégèse des savants. Derrière tu pioches, tu picores. Faut-il pointer du doigt tous les musulmans, notamment la majorité d'entre eux en France parfaitement intégrée qui, finalement, sont plus musulmans par culture que par conviction ? Certainement pas. Ils ne posent aucun problème et je serais heureux de faire la fête avec eux s'ils m'invitent pour l'Aîd. Faut-il pour autant détourner le regard sur les fondements et l'origine de la foi musulmane et ce qu'elle permet ? Non. Le combat est intellectuel, il est éducatif, il passe par la diffusion de l'esprit critique et par la déconstruction, via la logique, des mythes qui enferment les gens dans des croyances et dérives. Ta position, c'est qu'il est possible de faire une lecture des textes sacrés tout à fait compatible avec la république, et que ceux qui ne le font pas sont dans l'erreur. Certes, cette lecture est possible. Mais une fois dit ça, ça ne règle pas le problème de toutes les autres lectures, qui se légitiment sans aucun problème à partir des sources et qui mènent à des dérives sociétales et/ou sectaires. Comment on fait pour que ces personnes ne tombent pas dans ces dérives ? En leur disant qu'ils n'ont rien compris et qu'il faut interpréter la parole divine absolue ? Aucune chance : ils ont plus de légitimités théologiques dans leur vision que toi dans la tienne. Je pense qu'on a plus de chance d'être écouté en s'attaquant à la source même des croyances plutôt qu'en les légitimant et les circonstanciant. Quand au point 4, je n'y peux rien si, à chaque fois qu'on balance quelque chose qui te dérange, tu utilises l'argument du manque de clarté pour esquiver.
|