Citation :
Que pourrait être ParisTech dans dix ans ? C'est la question que se sont posée les douze écoles membres de ce PRES (pôle de recherche et d'enseignement supérieur), à un moment où l'Opération campus et le grand emprunt vont influencer son avenir et pourraient créer des dissensions. « Vision 2020 », le document qui en découle, est actuellement examiné par les conseils d'administration des douze écoles. Détail des principaux objectifs que s'est fixés le pôle pour devenir l'une des 20 premières universités de sciences, technologies et management dans les dix ans qui viennent.
Tout est parti d'une question posée par le conseil d'orientation stratégique mi-2009 : « Allons-nous assez vite dans la construction de ParisTech au vu de la compétition internationale ? » Le président du conseil d'administration de l'École des mines de Paris, Denis Ranque, est alors missionné pour réfléchir à la question. Ses conclusions ? Il est temps de passer à une seconde étape. Les douze écoles du PRES se mettent alors en ordre de marche pour proposer leur « vision 2020 » de ParisTech. Avec une ambition : se transformer en une université de sciences, technologies et management parmi les 20 premières mondiales. ParisTech compte aujourd'hui près de 20.000 étudiants et plus de 3.000 enseignants-chercheurs.
Cyrille van Effenterre, président de ParisTech, s'en explique : « Notre bilan est loin d'être négligeable. Mais nous partageons les analyses qu'ont pu faire l'IGAENR ou la Cour des comptes dans leurs rapports sur les PRES. L'État doit davantage considérer les PRES comme un outil de la politique publique. Aucune mission n'a été explicitement transférée à ces pôles en général et à ParisTech en particulier. Les établissements n'ont pas délégué les recrutements, la délivrance des diplômes, les contrats doctoraux ou l'habilitation des masters. Nous sommes encore dans un PRES de coordination. Aujourd'hui, le président de ParisTech peut signer des conventions-cadres avec une université étrangère, mais pas de conventions d'application, par exemple. »
Une plus grande intégration en formation comme en recherche
Le PRES mise dans les dix ans à venir sur une plus grande intégration des activités de ses membres en formation comme en recherche et en innovation. L'obsession : la visibilité internationale. Ainsi, les onze écoles d'ingénieurs réfléchissent à faire habiliter par la CTI (Commission des titres d'ingénieur) toutes leurs formations d'ingénieur la même année autour d'un socle commun. « Il n'est pas question de toucher au projet pédagogique de chaque école, mais de montrer ce que nous avons d'identique, précise Cyrille van Effenterre. Le diplôme pourrait alors être un diplôme d'ingénieur de ParisTech délivré par telle ou telle école. » Une mini-révolution pour des institutions aussi prestigieuses que Polytechnique, les Mines ou encore les Ponts...
Même volonté en recherche. « Nous possédons une recherche de qualité, mais pas suffisamment visible et structurée. Il nous faut mieux identifier nos forces et les mettre en avant. Aujourd'hui, selon nos simulations, ParisTech apparaîtrait entre la 25e et la 30e place du classement de Shanghai. Nous pouvons sans aucun doute faire mieux », affirme le président du PRES. Une ambition qui passe par une signature « ParisTech » des publications scientifiques, mais aussi par des partenariats renforcés avec les organismes de recherche. Autre projet : la création d'une fondation. ParisTech espère récolter 15 millions d'euros pas ce biais à l'horizon 2020.
Une gouvernance renforcée à l'épreuve d'une localisation multisites
La mise en place d'une gouvernance renforcée reste un point crucial de la stratégie 2020 de ParisTech. Le modèle en tête : Cambridge. Cyrille van Effenterre tempère cependant : « Nous souhaitons nous transformer en une université, mais pas dans le sens de la loi de 1984. À l'étranger, Sciences po se présente comme université, alors que, statutairement, il s'agit d'un grand établissement. Nous voudrions faire la même chose. »
Une gouvernance qui devra faire face à une recomposition géographique de ParisTech, avec le risque d'une marginalisation des établissements qui ne rejoindront pas le campus de Saclay, voire, dans le pire des scénarios, le danger d'un éclatement de ParisTech, alors trop en contradiction avec les politiques de site. Face à ces conjectures, Cyrille van Effenterre se veut optimiste : « C'est vrai, le centre de gravité de ParisTech va se déplacer de Paris à Saclay. Palaiseau devrait concentrer à terme plus de 60 % des implantations du PRES, avec huit écoles sur douze qui y seront présentes totalement ou partiellement. Mais garder une implantation parisienne reste essentiel. Personne n'a envie d'abandonner Paris. Le pôle chimie de ParisTech restera, par exemple, dans la capitale. » Pour preuve, le PRES va signer une convention de coopération avec la Ville de Paris vendredi 2 juillet.
S'ouvrir au droit et à la médecine
Pour Cyrille van Effenterre, « le plan campus reste une occasion exceptionnelle de rationaliser nos implantations. Nous allons passer d'une vingtaine de sites en Île-de-France à trois campus. Regardez l'ETH de Zurich ou la TU de Munich. Elles concentrent leurs infrastructures sur deux ou trois sites. » Le président du PRES voit également dans cette localisation multisites une opportunité de nouer davantage de partenariats. « L'implantation de l'École des ponts à Marne-la-Vallée constitue une plus-value pour elle, mais aussi pour ParisTech. Sa situation lui permet d'apporter une dimension "génie civil, urbanisme, transport et environnement", qui n'existe nulle part ailleurs », note-t-il.
Des partenariats qui permettraient d'aller au-delà des sciences de l'ingénieur. « Nous entendons cette critique d'un PRES peu ouvert aux sciences humaines et sociales. Rappelons tout de même que nous comptons près de 200 enseignants-chercheurs sur ces thématiques et plus de 300 en économie et gestion. Si l'on regarde les universités de technologie du nord de l'Europe, elles proposent peu de littérature également. En revanche, elles possèdent toutes une law school. Nous devons donc travailler à un partenariat assez inédit avec des facultés de droit », continue Cyrille van Effenterre. Autre lacune identifiée : la médecine. Là aussi, des discussions sont engagées pour collaborer avec des universités. Un master en bio-ingénierie est déjà en œuvre avec l'université Paris 5.
Reste à savoir si le grand emprunt, dans lequel ParisTech souhaite « jouer ses forces dans toutes les briques », ira dans le sens de cette « Vision 2020 » très ambitieuse.
|