Citation :
15:14:39 - 01:34 : On se trouve à La Défense [..] au siège du Crédit Agricole Corporate and Investment Bank.
15:14:39 - 02:00 : On a relevé sur Internet un document qui nous parait vraiment le plan de bataille des financiers [..] Que feront les marchés si jamais François Hollande est élu ? Comment ils pèseront sur la politique. Et donc c'est un senior advisor de Chevreux [..] qui conseille 1200 investisseurs institutionnels, essentiellement des fonds de pension anglo-saxons.
15:14:39 - 02:48 : Ce senior advisor dit que non seulement François Hollande ne tiendra pas ses promesses mais en plus c'est lui qui va flexibiliser le marché du travail.
15:19:41 - 03:10 : François Ruffin (France Inter) : Nicolas Doisy, on se trouve au Siège de la Corporate and Investment Bank du Crédit Agricole. Vous êtes Chief Economist chez Chevreux.
15:19:41 - 03:58 : François Ruffin (France Inter) : Pourquoi une société de courtage comme Chevreux a un département recherche et pourquoi cette recherche s'intéresse à la politique française ?
15:19:41 - 04:07 : Nicolas Doisy (Chevreux) : Ce que l'on se rend compte, c'est que dans politique économique, il y a politique, il n'y a pas qu'économique [..] Tout ce qui est politique prend énormément d'importance et détermine beaucoup des événements sur lesquels les investisseurs gardent leurs yeux.
15:24:41 - 00:26 : François Ruffin (France Inter) : Vous avez publié un papier dont le titre est [..] François Hollande et la rigidité du marché du travail, le marché va bousculer les deux.
15:19:41 - 00:40 : Nicolas Doisy (Chevreux) : Il y a des chances non négligeable que François Hollande se trouve pris entre deux forces contradictoires : les marchés qui attendront de lui un certain nombre de réformes dites structurelles [..] qui vont porter sur l'assainissement des comptes publics mais aussi des réformes qui sont appelées à rendre l'économie française plus performantes hors c'est le type de réforme dont l'électorat de François Hollande se méfie et si vous regardez bien, François Hollande s'est pour l'instant abstenu de clarifier sa position de façon net à ce sujet et pour cause, il sait qu'il sera appelé à terme à un moment entre la pression de ses électeurs et la pression des marchés.
15:24:41 - 01:48 : François Ruffin (France Inter) : Vous dites que non seulement François Hollande ne va pas tenir ses promesses mais en plus c'est lui qui va devoir flexibiliser le marché du travail ? C'est lui qui va devoir remettre en cause "The famous CDI" ?
15:19:41 - 02:03 : Nicolas Doisy (Chevreux) : C'est lui qui va devoir le faire dans la mesure où c'est lui qui sera élu. [..] La pression des pairs dans la zone euro, c'est-à-dire de l'Italie, de l'Allemagne, de tous les autres pays. Regardez bien l'Allemagne, au milieu des années 2000 a fait ce genre de réforme. L'Italie et l'Espagne sont obligés de le faire aujourd'hui, la Grèce aussi, en quoi la France pourrait-elle s'en dispenser ? [..] C'est le package typique de réformes qui a été imposées à la Grèce, qui est aussi demandé à l'Italie, qui est aussi demandé à l'Espagne [..] c'est ce qu'avaient fait en leur temps Raegan et Tatcher, l'Europe continental avait estimé qu'elle ne pouvait pas adopté ce modèle, c'est un choix de société, c'est un choix politique, il se trouve que le modèle français [..] est en train d'arriver en bout de course. [..] L'idée, c'est de permettre aux entreprises d'avoir une plus grande flexibilité dans la gestion de leur ressources humaines de façon à ajuster au mieux leur personnel, leur force de travail, de façon à être les plus performantes.
15:24:41 - 04:53 : François Ruffin (France Inter) : Jean-Pierre Garnier, vous êtes sociologue, [..] vous êtes aussi l'auteur dans les années 80 d'un livre qui s'appelait la deuxième droite.
15:29:41 - 00:20 : Jean-Pierre Garnier (Sociologue) : Selon une tradition déjà bien établie, la soit-disant gauche institutionnelle va faire le sale boulot comme l'aurait dit Fabius ou comme redira peut-être Fabius [..]. De toute façon, ce qu'il faudra qu'ils fassent, c'est essayer de vendre à son peuple une politique qui ira à l'encontre des intérêts populaires. Donc ils pensent aussi à comment tromper le peuple. [..] Sur la base de l'expérience historique, il n'y a pas de meilleur moyen pour une classe dirigeante qui s'apprête à renforcer tous les mécanismes de l'exploitation, la flexibilisation du marché du travail et le démantèlement de l’État social en font parti que de faire faire le sale boulot par des pseudo-partis de gauche.
15:34:41 - 00:30 : François Ruffin (France Inter) : Dans votre papier, vous écrivez, je traduis : "C'est regrettable pour François Hollande mais la nécessité d'une libéralisation du marché du travail est le résultat direct de l'appartenance de la France à la zone euro, aussi ne peut-on avoir l'une sans avoir l'autre, donc la seule question est de savoir si François Hollande ne va, ne serait-ce qu'essayer de respecter ses promesses ou s'il va volontairement devenir déçu, aussitôt élu."
15:39:42 - 02:15 : Serge Halimi (Ecrivain) : L'autre élément c'est que, même si le prochain président quel qu'il soit, même s'il voulait se plier à la politique que recommande la Banque Centrale Européenne, que recommande la Commission Européenne, que recommande Angela Merkel et d'une certaine manière que recommande Nicolas Sarkozy, ces politiques vont dans le mur et tout le monde sait qu'elles vont dans le mur. Parce qu'après tout, le nombre de pays qui ont fait des plans d'austérité sans que leur situation s'améliore commence à devenir assez impressionnant entre la Grèce, l'Italie, l'Espagne et le Portugal, ça n'est pas faute de politique d'austérité ces dernières années et pourtant la situation de presque chacun de ces pays se dégrade. Cette espèce de camisole de force, de cercle de fer, dans lequel on prétend comprimer les économies européennes pour qu'elles soient toutes sur le modèle Allemand sont des paramètres intenables. Ca veut dire qu'un gouvernement de gauche qui aurait la disposition de mener une politique de gauche et qui pourrait s'appuyer sur une mobilisation populaire de gens qui, en quelque sorte, l'empêcherait de reculer aussitôt aurait peut-être la possibilité de rechercher des appuis en Europe qui, bien que distinct idéologiquement constatent que les contraintes qui ont été mises en place par la BCE, par la CE et par le tandem Franco-Allemand ne mène pas à la reprise.
15:39:42 - 03:45 : François Ruffin (France Inter) : Si jamais il y avait une politique de gauche qui était tentée [..], ce gouvernement de gauche il pourrait aller voir d'autres gouvernement en Europe en disant "Essayons autre chose ensemble" ?
15:39:42 - 04:09 : François Ruffin (France Inter) : François Hollande dit "Notre adversaire, c'est la finance". Apparemment, la finance n'a pas l'air de trop trembler. Là, Serge Halimi, vous rajoutez "Notre adversaire, c'est aussi la Commission Européenne, c'est aussi les mass-médias, c'est aussi la BCE, bon".
15:39:42 - 04:26 : Serge Halimi (Ecrivain) : Tout ça c'est la même chose. Tout ça, c'est les même intérêts.
15:49:42 - 01:15 : Jacques Sapir (Economiste) : Je trouve que c'est un papier très honnête. Aujourd'hui nous sommes face à cette réalité qui est que dans une monnaie unique, le droit du travail et le droit social ont tendance à s'aligner sur le moins-disant et le moins-coûtant. Admettons que François Hollande soit élu, il sera confronté à une crise financière et donc économique à partir de la fin de cet été. [..] A ce moment là, il sera confronté à la contradiction entre les espérances auquel son élection a donné lieu et le fait qu'il tranchera probablement dans un sens européen et qu'il dira "Il nous faut faire de nouveaux sacrifices pour pouvoir rester dans la zone euro". Alors, il va probablement essayer de déguiser ces sacrifices en disant "Nous ne faisons pas un démantèlement de notre droit du travail, nous allons faire une réforme mais vous allez voir, si certains perdent un petit peu, d'autres vont y gagner". C'est des foutaises. [..] Nous allons aboutir à un démontage extrêmement rapide et de notre droit social et de notre droit du travail. Qu'est-ce qu'il se passera ? Il y aura à l'évidence des mouvements sociaux extrêmement importants. Et donc, je pense que M. François Hollande va se transformer en un George Papandréou français. Ça me semble absolument inévitable sauf que l'on peut espérer que la situation politique de la France étant un petit peu différente de la situation politique de la Grèce, on aboutisse cette fois-ci à un front du refus par rapport à l'euro qui pourrait être majoritaire. Et à ce moment là, on entre dans une crise politique [..], je ne pense pas que dans ce contexte, François Hollande reste beaucoup plus que 2 ans ou 2 ans et demi au pouvoir.
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