LE DERNIER RIVAGE
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Réalisateur: Stanley KRAMER
Année: Etats Unis, 1959, On the Beach
Acteurs: Gregory Peck, Ava Gardner, Anthony Perkins, Fred Astaire
Par von Beck (27/06/2001)
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Il est rare que le titre d'un film en V.F. soit plus adapté que le titre original. Le dernier rivage de Stanley Kramer constitue l'une de ces exceptions car reflétant davantage le drame sous-jacent du film, alors qu' On the Beach ne renvoie qu'aux quelques instants de gaieté partagés entre des personnages qui sont, il faut bien le dire, dans une situation aux perspectives très funestes.
En 1964, la guerre nucléaire a eu lieu et, comme prévu pour une fois, il n'y a ni vainqueur, ni vaincu puisque l'humanité a été rayée de la carte soit par le feu nucléaire, soit par ses radiations qui achèvent de recouvrir la planète et se dirigent vers l'Australie, dernier rivage épargné par les flots atomiques ! Outre les kangourous, koalas et autres marsupiaux, survivent donc temporairement les Australiens et les occupants d'un sous-marin nucléaire américain, l'Espadon, qui sous les ordres du commandant Dwight Towers (Gregory Peck) accomplissent des missions d'explorations pour évaluer le degré de contamination planétaire dans l'espoir d'un havre de paix à l'abri des radiations. Peu avant de repartir en mission vers le Pacifique Nord, un incompréhensible signal en morse provenant de la région de San Diego est capté. C'est donc l'espoir au ventre et la peur au coeur que l'équipage, complété par le scientifique Julian Osborn (Fred Astaire) et le lieutenant de vaisseau de la marine royale australienne Peter Holmes (Anthony Perkins), part tandis que le pays se prépare à la fin approchant...
L'holocauste nucléaire fait partie des poncifs de la science-fiction des années 50-60. Généralement quelques rares spécimens de l'humanité parviennent à s'accrocher à la vie tel le morpion moyen. Dans Le dernier rivage, il ne faut pas compter sur le moindre survivant : le message en morse n'est qu'un espoir illusoire ou le moyen de placer une bouteille de Coca-Cola afin de subventionner le film. Bien au contraire ce dernier est une ode mélodramatique au stoïcisme et à un flegme dont les Australiens semblent avoir hérité après la disparition des Britanniques, car c'est avec dignité et humour noir que la population se résout a affronter la mort en absorbant par avance des pilules.
Pilules qui fournissent au film deux scènes marquantes : l'une totalement irréaliste et horrible, lorsque Peter Holmes se désole que sa femme n'ait pas voulu se suicider avec leur fille âgée de quelques mois, après son départ (le film pèche par une dignité humaine suintante) ; l'autre par une distribution des pilules à la population larmoyante mais digne, avant que, la mort ayant fait son effet, la caméra livre des paysages urbains vides de gens et de toutes beautés, dignes, eux-aussi, mais de la quatrième dimension.
De dignité, il est déjà question au début du film, puisque la population australienne semble affronter la progression des radiations avec un calme olympien, puisque, hormis le manque de pétrole, qui a relancé les moyens de transport hippomobiles mais n'empêche pas Julian Osborne de participer à une course de voiture (les Australiens ou le réalisateur ont le sens des priorités !), et le manque de café, rien ne semble perturber la vie quotidienne. Pour contraster avec les scènes finales, les rues sont noires de gens affairés qui vaquent à des occupations dont, la mort venant, on imagine bien l'urgence !
De dignité toujours, il est beaucoup moins question dans les rapports hommes/femmes qui chavirent dans un mélodrame abusif : que ce soit quand le commandant Towers parle de sa femme et ses enfants comme s'ils étaient toujours présents, ou dans les entretiens entre Peter et Mary Holmes (Donna Anderson), ou, clou du film, dans l'histoire d'amour qui se noue entre Diwght et Moïra , (Ava Gardner qui interprète un rôle de femme légère et légèrement alcoolique qui n'est pas sans rappeler son rôle dans Mogambo au côté de Clark Gable).
Enfin, Le dernier rivage est un film résolument pacifiste puisque les responsables de cette catastrophe, une fois écartés les Soviétiques qui ne sont eux que responsables du premier tir jugé accidentel, sont désignés comme étant les scientifiques, Albert Einstein en tête, qui ont conçu cette horreur. En passant est dénoncé l'équilibre de la terreur et la coexistence pacifique comme étant des situations illusoires, l'horreur ne pouvant manquer de se déchaîner.
Voici donc un film plein à ras-bord de sentiments de la plus pure guimauve. A tel point que l'on peut se demander si le livre de Nevil Shute qui l'a inspiré n'a pas été publié chez Harlequin (avec un H s'il vous plaît !). A ne voir que pour les manifestations d'humour so british semées avec parcimonie et les images finales, scènes de rue, confondantes d'humanité par leur manque d'êtres humains, qui rappellent un peu celles ouvrant Quand la ville dort, un chef d'uvre de John Huston.