Chou Andy a écrit :
Le Havre Urban Trail - format marathon (40 km 1000 D+)
J'ai des potes de foot qui viennent du Havre et ça fait longtemps qu'ils veulent me faire découvrir cette ville à laquelle ils sont très attachés.
La ville est fondée en 1517 par François 1er sur le lieu dit du "havre de grâce", avec pour vocation de servir de port militaire défensif. Il ne se passe pas grand chose jusqu'au milieu du XVIIème siècle où la Compagnie des Indes s'installe. Le Havre devient rapidement un port commercial florissant, plaque tournante des produits exotiques en vogue à l'époque, en particulier le café et les êtres humains. La ville continue de se développer, prend le virage industriel, puis se fait occuper par les Allemands. Les Alliés débarquent pas loin et veulent avancer sur Paris, mais la garnison allemande du Havre refuse de se rendre si facilement et se retranche. Les Alliés sont pressés et décident de recouvrir la ville sous un tapis de bombes. En quelques jours ils en envoient davantage que Londres n'en a reçu de toute la guerre. Bilan : 3000 morts (tous civils, les Allemands étaient retranchés en hauteur) et 2 bâtiments encore debout.
Du coup faut tout reconstruire, et c'est Auguste Perret qui s'y colle, le chantre du béton. Il kiffe le béton. Beaucoup beaucoup. Et il en met partout. C'est ce qui donne à la ville son charme si particulier.
Pour fêter ça, la ville organise des festivités en 2017, et à cette occasion est organisé le premier LHUT par le club de triathlon de la ville. C'est un succès malgré des températures caniculaires (35°C, ce qui est peu habituel d'après les autochtones).
En 2019, ils remettent ça. Formats 10, 21, 42 solo et 42 duo. Mes potes sont répartis sur les autres courses mais ils sont pas très aguerris, il faut être indulgent.
Vendredi on regarde Angleterre - Argentine au stade Océane, l'ambiance est sympathique mais le spectacle est nul à chier, il faut être honnête. Les Argentines sont vraiment beaucoup trop faibles.
Le samedi mes potes me font déjà la visite touristique, ainsi que le tour des bars sympathiques. J'apprécie beaucoup. C'est mon anniversaire alors on boit des coups. La soirée s'achève avec 2 ou 3 bières, 2 cocktails, 2 verres de vin. Ça reste raisonnable mais ça ne s'est pas joué à grand chose.
Dimanche matin on se lève. Je m'habille dans notre tenue de footeux ringard : chaussettes de foot, vieux short de basket détendu, marcel noir en coton. C'est pas très confortable, mais l'avantage est de pouvoir glisser dans la poche du short mon portable (obligatoire !) qui servira aussi de lampe torche (obligatoire aussi !!). La traditionnelle bouteille d'eau à la main pour boire. La forme est ok, je suis plutôt frais car je ne cours pas énormément, mais j'ai une grosse dette de sommeil depuis 3 semaines et je n'ai qu'une envie c'est de me recoucher.
Le départ est donné sous un splendide monument de containers de toutes les couleurs. C'est bien à l'arrache, il n'y a ni arche ni même de ligne de départ, le speaker parle dans un mégaphone de CGTiste et personne ne comprend rien. Le départ est donné par un bon vieux décompte collectif et tout se passe bien. Le quai est très large (l'avantage des anciens sites industriels récemment rénovés, c'est qu'il y a de l'espace), et je peux facilement me replacer derrière puis dans le groupe de tête. Ça va pas bien vite mais la montre indique quand même 3'50 pour le premier kilo, faut se méfier.
Assez rapidement un petit blanc à Camelback prend 30 mètres d'avance. On monte une passerelle qui surplombe un grand bassin d'eau stagnante, puis on se dirige vers le Volcan, incontournable joyau de la ville en forme de tour de refroidissement de centrale nucléaire, conçu par Niemeyer lui-même (son oeuvre préférée paraît-il). On remonte la rue animée de la ville et je me détache en deuxième position. On passe devant l'église Saint-Joseph, incroyable monument de béton (by Perret bien sûr, et sa vitrailliste sûre Marguerite Huré). A ne pas manquer. J'ai presque envie d'aller faire un tour à l'intérieur mais j'ai pas le temps.
On passe sur la plage, grand plage de galets, qu'ils ont eu l'heureuse idée d'agrémenter d'un chemin en sable. On court donc sur du sable sur des galets, la vitesse diminue mais ça passe (on reste calés vers les katokilo). Je me fais doubler par un petit bleu, je ne l'accroche pas, ça sert à rien. Petit passage sadique dans les galets pour sortir de la plage, puis c'est la promenade de bord de mer. On croise plein de vieux et de chiens. Un petit jeune en tenue de camouflage me double à son tour, il a belle allure. Les deux premiers sont juste devant, il n'y a pas d'écart significatif. On va jusqu'au au bout du monde avant de bifurquer soudainement sur la falaise à droite. Droit dans le pentu, c'est marrant. Puis faux-plat le long d'une rue où on est encouragés par les percussions sénégalaises typiques de la ville (rapport à la main d'oeuvre portuaire). Le soleil sort et illumine de mille couleurs la mer Océane et son cortège de porte-containers qui attendent leur tour sur l'horizon pour entrer au port.
Après ça évolue pas tellement en fait. Je cours avec le 5ème, grand blanc, on rattrape petit bleu assez rapidement, petit blanc est pas loin devant mais jeune camouflage est hors de vue. Je dis à grand blanc qu'on n'est pas près de le revoir, il court vraiment bien. La course est très roulante jusque là, peu de vraies montées, et il y a quelques singles boueux en sous-bois pour varier. On est en hauteur et on bénéficie régulièrement de belles perspectives sur des quartiers emblématiques de la ville, comme le port industriel, la centrale à charbon où l'immense barre d'immeubles au bord de la mer. Je fais un peu d'élastique avec grand blanc, mais finalement on rattrape ensemble petit blanc au 16ème. Il a juste le temps de me prévenir qu'il faut garder des forces pour le dernier tiers qui est "horrible", puis il y a un ravito, je m'arrête pour remplir ma bouteille vide... mais pas eux, ils me remettent 50 mètres d'un coup. Et l'écart grandit, grandit, je les perds de vue et me retrouve seul.
Petit coup de mou dans la ville, puis dans la forêt, je passe en mode "footing +" et me dis que c'est dommage d'échouer à la 4ème place. J'espère quand même que l'un des mecs devant fait partie des relais, mais en même temps je sais qu'ils sont très peu nombreux (25 équipes je crois). Vient le ravito de mi-course, environ 1h35 au chrono, ça me satisfait, je vise sub 3h30 et je sais que la deuxième moitié est plus difficile. J'ai pas l'impression qu'il y ait eu de relayeurs de passés. A peine sorti de là, je me paume en faisant un tout droit dans la forêt... à ma décharge, j'ai suivi un VTT de l'orga qui s'est planté. Bon il y a à peine 50 mètres à rebrousser, le parcours passait par une espèce de discret fourré (et c'est un peu le bazar à cet endroit sur le balisage, je crois qu'ils l'ont modifié à la dernière minute : il y a des flèches barrées, et des croix fléchées, la nuance est subtile).
Le parcours est un peu plus accidenté et alterne entre urbain et forêt. On passe dans des micro chemins péri-urbains, on traverse même des champs de pâquerettes ainsi que des champs de fleurs jaunes, il commence à y avoir de vrais talus à grimper (impossible de courir) et à descendre, parfois de manière acrobatique parce que ça reste assez boueux. Pas mal de ronces au passage, le tracé est assez inventif. La vitesse s'effondre mais c'est pas grave, après tout il faut garder des forces pour la fin. A un carrefour, un signaleur m'annonce le trio de devant (trio ?) à 1 minute. Ça fait longtemps que j'ai vu personne. Derrière moi c'est encore plus le désert.
Ça dure une éternité comme ça, et tout d'un coup, à la sortie d'un énième single dans les ronces, ça débouche sur une rue et je vois le trio de tête devant ! Petit blanc, grand blanc et jeune camouflage. Ils sont proches mais c'est peut-être trompeur car il y a encore des détours rigolos entre le sous-bois et la rue. Je prends un chrono et je compte 30 petites secondes. Cool ! Et très rapidement, sur un pelouse en sévère devers, je les rejoins. On est alors sur un sympathique chemin en herbe qui surplombe les deux stades de foot, l'ancienne gare de triage, et plus généralement tout le vieux quartier industriel. On atteint ensemble un mini ravito, puis ça plonge direct en single dans la boue. Un bénévole nous avertit "Attention c'est très très pentu §§§" et mes acolytes y vont à 2 à l'heure 29ème kilomètre, fin de la forêt, on retrouve du bon bitume, à remonter un long faux-plat sur le bord d'une quatre voies. Je prends vite la tête du groupe et, une fois en haut, je me retourne... c'est éparpillé derrière. Jeune camouflage et petit blanc sont au fond du trou (surtout jeune camouflage), seul grand blanc est encore vaguement dans le coup. Je sais maintenant que c'est un duel. A partir de là j'ai droit au VTT de l'orga presque tout le temps avec moi. Il me confirme qu'il n'y a personne d'autre devant, me demande mon nom, on papote. Il confirme également qu'on attaque la partie difficile avec tous les allers et retours sur les escaliers.
Je descends comme un petit fou les marches, je remonte plutôt sereinement, pour l'instant je ne suis pas trop impressionné... C'est assez marrant de voir le VTTiste galérer avec ses chaussures auto, c'est un sacré effort mine de rien pour lui. Parfois il me laisse seul et je le retrouve 500 mètres plus loin. C'est marrant aussi de le voir communiquer à l'orga pour donner des infos. Je me retourne régulièrement, grand blanc n'est pas en vue, j'ai une avance plutôt confortable. Je le croise une ou deux fois quand le parcours boucle, et en gros j'ai fini de descendre un escalier quand lui commence à peine à monter, ça doit faire facilement 1 minute.
Je maintiens l'effort parce que faut pas déconner, il reste même pas 8 kilomètres et la victoire me tend les bras. Bon, ça use quand même, le soleil est de plus en plus haut et les marches de plus en plus hautes, je commence à vraiment me traîner et à me tirer sur la rambarde... Bon heureusement j'ai toujours de quoi relancer sur le plat et dévaler les descentes. A 4-5 kilomètres du but, on traverse un vieux tunnel désaffecté. C'est à cause de ça qu'il fallait une frontale. Il y a un contrôle obligatoire à l'entrée, je montre mon portable, ça les étonne mais ça passe... Bon en vrai la lampe n'éclaire que dalle, j'y vois rien, heureusement qu'il y a des petits spots pour faire deviner les murs de bétons qui parsèment le tunnel. Mais je vois pas où je mets les pieds, alors je suis au ralenti. C'est assez long quand même, 270 mètres.
Ça débouche, je continue, plus qu'une seule montée/descente et c'est 2 kilomètres faciles pour finir (d'après le VTTiste). Je maintiens mon effort, soupçonnant grand blanc d'être plus rapide que moi sur le roulant. Mais bon c'est gagné, dernier virage, le VTTiste me félicite et le serre la main. J'accélère dans la dernière ligne droite, je fais tomber le ruban sous les applaudissements du public assez nombreux, youpi !
3h17, j'avais plutôt budgétisé 3h30, je suis vraiment content. Grand blanc arrive en 3h24, et le troisième est un collègue de club de grand blanc que j'ai pas vu de la course mais qui a grillé tout le monde sur la fin. Grand blanc est le vainqueur d'il y a 2 ans, apparemment il gagne beaucoup de courses du coin. Je l'ai ITRAisé, côte de 750 apparemment, et fun fact, il a lui aussi couru le trail du Bourbon en octobre, finissant... 3 minutes devant moi
Je bredouille quelques mots au speaker, j'ai super soif et faim, plein de gens viennent me parler et me poser des questions, c'est assez déroutant. Je papote avec les autres coureurs. J'attends des plombes mes amis et le podium. Ils arriveront juste à temps. Sur l'estrade ils me filent plein de cadeaux : un drone à GoPro (!?), un tableau de graffeur, un trophée en plastique. Puis il y a un deuxième podium, je ne sais pas bien pourquoi, et cette fois j'ai une coupe. Je ne sais pas quoi faire de tout ça, j'ai pas du tout de place dans mes bagages alors je laisse tout à mes potes (à part le trophée en plastique).
Bon ben je suis super content évidemment ! Presque pas de courbatures en plus, j'ai envie d'enchaîner dès ce week-end dans les Alpes, et je commence à faire des repérages pour cet été, il y a moyen que ça envoie du lourd (en préparation de l'UTV début septembre).
Le strava : https://www.strava.com/activities/2455088377
La foulée en début de course :
La foulée en fin de course :
Faut que je vous envoie la vidéo du podium c'est assez marrant.
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