Nmz a écrit :
C'est une question intéressante parce que j'ai pas mal "étudié" le sujet depuis le lancement de GA autant d'un point de vue personnel que business/marketing. Je vais pas dérouler une analyse complète ici mais je peux donner quelques éléments de réflexion pour éviter le débat c'est nul/c'est super.
Comme toi je trouve la majorité des vlogs inintéressants, genre les mecs qui se filment en train de manger des pâtes osef. D'un autre côté y'en a de forts bien faits, qui permettent d'ouvrir une fenêtre sur un sujet/domaine particulier sans tomber dans la bouffonnerie au sens premier du terme. Y'a quelques mois je suis tombé sur la chaine de Trent Palmer, une super découverte concernant un domaine de l'aviation dont je n'avais même pas idée de l'existance. Bon j'ai pas prévu de me barrer aux Etats-Unis d'ici la prochaine décennie mais le format qu'il utilise est génial pour transmettre sa passion en quelques épisodes : de belles images, un regard très informé à défaut d'être totalement expert, et concentré sur le sujet plutôt que sa vie.
J'arrive plus à la retrouver mais j'étais y'a un moment tombé sur une pyramide de Maslow modifiée avec les besoins en termes d'éducation, de divertissement, de communauté, etc... Il faut bien réaliser que la demande en termes de divertissement est bien supérieure à celle d'éducation. Quoi qu'on en dise c'est pas vraiment une question générationnelle, nos grands-parents diraient que les jeunes regardent des conneries sur leurs téléphones, et ma génération dirait qu'ils sont toujours prostrés devant la télé à regarder des émissions de divertissement ridicules. Dans les fait, il a jamais été aussi facile de s'éduquer sur un sujet mais ça ne change rien au fait qu'il y a 30 ans on pouvait décider de foutre le nez dans des bouquins et aujourd'hui consulter du contenu éducatif de qualité.
Cette dichotomie entre divertissement et éducation est super intéressante. Pour GA par exemple, j'ai toujours voulu avoir un contenu de la plus haute qualité possible, et je vois pas l'intérêt, à titre personnel, de parler de ma vie. Mais d'un point de vue marketing et développement, zapper ce besoin de divertissement est malheureusement très contre-productif et a clairement freiné le développement du site et de ses activités connexes. Je vais illustrer ce propos par un exemple qui parlera peut-être plus à l'élite HFR : la chaine de Linux Tech Tips a bien plus d'abonnés que Gamers Nexus par exemple. Pourtant, la seconde a une valeur d'information bien supérieure à la première. La différence n'est pas vraiment au niveau de l'exposition qu'elles recoivent : il y a régulièrement des cross-over qui permettent à l'une ou l'autre de se faire connaitre quand on suit son alter-égale. Qu'est-ce que LTT propose de plus ? Des personnalités mises en avant, des projets divertissants plutôt que techniques et un approche plus grand public, moins technique, dans laquelle un public plus grand se reconnait.
Pour revenir à GA, j'ai identifié des tendances fortes : si je poste une photo random tirée d'une vidéo gopro dégeulasse de moi en snow sur twitter, les likes affluent. Si je poste un article technique qui m'a pris deux jours à concocter, que dalle. Idem sur FB : l'article sur les 7L à l'automne doit être celui qui a été le plus liké/partagé, parce qu'il y a de belles images et que j'y raconte ce qu'on a fait pendant une journée de ride. Certes, une part de ce "succès" vient du besoin de communauté que je développerai pas parce qu'on dévie du sujet initial.
Ce que je veux expliquer c'est que derrière ce déni d'une part de la communauté initiée (pour ne pas dire l'élite HFR), cette tendance des "influenceurs" à miser sur la mise en lumière de leur vie est en réalité un coup de maitre, qu'on l'apprécie ou pas. Les gens raffolent de ce "voyeurisme" accessible. Ils veulent suivre l'histoire, les vlogs sont parfois un peu comme un livret intime dans lequel on s'engouffre sans se mouiller. D'autant plus quand le personnage principal leur ressemble. Chuck Palahniuk (l'auteur entre autres de fight club) disait que ses livres sont basés sur des histoires ou anecdotes qu'on lui raconte chaque semaine. Quand le randonneur du dimanche à VTT (qui constitue un public conséquent) voit dudule de xcvttchépakwa se vautrer, il rigole parce qu'il a déjà vécu la même chose, et que ça lui fait du bien de voir qu'il est pas le seul à être nul. Quand il le voit s'améliorer, il se dit qu'il y a de l'espoir pour lui-même. On est peut-être nombreux à avoir un regard critique sur ce genre de contenu, mais c'est ce qui est le plus populaire. Et si c'est populaire, c'est que ça a de la valeur pour les gens.
On peut dire ce qu'on veut, le fait est qu'il a trouvé son public, et les marques cherchent avant tout à toucher un public aussi large que possible. A moins d'avoir un positionnement extrêmement orienté, si tu fais un contenu hyper qualitatif mais que tu touches 10 clampins, la marque préfèrera se diriger vers duduledu26 (no offence les dromois ) qui génère beaucoup de traffic pour afficher ses produits. Ce n'est pas une course au mérite, mais aux résultats. Le défi quand tu veux faire du contenu de grande qualité, potentiellement à visée éducative, c'est justement de le rendre accessible, relatable, et suffisamment pointu sans entrer dans les excès pour avoir la plus large portée possible.
Si comme certains semblent le dire il surjoue le copinage avec les marques, c'est un choix stratégique à double-tranchant. En temps qu'"influenceur" ou "créateur de contenu" tu peux être courtisé par une marque qui cherche uniquement à atteindre ton public. Ou tu peux être reconnu pour la qualité du contenu que tu crées (à condition quand même d'avoir du traffic et des perspectives, avec 10 clampins tu fais toujours rien). Tout dépend de la stratégie de la marque à ce moment, l'image qu'elle véhicule, et les perspectives que tu es en mesure d'offrir. Beaucoup de marques passent par des agences qui gèrent cette relation avec les youtubeurs/bloggers/etc... et tu sens rapidemment au début de la relation la direction qu'elle va prendre. Avec GA j'ai eu de très bonnes surprises, et des mauvaises. J'ai eu des agences qui devaient m'envoyer des produits de test, dont j'ai pas eu de nouvelles pendant un mois, et qui m'ont répondu quand je les ai recontacté "Ah, oui en fait on est à court d'exemplaires de test". D'autres qui ont carrément changé de stratégie en un mois et m'ont finalement rien envoyé. J'ai aussi eu des demandes pour des articles sponsorisés qui avaient rien à voir avec mon activité .
Mais le fait que reste intransigeant par rapport au standard auquel je porte GA a aussi été très bénéfique. Il y a deux ans on m'a contacté pour parler d'une marque que je ne citerai pas en me disant en gros de relayer une fiche média, ce que j'ai refusé, parce que GA n'est pas là pour se faire le relai direct des marques à coup de communiqué de presse déguisé. A partir de là le discours de l'agence avec qui j'étais en contact a pivoté de 90°, j'ai eu une super opportunité et du matos plus que sympa que j'utilise toujours.
Bref tout ça pour dire que tu peux pas t'en tirer en jouant sur tous les tableaux et en mangeant à tous les rateliers. Si tu as des standards très bas, tu attires les marques qui ont les mêmes standards. Si tu places la barre haut, tu peux avoir moins d'opportunités, mais de meilleure qualité. Et surtout, tout dépend de ce que tu veux construire. Je sais pas si c'est le cas, encore une fois je suis pas du tout le bonhomme, mais tu peux pas reprocher à un gars qui a uploadé quelques vidéos à l'arrache sans trop réfléchir et a connu un succès fou de prendre toutes les opportunités qu'on lui offre.
Mon "idole" dans le domaine c'est quand même feu TotalBiscuit. Le mec a réussi à atteindre je crois 2M de suscribers, s'est battu jusqu'au bout contre le cancer en continuant à faire des analyses extrêmement fines sur le domaine du JV, en envoyant chier les éditeurs aux politiques anti-consommateur et en restant fidèle à ses convictions, avec des opinions pas toujours populaires dans la communauté. RIP.
PS : bon finalement j'ai un peu plus développé que prévu .
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