Reprise du message précédent :
Je vois que ce soir chacun y va de ses petites confidences. A moi de vous faire par de mon parcours...
Tout a bêtement commencé un dimanche de juin. Nous étions à une broc avec des amis quand un vendeur m’a mis entre les mains quelques montres plus ou moins déglinguées à bas prix. Sur l’une d’elle, il me fait remarquer la gravure d’un plongeur au fond du boitier : 80 Euros. Sur une autre, une lunette tournante : 35 euros. Mais celle qui retient mon attention a un look typée seventies et à la particularité de pouvoir afficher les jours de la semaine en anglais ou en espagnol par simple pression du remontoir. Elle a une fonction chrono et un système de remontage automatique. Bien entendu, c’est la plus chère du lot : il en demande 150 Euros. Je ne faibli pas et conclu l’affaire pour 120 heureux. Je viens d’acheter ma première SEIKO… et de mettre les pieds dans un engrenage dont j’étais bien loin de soupçonner les conséquences.
Très fier de cette acquisition, je relègue illico presto au fond du placard les quelques tocantes à quartz qui encombraient le tiroir de ma table de nuit depuis de longues années et dont j’avais fini par oublier jusqu’à l’existence même.
C’est l’été et je profite des manches courtes pour exhiber à tout vent mon nouveau trésor mécanique. Au bureau, quelques collègues remarquent ma nouvelle montre, ce qui ne s’était jamais produit jusqu’alors et ce qui n’a rien de désagréable. Plus tard, un commerçant, spécialiste de matériel photo de grande précision (j’ai la chance de posséder un LEICA M6 dont la mécanique n’a rien à envier aux plus belles tocantes du monde) arrête même mon bras d’un geste vif avant de lâcher : « bel objet… ». J’en rougit presque et me conforte dans ma décision : c’était un bon achat. Je ne tarde cependant pas à déchanter lorsqu’en juillet, voulant la remettre à date, le remontoir me reste dans les mains. Je me met sans tarder à la recherche d’un horloger sur le net et mes pérégrinations m’amènent à prendre contact avec un horloger près de Nice, qui gère sur E-bay une boutique essentiellement vintage et qui me semble avoir toutes les compétences requises. La proximité d’un autre horloger qui serait probablement tout aussi compétent ne me vient même pas à l’esprit. Sans prendre d’engagements, celui-ci m’invite à lui adresser l’objet pour examen. Le verdict est sans appel, pour 38 Euros (tout de même…) il peut lui redonner un nouvel éclat notamment en graissant ses rouages… mais le crochet qui a cédé est irremplaçable : la pièce n’est plus disponible de longue date chez le fabricant.
Cet objet qui n’est qu’une montre et que je croyais jusqu’alors négligeable à mon existence prends dès lors une tout autre dimension : il me faut la réparer coûte que coûte. Faute de mieux, je le mandate donc pour le graissage de la belle qui me revient quelques semaines plus tard. Mais ce dateur qui ne sert plus a rien et va jusqu’à indiquer une date erronée m’obsède. Je ne saurais m’en contenter et me met rapidement en quête d’un autre « garde temps ».
Ebay me permet de me porter acquéreur facilement et à moindre frais de 2 montres sans prétentions qui ont toute deux un look singulier à mes yeux. Une Cincaset emportée pour la modique somme de 40 euros (finalement payée 20 au vendeur puisque celle-ci présentera des défauts de fonctionnement) et une montre Diane, dont le boîtier est un tout point identique à la Cincaset, mais au graphisme et aux fonctions radicalement différente et pour laquelle je payerai toute de même la somme rondelette de 117 euros.
En me rendant chez un bijoutier laotien au coin de ma rue (j’habite Belleville) pour remettre la première en état et pour faire l’acquisition d’un bracelet pour la seconde, 1 surprise de taille m’attend : ancien revendeur SEIKO, il dispose encore de quelques pièces détachées et se propose de jeter un œil sur ma montre défunte. Allégés de quelques dizaines euros pour les frais de remise en état de la Cincaset et l’acquisition de mon bracelet (un superbe requin véritable surpiqué blanc), je me précipite à la maison pour extraire de son tiroir ma SEIKO déglinguée. Le miracle aura bien lieu, et pour la modique somme de 25 euros je récupère quelques 2 semaines plus tard ma montre en parfait état. Je suis un homme comblé (du moins le croyais-je…) arborant désormais en alternance à mon poignet 3 montres originales, « pur jus », et aux doux accents de vintage….
C’était sans compter la passion horlogère qui ne cesse de me dévorer depuis, celle que vous connaissez bien, cette maladie que l’on appelle OHP (Obsession Horlogère Permanente) ou CHI (compulsion Horlogère incontrolable). Je surfe le web tout Azimut et commence à collecter un maximum d’informations. C’est à ce moment je crois que je tombe sur le topic unique des montres, qui sera l’une de mes plus précieuses sources d’inspiration. Je découvre les magazines « MONTRES », superbe, et « La revue des Montres », qui a le mérite de paraître tous les mois. Chic, en cette période de fin d’année 2006, l’Express à la bonne idée de sortir un hors série sur les montres… Je lis tout ce qui traine… et perds mon regards des heures durant sur les trésors d’horlogerie mis en avant sur le site www.lacotedesmontres.com. Je commande des catalogues (superbe le Sinn…) et me délecte du moindre commentaire sur les nombreux forums consacrés à l’horlogerie.
Je fais rapidement l’acquisition d’une TISSOT PR 516, vintage de 1969, chrono à remontage mécanique, en parfait état. Un choc à mon insu l’endommagera cependant à peine quelques semaines plus tard, un comble pour cette montre dont les lettres PR signifient « Particulièrement Robuste ». Ouf, le vendeur est horloger de profession et me la répare sous garantie.
Quelques semaines plus tard, je m’offre une automatique à guichet de marque Gladius, qui a la particularité d’afficher les jours de la semaine dans une langue que je ne connais pas et qui se révèlera être du portugais.
Je me surprends à rêver sur les origines lointaine de ces pièces qui ont tout de même, comme moi, une bonne trentaine d’années. J’en ouvre certaines pour contempler leurs entrailles. Voyageur de longue date, d’abord par goût, aujourd’hui aussi par nécessité professionnelle, je rêve de complications GMT, d’alarme, de phase de lune,.... Par ailleurs, mon vocabulaire s’enrichit : je découvre les tourbillons, les ancres, les échappements, les calibres ETA et autres Valjoux,… Mon regard sur les montres des autres change et je jauge également désormais clients et fournisseur d’un coup d’œil à leur poignet gauche. Les conseils précieux d’amateurs avertis m’empêchent de faire de grosses bêtises : plus que jamais, je rumine la célèbre morale de Monsieur de La Fontaine « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ».
Mon obsession me conduit vers la manufacture Jaeger Lecoultre. J’aime cette marque et un grand nombre de ses modèles. L’un d’entre eux excite tout particulièrement ma convoitise. Il s’agit de la Master Compressor Extrème World. Cette montre ne fait pourtant pas l’unanimité sur les forums : massive, audacieuse, ses lignes modernes en choquent plus d’un. Je ne la trouve que plus bouleversante. L’affichage simultanée des 24 fuseaux horaires, le chrono (superbe), l’indicateur de marche original, ses dimensions imposantes, les 2 bracelets et le système de changement rapide, … tout me plait dans cette montre ; sauf son prix. Je lis et relis 10 fois le test de la côte des montres. Je découvre les aventures d’Emmanuel Cointre (parfait inconnu jusqu’alors). Dès sa parution, je me précipite à la boutique Jaeger Lecoultre pour faire l’acquisition de ce superbe ouvrage « la manufacture » (dont le texte se révèlera toutefois aussi décevant que les photos magnifiques). Mais ni la boutique Jaeger Lecoultre, ni Chronopassion, ni Wempe ne sont en mesure de me montrer la bête. Ce modèle est en rupture chez tous les détaillants depuis plusieurs mois. J’ai la chance d’habiter Paris et les horlogers les plus renommés me mettent entre les mains de petites merveilles : une Chopard Mille miglia, une Bréguet type XX, des IWC portugaises, Spitfire ou ingénieur, un superbe chono Girard Perregaux, un modèle Hublot imposant mais rien n’y fait : je veux, je doit voir cette montre déraisonnable (dans tous les sens du terme). Je veux cette Master Compressor Extrème World.
Elle n’est pas disponible chez les revendeurs agréés, que cela ne tienne : je prend contact avec des horlogers qui font de l’occasion sur Chrono 24, à Canne d’abord, puis à Stuttgart, en Hollande ou à Genève. Je suis sur le point de convenir d’un rendez-vous avec un bijoutier de Genève mais la montre m’échappe avant que je ne puisse m’y rendre. J’échange de longs mails avec de parfaits inconnus. Je lis, je relis toutes mes documentations, tous les tests, tous les commentaires disponibles sur le net. A l’approche des salons de Bâle et de Genève, j’apprend que de nouveaux modèles vont voir le jour en 2007. L’extrème LAB me fascine instantanément mais je m’interdit immédiatement ne serais ce que d’y penser un instant : à 200.000 Euro la folie, il est urgent d’y renoncer tout de suite. Je considère avec plus d’intérêts les versions Alarme et Divers appelées à sortir bientôt mais rien n’égale pour moi la puissance du modèle que je considère comme « L’originale ». J’ai appris dans mes recherches que la gamme Master Compressor tire ses lignes de la Memovox Polaris éditée dans les années 70, et dans lequel je retrouve en effet un peu de cette ligne élégante et racée qui me plait tant dans ce modèle. Plus que jamais convaincu de son alliance parfaite de classicisme et de modernité, je n’en démord pas : il me faut, je veux, j’aurais bientôt une EXTREME WORLD MASTER COMPRESSOR.
La suite de l’histoire, j’ai à peine besoin de vous la raconter tellement elle est évidente. Rendez-vous sera pris le samedi 12 mai 2007 dans les salons feutrés du bar de l’Hôtel George VII, avenue de l’Opéra, à Paris avec un amateur averti, pourtant déjà lassé (bien lui en fasse) de son acquisition après l’avoir seulement porté quelques fois à son poignet. Pour quelques misérables poignées d’euros, je deviens propriétaire d’une montre exceptionnelle dont je veux croire qu’elle n’est pas prête de quitter mon bras. Il est exactement 15H40.
Epilogue
Je suis et je reste une victime consentante des folies horlogères d’aujourd’hui et de demain. Mes rêves s’appellent désormais Blancpain Léman réveil GMT, Bréguet Type XX, Bell&Ross BR01-97, Panerai (PAM 111), Vulvain cricket Aviator elapse time, ..
Dieu merci, l’offre du marché horloger est à la mesure de mes envies : infinie.
Mais par pitié, faites que je n’ai pas les moyens de les posséder toutes : il fait si bon les désirer...
Bon tic, bon tac à tous.
Archibald.