Teto Ligne de fuite | Je suis allé voir Hidden figures hier.
J'avais vraiment envie de voir ce film, car j'aime bien les biopic, quand c'est bien fait. Donc déjà, pour ceux que ça défrise, molette jusqu'au post suivant, car c'en est un.
Il y a 3 types de biopics, ceux qui sont au service de leur sujet (Spotlight), ceux qui se servent de leur sujet pour parler d'autre chose (The Butler) et ceux qui s'en servent juste de point de départ pour en faire un objet artistique bien à eux (Amadeus, mais vous aviez déjà deviné). Hidden Figures (HF) fait clairement partie de la 1ère catégorie, mais avec de vrais morceaux de la seconde dedans.
Le tl;dr habituel se trouve à la fin, tout comme une partie spoiler sans vrais spoiler mais qui pourrait dénaturer l'expérience de ceux qui voudraient voir le film.
Déjà, pour donner une idée de la qualité du film on est très loin de The Butler, qui est un étron malodorant, alors qu'il traite au final plus ou moins du même sujet. Mais alors que dans The Butler la bio du majordome à la Maison Blanche était un prétexte pour retracer 50 ans d'histoire des droits civiques, et de la pire des façons possibles (académique, lourde, empesée, démonstrative, clichée, etc), dans HF, qui parle en creux de la même chose mais sur une période plus ramassée (fin des années 50), rien de tout ça, et dans le traitement le film lorgne beaucoup plus du coté de Spotlight, sans en atteindre la rigueur historique toutefois. En revanche cela reste un biopic, avec ce que cela implique de passages obligés et de scènes "signifiantes", mais débarrassés de la lourdeur habituelle qui va avec (j'en reparlerai).
L'histoire : On suit le parcours de 3 femmes mais surtout celui d'une d'entre-elles, Katherine Johnson, dans leur carrière au sein de la NASA à une époque où la ségrégation était une réalité bien ancrée et les Russes loin devant les Américains pour la conquête spatiale. Le film débute d'ailleurs par l'enfance (expédiée en quelques minutes seulement) de Katherine, génie mathématicienne précoce (bac à 14 ans entre autres) qui aura la chance de pouvoir suivre des études grâce au soutien indéfectible de ses parents et de bourses octroyées aux Nègres (terme employé à dessein ) qui lui ouvriront les portes de la Nasa. Mais on suit aussi le parcours de Dorothy Vaughn (supervisor wannabe) et Mary Jackson qui essaiera de devenir ingénieure d'essai, encouragée par son chef qui croira toujours en elle.
À ce propos, un mot sur l'actrice Janelle Monaé qui joue le rôle de Mary :
C'est quand elle veut, où elle veut et comme elle veut. Voilà, le cri primal étant sorti, je peux reprendre une activité normale (non sans dèc' elle est d'une beauté renversante).
Le film s'arrête au moment du vol de John Glenn.
Les acteurs :
Ils sont tous excellents, sans exception. Parmi les guest remarqués on a Kostner, dans un rôle qu'il a souvent dans ce genre de film. Mais il a la légitimité quand on connait ses actions passées (et qui auront coûté sa carrière). Kirsten Dunst est très bien aussi ainsi que Jim Parsons dans des rôles pas faciles, on a aussi Mahershala Ali dans les têtes que je connaissais, et quelques autres. Le trio des héroïnes est formidable et Taraji P. Henson aurait mérité l'Oscar autant que Stone. Un mot encore sur Janelle Monaé, qui est une musicienne à la base et pas du tout une actrice. Ben qu'elle continue, je n'ai vu aucune différence avec les autres. Une révélation pour ma part. Et l'alchimie entre les 3 actrices est carabistouillante.
Biopic quand tu nous tiens :
Le problème récurrent avec les biopics, surtout d'époque, est une propension à avoir une reconstitution tellement soignée qu'elle devient un personnage à part entière et qu'elle relègue parfois l'intrigue au second plan (Carol, c'est toi que je regarde). Ce n'est pas du tout le cas ici j'ai trouvé. Le film est très coloré (merci, merci), les costumes, coiffures, voitures, objets, machines, etc sont bien mis en valeur, mais sans ostentation j'ai trouvé. La photographie est sublime by the way. La structure narrative ne fait pas trop biopic, quand on ne connait pas ce qui a été adapté et ce qui est la stricte vérité historique. Surtout, le script et la structure du récit sont excellents: entre deux séquences se passant à la NASA et les difficultés d'y être noire et femme, on suit la vie des trois femmes (avec des thématiques différentes pour chacune) dans des séquences qui permettent d'aérer le récit et d'éviter tout académisme. De ce point de vue le film est une réussite pour moi. Cela reste un biopic, mais clairement j'ai trouvé que c'était mieux fait que d'habitude. Après cela reste subjectif.
Ton général :
Autant le dire tout de suite, rien de larmoyant, c'est même plutôt """guilleret""". On suit le parcours de 3 badass (le terme est approprié ici) brillantissimes et dont la vie ne sera pas plombée par la ségrégation. Oui elles auront des problèmes à cause de ça, mais le film n'est pas une tragédie façon 12 years a slave, cela n'a rien à voir. Et j'ai trouvé ça très bien. Je n'ai pas besoin qu'on me fasse la leçon, je la connais et l'ai bien apprise. En revanche qu'on me montre une success story sur des femmes admirables qui ont su s'en sortir de par la force de leur caractère et de leur talent, là je suis client, et c'est tout à fait ça ici.
À ce titre le film (après l'enfance de Katherine) s'ouvre sur une séquence qui résume parfaitement le ton général et qui m'a faire comprendre que j'avais à faire à un très bon film : Les 3 copines vont en voiture à leur nouveau travail (la NASA) et sont en panne. Tandis que l'une répare, arrive un flic tout de suite suspicieux (normal, 3 Noires en panne, seules, en Virginie, allô ?). La séquence permet de montrer l'époque, la ségrégation, mais surtout l'intelligence de ces femmes. J'en dis pas plus pour pas spoiler, mais la fin de la séquence est à mourir de rire (pas un rire hahaha, mais quand même). Presque tout le film est comme ça. Il est d'une intelligence rare car il évite presque tous les écueils du biopic traditionnel. C'est simplement un très bon film, et le succès outre-atlantique n'est pas là par hasard (OK, ce que je dis est un peu fallacieux ).
Le reste :
Acteurs formidables, photographie superbe, reconstitution soignée mais pas tape-à-l’œil, script au poil, que dire d'autre? À voir en VO impérativement, déjà. Ensuite la réalisation ne manque pas de talent. Pas extraordinaire, mais mieux que simplement utilitaire. Elle sert le récit. Pas une once de gras ou d'inutile dans ce qu'on voit. Musique excellente et parfaitement dans le ton. Pas mal de scènes marquantes mine de rien. Décors somptueux. Mélange intelligent entre archives, film, et cgi (on voit quand même des plans se passant dans l'espace). Le film est très immersif je trouve. Quelques répliques sur la bonne conscience de certains Blancs assez bien sentis. Et au final on sent que leur sexe a été autant problématique pour ces femmes d'exception que leur couleur de peau.
Maintenant partie spoiler sur ce que je n'ai pas trop aimé et autres petits trucs mais en parler c'est dénaturer la vision du film (même si je n'y spoile pas grand chose) :
Spoiler :
- 1er truc qui m'a chagriné, après coup, quand je me suis renseigné : Les 3 filles se connaissaient probablement, mais n'étaient en aucun cas proches. On comprend pourquoi les scénaristes ont eu ce parti pris, et j'aurais fait pareil, mais c'est dommage. J'aurais aimé que cette amitié et cette complicité soit réelle.
- Surtout, le plus gros problème du film, et c'est un travers de nombre de biopics, est qu'elle décrit une réalité, mais qui n'était déjà plus d'actualité à la NASA pendant la période décrite. La vraie Katherine, qui a beaucoup aimé le film quand même, a dit qu'elle n'a jamais souffert, à aucun moment, de discrimination de part son sexe ou sa race. C'était le cas avant, quand la NASA s'appelait encore NACA, mais c'était fini depuis quelque temps déjà quand elle y est rentré. Elle a toujours utilisé les toilettes pour femmes sans distinction, et n'a jamais eu à faire des km pour aller dans celles réservés aux gens de couleur, de toute façon ça n'existait déjà plus. Le film décrit une réalité qui n'avait déjà plus cours à la NASA. On comprend le pourquoi, se servir du destin de ces femmes pour parler de la ségrégation, mais à un endroit qui était sans doute l'endroit le plus progressiste à cette époque, que ce soit au niveau race ou sexe. C'est ballot.
- John Glenn sous un jour que je ne connaissais pas. J'ai trouvé ça très sympa.
D'un point de vue général, les climax et les difficultés rencontrés par les filles ont été pas mal modifiés pour les besoins du film (je vous laisse chercher si cela vous intéresse). Un peu dommage, mais c'est pas trop grave si on ne connait pas avant d'aller voir le film. Par exemple, le coup du talon de la chaussure coincée dans le caillebotis est une invention, on s'en doute tout de suite.
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Le seul truc un peu délicat qui pourrait rebuter est que le film souffre de certains parti-pris qui pourraient agacer. Exemple (unique) par l'image :
Qu'est-ce qu'on voit : Une seule femme noire dans une équipe de mâles très wasp (avec Bing Bang Theory de dos). La réalité ? Si Katherine a bien été la première Noire dans l'équipe, il y avait déjà pas mal de femmes. Perso, je trouve qu'ils auraient pu éviter ce parti-pris qui au final amoindrit la force de la scène.
tl;dr : C'est assurément un biopic, avec ce qu'il faut d'arrangements avec la vérité historique pour faire passer certains messages. Est-ce que le film mérite d'être vu sur grand écran? Oui, définitivement, car c'est avant tout un beau film, très bien filmé et photographié. Est-ce un bon film ? Oui... et moui. Oui quand on ne connait rien de l'histoire de ces femmes, car on est avec elles pendant tout le film, c'est passionnant, pas ennuyeux pour 2 sous. Moui car une fois qu'on est renseigné, on regrette que certaines très belles scènes soient complètement inventées, même si on comprend le pourquoi d'un point de vue narratif. Est-ce quand même un film à voir? Pour moi oui, il mérite largement le déplacement. Mais il est à prendre comme un très bon film, pas comme un biopic historiquement exact.
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I am Moanaaaaaaa !!! (et en version legit!)
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